Alain Resnais (1922-2014)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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A serious man
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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par A serious man »

Federico a écrit :Exploit de Télérama qui propose Alain Resnais en six chefs-d'œuvre... sans citer Providence ! :shock:
effectivement c'est assez choquant pour moi aussi, d'autant que franchement l'amour a mort et On connais la chanson me semble quand même relativement mineure dans la carriére de Resnais (j'ai même un souvenir assez pénible du premier, mais il faudrait que je le revois), Providence et Je t'aime je t'aime sont autrement plus interessant. Je ne suis d'ailleurs pas loin de considéré Providence comme son plus grand film.
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Alligator
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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par Alligator »

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Les statues meurent aussi (Alain Resnais, Chris Marker, 1953)

http://alligatographe.blogspot.fr/2014/ ... -arts.html

"Les statues meurent aussi" est un court métrage d'une demi-heure réalisé par Alain Resnais et Chris Marker. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Je n'avais aucun a priori positifs, je craignais en effet plutôt un regard peut-être vieillot. Le film date de 1953, la décolonisation est loin d'être terminée, l'exposition coloniale a eu lieu à Paris il y a à peine un peu plus d'une vingtaine d'années. Mais je ne sais pourquoi je craignais un truc vaguement imprégné d'un racisme, même lointain.

D'abord, le film est un peu flou sur ce point, du moins pour moi. On parlait encore d'art nègre, on parlait du "noir", du "blanc", etc. La première partie s'essaie à trouver la signification des arts premiers africains, des points de vue européens et africains. Cette première partie est encore... tranquille, sagement docile. Elle couve le feu de la seconde partie, véritable brûlot politique. On est encore dans l'observation et dans la recherche de sens artistique, historique et culturelle, dans la confrontation des savoirs et des cultures, du sens qu'on met derrière tout cela que l'on soit européen ou africain, la recherche des différences et des convergences, dans l'esthétique, dans les ressentis.

La plupart des images proposées interrogent les statues, les petits objets du quotidien, les masques, etc. Ces réflexions sont ouvertes, se terminent en point d'interrogation, parce que ces arts premiers ont été en large partie ensevelis dans l'oubli.

Et ce qui nous amène à la seconde partie, celle qui cherche et trouve les principaux responsables. Les fossoyeurs sont blancs, européens ou arabes, chrétiens ou musulmans. Les cultures ancestrales ont été peu à peu oblitérées de la mémoire africaine par les différentes colonisations, mais également par la modernisation, ce qu'on n’appelait pas encore "mondialisation", l'acculturation des sociétés sous le règne du marchand, etc. Il s'agit bien là d'un pamphlet anticolonialiste, des plus virulents.

Le propos est cinglant et pointe les coupables. Le film appelle bien un tigre... un tigre. Il propose alors des images de manifestations racistes en tout genre. Il pointe notamment du doigt le racisme ordinaire, mais montre aussi comment le sport moderne par exemple a pu spectaculariser, utiliser la force athlétique africaine à des fins plus ou moins politiques, en tout cas nettement hypocrites. Curieusement, en effet, le film laisse déborder son anticolonialisme vers un anti-libéralisme (surtout américain) largement répandu il est vrai dans l'intelligentsia française de cette époque. Peut-être est-ce aussi une manière de se dédouaner d'une part de la responsabilité proprement française?

Quoiqu'il en soit, l'attaque est violente. Elle me surprend, moi qui m'attendais à l'exacte contraire. En tout cas, elle offre une belle matière à réflexion. Aujourd'hui encore, ce débat n 'est certainement pas clos. Il s'est même développé à d'autres cultures malmenées par d'autres impérialismes.

D'autre part, depuis 1953, on a pu s'apercevoir que se centrer uniquement sur les responsabilités extra africaines était un leurre. Pour ma part, j'ai le sentiment de ne pas être tout à fait en mesure de répondre de façon catégorique. Et que justement, il convient bien mieux de dépassionner le débat à défaut de pouvoir réellement le dépolitiser.

