Hou Hsiao Hsien

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Joe Wilson
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par Joe Wilson »

Poussières dans le vent

Encore un beau moment de la veine "autobiographique" de Hou Hsiao-Hsien....plus abouti formellement que Les garçons de Fengkuei, le ton est aussi plus fragile, laisse davantage de place à l'amertume et l'inquiétude. Entre les aspirations individuelles et l'intensité des liens affectifs (amitiés adolescentes, reconnaissance familiale), Poussières dans le vent évoque (à l'image de sa très belle ouverture, un train sortant de l'obscurité) un parcours qui a pu renforcer une personnalité, permettre une ouverture sur soi et au monde.
Et s'il est toujours question d'un déracinement et d'une perte, Hou parvient à cerner un apprentissage, la formation d'un regard, avec une remarquable délicatesse.
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Jack Carter
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par Jack Carter »

Pour ceux que ça interesse, stf sur le Blu-Ray (region Free d'apres Beaver) de Poussieres dans le vent : http://www.dvdbeaver.com/film3/blu-ray_ ... lu-ray.htm
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Demi-Lune
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par Demi-Lune »

Ben alors, bruce, tu n'es pas au taquet sur les comptes-rendus de la rétrospective ? :mrgreen: En ce qui me concerne, je dois avouer que l'ouverture faite avec Poussières dans le vent (1986) n'a pas été un coup de foudre, contrairement à la découverte récente de The assassin qui imposait un Hou Hsiao-Hsien dans tout son brio formel. Je ne sais pas si le choix de ce film (présenté comme faisant partie de son cycle autobiographique par un Jean-François Rauger vibrant) était le meilleur en guise d'introduction à l’œuvre de HHH. Non pas que le film soit particulièrement difficile d'accès...au-delà de la lenteur a priori caractéristique du cinéaste, et qui peut être là encore fatale et source d'endormissement (j'y ai cédé, comme bon nombre de spectateurs comme j'ai pu le constater autour de moi). Le fait est que là, le récit flâneur a bien du mal à intéresser. Rauger avait beau défendre à quel point on n'avait jamais vu auparavant un tel traitement du temps, je n'ai pas été convaincu par l'indolence générale du film qui met tout sur le même plan et engourdit sévèrement le peu qu'il a à raconter. L'impression d'un film "pour pas grand-chose" comme on dit, pas désagréable ni mauvais mais qui ne se distingue guère, le travail sur la composition étant encore très embryonnaire (quelques jolies images cependant). Voilà. Je ne veux pas tirer de conclusions hâtives mais à vue de nez, les films sur Taïwan ou les derniers des années 2000 risquent d'être plus satisfaisants que les débuts de carrière.
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Jack Carter
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par Jack Carter »

