Le Cinéma asiatique

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Beule
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Beule »

Spike a écrit : 8 avr. 22, 23:19
Merci pour l'info : j'ai remplacé le lien. Voici l'explication (qui dévoile la fin de Blood for Blood, vous êtes prévenus) :
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La 3ème réponse n'est pas la bonne, car il y a une énorme séquence d'action sanguinolente qui dure facilement plus d'une minute.
La 4ème affirmation est exacte. En effet, très généralement, les ninkyôs s'achèvent peu après une grosse bagarre (comme celle précitée) au cours de laquelle le protagoniste, ne se contenant plus, rétablit la justice en tuant tous les méchants dans une explosion de violence. C'est même surligné dans Blood for Blood par le personnage de Meiko Kaji, qui dit à celui de Jô Shishido après ladite bataille "C'est fini, là, non ?" (paraphrase). Or, de manière totalement inhabituelle, le film repart avec le protagoniste et son compère (Tatsuya Fuji) déversant tous deux de l'hémoglobine qui prennent l'autoroute pour attendre le parrain ennemi chez lui, en picolant tout ensanglantés, ... se demandant même au bout d'un moment s'ils n'ont pas fait tout ce chemin pour rien, car leur adversaire ne rentre pas à son domicile... Je crois que le détournement de la formule et le caractère grotesque est assez explicite.
OK.
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Cette "grosse bagarre" renvoie à l'affrontement du duo Shishido/Satô avec les hommes de main de Ryôhei Uchida. Je ne la trouve pas forcément plus furieuse que le combat final - en deux temps - dans l'appartement du boss du clan ennemi, d'où mon incompréhension initiale. Mais je comprends mieux.
Takuma a écrit :Bloody Feud (Japan, 1971) [VoD] - 3/5
(...) Functional yakuza film lacks originality until the memorable final act, which sees the half-dead Shishido and Tatsuya Fuji heading for a final journey to catch the main villain after the big battle that normally ends yakuza films.
(source)
Tiens donc, ne serait-ce pas une vieille connaissance finlandaise ?
Spike a écrit : 8 avr. 22, 23:19 Il n'est pas possible de publier un quiz sur Quizity sans indiquer toutes les bonnes réponses aux questions, il me semble. De plus, je viens de vérifier et la solution est bien cochée. C'est donc malheureusement indépendant de ma volonté. Désolé pour cet inconvénient.

En ce qui concerne la réponse...
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... c'est la 3 : Le Vagabond de Tokyo.
Merci. Non la bonne réponse ne s'affichait pas ici.
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J'avais cru comprendre qu'il s'agissait du Vagabond de Tokyo, mais je m'étais braqué sur la couleur de la veste dans l'indice caché, sans bien comprendre en quoi elle pouvait aiguiller vers le Suzuki. Du coup j'avais dû proposer la 1, que je ne connais ni d'Ève ni d'Adam.
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Jeremy Fox
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Jeremy Fox »

Torrente
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Torrente »

Ça a l'air excellent et m'intrigue beaucoup.
Merci pour le test, sans quoi je serais probablement passé à côté de ce film dont je n'avais jamais entendu parler.
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Profondo Rosso
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

An Autumn's Tale de Mabel Cheung (1987)

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Jennifer quitte Hong Kong pour New York, où elle doit retrouver son fiancé Vincent. Mais celui-ci la quitte et part s'installer à Boston avec une autre femme. Bouleversée, la jeune femme trouve du réconfort auprès de son cousin fruste qui habite l'étage du dessous. Alors qu'il s'efforce d'égayer son quotidien, il tombe amoureux de Jennifer.

An Autumn's Tale constitue la pièce centrale d'une trilogie que la réalisatrice Mabel Cheung consacre au thème de la migration, suivant Illegal Immigrant (1985) premier film salué par la critique, et précédant Eight Taels of Gold (1989). C'est un sujet qui parcoure toute sa filmographie et qui trouve une continuité et un complément à travers sa collaboration avec Alex Law son époux et scénariste, les fonctions pouvant parfois s'inverser lors des plus rares réalisations de Alex Law (dont le célèbre Painted Faces (1988) biopic de la jeunesse à l'Opéra de Pékin de Jackie Chan et Sammo Hung)) et apporter d'autres variations sur cette question de la migration. An Autumn Tale a une certaine portée autobiographique pour Mabel Cheung qui comme son héroïne connu l'exil lors de ses études à l'étranger, à Bristol en Angleterre puis à New York. Les petits boulots, la difficulté à subsister dans un quotidien fait de privations permanente (la scène du film où Jennifer choisit un sandwich plutôt qu'un autre à cause d'une différence de prix de 10 cents est issue d'une vraie expérience de Mabel Cheung) et le sentiment de solitude en pays étranger, tout cela transpire le vécu tout au long du récit.

