Quand les grands cinéastes s'insultent...

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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mannhunter
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Message par mannhunter »

John Carpenter mitigé en 1995 dans Fantastyka 8 au sujet d'Alfred Hitchcock et PSYCHOSE:

"Les techniques utilisées pour HALLOWEEN étaient tout de même assez avant-gardistes. Vous pouviez les étudier, vous dire "là je vois comment il a procédé", et réutiliser cela pour votre propre film. Il en est de même pour Hitchcock. Il n'y a rien de subtil dans les techniques de tournage qu'il utilisait, tout est mis en avant. Il est beaucoup moins aisé d'utiliser des techniques de mise en scène invisibles. Howard Hawks est à mon avis bien plus talentueux qu'Hitchcock, car tout chez lui est invisible. J'ai étudié PSYCHOSE à l'université, et nous avons passé du temps à décortiquer la scène de la douche. Il a tourné ce film avec une équipe de la télévision, et tous les dialogues sont tout bonnement soporifiques!
Il fait toutes sortes de choses merveilleuses ça et là, au milieu du film, mais les scènes de dialogues sont déplorables! Nous sommes là dans le domaine de ce que la télévision peut produire de pire.

Hitchcock voulait que PSYCHOSE soit dans la lignée des productions A.I.P de l'époque, en d'autres termes:

rapide à tourner, et qui rapporte beaucoup d'argent. C'était son seul et unique but. Il voulait revenir au top niveau, être de nouveau dans la partie. Il a passé 3 semaines sur l'ensemble du film, et 2 semaines uniquement sur la scène de la douche. Cette scène est excellente, mais le reste du film n'est pas aussi bon que VERTIGO par exemple. On n'y retrouve pas la passion habituelle de ses oeuvres antérieures. Hitchcock ne sortait pas de sa limousine lors des tournages de nuit de PSYCHOSE, et c'est l'assistant réalisateur qui dirigeait les acteurs.
Il a fait d'excellents films, emplis de passion, surtout lorsqu'il était jeune. Il faut voir par exemple LES ENCHAINES: ah, quelle histoire! Là, il était amoureux de ses deux personnages. Il est tout à fait ce qu'était Claude Rains dans ce film."
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Message par mannhunter »

John BOORMAN dans Positif 203 (Février 1978):

" L'échec de PROVIDENCE, de TROIS FEMMES, de BARRY LYNDON, le succès de LA GUERRE DES ETOILES semblent montrer que l'Amérique est dans une nouvelle phase.
Elle sort d'une période dominée par le Vietnam et maintenant, non seulement elle n'est pas intéressée par le monde extérieur, mais elle le rejette, il la met en colère.
Le public recherche le divertissement le plus irresponsable, le plus superficiel. Tout ce qui amène à penser, a des idées, est frappé d'anathème. Un film joue sur tellement de plans dans ses rapports avec le public qu'il est difficile de dire à quel niveau il fonctionne. Mais certains films - et peut-être les miens- ont tendance à toucher les gens à des niveaux profonds et inconscients, que je mettrais en rapport avec les mythes et qui peuvent être très dérangeants si les spectateurs ont décidé de se couper de certains courants de leur psychisme. Et aujourd'hui le psychisme américain refuse certaines confrontations, certaines influences, ce qui expliquerait cette hostilité, cette colère contre L'HERETIQUE.
On peut même aller plus loin et voir dans le refus de l'histoire chez les jeunes Américains comme un désir d'éviter le passé, les problèmes et les complexités de la vie.
Je me sens de plus en plus déphasé par rapport à la masse du public. J'ai essayé depuis des années de m'adresser à elle, j'ai toujours pensé qu'un des aspects les plus passionnants du métier de cinéaste est qu'on peut atteindre ce large public à travers le monde, un public qui n'est pas d'une classe ou d'une race particulières.
J'ai toujours pensé que, à la différence des autres arts, le cinéma n'était pas élitiste et qu'il fallait lutter pour défendre cette universalité. C'est pour cela que j'ai décidé de travailler à l'intérieur du système en tâchant à chaque fois d'être audacieux, d'être fidèle à mes idées, et de faire reculer les limites de ce système. Mais cette position me paraît de plus en plus difficile à tenir en particulier en Amérique. J'ai vu LA GUERRE DES ETOILES à Hollywood, le jour de la première au Chinese Theatre et j'ai été pétrifié par les hurlements, les vociférations du public. Je me suis senti comme étranger. C'était avant la sortie de L'HERETIQUE et je me suis demandé comment je pouvais communiquer avec ce public. Après la sortie de mon film, et l'hostilité qu'il a rencontrée, ce sentiment s'est accentué. Cela m'a obligé à repenser mon projet sur Merlin l'enchanteur. Il me semble évident que ce public est facilement porté à l'ennui et a été influencé par le caractère fragmenté des spectacles télévisés. Le rythme en est rapide, névrotique même, le concept simpliste pour qu'on puisse le prendre en route, les personnages stéréotypés. LA GUERRE DES ETOILES est un hymne à la simplicité, il fait de la banalité un art. Lorsque j'ai vu BARRY LYNDON à une séance où était invitée toute la profession, les manifestations d'ennui, les chuchotements autour de moi étaient tels que j'ai dû aller m'assoir au premier rang car je ne pouvais pas regarder vraiment le film. Et c'était sa lenteur d'ailleurs qui gênait le public, comme celle de TROIS FEMMES d'ailleurs."
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Major Tom
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Re: Quand les grands cinéastes s'insultent...