De fait, le discours que tient ce film, s'il est bienfaiteur comme un coup de pied dans la fourmilière du racisme de 1953, m'apparaît aujourd'hui un peu dépassé. Il reste profondément ancré dans son époque. Il est un discours politique anticolonialiste à part entière, bien structuré et nécessaire pour appuyer les mouvements d'indépendance de l'époque.

Soit par naïveté, soit par méconnaissance j'aime à croire que le néocolonialisme d'abord européen, aujourd'hui peut-être plus asiatique qu'américain d'ailleurs, n'opère pas sur les arts premiers africains la même opération destructrice, et que depuis ces années lointaines le respect de l'objet et les cultures anciennes a pu se développer et accompagner les politiques de renaissance ou de sauvegarde, tant sur le plan de la muséographie que de l'archéologie par exemple. Vœu pieu?
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Alligator
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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par Alligator »

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Guernica (Alain Resnais, Robert Hessens, 1950)

http://alligatographe.blogspot.fr/2014/ ... casso.html

Des trois court-métrages d'Alain Resnais que je viens de voir ("Toute la mémoire du monde" et "Les statues meurent aussi") c'est certainement le seul qui m'a déplu.

Par la voix de María Casares, une voix glacée, trop criarde à mon oreille, sont dits les fameux mots de Paul Éluard sur le massacre de Guernica. Souvent la poésie d'Éluard me passe à côté du cœur. Et cette fois-ci, elle n'est pas loin de m'irriter. C'est peut-être la voie de Casares ?

Je peux comprendre que ce film plaise. Il est une sorte de montée progressive de tension. On aborde l'histoire avec des portraits du jeune Picasso, un art figuratif classique, très beau, au trait délicat, mais déjà fort, à la personnalité marquée.

Puis, peu à peu, le ton monte, se prépare le bombardement. On sent le danger venir, l'apocalypse se déverser. Alors le trait se casse, cherche l'inspiration, le dessin juste à traduire la réalité, le tragique, l'horreur absolue de cette guerre d'Espagne, de ce fascisme qui vomit sa monstruosité sur l'humanité hachée.

Le style plus moderne de Picasso ne vient pas d'un coup d'un seul. Par la présentation de ses travaux de recherche, de ses esquisses, on voit le parcours esthétique du bonhomme qui se collette à l'événement, à la difficulté de rendre compte des corps concassés, des cris, des pleurs, de l'effroi.

Sur ces images, les vers d'Éluard sont eux aussi hurlés. Je n'y arrive pas. Je n'aime pas ce poème, c'est douloureux. Je n'ai pas envie de ça. Je ne suis pas d'humeur et alors le film, qui ne dure pas plus de 13 minutes, me semble long.

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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par Federico »

Un article (payant) du Monde sur l'un des grands projets inaboutis de Resnais : son rêve d'adapter les hallucinantes aventures d'Harry Dickson, le héros détective de Jean Ray.

Pour ceux et celles qui ne connaitraient pas cette série, c'est un mélange de Sherlock Holmes, de Maurice Leblanc, d'Edgar Poe, de Lovecraft, de feuilletons à sensation bon marché et de pulps américains. En BD, ça donnerait quelque chose comme les premiers Edgar P. Jacobs revus par Fletcher Hanks (ou l'inverse). On ne saura jamais ce que Resnais en aurait tiré. Je me demande si ça n'aurait pas mieux correspondu à Franju ou au Mocky des années 60... et peut-être en adaptation en série télé plutôt qu'au cinéma. :|
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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par Federico »

La scripte Sylvette Baudrot est venue évoquer Alain Resnais pour La marche de l'histoire.
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Sylvette Baudrot sur le tournage de sa première collaboration avec Resnais : Hiroshima mon amour
Photo trouvée sur cette page de La Cinémathèque où elle était interviewée en 2008 en compagnie d'Emmanuelle Riva.
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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par Thaddeus »