Nous allons suivre Jennifer (Cherie Chung), jeune hongkongaise fraîchement arrivée à New York pour faire ses études mais avant tout pour rejoindre son fiancé Vincent (Danny Chan) qu'elle n'a pas vu depuis deux ans. Elle va vite rencontrer une déconvenue en découvrant que ce dernier est désormais en couple avec une autre. Elle est cependant prise en main par son cousin Figgy (Chow Yun-fat) qui va l'accueillir, lui trouver un logement et faire découvrir la ville. La scène d'ouverture où encore à Hong Kong Jennifer se montre condescendante à l'évocation de ce cousin amorce une des thématiques du film. Jennifer est issue de la classe moyenne hongkongaise et a bénéficié d'une éducation avant son départ à l'étranger. Le vrai apprentissage dans son nouvel environnement consistera donc surtout à s'accoutumer à un train de vie modeste, à travailler et subsister dans une certaine précarité tandis que l'interaction aux autres ne sera pas un problème. Figgy vient au contraire de la classe ouvrière et le quotidien au jour le jour fait de jobs laborieux ne lui change pas de Hong Kong, mais à l'inverse il ne s'est jamais réellement assimilé à sa patrie d'accueil, ne parlant pas (ou bien mal) anglais et ne fréquentant que ses compatriotes hongkongais. Mabel Cheung traduit ce fossé de façon comique dès la première rencontre où Figgy vient chercher Jenny à l'aéroport dans un tapage peu discret, avant de l'emmener dans l'épave qui lui sert de voiture. Le regard de Jenny sur leur logement commun miteux, sa gêne face aux manières rustres de Figgy, tout semble en place pour reproduire cette distance de classe entre eux.

Pourtant lorsque Jenny sera en quelque sorte regardée de haut et abandonnée par Vincent pour une chinoise intégrée plus "conforme", c'est bien Figgy qui sera là pour l'accompagner dans ses premiers pas new-yorkais. Les deux personnages se nourrissent l'un l'autre, Figgy comprenant que son existence sans but et en vase clos ne le mène nulle part, et Jenny dépassant ses préjugés à travers ce cousin bienveillant. L'un découvre l'ambition, l'autre la modestie. Cette caractérisation introduit la romance tout en montrant ce qui la freine, Figgy gardant son complexe d'infériorité ne se déclarant pas et Jenny encore retenue par un mélange de fierté et timidité faisant de même. Mabel Cheung à quelques rares fautes de goût près (une bagarre de gangs assez quelconque) déploie tous ces questionnements dans une tranche de vie bienveillante où l'environnement oscille entre crudité réaliste de ce New York 80's et vrai romantisme lumineux dans une imagerie plus stylisée. Dans les deux cas, la présence d'un autre pour nous accompagner amène une tonalité rassurante et chaleureuse qui permet de tout surmonter - se différenciant grandement du sinistre et oppressant Farewell China de Clara Law (1990) avec Maggie Cheung sur un sujet voisin. Certains rebondissements opposent d'ailleurs les personnages à des compatriotes bien moins intentionnés pour bien marquer la nature spéciale de la relation Jenny/Figgy, que ce soit le fiancé démissionnaire en ouverture, un patron chinois libidineux envers Jenny, ou une autre patronne pétrie de préjugée qui la renverra injustement. La solidarité n'est pas une évidence et cela souligne et transcende cette différence de classe initiale qui séparait les personnages.

Loin des grands écarts mélo (mais pas déplaisant) dont peut faire preuve le cinéma hongkongais, An Autumn's Tale marque au contraire par sa tonalité feutrée et tout en retenue. Les rapprochements ou séparations se font sans emphase et découlent de petits évènements s'inscrivant dans la normalité quotidienne des protagonistes. On pense à la magnifique scène de réconciliation où Jenny invite Figgy à dîner (avec la belle idée de ce sol communiquant) pour se faire pardonner mais où ce dernier reprend la main face à sa cuisine exécrable. Les acteurs sont au diapason avec un excellent Chow Yun-fat dont l'apparente excentricité masque les complexes et la vulnérabilité, et une Cherie Chung très touchante se délestant progressivement de sa superficialité. Un très beau film qui installera Mabel Cheung parmi les grands auteurs de Hong Kong, le film recevant sept nominations aux Hong Kong Film Awards et en remportant trois : Meilleur film, Meilleur scénario et Meilleure photographie. Un classique désormais qui fut classé en 2005 parmi les dix plus grands films chinois de tous les temps, à la suite d'un sondage auprès de 25 000 professionnels et cinéphiles. 5/6
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Beule
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Beule »