Demi-Lune a écrit :Ben alors, bruce, tu n'es pas au taquet sur les comptes-rendus de la rétrospective ? :mrgreen: En ce qui me concerne, je dois avouer que l'ouverture faite avec Poussières dans le vent (1986) n'a pas été un coup de foudre, contrairement à la découverte récente de The assassin qui imposait un Hou Hsiao-Hsien dans tout son brio formel. Je ne sais pas si le choix de ce film (présenté comme faisant partie de son cycle autobiographique par un Jean-François Rauger vibrant) était le meilleur en guise d'introduction à l’œuvre de HHH. Non pas que le film soit particulièrement difficile d'accès...au-delà de la lenteur a priori caractéristique du cinéaste, et qui peut être là encore fatale et source d'endormissement (j'y ai cédé, comme bon nombre de spectateurs comme j'ai pu le constater autour de moi). Le fait est que là, le récit flâneur a bien du mal à intéresser. Rauger avait beau défendre à quel point on n'avait jamais vu auparavant un tel traitement du temps, je n'ai pas été convaincu par l'indolence générale du film qui met tout sur le même plan et engourdit sévèrement le peu qu'il a à raconter. L'impression d'un film "pour pas grand-chose" comme on dit, pas désagréable ni mauvais mais qui ne se distingue guère, le travail sur la composition étant encore très embryonnaire (quelques jolies images cependant). Voilà. Je ne veux pas tirer de conclusions hâtives mais à vue de nez, les films sur Taïwan ou les derniers des années 2000 risquent d'être plus satisfaisants que les débuts de carrière.
Je pense que tu seras en effet plus sensible à sa veine plus formaliste des 90/00. Perso, je pense tout le contraire, ce coté "flaneur" pour ma part aurait pu meme durer plus longtemps :oops: . Je ne me suis jamais ennuyer pendant la projection et si je me suis laissé aller moi aussi à l'endormissement pendant la vision d'une de ses oeuvres, c'est justement dans ses oeuvres des 90/00 comme Goodbye south, goodbye, ou pour le coup, la notion d'etirement du temps et le pas grand chose sont ce qu'on retient du film, ou encore MM (genial, mais la 1ere vision m'avait justement endormie) ou le sensoriel Fleurs de Shanghai (genial aussi, mais faut s'accrocher car la lenteur aura raison de beaucoup)
Bref, je pense que tu peux laisser tomber Fengkuei, UTPVUTPM et Eté chez grand-père dans la meme veine que ses Poussieres..Mais je persiste à penser que ses films sur l'enfance et l'adolescence sont ses films les plus accessibles.
Essaye peut-etre sa trilogie historique sur Taiwan mais je doute aussi que tu y trouves ton compte : Le Maitre de Marionnettes, La Cité des douleurs et Good men, good women (pas vu ce dernier)
En fait, ça m'etonnerait pas que ton préféré reste The Assassin (j'ai deja envie de le revoir celui-là).
Perso, mon cineaste "chiant" préféré :mrgreen:
Dernière modification par Jack Carter le 4 mars 16, 12:07, modifié 1 fois.
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Jack Carter
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par Jack Carter »

En tout cas, cinephage l'a apprecié ce Poussieres dans le vent ! 8)
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Thaddeus
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par Thaddeus »

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(en italiques : films découverts en salle à leur sortie)


Les garçons de Fengkuei
De l’aveu même de l’auteur, son quatrième long-métrage est celui qui marque ses vrais débuts. On y décèle l’amorce d’un style affirmant une distance inhabituelle dans un cinéma généralement marqué par le corps-à-corps avec les personnages et la recherche d’émotions plus franches, plus violentes. Le paysage taïwanais où errent les jeunes gens du village portuaire révèle de ce fait un autre force, celle d’un enracinement et d’une dérive, et leur histoire s’enracine dans la description d’une campagne qui semble les gober, dans la création d’un milieu documentaire d’où observer un peu de récit, dans la sûreté d’un regard posé à un moment donné et sur un lieu précis, qui organise par son fait même un fragment du monde. Les airs de Bach et de Vivaldi parachèvent le pincement au cœur laissé par ce beau film. 4/6

Un temps pour vivre, un temps pour mourir
HHH a vécu sans le comprendre un exil qui a meurtri ses géniteurs dans leur chair. A-Ha, jeune garçon immature et frondeur prenant conscience des choses au fil d’expériences réverbérées par sa vie d’adulte, c’est lui. Il y a beaucoup de délicatesse, un art de la variation infinitésimale dans cette évocation autobiographique dont le ton naturaliste est altéré par la déformation du souvenir et des impressions vécues lors de l’enfance et de l’adolescence. La structure en tableaux-flashes s’élevant spontanément à l’exemplarité retrouve la magie ironique ou attendrie de la mémoire, et la chronique fait ressentir l’écoulement du temps, le lien de la famille, l’héritage des aînés, les humeurs de la campagne taïwanaise et l’inéluctabilité de la mort qui, après le père, après la mère, emporte l’aïeule figée dans l’oubli. 4/6

Poussières dans le vent
De toute évidence, Hou doit énormément à Ozu, tout comme un Jia Zhang-ke lui sera très redevable à son tour. Son expression s’enracine dans une tradition séculaire de réserve et de repli, un genre d’ataraxie extrême-orientale par laquelle il filme au plus loin personnages et paysages, préfère l’écart contemplatif à la proximité de la participation, le jeu des nuages et du soleil sur la masse reculée d’une montage aux lunes habituelles de l’identification. Une telle distance à l’égard de l’agitation des hommes, qui vise à capter les tremblements plutôt que les secousses, ce qui se diffuse plutôt que ce qui survient, frise régulièrement le retrait monastique. Voilà pourquoi il n’est pas facile d’accéder à la plénitude recherchée par ce poème du déracinement, cette ode ultra-minimaliste à la terre et à la famille. 3/6

