Claude Chabrol (1930-2010)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Léo Pard
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par Léo Pard »

Soirée Chabrol demain sur France 3 avec Bellamy (inédit) à 20h35 et La Cérémonie à 23h05, le tout présenté par Frédéric Taddéi.
Anorya
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par Anorya »

Tiens, pas de remontée de topic de la part d'un des modos suite à la sortie en DVD et Blu-ray remastérisé du Beau Serge et Des Cousins ? :)
Jordan a semble t-il édité son message d'ouverture et inclut la chronique de DVDClassik qui vient d'être écrite. Une belle chronique d'ailleurs.
Aujourd'hui je fais le modo. :mrgreen:
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Nestor Almendros
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par Nestor Almendros »

Merci Anorya! :uhuh:
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
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Thaddeus
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par Thaddeus »

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(en italiques : films découverts en salle à leur sortie)


Le beau Serge
Une petite ville minée par l’ennui et la monotonie, des personnages tristes pris dans le marasme de la misère humaine et sociale… Le premier film de Chabrol n’incite pas à l’euphorie ; heureusement que la fin, jolie note d’espoir, vient apporter un contre-point à la détresse que le film s’applique à retranscrire. Un film sans doute mineur, qui permet à son auteur de faire ses gammes, bien aidé par une troupe d’acteurs impliqués. 3/6

Les cousins
C’est un peu le versant citadin du précédent, dont il reprend les deux acteurs principaux et approfondit l’étude de caractères. Le style de Chabrol est plus sûr, son inspiration peut-être plus cruelle également, se permettant des piques en douce qui annoncent sa veine la plus subversive (la casquette allemande arborée par Paul). Le portrait de la jeunesse oisive parisienne se double d’une tragédie sourde, à la violence psychologique feutrée. 4/6

Les bonnes femmes
Il y a quelque chose de profondément bovaryste qui est à l’œuvre ici, une sensibilité bien particulière, entre cruauté cinglante et détresse éplorée, qui me semble être au cœur du cinéma chabrolien. Le cinéaste y dresse un collier de portraits de femmes naïves, frustes, superficielles, inconséquentes, sans jamais tomber dans la condescendance mais avec beaucoup de tendresse. Au sommet de ce gynécée siège Clotilde Joano et son beau visage triste. 4/6

La femme infidèle
Pour la première fois (du moins dans ce que je connais de sa filmographie), Chabrol se penche sur cette fameuse bourgeoisie qui sera de façon récurrente sa cible privilégiée : ici, un couple en voie de délitement, anesthésié par la routine et l’ennui. Le drame est feutré, l’analyse de caractère aigüe, et l’amoralité savamment entretenue au fil d’une intrigue qui s’emploie à faire d’un meurtre le catalyseur d’un rapprochement affectif entre un homme et son épouse. Précis et raffiné. 4/6

Les biches
Rapports troubles entre les êtres, mécanismes de domination et de soumission, investissement passionnel qui confine à la folie… Chabrol brasse ces névroses avec son acuité habituelle, une nouvelle fois servi par l’élégance irréelle de Stéphane Audran et la désinvolture étrange de Trintignant en homme-objet. Un autre film singulier et pénétrant du cinéaste. 4/6

Que la bête meure
Jean Yanne en salaud intégral, qui vocifère sa haine et son mépris de tout et de tout le monde. Face à lui, Michel Duchaussoy et sa détermination froide à accomplir une vengeance méticuleusement pensée. Sur cette trame très tendue, Chabrol plonge dans les abîmes de la conscience humaine et s’amuse à retourner comme une crêpe la conception de la justice et de la morale, de l’humanité et de la barbarie. C’est un film d’une précision implacable, langienne, nourri d’un humanisme noir. 5/6

