G.T.O a écrit : ↑18 sept. 21, 12:33
Candyman de Nia DaCosta.
Évidemment, en prenant soin de ne pas comparer à l’original et superbe film de Bernard Rose, imparable dans son genre de conte horrifique, il y’a de quoi se réjouir face à la rigueur de cette suite mentale, personnelle, qui en revisite habilement le mythe.
La poursuite du mythe ne se fait pas par un retour au passé du personnage, peintre torturé pour une relation interdite, thème déjà exploré dans le 2eme opus. Mais dans l’idée assez astucieuse de répéter le destin de la figure, la realité historique de sa fonction qui se perpétue au fil du temps par différents acteurs. De cette idée fascinante du monde comme scène de théâtre, où un rôle archetypal est occupé par un spectateur fasciné secrètement revendicateur, Nia dacosta en tire tout un jeu sur les reflets, miroirs, célébrité. Les scènes de meurtre sont d’ailleurs perturbante par l’illusion dont elle procède, l’œil ne trouvant plus de repère stable. On pense alors à un Poltergeist 3 réflexif ou le Shymalan de Signes. Figurer la traversée du miroir comme métamorphose d’un acteur, habitation d’un rôle confère aussi à ce récit présumé gigogne, une concentration heureuse, la densité d’une focalisation de portrait, comme si on assistait sous nos yeux à la naissance d’un personnage. Émergence d’un personnage de croque-mitaine, légende urbaine, mauvaise conscience d’une minorité en quête de vengeance pris dans une modernité happée par l’apparence et les signes.
Une bonne surprise
6,5/10
Vu aussi, même note, mais pas exactement le même ressenti.
Indéniablement un très bel objet formel : la mise en scène est très classe, la photo est belle, la musique est dans la droite lignée de ce qu'avait fait Philip Glass sans pour autant tomber dans le pompage (bien que le fameux thème soit utilisé par moments, mais dans de subtiles variations), et l'atmosphère est soignée (dès le magnifique générique d'intro, on est direct plongé dedans).
Malheureusement, puisqu'on est en 2021, il faut que le message politique sous-jacent soit annoncé sans grande subtilité, là où l'original n'avait pas besoin de faire dans le tract politique pour acquérir une profondeur sociale.
Le propos sur la construction des mythes et légendes, en tant que figure cathartique pour apaiser les opprimés, est très intéressant sur le papier, mais pas besoin pour ça de multiplier les sous-entendus qui n'en sont même plus à force d'être martelés (et on passera sous silence le fait que tous les blancs du film sont soit ridicules, soit méchants, soit les 2 à la fois).
Et pour ne rien arranger, les 10 dernières minutes sont à la fois trop bordéliques (en terme de narration, ça part un peu dans tous les sens) et trop précipitées (le film aurait bien mérité une dizaine de minutes supplémentaires pour développer sa mythologie).
Au-delà de ça, cette relecture/suite du film de Bernard Rose reste un film d'horreur tout à fait honnête, et surtout d'une grande efficacité lorsqu'il s'agit de poser son ambiance et donner corps à sa légende urbaine, notamment à travers quelques images très fortes (pas mal fan du look du Candyman final). En tant que fan de cinéma d'horreur, c'est plutôt ça que j'ai envie de retenir.
Et je vais surveiller la suite de la carrière de Nia DaCosta, il y a un talent certain là.