La cité des douleurs
Entre les mains d’un Zhang Yimou ou d’un Chen Kaige, le film serait sans doute devenu une fresque somptueusement enluminée, à vocation internationale. HHH travaille quant à lui l’attente et la contemplation, et l’évocation d’un destin familial et des quatre années de répression qui suivirent la restitution de Taïwan à la gouvernance chinoise s’opère dans un mouvement plus large et mélancolique, qui inscrit les soubresauts politiques au cœur d’une respiration intimiste et entraîne peu à peu comme en un tourbillon au centre d’un calme plat. La dramatisation s’évapore au profit d’une patiente composition symphonique, faite de suspension et de non-dit (la surdité du photographe dicte l’inspiration de quelques scènes parmi les plus belles), doucement imprimée par la marche tragique de l’histoire. 4/6

Le maître de marionnettes
Second volet consacré par le réalisateur à l’histoire de son pays (les quarante-cinq années effacées par les efforts du Kuomintang) : même narration méditative favorisant l’imprégnation, même travail esthétique d’élaboration qui exclut l’accessoire pour livrer l’essentiel. Il faut oublier toute satisfaction immédiate pour apprécier les élégantes natures mortes, les intérieurs blutés, les vastes paysages captés par une caméra immobile, comme autant de compositions ne délivrant que difficilement leurs secrets. Un vieillard raconte la japanisation de Taïwan, la douleur de son peuple, du deuil, du couple et de la famille ; sa voix facétieuse est notre point d’ancrage au sein de ce cinéma coulant comme une rivière à la constance obstinée, et dont le vide apparent doit être comblé par la seule implication du spectateur. 3/6

Goodbye south, goodbye
Dans un style délié et subtilement chorégraphique, dont le système complexe de flux et de reflux, les variations imperceptibles et l’alternance de creux et de pleins imposent un rythme somnambulique, Hou organise une chronique étrangement abstraite de la jeunesse canaille de Taiwan, évoluant dans une nuit urbaine striée de néons. Aucune dramatisation, un refus radical de l’événementiel, une esthétique de l’étirement ou du mouvement (en train, à voiture, à moto) raccord avec les papillonnements de ses trois protagonistes, petites frappes courant après des chimères, et dont toutes les activités tournent autour de l’argent dans une société patriarcale à la chinoise et gangstérisée à la japonaise. D’envergure assez restreinte, le film fascine et lasse à la fois. 4/6

Les fleurs de Shanghai
HHH délaisse la jeunesse pop pour ausculter avec un extrême délicatesse les rituels complexes d’une communauté en vase-clos : celle d’un bordel de Shanghai à la fin du XIXème siècle. Par ses plans-séquence rigoureusement organisés, son leitmotiv musical entêtant, ses fondus au noir systématiques, son atmosphère feutrée aux lumières très basses, cette somptueuse rêverie opiacée met toute sa virtuosité au service d’un tissage élaboré de sentiments réprimés, d’amours cachées ou pudiquement dévoilées, de manipulations et de cruautés policées, de jalousies et de rivalités qui exprime la solitude ou le désarroi, la fugacité du bonheur ou la violence du chagrin. Beauté vibratile des images, art précis de la suggestion et du non-dit, bouquets de courtisanes souffrantes et d’hommes brisés : une réussite admirable. 5/6
Top 10 Année 1998

Millennium mambo
Franchissement d’une étape supplémentaire dans l’invention de nouvelles figures, à la lisière de l’abstraction. Partant de la concrétude des corps, des objets, des lieux, HHH se livre à une saisissante expérience de focalisation interne et donne à ressentir la déconnexion avec le réel dont souffre Vicky, papillon nocturne d’une jeunesse désœuvrée en pleine apnée de night-clubbing électro. Le film est une dérive hypnotique et évanescente, mélancolique et impalpable, jouant presque exclusivement de pulsations sensorielles, de décalages temporels, d’impressions fugitives, d’une perception à la fois ultra-sensible et déréglée – comme un présent différé, qui exprimerait des fantasmes, des regrets, des souvenirs. Le tout est presque trop volatil, mais il s’agit incontestablement de l’œuvre d’un très grand formaliste. 5/6

