King Kong (Peter Jackson - 2005)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

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Monsieur X
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King Kong (Peter Jackson - 2005)

Message par Monsieur X »

Boum badadoum bam bam.
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Jack Griffin
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Message par Jack Griffin »

Chronic'art (evidemment y'a un peu de spoilers)

http://www.chronicart.com/cine/cine_ens ... p3?id=9707
Jean-Philippe Tessé a écrit :Des origines (Braindead, Bad taste, Forgotten silver) à nos jours (la trilogie du Seigneur des anneaux), on sait quelle ampleur a pris le cinéma de Peter Jackson, et quel chemin, qui d’artisan potache plutôt inspiré l’a transformé en mammouth pompier. Son King Kong arrive coiffé de la pire des casquettes -le film de fan pour fans- et repart en ayant laissé derrière lui un pâté triple croûte, indigeste au trois quarts.

Côté King, Jackson, c’est déjà ça, a réussi sa bête : monstre numérique dont le moindre poil rivalise d’expressivité avec un Laurence Olivier des grands soirs, l’animal King Kong est plus que convaincant, comme le sont la plupart des effets spéciaux de cette énorme machine. C’est que le versant Futuroscope du film est assez réussi dans sa dimension la plus physique (la sensation de vertige lors de la fameuse scène en haut de l’Empire State Building), et que Jackson s’autorise quelques mamours avec la version Cooper / Schoedsack de 1933 en tournant quelques plans vintage. Et dans le domaine ici microscopique de l’échelle humaine, Naomi Watts est très bien, qui semble refaire durant trois heures la scène de casting de Mulholland drive. Effet charmant lorsqu’elle tente d’attirer l’attention de la bête en remuant devant lui, qui vire aussitôt à la catastrophe puisqu’elle enchaîne avec des claquettes, du jonglage et diverses acrobaties.

Ça, c’est le côté Kong du film : les semelles de plomb du cinéaste, qui rate à peu près tout ce qu’il entreprend, et par excellence le coeur mélo-zoophile du film. King Kong se distribue entre micro-réussites et grosses scènes-boulets. L’appétence, un peu inquiétante sous sa ronde naïveté, de Peter Jackson pour le monumental et l’épandage, ses élans poétiques à la hussarde (la scène dans Central Park, on est à deux doigts de Holiday on ice), carbonisent dans l'oeuf le moindre élan du film. Qu’il s’agisse de donner dans la subtilité affective (les relations entre les personnages secondaires, calamiteuses) ou dans la réflexion suant à grosses gouttes sur le rapport à l’animal, un peu ballote surtout pour qui vient de voir le prodigieux Grizzly man (on a sincèrement peur que sous les encouragements de la belle, il se mette à articuler "beautiful", l’animal).

Jackson partout fonce dans le tas, aime s’embourber, s’éclate dans la multiplication. S’il y avait un dinosaure en 33, il y en aura 40 cette fois-ci, c’est normal, c’est la modernité. La partie centrale du film, dans la jungle, si elle est inaugurée par un sommet de grotesque (les indigènes, catastrophiques, maquillés avec les restes de cirage du Seigneur des anneaux), se poursuit sur ce simple principe de surenchère. La bonne heure passée parmi les espaces verts de Skull Island vaut moins pour sa narration prête à jouer sur console (on y passe d’un décor à l’autre comme on change de niveaux), que pour sa laideur et l’inutilité absolue de ses épisodes. Insectes, sangsues géantes, tyrannosaures trapézistes, poursuites démesurées, bestiaire et situations convoquées ici pour rien, puisque Jackson tout en voulant renouer avec l’esprit du cinéma d’aventure en oublie la charte essentielle, à savoir que tout doit être sacrifié à l’efficacité de l’action. On s’ennuie méchamment dans cette jungle filmée sans idées, il ne s’y passe rien sinon du surnombre. Tout ici n’est que figuration, c’est bien le problème.

Cependant, lorsque la machine s’emballe, il se passe parfois quelque chose : le gorille à New York testant toutes les blondes de la ville à la recherche de la sienne ; la poursuite des dinos patapoufs qui trébuchent les uns sur les autres pour former un tas de boudins gris ; la présentation de King Kong au public new-yorkais. Côté King, ces mini événements ; côté Kong, le reste. Graisse du film jamais tout à fait lavée par les hypothèses qu’il lance sans faire exprès, comme on renverse un pot de peinture en barbouillant une toile. Film obèse, King Kong existe un peu, mais pour pas grand-chose, pour lui, pour rien, pourquoi pas.
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Flol
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Message par Flol »

Je ne supporte pas ce type de critiques.
Art Core
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Message par Art Core »