Découvert le mois dernier sans imaginer une seconde qu'il fût si prisé par la critique. Charmé aussi sur le coup, mais à dire vrai peut-être un peu déçu aussi au regard des attentes qui étaient les miennes après la découverte du plus ambitieux sans doute, et plus ample assurément, Eight taels of gold. Il faut dire aussi que je venais de m'émerveiller devant Comrades, a love story qui n'est désormais pas loin de représenter pour moi le mètre étalon de la comédie romantique, et que tout naturellement ma réception en avait forcément pâti. Mais, fait assez rare pour un film de cette veine, l'empreinte feutrée du Mabel Cheung s'inscrit aussi discrètement que sûrement depuis dans ma mémoire. Un film très juste sur le déracinement, captant en particulier avec bonheur, comme tu le décris très justement, tous ces petits détails, ces petits riens qui en catimini témoignent de l'inégalité presque endémique des uns et des autres à s'intégrer dans une société dont les codes leur sont par trop étrangers. Merveilleux couple Chow/Chung effectivement, qui est aussi pour beaucoup dans le charme presque obsédant qu'exhale cette très jolie romance longtemps contrariée. Il faut clairement que je découvre sans tarder The illegal immigrant.
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Profondo Rosso
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

Beule a écrit : 24 avr. 22, 14:48 Découvert le mois dernier sans imaginer une seconde qu'il fût si prisé par la critique. Charmé aussi sur le coup, mais à dire vrai peut-être un peu déçu aussi au regard des attentes qui étaient les miennes après la découverte du plus ambitieux sans doute, et plus ample assurément, Eight taels of gold. Il faut dire aussi que je venais de m'émerveiller devant Comrades, a love story qui n'est désormais pas loin de représenter pour moi le mètre étalon de la comédie romantique, et que tout naturellement ma réception en avait forcément pâti. Mais, fait assez rare pour un film de cette veine, l'empreinte feutrée du Mabel Cheung s'inscrit aussi discrètement que sûrement depuis dans ma mémoire. Un film très juste sur le déracinement, captant en particulier avec bonheur, comme tu le décris très justement, tous ces petits détails, ces petits riens qui en catimini témoignent de l'inégalité presque endémique des uns et des autres à s'intégrer dans une société dont les codes leur sont par trop étrangers. Merveilleux couple Chow/Chung effectivement, qui est aussi pour beaucoup dans le charme presque obsédant qu'exhale cette très jolie romance longtemps contrariée. Il faut clairement que je découvre sans tarder The illegal immigrant.
Comrade, almost a love story figure aussi dans mes mélos hongkongais favoris et on peut éventuellement soupçonner qu'il ait été influencé par le film de Mabel Cheung. J'aime beaucoup cette thématique du déracinement dans le cinéma hongkongais qui donne souvent de très beaux films notamment chez Ann Hui. D'ailleurs j'en parle dans mon texte mais si tu veux voir le pendant sombre de An Autumn's Tale il y a Farewell China de Clara Law (Ann Hui, Mabel Cheung, Clara Law trois réalisatrices explorant le sujet intéressant ça aussi) qui montre vraiment le versant dépressif de l'exil avec une Maggie Cheung assez stupéfiante, j'en parlai ici sur le topic (et juste au dessus de Comrades almost story :mrgreen: ) viewtopic.php?f=3&t=22394&start=135 Sinon Spectrum doit sortir Eight taels of gold (pas encore vu celui-ci) l'an prochain avec le très bon The Soong Sisters, ça fera découvrir Mabel Cheung à une plus large audience en France :wink:
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Beule »