Café lumière
Jamais peut-être l’art d’Hou n’a atteint un tel niveau d’effacement et de ténuité dans son approche des personnages et du déroulement de leurs existences. Conçu comme un hommage à Ozu, le film tente de transmettre la sensation d’un passé qui se délite devant une modernité peu avenante. Il pousse la contemplation des gestes anodins, des voix, des mouvements jusqu’à ce que la vie se dépose à l’écran, comme stabilisée par l’extrême lenteur du rythme. Les tramways, les métros, les trains, toute la topographie du réseau de transports tokyoïte y échographient la ville, ses sons et ses reliefs avec clarté, mais il y a quelque chose d’irréductiblement ardu dans cette "a-narration", ce refus obstiné de tout contenu, qui empêche d’entrer véritablement dans cet univers et de s’abandonner à sa douceur. 3/6

Three times
À trois époques différentes et en trois parties étanches, le cinéaste se penche sur l’amour et les rapports entre ce sentiment et l’évolution de la société. Le premier épisode (segment Un Temps pour vivre, un Temps pour mourir) est celui du bonheur perdu pour des héros seuls au monde, ignorants des tourments de la grande Histoire. Le second (segment Fleurs de Shanghaï) se met au diapason d’une relation contrainte où la liberté n’est pas une aliénation mais une utopie. Le dernier (segment Millennium Mambo) oppose la frénésie des rapports charnels à la vanité d’un monde gouverné par l’apparence et détruit par la perte d’identité. Très accomplie d’un point de vue théorique et esthétique, l’œuvre (ma première découverte d’HHH) m’avait semblé artificielle et terriblement froide. À revoir, donc. 2/6

Le voyage du ballon rouge
Café Lumière offrait au cinéaste une opportunité d’exportation géographique et culturelle ; ce film-ci, qui fait partie d’une série de longs-métrage réalisés pour le vingtième anniversaire du musée d’Orsay, en propose une seconde. Le point de départ en est un ballon gonflé à l’hélium qui suit un petit Parisien, situation ténue vis-à-vis de laquelle Hou prend ses distances pour papillonner vers d’autres personnages et d’autres activités. Confronté au bloc photogénique de la capitale, il pose ses repères habituels (tunnels débouchant sur la blancheur du jour, métros, marionnettistes, rideaux de perles...), brosse d’une caméra sinueuse un joli portrait du quartier de la Bastille, et signe une chronique charmeuse du quotidien dont il faut savoir accepter les creux et les longueurs pour en apprécier la poésie. 4/6

The assassin
Avec une liberté conquérante à l’égard de l’autorité et de la tradition, une irrévérence qui s’oppose à tout ce qui enrégimente, commande et oppresse, Hou dispose en calligraphe d’une intrigue shakespearienne pour atteindre à une sorte de présent immémorial. En résulte des couleurs poussées à la quintessence de leur pigmentation, des images inouïes de brume soyeuse et de feu acrobate, de coursives parfumées et de vapeurs d’encens, de chevelure d’encre dissimulée dans les replis d’une tenture rougeoyante. Et si autant d’alchimie chamanique, de minutie et de précision laissent dans un tel état d’envoûtement, c’est parce que leur économie de la retenue et de l’incomplétude laissent percevoir les tourments intimes de personnages déchirés par des conflits et des tourments qu’ils ne peuvent exprimer. Une splendeur. 6/6
Top 10 Année 2015


Mon top :

1. The assassin (2015)
2. Les fleurs de Shanghai (1998)
3. Millennium mambo (2001)
4. Un temps pour vivre, un temps pour mourir (1985)
5. Les garçons de Fengkuei (1983)