Le boucher
On est précisément dans la même inspiration, c’est presque le jumeau du précédent. Dans un rôle de bourreau-victime pathétique, qui effraie et émeut à la fois, Jean Yanne porte une intrigue dont le sordide est constamment désamorcée par une tension latente, prégnante, une forme d’attente du désastre qui confère au drame une dimension inéluctable. Le déterminisme empirique et son opposition aux pulsions sauvages, l’opposition entre nature et culture, la peinture sociale et le questionnement moral : Chabrol est ici au sommet de son art. 5/6

Violette Nozière
On sent le cinéaste fasciné par le mystère de celle qu’il filme comme une énigme, tout en en faisant tout de même l’enfant monstrueux de son époque. Fille de faux-petits riches étriqués dans leur petit confort, leur petit univers, rejeton étouffé d’un certain esprit bourgeois à la pensée traditionnelle, Violette Nozière ne pouvait qu’entrer en résonance avec les préoccupations de l’auteur. Huppert est formidable évidemment, coupable et victime à la fois, suscitant autant d’effroi que de compassion. 4/6

Les fantômes du chapelier
Je ne garde pas un souvenir très marquant de cette adaptation de Simenon. Surtout un climat lugubre, anxiogène, et l’affrontement, fait d’un alliage étrange de domination et de soumission, entre Michel Serrault, doucereusement pervers et inquiétant, et Charles Aznavour, pauvre petit immigré pris au piège d’un esprit supérieur. 3/6

Poulet au vinaigre
Je trouve que le film n’a rien de capital, mais j’y prends un vrai plaisir. Chabrol est coutumier de ce genre de respiration mineure, qu’il investit subtilement, avec une habileté retorse, de ses qualités éprouvées de filmeur : le tempo est millimétré, le portrait vif et acéré, la satire fine et acide. Le titre est parlant : c’est un divertissement gastronomique, avec Poiret en maître d’œuvre. 4/6

Masques
Thriller en eaux troubles dans le milieu de la célébrité médiatique : la télévision y métaphorise un jeu de dupes et de manipulation dans la grande tradition chabrolienne. Là encore, le cinéaste dispense ses coups de griffe avec une jubilation féroce, s’amusant à créer un climat singulier de mystère hitchcockien et de léger décalage fantasmatique. Ca marche bien. 4/6

Une affaire de femmes
Une nouvelle fois, Huppert est la victime d’une époque hypocrite et troublée, d’un système politique qui étouffe la liberté au nom d’une éthique dévoyée, réprouvant le libre-arbitre et le bien-être des femmes. Ce n’est ni un plaidoyer ni une charge, le cinéaste ne juge ni ne condamne personne : il observe avec une acuité objective, qui confère au film une force sèche et inéluctable. La prière sacrilège finale, où l’héroïne exprime froidement sa haine de la société, fait naître une boule dans la gorge. 5/6

L’enfer
Dissection clinique d’un cas pathologique de jalousie. François Cluzet tout en fébrilité inquiétante et souffrance contenue, face à une Béart charnelle, mi-ange mi-démon : le cinéaste observe et enregistre le vacillement de la normalité à la folie, le point de bascule des perceptions, avec une expressivité subjective très prononcée, un goût assez inédit du dérèglement psychique et de sa traduction littérale à l’image. Éprouvant et vertigineux. 5/6

La cérémonie
Chabrol a affirmé faire un film marxiste, mais alors d’un marxisme pervers, affiché par inversion, avec l’ironie d’un diablotin sarcastique. L’humour corrosif est bien présent, en sourdine, mais ne fait pas décrocher un sourire, parce que le film agit comme une bombe à retardement. Le réalisateur cerne au plus près le point de rupture cataclysmique des rapports entre classes sociales, met en parallèle condescendance larvée et froideur inhumaine, agit comme un entomologiste précis et implacable des comportements pour mieux nous renvoyer à leur insondable mystère. Une œuvre opératique et terrible, du grand art. 6/6