Profondo Rosso a écrit : 24 avr. 22, 15:16 D'ailleurs j'en parle dans mon texte mais si tu veux voir le pendant sombre de An Autumn's Tale il y a Farewell China de Clara Law (Ann Hui, Mabel Cheung, Clara Law trois réalisatrices explorant le sujet intéressant ça aussi) qui montre vraiment le versant dépressif de l'exil avec une Maggie Cheung assez stupéfiante, j'en parlai ici sur le topic (et juste au dessus de Comrades almost story :mrgreen: ) viewtopic.php?f=3&t=22394&start=135
La page des Iwai que j'ai découverts en partie grâce à toi :wink:
Alléchant en effet. Y a plus qu'à se mettre en chasse...
Profondo Rosso a écrit : 24 avr. 22, 15:16 Sinon Spectrum doit sortir Eight taels of gold (pas encore vu celui-ci)l'an prochain avec le très bon The Soong Sisters, ça fera découvrir Mabel Cheung à une plus large audience en France :wink:
Je ne connais pas The Soong Sisters, mais Eight taels of gold insidieusement travaillé par la quête identitaire est à mon sens une vraie pépite. Et ce qui ne gâche rien, un régal pour les yeux et les oreilles. Un must see pour tout amoureux de Sylvia Chang. Excellente nouvelle.
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

Ok vendu pour 8 taels of gold l'argument Sylvia Chang est imparable :mrgreen: Et d'ailleurs toujours sur Maggie Cheung déracinée il y a une autre pépite à voir aussi avec A Fishy Story d'Anthony Chan (évoqué sur la même page en lien) là aussi si tu veux du mélo flamboyant façon Comrade, almost a love story c'est très clairement un rôle jumeau pour Maggie Cheung (qui a souvent joué ce type de rôle de chinoise exilée, il y a à creuser) ça devrait te plaire à coup sûr :wink:
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Re: Le Cinéma asiatique

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Profondo Rosso a écrit : 24 avr. 22, 15:56 Et d'ailleurs toujours sur Maggie Cheung déracinée il y a une autre pépite à voir aussi avec A Fishy Story d'Anthony Chan (évoqué sur la même page en lien) là aussi si tu veux du mélo flamboyant façon Comrade, almost a love story c'est très clairement un rôle jumeau pour Maggie Cheung (qui a souvent joué ce type de rôle de chinoise exilée, il y a à creuser) ça devrait te plaire à coup sûr :wink:
Ah oui, je n'en doute pas. Merci de me mettre en appétit.
Quant à satisfaire cet appétit c'est une autre affaire :x . M'est avis qu'il va me falloir guetter un rip providentiel parce que le seul DVD anamorphique hongkongais que j'ai identifié et qui date de 2007
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est indisponible sur Yesasia. Et je n'ai strictement rien trouvé via Ebay, Rakuten ou les diverses déclinaisons d'Amazon. D'autres sites marchands à me conseiller pour des imports asiatiques ?
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Re: Le Cinéma asiatique

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Profondo Rosso a écrit : 24 avr. 22, 15:16 D'ailleurs j'en parle dans mon texte mais si tu veux voir le pendant sombre de An Autumn's Tale il y a Farewell China de Clara Law qui montre vraiment le versant dépressif de l'exil avec une Maggie Cheung assez stupéfiante, j'en parlai ici sur le topic viewtopic.php?f=3&t=22394&start=135
C'est rien de le dire. Mieux vaut ne pas avoir le moral dans les chaussettes avant de l'aborder celui-ci :o .

L'instantané qui nous est proposé d'East Harlem et South Bronx, au point extrême sans doute de leur paupérisation, est absolument terrifiant. Glaçant. Il semble dynamiter par sa crudité toutes les représentations préexistantes les plus glauques du chaos urbain pour rendre compte d'une désolation sociale aux relents apocalyptiques, qui sans rémission aspire les immigrants vers les tréfonds du désarroi, de la peur et de la paranoïa. Seule chance de survivre ou presque, se mettre à niveau et s’avilir. S’il n’y avait pas la figure salvatrice de Jane, la prostituée mineure qui permettra à Tony leung Ka-fai de surnager, quitte à lui faire toucher du doigt le degré zéro de sa déchéance, ce serait simplement irrespirable.