Un cinéaste de grande renommée dont je perçois la considérable virtuosité et la richesse du champ thématique. Très concerné par la restitution de la réalité sociale de son pays, Hou est un cinéaste qui n’a de cesse, dans le même temps, d’expérimenter de nouveaux moyens de narration et de restituer les élans intimes, subjectifs, sensoriels de ses protagonistes. S’il ne me touche et me parle que par intermittence, certains de ses films m’ont subjugué, et tout particulièrement son dernier.
Dernière modification par Thaddeus le 13 juil. 23, 18:06, modifié 13 fois.
bruce randylan
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par bruce randylan »

Demi-Lune a écrit :Ben alors, bruce, tu n'es pas au taquet sur les comptes-rendus de la rétrospective ? :mrgreen:
Hey ho ! Je peux pas tout faire ! :P
D'abord j'avance sur les Zampa et après je me colle aux HHH mais je me pense pas tous me les faire de toute façon (Je range Millenium Mambo, le seul que j'ai vu, dans la catégories des "c'est beau mais c'est chiant").
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cinephage
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par cinephage »

Jack Carter a écrit :En tout cas, cinephage l'a apprecié ce Poussieres dans le vent ! 8)
Oui, mais Good men good women m'a totalement largué. Le montage associe des séquences disjointes, d'intérêt inégal, selon des temporalités assez éclatées (en gros 3 périodes, mais il faut tout mettre bout à bout pour comprendre de quoi on parle), toujours à un rythme très lent ponctué de plans fixes longs. Pour moi qui aimais le coté personnel et sensible de poussières dans le vent, good men good women est à l'inverse un exercice intellectuel. Le film est sans doute riche, mais j'imagine qu'il faut s'y prendre à plusieurs fois pour apprécier ce qui nous est ici donné : on est à la limite de l'abstraction.

Du coup je me suis profondément ennuyé et souvent perdu, sans même me laisser séduire par des plans, certes beaux, mais moins composés que précédemment (on est ici plus proche d'une épure et d'un travail par la lumière plutôt que par les lignes structurantes du plan).

Je vais continuer mon parcours, mais je reste très partagé sur ce cinéaste, qui me plait énormément lorsqu'il fait l'effort de venir vers moi, mais me laisse froid quand il me demande de faire tout le travail (surtout lorsqu'on ne connait pas bien l'histoire de Taiwan, ce qui complique encore la chose). Je ne conteste pas son talent, mais HHH est si radical dans ses choix qu'il peut vraiment me laisser sur le carreau. De ce que j'ai vu, soit j'adore et me laisse porter, soit je dois construire un raisonnement et lutter contre l'ennui pour distinguer l'enjeu du film.
Du coup je n'ai pas la moindre idée de ce que ses films qu'il me reste à voir me réservent. Ca pique plutôt ma curiosité, et c'est très bien.
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Jack Carter
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par Jack Carter »

cinephage a écrit :
Jack Carter a écrit :En tout cas, cinephage l'a apprecié ce Poussieres dans le vent ! 8)
Oui, mais Good men good women m'a totalement largué. Le montage associe des séquences disjointes, d'intérêt inégal, selon des temporalités assez éclatées (en gros 3 périodes, mais il faut tout mettre bout à bout pour comprendre de quoi on parle), toujours à un rythme très lent ponctué de plans fixes longs. Pour moi qui aimais le coté personnel et sensible de poussières dans le vent, good men good women est à l'inverse un exercice intellectuel sans doute riche, et j'imagine qu'il faut s'y prendre à plusieurs fois pour apprécier ce qui nous est ici donné.

Mais ce film à la limite de l'abstraction m'a profondément ennuyé et souvent perdu, sans même me séduire par ses plans, certes beaux, mais moins composés que précédemment (on est ici plus proche d'une épure et d'un travail par la lumière plutôt que par les lignes structurantes du plan).