Intéressante critique car jusqu'à présent, tout ce que j'ai pu lire c'était des concerts de louange.
Monsieur X
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Message par Monsieur X »

Ratatouille a écrit :Je ne supporte pas ce type de critiques.
Normal, c'est Chronic'Art... Jean-Philippe Tessé forever...
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Zelda Zonk
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Message par Zelda Zonk »

Art Core a écrit :Intéressante critique car jusqu'à présent, tout ce que j'ai pu lire c'était des concerts de louange.
La critique de Télérama est plutôt tiède.
Pas tout lu, mais le côté fleur bleue de l'histoire entre la Bête et la Belle est pointé du doigt ("naïveté, larmoyant, sucré"...)
Ca me fait peur, parce que c'est justement ce que je crains. Dans l'original, King n'est guère humanisé, il reste une bête sauvage et c'est quand même la terreur qui prévaut dans ses relations avec sa proie.
J'appréhende justement une "Disneyisation" de l'histoire.
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Jack Griffin
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Message par Jack Griffin »

Le monde

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 232,0.html
Thomas Sotinel a écrit :C'est une question d'arithmétique. En 1933, le King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack durait cent minutes. En 2005, le King Kong de Peter Jackson prend deux fois plus de temps pour raconter exactement la même histoire. De quelle étoffe sont faites ces cent nouvelles minutes ?

De mégalomanie, d'un amour immodéré pour le cinéma, de mise en abyme du premier film, d'explications interminable de ce qui n'était qu'effleuré par Cooper et Schoedsack, d'effets spéciaux numériques qui étonnent tantôt par leur virtuosité puis par leur grossièreté. Au bout du compte, King Kong s'achève aujourd'hui comme au temps de Franklin Delano Roosevelt et d'Adolf Hitler par la même réplique : "C'est la belle qui a tué la bête" (It was beauty killed the beast). Pour reprendre une expression chère à un autre cinéaste qui n'a pas toujours réussi à se hisser à la hauteur de ses ambitions : "Tout ça pour ça."

Néo-Zélandais qui n'a jamais vraiment filmé les Etats-Unis, Peter Jackson commence son King Kong par un étourdissant montage qui reconstruit New York, circa 1930 — une version swing d'une de ces comptines qui procèdent par cercles concentriques : il y a New York avec Central Park constellé de campements de fortune et le pont de Brooklyn embouteillé de Ford modèle T ; dans New York, il y a des miséreux expulsés de chez eux, qui mendient sur la Ve Avenue ; dans la Ve Avenue, il y a Times Square et les petits théâtres qui accueillent les troupes de music-hall (en américain "vaudeville") qui s'échinent à faire sourire les spectateurs. Et c'est là que la caméra s'arrête sur une jeune fille blonde et belle, et à peine l'objectif l'a-t-il effleurée, sans que l'on ait le temps de distinguer les traits de Naomi Watts, que l'on sait que c'est elle, Ann Darrow, la belle qui conduira la bête à sa perte.


LE MYSTÈRE EST DISSIPÉ


Ainsi, tout au long du film, des moments de grâce presque immatérielle passent, parfois inaperçus dans le vacarme général. Tous tiennent au personnage d'Ann Darrow et à l'interprétation qu'en donne Naomi Watts — spirituelle, élégante, naïve et sage — au point qu'à l'inverse de la morale finale, on a souvent le sentiment que c'est la belle qui sauve la mise à cette grosse bête de film.

Ann Darrow est à la rue, elle va voler une pomme, cette scène est reprise de l'original. Pour y arriver il faut à Peter Jackson presque autant de temps qu'à ses collègues pour préparer le casse du siècle. On a eu le temps de faire la connaissance de Carl Denham (Jack Black), metteur en scène d'un film d'aventures exotiques, lâché par ses producteurs et son actrice, qui cherche une remplaçante avant d'appareiller précipitamment. Il sauve Ann de l'arrestation et la fait embarquer sur un vieux rafiot, en compagnie d'une équipe technique réduite, d'un scénariste au regard pensif (Adrian Brody) et d'un bellâtre. Personne à bord ne connaît la destination.

Dans la salle, c'est une autre histoire : le mystère est dissipé depuis plus de soixante-dix ans. Derrière les brouillards, il y a l'île du Crâne, sur l'île du Crâne vit un singe de 8 mètres de haut qui, cette fois, présente toutes (à part la taille) les caractéristiques d'un gorille à dos gris. Pendant la traversée, Peter Jackson s'offre quelques réflexions sur la nature du spectacle et la corruption de la beauté naturelle qu'entraîne sa représentation artistique (un thème qui revient tout au long du film qui est à la fois touchant et étonnant chez un cinéaste à qui la grâce ne vient pas facilement) et une série de références appuyées à Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad.