Merci pour le chocolat
Huppert dévoilant avec un détachement rêveur le machiavélisme de son esprit, tout en tissant un vêtement aux allures de toile d’araignée. Image de proue de ce suspense bizarre et particulièrement trouble, où tout n’est qu’allusions, non-dits, perceptions déréglées et décalages malaisants. Il y a là un sens du climat, une inclination à l’intangible, à l’abstraction, qui me fascine tout en me laissant légèrement en retrait. 4/6

La demoiselle d’honneur
Un film sans doute assez mineur dans la filmographie récente de l’artiste, mais très appréciable. Cette fois, c’est une jeune fille aux intentions opaques qui personnalise la réflexion chabrolienne, au fil d’une intrigue à suspense distillant ses zones d’ombre avec un art consommé du trouble vénéneux. 4/6

La fille coupée en deux
L’avant-dernier film de Chabrol est sans doute de haute tenue, encore que je n’aie pas été complètement enthousiasmé par son acuité et son intelligence. Plus incisif que jamais, le réalisateur débusque à nouveau l’hypocrisie et l’amoralité d’une bourgeoisie qui tantôt se pare de manipulation sentimentale (Berléand), tantôt se révèle carrément psychotique (Magimel). L’étude de mœurs est aigue, acérée, acide, dominée par la belle figure complexe de Ludivine Sagnier. 4/6

Pas vu les autres.

Mon top :

1. La cérémonie (1995)
2. Le boucher (1969)
3. Que la bête meure (1969)
4. L’enfer (1994)
5. Une affaire de femmes (1988)

Je n’ai bien sûr pas vu l’intégralité de sa filmographie pléthorique, mais je la connais suffisamment pour avoir une perception globale de cette œuvre balzacienne, truculente et profonde, située sous le patronage de Lang et d’Hitchcock. Chabrol est un observateur lucide du comportement humain, doublé d’un humaniste désabusé, qui traite de l’individu et de sa confrontation à la société, aux normes et à ses pulsions.
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Père Jules
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par Père Jules »

Vu hier soir Bellamy. Et comme de plus en plus souvent avec Chabrol, j'ai eu la désagréable impression d'être devant un téléfilm de France 3. Aucun rythme, acteurs inégaux (Depardieu évidemment excellent, le reste est à la traine...), maquillages grotesques, représentation de la province qui tourne à vide... Chiant donc, d'autant que dans le registre de l'escroquerie à l'assurance ont a tout même eu droit à un chef-d'oeuvre du film noir avec Double Indemnity. Le Chabrol n'en parait que plus raté et dérisoire.
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par Rick Blaine »

Père Jules a écrit :Vu hier soir Bellamy. Et comme de plus en plus souvent avec Chabrol, j'ai eu la désagréable impression d'être devant un téléfilm de France 3. Aucun rythme, acteurs inégaux (Depardieu évidemment excellent, le reste est à la traine...), maquillages grotesques, représentation de la province qui tourne à vide... Chiant donc, d'autant que dans le registre de l'escroquerie à l'assurance ont a tout même eu droit à un chef-d'oeuvre du film noir avec Double Indemnity. Le Chabrol n'en parait que plus raté et dérisoire.
Oui évidemment, si on doit le mettre dans la catégorie du Wilder, le Chabrol est insignifiant, mais tout de même, je n'ai pas souvenir d'un tel ratage, surtout du point de vue mise en scène, ça m'avait paru esthétiquement correct, avec une bonne photo. Et malgré un scénario un peu anodin, je ne m'étais pas ennuyé, même si c'est très oubliable.
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Père Jules
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par Père Jules »

Le problème avec Chabrol c'est que j'ai toujours l'impression de voir la même chose. Je suis sans doute dans l'erreur mais même ses deux œuvres majeures - Que la bête meure et Le boucher - me semble cruellement manquer d'ampleur. Je n'arrive pas à me départir du même sentiment (celui du téléfilm FR3). Seul La cérémonie est un film que j'ai réellement apprécié de bout en bout.

