Claude Chabrol (1930-2010)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Avatar de l’utilisateur
Kevin95
Footix Ier
Messages : 18368
Inscription : 24 oct. 04, 16:51
Localisation : Devine !

Message par Kevin95 »

Max Schreck a écrit : Il y a une scène que j'adore, c'est celle où Trintignant raconte une histoire complétement con lors d'une soirée
Moi, c'est le prologue ! :mrgreen:
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
Gromit
Accessoiriste
Messages : 1816
Inscription : 23 déc. 04, 12:16
Localisation : 62, West Wallaby Street

Message par Gromit »

Max Schreck a écrit :
Eusebio Cafarelli a écrit :Les Biches

Froid, très froid. Superbe distribution d'où émerge la magnifique Stéphane Audran qui joue l'ennui avec classe et distinction. L'histoire dérive vers la folie, mais y a-t-il de l'amour dans tout cela, ou seulement différentes façons de passer le temps ?
Effectivement le film n'est pas très accueillant avec aucun personnage vraiment sympathique ou avec lequel on pourrait être amené à partager quelque chose. Il y a une scène que j'adore, c'est celle où Trintignant raconte une histoire complétement con lors d'une soirée au coin du feu de cheminée. Il y est question d'un sage sur la montagne ou un truc du genre, avec une chute absurde qui m'avait fait mourir de rire !
Ca y est, je l'ai vu. Sûrement pas l'un des Chabrol les plus passionnants mais certainement pas non plus un de ses navets (et il en a fait quelques uns ! :wink: ). Une atmosphère étrange et cette étrangeté constitue l'un de ses meilleurs atouts. L'impression de torpeur insidieuse qui s'installe (plus que de froideur, à mon sens) colle au spectateur et débouche sur une sorte d'hypnose.

Au rayon négatif, une musique très datée qui m'a bien pris la tête et, beaucoup plus gênant, une fin qui se délite, des longueurs inutiles et un épilogue qui n'a aucun sens. On voit bien que Chabrol essaie de faire passer ça pour de l'Absurde mais il donne plus l'impression de ne pas savoir comment terminer son film et du coup ça devient un peu n'importe quoi et, qui plus est, très prévisible (les multiples plans sur le sac de Why...).

Le film est dominé par Stéphane Audran, magnifique ! J'ai toujours eu un grand faible pour cette superbe actrice, d'une sensualité qui plus est débordante et qui demeure l'une des actrices françaises les plus appréciées en Angleterre, ceci juste pour l'anecdote. Ici, c'est elle qui donne tout son charme à l'atmosphère du film car c'est elle, l'atmosphère. Tout simplement. Jacqueline Sassard (que je n'avais pas revu depuis "Accident" de Losey) tient pas mal son rôle mais souffre vraiment de la comparaison avec sa partenaire.
Trintignant n'a pas grand-chose à faire mais il est bien sûr parfait.
Image
Avatar de l’utilisateur
Eusebio Cafarelli
Passe ton Bach d'abord
Messages : 7895
Inscription : 25 juil. 03, 14:58
Localisation : J'étais en oraison lorsque j'apprends l'affreuse nouvelle...

Message par Eusebio Cafarelli »

Kevin95 a écrit :
Max Schreck a écrit : Il y a une scène que j'adore, c'est celle où Trintignant raconte une histoire complétement con lors d'une soirée
Moi, c'est le prologue ! :mrgreen:
Les images du tout début sur la passerelle à Paris sont quasiment picturales et d'une grande beauté.
Avatar de l’utilisateur
Eusebio Cafarelli
Passe ton Bach d'abord
Messages : 7895
Inscription : 25 juil. 03, 14:58
Localisation : J'étais en oraison lorsque j'apprends l'affreuse nouvelle...

Message par Eusebio Cafarelli »

Gromit a écrit :
Max Schreck a écrit : Effectivement le film n'est pas très accueillant avec aucun personnage vraiment sympathique ou avec lequel on pourrait être amené à partager quelque chose. Il y a une scène que j'adore, c'est celle où Trintignant raconte une histoire complétement con lors d'une soirée au coin du feu de cheminée. Il y est question d'un sage sur la montagne ou un truc du genre, avec une chute absurde qui m'avait fait mourir de rire !
Ca y est, je l'ai vu. Sûrement pas l'un des Chabrol les plus passionnants mais certainement pas non plus un de ses navets (et il en a fait quelques uns ! :wink: ). Une atmosphère étrange et cette étrangeté constitue l'un de ses meilleurs atouts. L'impression de torpeur insidieuse qui s'installe (plus que de froideur, à mon sens) colle au spectateur et débouche sur une sorte d'hypnose.