Très beau texte, Profondo, pour une sacrée claque il est vrai. Je ne regrette que le plan final lourdement démonstratif, avec ce travelling ascendant détaillant la réplique de Liberty enlighting the world puis le drapeau Us flottant en lambeaux. Le périple préalable, relayé par la dissonante complainte de l’émigrant, était suffisamment éloquent.
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

Beule a écrit : 27 avr. 22, 04:15 C'est rien de le dire. Mieux vaut ne pas avoir le moral dans les chaussettes avant de l'aborder celui-ci :o .
Ah oui j'avais prévenu que c'était éprouvant hein :mrgreen: Maggie Cheung est vraiment hallucinante dedans, elle tutoie l'intensité dramatique plus connue de Center Stage, la scène de sa crise de folie finale me hante encore.
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Beule »

Profondo Rosso a écrit : 27 avr. 22, 13:20
Ah oui j'avais prévenu que c'était éprouvant hein :mrgreen: Maggie Cheung est vraiment hallucinante dedans, elle tutoie l'intensité dramatique plus connue de Center Stage, la scène de sa crise de folie finale me hante encore.
A voir avec le temps, mais peut-être plus que cette crise finale c'est la séquence post retrouvailles qui me hantera le plus. Lorsque se font jour les premiers signes d'une possible schizophrénie au moment où elle évoque ces valises emplies de jouets accumulés pour le bébé, de costumes pour son mari. La vulnérabilité qu'elle y affiche est proprement déchirante.
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

The Illegal Immigrant de Mabel Cheung (1985)

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The Illegal Immigrant inaugure la trilogie que la réalisatrice Mabel Cheung au thème de l'immigration. Il apparaît sur plusieurs points comme un attachant brouillon de Autumn Tales, second volet du cycle qu'elle réalisera deux ans plus tard et dont on trouve déjà de nombreux éléments thématiques, esthétiques et narratifs. Cheung Kwan-chow (Yung-Cho Ching) est un jeune clandestin chinois vivotant à travers de petits boulots jusqu'au jour où il va être arrêté par l'immigration. Libéré sous caution par son oncle, il est désormais soumis à une course contre la montre aux possibilités que lui offre l'administration américaine. Être expulsé immédiatement, d'ici quelques semaines ou trouver une épouse américaine avec laquelle il pourra convenir d'un mariage blanc crédible. Il va jeter son dévolu sur Cindy (Fu-Sheng Wu), jeune américaine d'origine chinoise. Cette association sert de révélateur pour les deux personnages quant à leur rapport à cette identité américaine floue. Cheung Kwan-chow forcé de s'intégrer réellement pour obtenir sa carte verte est placé face à ses manques, son anglais resté approximatif en resté cantonné à des jobs laborieux ne le faisant pas sortir de sa communauté. Cindy vit quant à elle une crise inhérente aux enfants de migrants de première ou deuxième génération. Ses origines chinoises la complexe, notamment physiquement et elle ne consent au mariage blanc que pour une raison frivole, subir une opération de chirurgie esthétique qui "corrigera" son nez aplati de chinoise pour le faire ressembler à ceux des top-models blanche dont les posters ornent sa chambre.

Mabel Cheung travaille cela par l'humour, notamment au niveau de la langue. Cindy entremêle son chinois maladroit d'anglicismes à tout va afin de prendre de haut les lacunes de Cheung Kwan-chow. On s'amuse du joyeux capharnaüm et de la cacophonie de langues lorsque les "mariés" s'invectivent. Cela joue aussi au niveau des tenues vestimentaires, Cindy en vraie fashion-victim cherchant toujours à être à la page de la mode américaine la plus superficielle avec ses permanentes, ses robes roses pastels bien marquées années 80. Cheung Kwan-chow, pure incarnation du prolo anonyme ne souhaitant surtout pas se faire remarquer, arbore-lui une allure plus modeste avec ses vestes militaire et surtout le running gag s'amusant du fait qu'il ne porte jamais de chaussures - une manière de caractériser ce manque d'ancrage aux conventions par cette relâche. Le tempérament noble, la modestie et la dévotion de Cheung Kwan-chow vont progressivement gagner le cœur de Cindy qui va s'attacher à lui. Destiné à ne plus se revoir une fois le mariage contracté, diverses circonstances vont les faire constamment se retrouver et s'apprécier. Parallèlement au couple, l'histoire montre aussi la tentation superficielle de la criminalité, de la délinquance, chez certains pour s'ancrer économiquement à défaut de socialement dans cet environnement américain, et d'autres comme le jeune frère de Cindy pour une alternative excitante stimulant leur part chinoise face aux conventions locales (notamment scolaire) auxquels ils doivent se soumettre. Cela est très intéressant sur certains points, beaucoup sur d'autres notamment tout ce qui relève des petites guerres des gangs entre petites frappes chinoises. Tout stylisé qu'il soit, China Girl (1987) d'Abel Ferrara amenait une imagerie aussi crédible que flamboyante sur cet aspect et que Mabel Cheung peine à retranscrire (ce sera aussi un des très rares écueils de An Autumn Tale).