TROIS DINOSAURES NUMÉRIQUES


Mais, une fois que l'expédition a pris pied sur l'île, le film s'abandonne à la surenchère ludique. Là où la marionnette simiesque de 1933 affrontait un pantin saurien, le King Kong digital (sans doute de toutes les créatures de cette espèce la plus convaincante à ce jour) doit se dépêtrer de trois dinosaures carnivores et numériques. Les sauvages, qui ont pour habitude de sacrifier des femmes au grand singe, semblent sortis d'un enfer de bande dessinée italienne. Quant aux périls que doivent affronter les poursuivants de Kong, qui veulent libérer Ann tombée aux mains du singe, ils sont si grands et si répugnants (spécialement la fosse aux cafards géants) qu'on est surpris de retrouver des survivants à l'issue de cette deuxième partie.

Si bien que le finale new-yorkais apparaît presque sobre. Plus court, plus resserré, il insiste moins sur les destructions que King Kong inflige à la ville que sur son martyre en haut de l'Empire State Building. Avant de le gravir, Kong et Ann s'offrent une séance de patinage sur le réservoir glacé de Central Park, en une séquence sortie de l'univers du père de tout le cinéma d'évasion, Walt Disney.

Mais l'escadrille de biplans approche. Une dernière fois, Peter Jackson convoque toute la puissance de ses ordinateurs pour faire renaître l'envoûtement qui l'a saisi jadis, à la première vision du vieux King Kong. Une dernière fois, cette masse de pixels et de chair est traversée par un éclair d'inspiration.
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Kevin95
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Message par Kevin95 »

Memento a écrit :J'appréhende justement une "Disneyisation" de l'histoire.
C'est justement ce que je me suis dit lorsque j'ai vu l'extrait de 5 minutes sur canal ! :?

L'idéal aurait été une bête sauvage (comme celui de 33) ayant peu voir pas de réels émotions et de but hormis celui de tout détruire et de conserver sa belle.

Enfin, wait and see, mais à trop vouloir personnifier et rendre humain son monstre, Jackson risque fort de plonger dans la niaiserie la plus ridicule.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
Monsieur X
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Message par Monsieur X »

Memento a écrit :Pas tout lu, mais le côté fleur bleue de l'histoire entre la Bête et la Belle est pointé du doigt ("naïveté, larmoyant, sucré"...)
Ca me fait peur, parce que c'est justement ce que je crains. Dans l'original, King n'est guère humanisé, il reste une bête sauvage et c'est quand même la terreur qui prévaut dans ses relations avec sa proie.
J'appréhende justement une "Disneyisation" de l'histoire.
Je pense que Jackson a plutôt opté pour une certaine grandiloquence, une exacerbation des sentiments qui ne plaira évidemment pas à tout le monde... Il revendique clairement le parti-pris de la démesure, et c'est un peu vain de le lui reprocher...

Bref, les cyniques vont encore faire les lourds.
Joe Wilson
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Message par Joe Wilson »

Monsieur X a écrit :
Ratatouille a écrit :Je ne supporte pas ce type de critiques.
Normal, c'est Chronic'Art... Jean-Philippe Tessé forever...
et Vincent Malausa, Guillaume Loison....les spécialistes du cassage en règle sous un enrobage sémantique toujours aussi gratiné.

J'allais mettre la critique du Monde mais Jack Griffin m'a devancé.
On insiste beaucoup sur une débauche d'effets nuisant à la pertinence de l'ensemble.
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Flol
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Message par Flol »

On lisait exactement les mêmes choses à l'époque de LOTR.
Monsieur X
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Message par Monsieur X »

Ratatouille a écrit :On lisait exactement les mêmes choses à l'époque de LOTR.
Exactement.
Sergius Karamzin
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Message par Sergius Karamzin »

Monsieur X a écrit :
Ratatouille a écrit :On lisait exactement les mêmes choses à l'époque de LOTR.
Exactement.
Et pour cause... :roll:
Vous voulez maroufler ? Je suis votre homme...
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Message par Flol »

Sergius Karamzin a écrit :
Monsieur X a écrit : Exactement.
Et pour cause... :roll:
Et je suis conscient que cela fasse partie du "Peter Jackson Staïle". Mais alors que certains y voient mégalomanie et vulgarité, j'y vois personnellement de la générosité et de la naïveté innocente.
Peter Jackson est le réalisateur le moins cynique du monde.
Monsieur X
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Message par Monsieur X »

Ratatouille a écrit :Mais alors que certains y voient mégalomanie et vulgarité, j'y vois personnellement de la générosité et de la naïveté innocente. Peter Jackson est le réalisateur le moins cynique du monde.
Amen.
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