Au rayon négatif, une musique très datée qui m'a bien pris la tête et, beaucoup plus gênant, une fin qui se délite, des longueurs inutiles et un épilogue qui n'a aucun sens. On voit bien que Chabrol essaie de faire passer ça pour de l'Absurde mais il donne plus l'impression de ne pas savoir comment terminer son film et du coup ça devient un peu n'importe quoi et, qui plus est, très prévisible (les multiples plans sur le sac de Why...).

Le film est dominé par Stéphane Audran, magnifique ! J'ai toujours eu un grand faible pour cette superbe actrice, d'une sensualité qui plus est débordante et qui demeure l'une des actrices françaises les plus appréciées en Angleterre, ceci juste pour l'anecdote. Ici, c'est elle qui donne tout son charme à l'atmosphère du film car c'est elle, l'atmosphère. Tout simplement. Jacqueline Sassard (que je n'avais pas revu depuis "Accident" de Losey) tient pas mal son rôle mais souffre vraiment de la comparaison avec sa partenaire.
Trintignant n'a pas grand-chose à faire mais il est bien sûr parfait.
D'accord sur les acteurs (y compris le couple d'excentriques) et sur Stéphane Audran.
Froideur parce qu'il est difficile de croire aux sentiments avancés.
Pas d'accord sur l'épilogue, certes prévisible mais donc pas absurde
SPOILER Why, sans identité même sexuelle, devient progressivement Hélène, adoptant ses vêtements, son ennui, sa voix. Elle tue Hélène, je crois non par jalousie ou par folie, mais parce qu'elle est renvoyée en tant que Why, c'est-à-dire renvoyée à son inexistence. Elle tue pour être.FIN DU SPOILER
Jordan White
King of (lolli)pop
Messages : 15433
Inscription : 14 avr. 03, 15:14

Message par Jordan White »

Le Boucher : Stéphane Audran joue une institutrice d'un bourg sous le choc après la découverte du corps ensanglanté d'une jeune femme.
Popaul, le boucher, homme rugueux mais pas méchant tente de s'approcher d'elle.
Chabrol n'a pas son pareil pour décrire la vie et les turpitudes de la bourgeoisie, en fait ce sera surtout le cas avec ses films à venir, et surtout La Cérémonie. Ici, les gens sont simples, ont un accent du Périgord chantant, ont peur et craignent pour leur tranquilité. C'est la vie de tous les jours qui est bouleversée qui apporte tout le sel, surtout au niveau du rapprochement entre les deux principaux protagonistes qui ont appris à se connaître.

La scène où tout se dévoile enfin, a, si on la replace dans le contexte de départ et de la première rencontre, un goût amer d'amour fragile qui part alors en fumée par les circonstances.
J'ai bien aimé mais j'aurais préféré une fin moins sèche et ouverte qui me gâche un poil le plaisir. On peut interpréter à sa façon, mais j'aurais voulu des choses un peu plus claires là dessus.
6.5/10
Image

Je vote pour Victoria Romanova
Jordan White
King of (lolli)pop
Messages : 15433
Inscription : 14 avr. 03, 15:14

Message par Jordan White »

Les Noces Rouges :
SPOILER

Petites affaires provinciales, cocufiage et pots-de vins, portrait de la bourgeoise qui s'ennuie et trompe, du veuf qui la rejoint pour lui faire l'amour en essayant de ne pas se faire choper. Le tout arrosé par un bon vin de circonstance. Du Chabrol tout craché, et du Chabrol en forme, avec des dialogues claquants, et des acteurs épatants pour les servir, surtout le trio d'amour/haine/fascination Audran, actrice fétiche du réal ( svelte et regard mutin), Piccoli ( décontracté) Piéplu ( cynique jusqu'au bout des ongles).
En pleine possession de ses moyens, Chabrol croque des personnages qui se bouffent et se détestent, tout en s'adorant et en cherchant à vivre l'interdit. L'adultère, les magouilles sont deux des mamelles de l'histoire, mais c'est surtout celle d'un amour fou et impossible, voué à faire plonger les deux complices qui est passionnante.
La morale est en plus sauve : le crime ne paie pas, ou alors il faut en payer le prix, cf l'image finale.
Prix de la mise en scène.
8/10
Image

