Quand les grands cinéastes s'insultent...

[Federico]

Après, ces sempiternelles accusations de froideur et d'intellectualisation excessive concernant le cinéma de kubrick, c'est aussi ridicule que de dire, au fond, qu'il est nécessaire, pour faire un bon film d'horreur, d'être sanguin, viscéral, sensible.

Le cinéma de Kubrick est intelligent, complexe et incite à la réflexion mais sans être "excessivement intellectuel" ni même intellectuel tout court. Le seul de ses films qui pourrait à la limite s'en voir qualifié, c'est le dernier. Je dirais que le cinéma de Kubrick l'est davantage que celui de Carpenter mais moins que celui de Cronenberg, par exemple. Et j'apprécie les trois cinéastes presque autant les uns que les autres.

[mannhunter]

Je crois me souvenir d'une interview de Carpenter disant que Cronenberg, pourtant une connaissance relativement proche dans les années 80, le snobait désormais lui et ses comparses du cinéma de genre...

Il en parle un peu ici:

http://movieline.com/2011/06/14/john-ca ... dy-future/

et à la fin de cette vidéo :

[VicMorrow]

Je ne sais pas s'il y a de l'intellectualisation dans les films de Kubrick en fait il nous fait réfléchir , je crois donc que oui, et c'est étonnant qu'il soit si vénéré par beaucoup de gens parce que ce n'est pas un cinéaste facile, on va dire un tel cinéaste aussi étrange qu'original fait souvent tache dans le milieu du cinéma. Cronenberg, j'adore aussi, mais bon il n'atteindra jamais sur le fond et la forme les cîmes d'un Kubrick; et puis l'approche est assez différente du matériau cinéma.

[AtCloseRange]

Non, le problème est qu'il affirme que les films de Kubrick sont moins personnels que les siens ; ce qui est une "accusation" sérieuse (j'emploie ce terme à dessein puisque Cronenberg s'exprime sur un mode assez hautain et agressif).

Je crois que Cronenberg est assez coutumier de ce genre de critiques hautaines. Dans ses entretiens avec Grünberg transparaissait déjà une personnalité intelligente mais aussi terriblement suffisante, notamment envers les films des autres (ah, l'inoubliable "Blade Runner est un film assez raté", asséné comme ça, péremptoirement). Ça m'avait frappé, et déçu pour tout dire.

Personnellement, je n'en attends pas moins d'un grand cinéaste, d'avoir des goûts très affirmés, très clivants. Je suis persuadé que les cinéastes que je préfère sont tous comme cela, sûrs de leur fait et de leur bon goût (à tort ou à raison).

[mannhunter]

Après, ces sempiternelles accusations de froideur et d'intellectualisation excessive concernant le cinéma de kubrick, c'est aussi ridicule que de dire, au fond, qu'il est nécessaire, pour faire un bon film d'horreur, d'être sanguin, viscéral, sensible. Le genre horrifique ou fantastique requerrait du doigté et du sang; c'est-à-dire que l'on ressente les choses. C'est le pré-carré des sensualistes et non des intellectuels. Des oppositions aussi nazes que ridicules.

tiens ça me rappelle l'interview récente de Carpenter (dans SoFilm) qui ne se situe justement pas dans le camp des "intellectuels":

"Il faut bien comprendre que le cinéma n'est pas un médium intellectuel, mais émotionnel.
Un film n'est bon que lorsque tu arrives à projeter tes sentiments sur ce que tu vois, sur les personnages que tu regardes à l'écran. Certes, il y a des films avec des idées. Certes, on peut avancer des thèses, les structurer comme dans un livre scientifique - A, B, C. Mais les films ne fonctionnent vraiment que s'ils permettent d'atteindre un vrai niveau d"émotion sensorielle.
J'ai même pensé à un moment à faire des films muets. Il faut revenir à l'impact émotionnel du spectateur, c'est cet espace-là qu'il faut créer. Le but d'un film, c'est de raconter une histoire, c'est tout. Si tu peux emmener les gens avec toi et leur donner de la magie, ils te suivront partout où tu les emmèneras. Et alors, tu peux aller très loin."

[Major Tom]

Je crois me souvenir d'une interview de Carpenter disant que Cronenberg, pourtant une connaissance relativement proche dans les années 80, le snobait désormais lui et ses comparses du cinéma de genre...

Il en parle un peu ici:

http://movieline.com/2011/06/14/john-ca ... dy-future/

et à la fin de cette vidéo :

Merci pour les liens. Carpenter confirme ce qu'on racontait déjà: personnage froid, qui se prend pour un "Artiste" et se la pète, ce qui avait refroidi Jean-Baptiste Thoret lors de sa rencontre pour une thèse qu'il voulait écrire sur lui (j'avais déjà raconté ça quelque part). D'ailleurs plus ça avance et moins les films de Cronenberg sont intéressants, bizarrement. La critique de Thoret sur Cosmopolis traduisait très bien ce j'en avais pensé: "C'est une adaptation extrêmement fidèle. Le problème de Cronenberg c'est d'être un grand créateur d'images. Maintenant il a l'air de considérer qu'il peut se passer d'images pour nous faire des leçons."
"Faire des leçons", bien vu, c'est ce qu'il fait là.