Je vais continuer mon parcours, mais je reste très partagé sur ce cinéaste, qui me plait énormément lorsqu'il fait l'effort de venir vers moi, mais me laisse froid quand il me demande de faire tout le travail (surtout lorsqu'on ne connait pas bien l'histoire de Taiwan, ce qui complique encore la chose). Je ne conteste pas son talent, mais HHH est si radical dans ses choix qu'il peut vraiment me laisser sur le carreau. De ce que j'ai vu, soit j'adore et me laisse porter, soit je dois construire un raisonnement et lutter contre l'ennui pour distinguer l'enjeu du film.
Du coup je n'ai pas la moindre idée de ce que ses films qu'il me reste à voir me réservent. Ca pique plutôt ma curiosité, et c'est très bien.
Pas vu Good men, mais c'est la meme chose pour La Cité des douleurs, niveau temporalité, rythme lent, etc...je n'y avais pas accroché la 1ere fois (peut-etre ma premiere tentative avec le cineaste, vu en vhs au milieu des 90s) et revu l'an dernier, j'ai apprecié sans toutefois avoir tout saisi niveau historique. Par contre, accroché de suite au Maitre de Marionnettes, assez difficile d'accès pourtant.
Je pense que tu peux continuer sa veine "autobiographique" sans probleme (ceux que j'ai cité dans mon post à Demi-Lune) :wink:

HHH l'a dit lui-meme, il faut souvent plusieurs visions pour apprecier son cinema :lol: (il est d'ailleurs conscient que son cinema provoque le sommeil, il l'a répété lors de l'AVP de The Assassin :mrgreen: )
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Alexandre Angel
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par Alexandre Angel »

HHH revient sur le devant de la scène. Nonobstant le fait que The Assassin était à Cannes, ce retour a quelque chose d'inattendu (et justement, au moment de Cannes, je ne me l'étais pas dit, c'est curieux) et d'assez réjouissant à l'heure où tous les grands maîtres sont morts (Resnais, Rohmer, Oliveira, Rivette); à ceci près que HHH est un grand maître encore jeune. En parcourant la synthèse de Thaddeus, je me rends compte que les trois que j'ai le plus aimés sont, de ce que j'en ai expérimenté, Le Maître de marionnettes, Les fleurs de Shanghaï et Café Lumière. Je n'ai toujours pas vu Un été chez Grand-Père et j'ai eu plutôt du mal avec Millenium Mambo et Goodbye South Goodbye . Je crois bien que j'adhère aux reconstitutions, aux évocations historiques qui cautionnent l'idée que le cinéma est une machine à explorer le temps de substitution rêvée. Le contemporain chez HHH me laisse, en revanche, un peu à la porte (sauf Café Lumière qui durait juste ce qu'il fallait).
Conclusion : vivement The Assassin.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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tenia
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par tenia »

Vu Les garçons de Fengkuei. Il faut passer outre des acteurs relativement mauvais et une intrigue qui tourne à vide, mais finalement, cette tranche de vie vide de projet est plutot intéressante.

7/10
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Demi-Lune
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par Demi-Lune »

Jack Carter a écrit :Bref, je pense que tu peux laisser tomber UTPVUTPM
Non, je suis allé le voir. Un temps pour vivre, un temps pour mourir aurait fait à mon sens un meilleur film d'ouverture de rétrospective que Poussières dans le vent, qui baisse encore dans mon appréciation. C'est en effet un film plus facile d'accès et plus fédérateur, car la chronique s'accompagne de vrais personnages auxquels on peut s'attacher (enfin, dans les "limites" du cinéma de HHH), et parce que le sens du récit obéit à une certaine progression. Donc sur le plan dramatique, le spectateur n'est pas trop tenté de lâcher l'affaire (personne n'a quitté la salle) même si la lenteur est toujours de mise. Le travail sur le cadre me semble d'ailleurs également plus accompli. Bon après, je dois confesser que les qualités objectives du film me glissent un peu dessus. J'aimerais aimer, mais tout compte fait je ne trouve pas ça vraiment remarquable (là où je me relève la nuit pour un The Assassin).
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par bruce randylan »

Cute girl (1980)

Un jeune homme, en mission en campagne, tombe amoureuse d'une femme fiancée contre son gré qui s'offre quelques derniers jours de liberté chez sa tante.

Hasard du calendrier, je débute ce cycle par sa première réalisation, film de commande commercial qu'il reniera par la suite.
Et en effet, il est bien difficile de trouver la moindre personnalité dans cette comédie (romantique) du nouvel an parfaitement calibrée qui ne vise qu'à être "mignonne".