Je vote pour Victoria Romanova
Jordan White
King of (lolli)pop
Messages : 15433
Inscription : 14 avr. 03, 15:14

Message par Jordan White »

La femme infidèle : Je continue mon cycle Chabrol des années 60-70 et autant j'avais trouvé Noce Rouges proche de la perfection, tout du moins excellent sur bien des points, autant là La Femme Infidèle me calme direct. Je ne sais pas si Chabrol avait donné des indications à ses acteurs allants dans le sens de la désincarnation et du jeu en mezzo tempo, mais tout du long j'ai eu l'impression de voir un ballet d'images soporifiques, proche de la neurasthénie, avec des comédiens qui semblent ne pas y croire et jouer la fatalité. Si bien que le film passe sans qu'aucune émotion ne perce, sans qu'à un moment je ne me sente concerné, sans que les personnages eux-mêmes ne semblent chambouler par ce qui leur arrive.

La réalisation est pataude et assez impersonnelle, aucun éclat, c'est terne voire austère tout du long. Quelques moments viennent réveiller cette oeuvre de la léthargie complète dont la visite de la maison de l'amant, seul véritable moment de tension dans un film à l'encéphalogramme plat, sorte de brouillon, croquis de qui sera plus tard en 1973 le très abouti Noces Rouges, sur les mêmes thèmes, avec la même actrice principale et un Piccoli d'une toute autre teneur que le trop mesuré Michel Bouquet.
Un fim très difficile, pas du tout aimable, dur et avec lequel il faut s'accrocher pour rentrer dedans. Et quand c'est le cas, ça se finit vite et ça n'a guère plus d'intérêt.
4/10
Image

Je vote pour Victoria Romanova
Max Schreck
David O. Selznick
Messages : 14811
Inscription : 13 août 03, 12:52
Localisation : Hong Kong, California
Contact :

Message par Max Schreck »

Jordan White a écrit :La femme infidèle : Je continue mon cycle Chabrol des années 60-70 et autant j'avais trouvé Noce Rouges proche de la perfection, tout du moins excellent sur bien des points, autant là La Femme Infidèle me calme direct. Je ne sais pas si Chabrol avait donné des indications à ses acteurs allants dans le sens de la désincarnation et du jeu en mezzo tempo, mais tout du long j'ai eu l'impression de voir un ballet d'images soporifiques, proche de la neurasthénie, avec des comédiens qui semblent ne pas y croire et jouer la fatalité. Si bien que le film passe sans qu'aucune émotion ne perce, sans qu'à un moment je ne me sente concerné, sans que les personnages eux-mêmes ne semblent chambouler par ce qui leur arrive.

La réalisation est pataude et assez impersonnelle, aucun éclat, c'est terne voire austère tout du long. Quelques moments viennent réveiller cette oeuvre de la léthargie complète dont la visite de la maison de l'amant, seul véritable moment de tension dans un film à l'encéphalogramme plat, sorte de brouillon, croquis de qui sera plus tard en 1973 le très abouti Noces Rouges, sur les mêmes thèmes, avec la même actrice principale et un Piccoli d'une toute autre teneur que le trop mesuré Michel Bouquet.
Un fim très difficile, pas du tout aimable, dur et avec lequel il faut s'accrocher pour rentrer dedans. Et quand c'est le cas, ça se finit vite et ça n'a guère plus d'intérêt.
4/10
Moi je trouve ce film très beau dans sa description du couple Bouquet/Audran. Bouquet, par sa classe sociale, garde son devoir de réserve mais on le devine déchiré par son amour pour sa femme. La froideur de Chabrol parvient paradoxalement à créer des émotions que je trouve assez sublimes car reposant sur le non-dit. La fin en particulier m'avait semblé très belle. Et le suspense lors de la scène de meurtre est, je trouve, remarquablement géré, avec des petites pointes d'humour bienvenues (l'automobiliste joué par Dominique Zardi).
« Vouloir le bonheur, c'est déjà un peu le bonheur. » (Roland Cassard)
Mes films du mois...
Mes extrospections...
Mon Top 100...
Bartlebooth
Georges Perec
Messages : 1844
Inscription : 8 déc. 03, 13:18
Contact :

