L'écriture musicale de Morricone repose parfois sur un dialogue entre le premier et le second degrés, ce qui la rend d'ailleurs si stimulante, moderne et inépuisable à l'écoute. Ces gros cuivres dans le thème de Capone qui font "wouah wouah", comme tu dis, relèvent à cet égard moins d'une facilité destinée à se conformer à un cliché d'époque, à mon sens, que d'une véritable signature d'un compositeur qui a inlassablement recherché, dans sa carrière, le décalage, le contraste sur les textures offertes par les instruments (que ce soit pour illustrer le mouvement d'une mygale, le battement d'un cœur, le cri d'un coyote, l'orgasme d'une femme, etc). Pour le dire autrement, il y a souvent chez Morricone, derrière le vernis lyrique, romantique ou tragique, une veine de sale gosse, une forme de dérision consciente qui accompagne un jeu presque enfantin sur les effets comiques et/ou déstabilisants que peut produire la musique (c'est particulièrement manifeste dans ses contributions au western-spaghetti, notamment). Le thème de Capone en est pour moi symbolique, il joue simultanément sur les deux tableaux, c'est très premier degré et en même temps très ironique, c'est très fort. Je me suis souvent demandé si cela traduisait simplement les attentes du réalisateur du film, ou bien une vision profonde de la vie chez le compositeur - comme une conjuration, par la musique, d'un questionnement chrétien sur la fragilité de l'existence. Et c'est pareil ailleurs dans la B.O. des Incorruptibles, qui alterne des séquences puissantes (The Untouchables Theme, qui pourrait quasiment faire office d'in memoriam musical pour Morricone) et des morceaux pimentés d'ironie (cette infernale berceuse toute mimi montée en épingle lors de la séquence des escaliers). Morricone, c'est un jeu permanent.
Le "wouah wouah" est de toute façon un effet de style purement morriconien