D'autant plus dommage que personnage de Chabrol m'est hautement sympathique. :|
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par Rick Blaine »

C'est vrai que l’esthétique Chabrolienne est rarement flamboyante, mais ça va avec ce qu'il décrit et avec les personnages qu'il met en scène, son travail me semble souvent d'une grande précision.
Dommage pour Que la bête meure et Le boucher qui sont des bijoux. :(
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par Watkinssien »

Rick Blaine a écrit :C'est vrai que l’esthétique Chabrolienne est rarement flamboyante, mais ça va avec ce qu'il décrit et avec les personnages qu'il met en scène, son travail me semble souvent d'une grande précision.
Dommage pour Que la bête meure et Le boucher qui sont des bijoux. :(
La mise en scène chabrolienne, dans ses meilleurs moments, est d'un extrême classicisme, d'où une esthétique que l'on rapprocherait de manière exagérée, à mon sens, de télévisuelle. Pourtant, le cinéaste démontrait souvent une mise en scène très précise, sans graisse ni superflue...

Bellamy m'a semblé très maîtrisé, la durée des plans, son découpage, ses choix de mouvement de caméra participent vraiment à la peinture d'un être voué à la solitude et à l'immoralité...
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par mannhunter »

On en parle peut-être sur ce topic mais que vaut cette série?

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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par AtCloseRange »

Juste Avant la Nuit (1971)
Un de mes Chabrol préférés jusqu'à présent. On n'a rarement aussi bien traité de la culpabilité qui ronge et le film prend des directions surprenantes.
Les 3 scènes de confessions sont les moments forts du film
Spoiler (cliquez pour afficher)
notamment celle à François Périer
J'ai l'impression qu'on le néglige un peu aujourd'hui dans sa filmographie (notamment par rapport à la Femme Infidèle que je trouve moins réussi).
julien
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par julien »

Il passe pas souvent à la télé, ce qui explique sans doute cela. J'en garde un lointain souvenir mais j'avais bien aimé ; en particulier l'ambiance du film assez froide et oppressante. Un film de Chabrol assez inhabituel j'ai l'impression.
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par Jeremy Fox »

Père Jules a écrit :Vu hier soir Bellamy. Et comme de plus en plus souvent avec Chabrol, j'ai eu la désagréable impression d'être devant un téléfilm de France 3. Aucun rythme, acteurs inégaux, représentation de la province qui tourne à vide... Chiant donc. Le Chabrol n'en parait que plus raté et dérisoire.
Tiens, j'aurais pu écrire la même chose à propos de La Fleur du mal découvert hier soir. En plus la photo est laide, les dialogues médiocres et le plus déprimant est que nous avons une tripotée de très bons acteurs qui jouent ici très mal. Un véritable calvaire :|
Vieux parasite
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par Vieux parasite »

AtCloseRange a écrit :Juste Avant la Nuit (1971)
Un de mes Chabrol préférés jusqu'à présent. On n'a rarement aussi bien traité de la culpabilité qui ronge et le film prend des directions surprenantes.
Les 3 scènes de confessions sont les moments forts du film
Spoiler (cliquez pour afficher)
notamment celle à François Périer
J'ai l'impression qu'on le néglige un peu aujourd'hui dans sa filmographie (notamment par rapport à la Femme Infidèle que je trouve moins réussi).
Grand amateur de Chabrol, je tiens ce film pour un de ses meilleurs ; Bouquet est en effet impressionnant par la culpabilité qui le travaille et que son entourage essaie de faire taire.
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cinéfile
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Re: Claude Chabrol (1930-2010)

Message par cinéfile »

Idem. J'éprouve un attachement tout particulier envers ce film (qui fut mon premier Chabrol, d'ailleurs). Son atmosphère glacial m'avais fortement impressionné et la première image que me revient concerne la maison d'architecte très 70's dans laquelle vivent M. Bouquet et S. Audran.

En effet, il semble un peu oublié aujourd'hui et a sûrement souffert de l'écrasante réputation du dyptique La femme infidéle/Que la bête meure sortis l'année précédente.
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