Message par Bartlebooth »

Max Schreck a écrit :
Jordan White a écrit :La femme infidèle : Je continue mon cycle Chabrol des années 60-70 et autant j'avais trouvé Noce Rouges proche de la perfection, tout du moins excellent sur bien des points, autant là La Femme Infidèle me calme direct. [...]
Moi je trouve ce film très beau dans sa description du couple Bouquet/Audran. Bouquet, par sa classe sociale, garde son devoir de réserve mais on le devine déchiré par son amour pour sa femme. La froideur de Chabrol parvient paradoxalement à créer des émotions que je trouve assez sublimes car reposant sur le non-dit. La fin en particulier m'avait semblé très belle. Et le suspense lors de la scène de meurtre est, je trouve, remarquablement géré, avec des petites pointes d'humour bienvenues (l'automobiliste joué par Dominique Zardi).
À mes yeux aussi l'un des grands Chabrol de la période Pompidou, à la mise en scène aussi magistrale que discrète et antidémonstrative. Tout le film, comme son frère jumeau Juste avant la nuit, est fondé sur la rétention des sentiments. D'où la violence foudroyante de l'acting out lors du meurtre de Ronet. La scène suivante du transport du cadavre est brillante : dilatation de la durée, insistance sur la fatigue physique de Bouquet contredite par la musique, sans oublier le gag cité par Max et la citation de Psychose. Et la fin est effectivement magnifique : une série de travellings contrariés par des zooms en sens inverse, qui unissent Bouquet et Audran en même temps qu'ils les séparent. Le thème du couple ressoudé par le crime reparaîtra souvent dans les films ultérieurs de Chabrol.
Alligator
Réalisateur
Messages : 6629
Inscription : 8 févr. 04, 12:25
Localisation : Hérault qui a rejoint sa gironde
Contact :

Message par Alligator »

Le tigre aime la chair fraiche de Claude Chabrol

Un drôle de film. Qui ne ressemble pas vraiment à un Chabrol. J'aimerais bien connaître son histoire à ce film, qu'est-ce qu'il vient foutre dans la filmo de Chabrol? Parce qu'on a affaire là à un film d'espionnage assez sérieux. Avec quelques touches d'humour par-ci par-là dans les dialogues.
Quelques plans bien sentis réhaussent le niveau de cette série Z à la française. Piètre qualité de l'ensemble. Un film d'action mal abouti avec des scènes de baston grotesques et une violence pitoyablement jouée. Les comédiennes sont jolies. Wouah quelle pertinence! Je n'en reviens pas.
L'histoire est plus que moyenne.
Bref, voilà une caravelle qui ne décolle pas vraiment. La faute à pas de charme, à pas de punch, à pas de classe.
Lord Henry
A mes délires
Messages : 9466
Inscription : 3 janv. 04, 01:49
Localisation : 17 Paseo Verde

Message par Lord Henry »

Souvent nécessité fait loi, et dans les années soixante Chabrol en est passé par quelques besognes almimentaires - les deux Tigre, Sur la Route de Corinthe et Marie-Chantal contre le Docteur Kha -, qu'il aura tenté d'épicer d'un second degré pas toujours probant.
Image
Alligator
Réalisateur
Messages : 6629
Inscription : 8 févr. 04, 12:25
Localisation : Hérault qui a rejoint sa gironde
Contact :

Message par Alligator »

Lord Henry a écrit :Souvent nécessité fait loi, et dans les années soixante Chabrol en est passé par quelques besognes almimentaires - les deux Tigre, Sur la Route de Corinthe et Marie-Chantal contre le Docteur Kha -, qu'il aura tenté d'épicer d'un second degré pas toujours probant.
Ah... m'enfin, on ne lui a pas mis le couteau sous la gorge non plus. Il devait bien avoir quelque ambition à propos de ces films.
Il est vrai que Chabrol fait parfois preuve d'un chouïa de cynisme. Peut-être?
gehenne
Howard Hughes
Messages : 19884
Inscription : 19 mai 04, 00:43
Localisation : sous une pierre...
Contact :