Pas grand chose à dire, on est presque dans du "Un plan, un zoom" au niveau de la réalisation, la BO frise l'overdose de chansons pop (dont certaines sont répétées en boucle), les comédiens sont transparents mais assurent la carte glamour local (dont Kenny Bee tout jeunot) et l'humour ne brille pas par sa finesse (il y a même des gags scato !). Certains passages sont tout de même amusants voire limite absurdes et m'auront fait sourire à quelques reprises, ce qui est toujours bons à prendre (je suis bon public pour ce genre d'humour crétin).
Par contre le scénario est vraiment en roue libre et incohérent avec le sentiment que ce ne sont pas les mêmes scénaristes qui ont écrit le début, le milieu et la fin (l'héroïne oublie ainsi quel est le métier de son amoureux !?).

On est pas mécontent que ça finisse tout de même car il faut bien avouer que le sens du rythme du cinéaste se résume à changer de chansons pop en arrière fond.
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par Demi-Lune »

Pour ma part, je suis allé voir Les fleurs de Shanghai (1998), une tranche de vie dans une maison close à la fin du XIXe siècle. La somptuosité de l'image (photographie mordorée à la Gordon Willis, raffinement des étoffes et des gestes, atmosphère sensuelle aux vapeurs d'opium, etc) est aussi agréable à l’œil que le physique des actrices, mais je déplore une nouvelle fois de rester à l'extérieur de la proposition, à cause du peu d'intérêt du semblant d'histoire. Pas d'ennui insondable cependant, j'étais même surpris de constater que le film avait duré plus de deux heures. Je n'ai pas eu le courage d'aller découvrir La cité des douleurs, par contre. Un Hou Hsiao-Hsien par jour, c'est déjà pas mal. :)
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Re: Hou Hsiao Hsien

Message par cinephage »

J'avais été très emballé par les fleurs de Shanghai à l'époque. Le film est certes lent, mais il est somptueux, et les complots d'alcove sont bien menés, je ne m'étais paradoxalement pas ennuyé du tout.

Mais hier, pour moi, c'était la cité des douleurs. Après un début qui m'a beaucoup inquiété (HHH enquille les séquences sans explication et évite les liens ou correspondances temporelles, du coup chaque nouvelle séquence nous oblige à nous interroger sur ce qu'on voit et comment ça se place dans le récit), je suis entré dans le film. Parce que si la cité des douleurs entremêle une quantité non négligeable de personnages à son histoire, ces derniers sont liés entre eux par des liens familiaux. Du coup une fois passée la difficulté initiale (qui est qui ? Quelle est la situation politique en 1945 ?), on finit par remettre chacun à sa place et suivre le film, qui nous raconte le parcours d'une famille Taiwanaise au fil d'une histoire sanglante du pays, qui après l'occupation japonaise a fait l'objet de prises de pouvoir rudes et impitoyables envers toute contestation (purges, emprisonnements, tortures et exécutions). Cette famille ayant quatre fils, elle nous offre un récit assez riche et poignant à la fois. J'ai cru comprendre que les coscénaristes du film y sont pour beaucoup.

La force majeure du film est de s'attacher quand même beaucoup à l'un des personnages, un sourd joué par Tony Leung (enfin, Tony Chiu Wai Leung, on se mélange vite les pinceaux), qui suit les évènements avec un regard de Pierrot très émouvant. Il n'est pas indifférent aux évènements, ni au parcours de ses frères ou de son meilleur ami, un intellectuel socialiste. Bref, en inscrivant quelques parcours individuels dans son récit d'une période très troublée, HHH parvient à ancrer son récit et ne pas perdre son public, tout en laissant libre cours à ses exigences formelles (plans fixes, toujours éloignées, montage évitant les explicitations...).

Bref, de ce que j'en ai vu, cette cité des douleurs est ce que j'ai vu de meilleur, par ce mariage d'un script brillant et d'une mise en scène exigeante. J'ai l'impression que ça marque le point de basculement de Hsien en faveur de la mise en scène exigeante, mais j'attends d'en avoir vu plus avant de me faire un avis.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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