Comme on pouvait s'y entendre, le numéro d'avril des Cahiers du Cinéma consacre couverture et dossier à Alain Resnais. On apprend dans l'édito de Delorme que Le Fantôme de la Liberté est le dernier film de Buñuel.
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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par Boubakar »

Arte met en ligne Hiroshima mon amour durant une semaine, dans sa nouvelle copie restaurée :

http://www.arte.tv/guide/fr/002980-000/ ... autoplay=1
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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par Strum »

Thaddeus a écrit :Comme on pouvait s'y entendre, le numéro d'avril des Cahiers du Cinéma consacre couverture et dossier à Alain Resnais. On apprend dans l'édito de Delorme que Le Fantôme de la Liberté est le dernier film de Buñuel.
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Bel hommage à Resnais dans les Cahiers d'ailleurs, avec de très bonnes interviews, grâce auxquelles j'ai mieux compris certains choix esthétiques de ses deux derniers films qui me rebutaient un peu, dûs en particulier au fait que pour des raisons de santé, il ne pouvait plus tourner qu'en studio. L'évolution de Resnais d'une approche intellectuelle mettant en avant la structure du récit vers une approche plus humaine et plus centrée sur les personnages est bien vue, de même que l'insistance sur l'influence constante du surréalisme sur Resnais. De manière plus specifique, Les Cahiers insistent aussi à juste titre sur l'utilisation de la lumière chez Resnais (voir ces lumières qui s'éteignent dans Melo).
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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par Père Jules »

Brillant exercice de style que ce Chant du styrène ! Textes de Queneau et mouvements de caméra qui anticipent furieusement Marienbad (que je n'aime pas) pour un mini-docu aux vertus aussi pédagogiques qu'artistiques !

Pour ceux qui ne le connaissent pas encore:

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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par cinephage »

Les courts d'Alain Resnais étaient de véritables petits bijoux. Amateur de bouquins et de bandes-dessinées, j'ai pour ma part un faible pour Toute la mémoire du monde (1956). Tout l'univers de Resnais est déja posé.

I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par Jeremy Fox »

Federico
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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par Federico »

L'étonnant M. Resnais, une série de France Culture en 5 épisodes à découvrir du 28/7 au 1/8. Elle comprendra entre autres des extraits des nombreux entretiens qu'accorda le réalisateur à la station.
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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par Jeremy Fox »

Pierre Charrel chronique un ouvrage, celui du scénario prévu pour un film non réalisé par Alain Resnais : Les Aventures d'Harry Dickson
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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par Jeremy Fox »

Pierre Charrel chronique aujourd'hui Muriel et teste le DVD sorti chez Eureka
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Commissaire Juve
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Re: Alain Resnais (1922-2014)

Message par Commissaire Juve »

Je vois qu'il n'y a qu'un seul topic (c'est plus pratique)...

Aimer, boire et chanter (2014)

Découvert en BLU.

Pas grand-chose de passionnant à dire. J'ai trouvé ça plaisant, mais moins abouti -- léché -- que Smoking / No smoking (puisqu'il s'agit d'une nouvelle adaptation d'Alan Ayckbourn).

Je ne ferai que quelques critiques formelles : j'ai trouvé le générique assez moche (ces rectangles noirs au milieu de l'image ; my god !)... je n'ai pas été emballé par le style des cartons "dessinés" par Blutch (je préfère le style de Floc'h)... et, surtout, je m'interroge encore sur la pertinence des gros plans de visages sur fond de croisillons. C'est ultra moche, ça pue le fond vert à mille kilomètres à la ronde ; c'est la vraie faute de goût. Pour moi, ça reste le mystère du film (et il n'y a pas d'explication dans la "featurette" proposée en supplément). A tout prendre, j'aurais préféré un fond noir et un bel éclairage sur les visages.

Quant aux plans filmés sur la route... :| Quand je pense que Denys de la Patellière s'était attiré les sarcasmes de certains esthètes parce qu'il avait utilisé des vues de Paris pour faire des transitions dans Rue des Prairies (1959), euh... oué.

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La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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