Message par gehenne »

SPOILERS -

Le boucher de Claude Chabrol

Dans le film de Chabrol, on a l’impression de rentrer directement dans le microcosme de la France d’en bas, cette vision que l’on pourrait penser franchouillarde de sa propre culture. En rentrant ainsi dans le folklore français, il délivre une vision typique, qui doit avoir bien du mal à passer les frontières. Le mariage, institution indémodable, ouvre le récit et introduit les deux personnages principaux. Popaul et Mademoiselle Hélène. Chabrol prend son temps pour développer cette première rencontre, la noie sous les images du repas, de la fête, pour asseoir un peu plus le contexte de ce petit village où tout le monde semble se connaître.

Le boucher est l’histoire d’une rencontre, d’un amour non partagé et d’une victime. Le réalisateur place le couple au premier plan de son métrage, c’est le duo qui va imposer le rythme, cette dévotion qui s’empare de Popaul et qui va petit à petit le pousser à se rapprocher de Hélène. Et puis la police investit le village comme le meurtre pénètre au cœur de cette relation. Elle pervertit la tranquillité des gens, du couple aussi et du film. Malheureusement, Chabrol délaisse l’intrigue policière, ou du moins ses répercussions dans le quotidien pour s’appesantir sur Hélène et Popaul. Le film ronronne, avance lentement et simplement, mais impose un ennui plus ou moins poli qui encombre laborieusement son bon déroulement. Trop prévisible, trop évident, impossible de se sentir véritablement concerner sur le métrage sans en percevoir les ficelles qui l’animent.

Le dernier tiers, la révélation non surprenante, malgré cette fausse innocence et le long discours de Popaul alourdissent également le film. Bien que la construction de Popaul tout au long du film ne laissait guère de place au suspense ainsi qu’aux motivations, on peut noter toutefois la qualité de l’écriture du personnage et son interprétation. Jean Yann délivre un jeu parfait, entre composition et un naturel que l’on devine. Malgré sa gouaille et la bonne humeur qui le caractérise, on reconnaît parfaitement l’homme que la guerre a brisé. Il évoque constamment la guerre pour illustrer un sentiment, décrire un fait, commenter. Comme un homme qui s’est fait vampirisé par cette dernière et ses horreurs.
Malheureusement, son long discours agonisant, sa dernière complainte est trop didactique, trop explicative. Chabrol abuse de mots. Cette longue tirade devient lourde et ennuyeuse. Elle rappelle la confession de Peter Lorre dans M le maudit, tentant d’expliquer, de justifier ses actes monstrueux. Evidemment, il ne dit pas tout, on devine que les circonstances atténuantes qu’il tente d’évoquer, qu’il ne tue pas forcément poussé par une force, mais qu’il annihile un bonheur évident, qu’il ne peut toucher – le mariage du professeur qu’il détruira en tuant l’épouse et qui lui rappelait son échec avec Hélène.

Le boucher manque un peu sa cible, ne parvient pas à l’effet escompté. Le film n’est pas inintéressant, mais il ne provoque pas l’attention nécessaire. Toutefois, porté par de magnifiques acteurs, et par une réalisation sobre et juste, il se laisse regarder. Les derniers plans contemplatifs son magnifique, et l’aube qui se lève achève le métrage avec une note heureuse…
Ainsi, toujours et pourtant...
gehenne
Howard Hughes
Messages : 19884
Inscription : 19 mai 04, 00:43
Localisation : sous une pierre...
Contact :

Message par gehenne »

La ligne de démarcation de Claude Chabrol



Les habitants d’un village coupé par la ligne de démarcation pendant la seconde guerre mondial tente de faire passer un espion de l’autre côté. Le contexte est suffisamment fort, sans qu’il faille en rajouter, Chabrol l’a parfaitement compris et filme cette histoire du point de vue des habitants, sans héroïsme primaire. Parce que les héros et leurs actes se construisent dans le quotidien, par de simples et petits gestes, parce que pendant l’occupation, un homme ou une femme seul, ne pouvait faire grand-chose, mais unifié derrière une même volonté, une même idéologie, alors de simples gens sont capables d’abattre des montagnes et d’accomplir de belles victoires, parfois, au péril de leur vie.