[mannhunter]

L' "affaire" Crocro vs Kubrick prend une tournure insensée ...ulcéré que le canadien s'en prenne à son cinéaste fétiche, Michel Ciment monte au créneau :

http://www.lefigaro.fr/cinema/2013/11/0 ... ubrick.php

[Major Tom]

L' "affaire" Crocro vs Kubrick prend une tournure insensée ...ulcéré que le canadien s'en prenne à son cinéaste fétiche, Michel Ciment monte au créneau :

http://www.lefigaro.fr/cinema/2013/11/0 ... ubrick.php

Il a très bien répondu, Ciment.

[Major Tom]

Pour mannhunter (par hasard je suis tombé sur ça): David Cronenberg assassine "Shining" de Kubrick + 19 cinéastes évoquent le cinéma de Kubrick (la vidéo à la fin), mais je pense que tu dois déjà connaître à mon avis (on y voit Argento vers 3 minutes). Là on rejoint le frère de ce topic sur les cinéastes qui s'admirent.

[Federico]

L' "affaire" Crocro vs Kubrick prend une tournure insensée ...ulcéré que le canadien s'en prenne à son cinéaste fétiche, Michel Ciment monte au créneau :

http://www.lefigaro.fr/cinema/2013/11/0 ... ubrick.php

Il a très bien répondu, Ciment.

Autant Ciment peut parfois m'agacer, autant là je trouve sa réponse posée, sensée et bien argumentée. Franchement, je m'attendais à plus de virulence de sa part.

[Zeldoune]

De toute façon, conclut Ciment, je ne veux pas croire que ça soit la jalousie qui conduise Cronenberg à proférer de telles paroles. Cela serait indigne dela part d'un tel artiste.

Cette conclusion est tout de même délicieusement fielleuse.

[mannhunter]

Avez-vous d''autres exemples de cinéastes connus qui ont critiqué Kubrick et/ou "Shining", en dehors de Cronenberg, Fulci et Carpenter?

[Major Tom]

Avez-vous d''autres exemples de cinéastes connus qui ont critiqué Kubrick et/ou "Shining", en dehors de Cronenberg, Fulci et Carpenter?

De Palma reprochait à Kubrick d'avoir utilisé dans Shining des musiques de Béla Bartók, Ligeti ou Penderecki qu'il connaissait très bien, donc il savait parfaitement à quel moment se situaient les "Tsoïiïing!" et n'était pas surpris. Je crois que ça intervient dans une partie où il disait que l'idéal pour un réalisateur est d'avoir un compositeur original pour la bande originale, dans le bouquin de Vachaud/Blumenfeld.

[Demi-Lune]

Avez-vous d''autres exemples de cinéastes connus qui ont critiqué Kubrick et/ou "Shining", en dehors de Cronenberg, Fulci et Carpenter?

Spielberg, au départ, lorsque le film est sorti. Il en parle dans le documentaire-hommage qui était en bonus d'Eyes Wide Shut. Lui et Kubrick s'étaient rencontrés la première fois sur le tournage de Shining, puisque le grand décor de l'hôtel Overlook (là où Nicholson tape à la machine) devait ensuite être reconverti pour le tournage des Aventuriers de l'arche perdue (le puits des âmes). Ça a été le début de la longue amitié qu'on connaît. Lorsque Shining est sorti, Kubrick a appelé Spielberg pour lui demander ce qu'il en avait pensé. Et Spielberg confesse avoir été déçu par le film. Il n'a pas été effrayé. Il a dit notamment que le jeu over-the-top de Nicholson le dérangeait. Ce sur quoi Kubrick lui répond : "Bon. Cite-moi tes dix acteurs américains favoris." Un peu pris de court, Spielberg commence à lister : "Eh bien je dirais Jimmy Stewart, Cary Grant, Gary Cooper..." Kubrick : "Bon bon, très bien. Mais où se trouve James Cagney dans ta liste ?" Spielberg : "Oh, il y apparaîtrait, c'est sûr. Je l'adore." Et Kubrick, malicieusement : "Oui, mais tu n'y as pas pensé spontanément. Il arrive après tous les autres."
Après ce que Kubrick lui ait fait comprendre, Spielberg a revu le film et en est devenu fan, au point qu'il s'agit d'un de ses films favoris, maintenant.

[Flol]

L' "affaire" Crocro vs Kubrick prend une tournure insensée ...ulcéré que le canadien s'en prenne à son cinéaste fétiche, Michel Ciment monte au créneau :

http://www.lefigaro.fr/cinema/2013/11/0 ... ubrick.php

Il a très bien répondu, Ciment.

Je ne comprends pas cette "polémique". Cronenberg, tout Cronenberg qu'il est, n'a pas le droit de donner son avis sur Kubrick en général et Shining en particulier ?
Et je ne dis pas ça uniquement parce que je suis un petit peu d'accord avec lui ; c'est juste que j'ai toujours eu un peu de mal avec les statues indéboulonnables...et quand on voit les réactions que ça engendre, je peux aussi comprendre que ça donne envie d'aller encore plus loin dans la provoc'.
Parce que franchement...ça méritait vraiment un article réponse de Michel Ciment, cette histoire ?