Mabel Cheung mélange assez bien cette angoisse de l'expulsion, ce sentiment de précarité du migrant avec quelque chose de plus sensible et romantique dans le quotidien des personnages. Ce ne sera par exemple pas la nécessité qui les fera vivre ensemble à un certain point de l'histoire, mais bien une reconnaissance et une complicité commune dans laquelle ils n'osent pas encore voir de l'amour. Tout cela reste habilement implicite et passe par les situations, la sensibilité des acteurs. Les ruptures de ton sont du coup légions, nous faisant passer à une scène de boite de nuit kitsch à une visite et un interrogatoire très intrusif des services d'immigration. Toute cette dualité s'exprime bien dans une scène où les personnages vont visiter les chutes du Niagara. L'américaine Cindy peut passer du côté canadien pour profiter d'une meilleure vue quand Cheung Kwan-chow, l'apatride, le clandestin en sursis, demeure côté américain sans avoir cet avantage propre et figuré. La mise en scène de Mabel Cheung, notamment par les atmosphères tour à tour clinquantes ou naturaliste dans les nuances de la photo de Bobby Bukowski, travaille constamment ce sentiment d'appartenance/rejet des personnages à leur environnement. L'appartenance factice et superficielle repose sur le matériel, et celle plus authentique se ressent progressivement dans les belles scènes romantiques, dans le lien à l'autre où cette stylisation se fait plus naturelle. Malgré de petites maladresses, un beau galop d'essai qui porte en germe toute la belle réussite à venir de An Autumn Tale plus abouti. 4,5/6
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Beule »

Profondo Rosso a écrit : 24 avr. 22, 15:56 Et d'ailleurs toujours sur Maggie Cheung déracinée il y a une autre pépite à voir aussi avec A Fishy Story d'Anthony Chan (évoqué sur la même page en lien) là aussi si tu veux du mélo flamboyant façon Comrade, almost a love story c'est très clairement un rôle jumeau pour Maggie Cheung (qui a souvent joué ce type de rôle de chinoise exilée, il y a à creuser) ça devrait te plaire à coup sûr :wink:
Tu mentionnes l’hommage hollywoodien dans ta chronique. Ça me semble même dépasser l’hommage au vu des emprunts à Capote et, de façon plus flagrante encore, à l’adaptation d’Axelrod. Des ayants droits un peu tatillons auraient sans doute pu prendre ombrage non seulement de l’inspiration d’ensemble mais surtout de tous ces imports sans cosmétiques d’autant de petits moments clés du Blake Edwards. Mais sans jamais renier la matrice de son inspiration Anthony Chan rebat à foison les cartes de la narration pour sortir sans dommage de l’ornière du simple démarquage. Ainsi effectivement la frivolité de façade de Maggie Cheung ne tarde pas à l’exposer à des retours de bâton biens plus radicaux que son alter ego Audrey Hepburn. Et Chan de saisir sans coup férir une mouvance idéologique de plus en plus prégnante pour assourdir et désenchanter la romance aux humeurs inquiètes des remous sociaux et politiques propres à son époque en marge de la Révolution Culturelle chinoise. Rétrospectivement, l’excellent générique de début détachant au gré d’une suite de clichés n&b une Maggie Cheung sophistiquée – forcément très Givenchy style - d’un environnement à haute teneur contestataire n’annonçait rien d’autre : l’entrechoc « du conte et de la fange hongkongaise ». C’est parfaitement résumé :wink: . Et c’est ici admirablement amené et géré.

Incontestablement, je suis sous le charme. Merci 8)
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Arn
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Arn »

Découverte hier de Antarctica de Koreyoshi Kurahara, dans sa version intégrale. Très beau film, sur le lien hommes / chiens, mais aussi très japonais avec ce sentiment de culpabilité qui ne lâche jamais les deux protagonistes principaux.
La mise en scène est assez bluffante, multipliant les différents mouvement de caméra avec quelques belles "expérimentations", surtout sur un film finalement assez grand public (assez dur aussi par moment).
Je regrette l'absence de bonus sur le bluray de Carlotta car j'aimerais en savoir plus sur les conditions de tournage (en bonne partie à Hokkaido apparemment), notamment au niveau des chiens.
Le score de Vangelis, très présent, colle très bien aux images, mais pourra peut être dérangé ceux qui ont du mal avec ses synthés.

En tout cas un des meilleurs films avec chiens que j'ai pu voir. Ca m'a d'ailleurs donné envie de revoir Croc blanc que j'adorais gamin.
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