Le mois passé, Memories of Murder me clouait à mon canapé (j'en faisais mon film du mois). Dans un genre où l'on pensait avoir tout vu et revu, Joon-ho Bong débarquait avec un polar totalement atypique, mélangeant sans gêne le thriller pur, l'humour absurde, la fable sociale et politique et le drame humain. Une réussite totale, servie par une mise en images tétanisante.
3 ans et un film plus tard (Antartic Journal, jamais entendu parler), le jeune prodige (37 ans) nous livre The Host, gros film hybride, entre histoire de monstre, drame familial et brûlot politique engagé. S'il y a bien un réalisateur coréen actuel à retenir, c'est lui.
Morgue d'une base militaire américaine. Le médecin-légiste demande à son employé corréen de vider dans le lavabo plusieurs dizaines de bouteilles remplies d'un contenu hautement toxique. Ce dernier tente d'expliquer que c'est dangereux car le produit va finir dans le fleuve Huan puis fini par s'exécuter. Le mal est fait et ce n'est que les début des ennuis.
Si ces premières minutes entrent parfaitement dans le carcan du film de monstre classique (le "savant fou" qui crée un monstre par inadvertance en faisant mumuse avec des poisons super dangereux), ce qui suit le sera déjà nettement moins. On peut même dire que tout ce qui suit remet totalement à jour le genre même du film de monstre. Dès le moment où nous savons que la créature existe, il ne faudra pas attendre les 3/4 du film pour la découvrir totalement. Après 15 minutes, l'hôte (car ce monstre en est un, celui de 3 poissons fichés dans son dos), sors de la rivière et se met en chasse. Toute cette première partie est grisante. Le monstre est magnifique, son incrustation dans ces scènes de panique est absolument tétanisante; caméra emportée, travellings ralentis gigantesques, quels que soient le type de plans, on est pris par l'action. Certes, les CGI ne sont pas irréprochables, mais en l'état et vu la puissance de toute cette séquence, j'ai été totalement comblé.
La suite du film n'est peut-être pas autant impressionante dans sa décharge d'adrénaline, mais l'on passe de cette introduction fracassante au coeur du film qui prend alors le temps de déployer toutes ses qualités. Drame humain, l'enlèvement de la petite fille par le monstre nous fait rencontrer sans détours cette famille de bras-cassés. Progressivement, ils vont s'unir à nouveau, certes de manière totalement inattendue et sans éviter un nouveau drame, mais la cellule familiale sera alors plus forte que jamais. En parallèle, nous découvrons peu à peu que l'attaque du monstre a des conséquences imprévisibles qui prennent une ampleur d'abord nationale puis internationale. Et c'est là que le film devient très fort, en créant un parallèle entre cette créature improbable, créée par des déchets toxiques, accueillant contre son grè et dans son dos, 3 poissons dont elle ne peut se débarrasser et la Corée, qui subit malgré elle la présence américaine et tous les problèmes que cela engendre. L'Hôte est un monstre, mais l'Hôte est aussi un pays. On pourrait pousser encore plus loin certains parallèles, mais je ne préfère pas m'aventurer sur ce terrain, ne connaissant pas suffisamment la situation du pays.
Et si film de monstre et politique ne sont pas incompatibles (plusieurs films avec celui-ci l'ont déjà démontré, de Godzilla à Starship Troopers en passant par La Guerre des Mondes), le renouveau du film de Joon-ho Bong vient de son exceptionnelle capacité à mélanger non seulement ces deux "genres" mais de les faire exister dans un récit passant de l'humour potache au film d'horreur sans sciller.
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Enfin, une liberté de ton pareille ne serait même pas imaginable dans un quelconque film occidental de cette importance (je crois que j'avais dit la même chose à propos de Memories of Murder). Ne serait-ce que cette conclusion affolante, ou ne survit qu'un mince fil d'optimisme après l'horreur. Et comme si les qualités scénaristiques ne suffisaient pas, Joon-ho Bong est un réalisateur doté d'un sens visuel affolant, utilisant avec intelligence les outils cinématographiques à sa disposition. Sa réalisation est ample, ambitieuse, épique même par moments. Ses travellings latéraux font, pour moi, d'ores et déjà parti des plans les plus impressionants que j'ai pu voir depuis bien longtemps.
Bref... je blablate je blablate.. j'ai découvert ce film il y a moins de 24h et j'en suis juste complètement fan. Je vais attendre un brin pour voir comment il vieillit et surtout pour laisser mûrir les divers réflexions qu'il propose. En attendant, je me passe la béo en boucle.