Des les premières scènes, le réalisateur impose tout de suite ce point de vue. La comtesse – magnifique Jean Serberg – se rend chez le coiffeur du village pour y chercher de la nourriture venue en contrebande. Elle est rejointe par le chirurgien qui bénéficie des mêmes attentions tout comme le reste du village. La guerre et l’occupation abolissent les classes, tout le monde se retrouve sur un pied d’égalité. L’entraide pour subsister, est générale. Mais Chabrol tempère un peu cette impression par la venue du comte, militaire déchu à la guerre, dont la défaite française a fait perdre toutes ses illusions. Il éprouve une certaine incompréhension à l’égard de sa femme et aux dangers qu’elle encourt pour aider la résistance.

Ainsi, Chabrol va illustrer ce quotidien, en multipliant les points de vue, les personnages, les situations pour offrir un tableau complet d’une courte période pendant l’occupation. Il décrit minutieusement les hommes et femmes qui participent à la survie du village, à cette mission qu’ils se sont imposés, pour aider, avec leurs faibles moyens l’espion. Mais Chabrol n’oublie pas l’ennemie, le camp adverse. Les Allemands ne sont pas tous diabolisés, comme il aurait été facile de le faire. Le cinéaste les présente comme des êtres humains, certains gangrenés par leur idéologie et leur victoire, et d’autres, qui tentent de garder une humanité face aux victimes françaises. Le tableau est complet, le réalisateur peint ses héros, ses traîtres, ses monstres, ses victimes avec une attention rare, une justesse formidable.

La ligne de démarcation est un formidable film sur les Hommes, des Hommes simples, qui risquèrent leur vie pour leur pays. Un portrait de simples héros, de sacrifiés, d’injustices et de victoires. La dernière scène est absolument magnifique, et conclut le film de la plus belles des manières.
Ainsi, toujours et pourtant...
gehenne
Howard Hughes
Messages : 19884
Inscription : 19 mai 04, 00:43
Localisation : sous une pierre...
Contact :

Message par gehenne »

La femme infidèle de Claude Chabrol


L’histoire d’un homme suspectant sa femme de le tromper. Chabrol prend tellement son temps pour installer les personnages et le contexte, qu’il finit par faire décrocher totalement l’attention du spectateur. L’intrigue se déroule beaucoup trop lentement et le cinéaste ne gagne rien à insister sur la représentation du quotidien de ce couple et surtout du mari. Chabrol présente un couple gangrené par le manque de dialogue et les mensonges, mais peine à emporter l’adhésion du public. A force de contenir son intrigue, d’éviter tout débordement ou presque, il rend le métrage lent et présentement sans intérêt. A peine ressent-on de l’adrénaline à la moitié du métrage, quand – enfin – il se passe quelque chose, mais Chabrol étouffe l’effet dans l’œuf, et n’impose aucun suspense particulier.

Les acteurs délivrent un jeu très justes, habitent suffisamment leur personnage pour les faire exister. On a toutefois parfois du mal à comprendre leur motivation, leur silence. Pas assez fouillé sentimentalement pour que l’on sache exactement ce qu’ils ressentent et à la psychologie trop vague pour que l’on puisse les comprendre. A jouer ainsi sur l’illustration d’un quotidien morne, où le non dit règne en maître, Chabrol détruit toute chance d’empathie, toute possibilité de se sentir réellement concerné pas l’intrigue et ses personnages.
Le réalisateur excelle en revanche, quand il illustre le crime, sa lente décomposition de la séquence appuie l’impression de réalisme qui en découle. Le naturalisme qui parcourt la scène est intéressant à ce point de vue, mais son manque de réelle conséquence lui fait perdre de sa force. A telle point que l’on se demande si elle n’est pas vaine finalement.

Une femme infidèle manque son but, sans tant est qu’il en est. Les acteurs ne parviennent pas à sauver la fadeur de l’intrigue et sa lente progression. On se trouve alors en face d’un métrage qui pèche par un manque flagrant de dynamisme et qui ne se met pas assez en danger. Le film commence trop tôt, se conclut trop tôt et dans l’intervalle est bien trop timide pour convaincre. Une occasion manquée, tout simplement…
Ainsi, toujours et pourtant...
Répondre