Message par Major Tom »

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Bon il a changé d'avis avec le temps, le Ingmar, puisque dans un interview bien plus tard, il citait Antonioni comme un génie et comptait Blow-Up et La notte comme deux de ses films préférés.
Les deux sont morts, on s'en souvient, le même jour.
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Re: Quand les grands cinéastes s'insultent...

Message par Mosin-Nagant »

mannhunter a écrit : 15 févr. 21, 11:29Lorsque j'ai vu BARRY LYNDON à une séance où était invitée toute la profession, les manifestations d'ennui, les chuchotements autour de moi étaient tels que j'ai dû aller m'assoir au premier rang car je ne pouvais pas regarder vraiment le film. Et c'était sa lenteur d'ailleurs qui gênait le public(...)."
J'aimerais bien savoir ce qu'il pense de l'ensemble de la production des films d'Hollywood des années 2010... À mon avis, il doit adorer les Marvel. :mrgreen:
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mannhunter
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Re: Quand les grands cinéastes s'insultent...

Message par mannhunter »

Mosin-Nagant a écrit : 22 mars 21, 13:38À mon avis, il doit adorer les Marvel. :mrgreen:
Et son avis sur les derniers STAR WARS a pas dû s'arranger, vu ce qu'il pensait déjà du premier en 1977... :mrgreen:
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Re: Quand les grands cinéastes s'insultent...

Message par Jack Griffin »

Mosin-Nagant a écrit : 22 mars 21, 13:38
mannhunter a écrit : 15 févr. 21, 11:29Lorsque j'ai vu BARRY LYNDON à une séance où était invitée toute la profession, les manifestations d'ennui, les chuchotements autour de moi étaient tels que j'ai dû aller m'assoir au premier rang car je ne pouvais pas regarder vraiment le film. Et c'était sa lenteur d'ailleurs qui gênait le public(...)."
J'aimerais bien savoir ce qu'il pense de l'ensemble de la production des films d'Hollywood des années 2010... À mon avis, il doit adorer les Marvel. :mrgreen:
Selon cet article il s'est surtout retiré seul dans sa maison en Irlande en attendant la fin

https://www.theguardian.com/film/2020/f ... n-my-piano
Je suis pas sûr que son esprit soit disposé à regarder des Marvels
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Re: Quand les grands cinéastes s'insultent...

Message par Mosin-Nagant »

Jack Griffin a écrit : 22 mars 21, 14:45Je suis pas sûr que son esprit soit disposé à regarder des Marvels
Une chose est sûre:
je ressens plus d'émotion en lisant cet article que devant n'importe film de MCU. :(
“At my age, so many of my friends are dead that I have a feeling of being marooned. My generation is nearly gone. So I just have to accept that’s the way things are. One thing after another disappears. You get more and more isolated. And, finally, you die.”
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Re: Quand les grands cinéastes s'insultent...

Message par Carlito Brigante »

Jack Griffin a écrit : 22 mars 21, 14:45
Mosin-Nagant a écrit : 22 mars 21, 13:38 J'aimerais bien savoir ce qu'il pense de l'ensemble de la production des films d'Hollywood des années 2010... À mon avis, il doit adorer les Marvel. :mrgreen:
Selon cet article il s'est surtout retiré seul dans sa maison en Irlande en attendant la fin

https://www.theguardian.com/film/2020/f ... n-my-piano
Je suis pas sûr que son esprit soit disposé à regarder des Marvels
Ceci dit il a adoré le Seigneur des Anneaux de Jackson, il en fait l'éloge à la fois dans son auto-biographie et dans Crime of Passion.
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Message par Flol »

Carlito Brigante a écrit : 22 mars 21, 15:28 le Seigneur des Anneaux
Il n'était pas question qu'il en fasse lui-même une adaptation au début des années 80, d'ailleurs ?
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Carlito Brigante
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Re: Quand les grands cinéastes s'insultent...

Message par Carlito Brigante »

Flol a écrit : 22 mars 21, 15:29
Carlito Brigante a écrit : 22 mars 21, 15:28 le Seigneur des Anneaux
Il n'était pas question qu'il en fasse lui-même une adaptation au début des années 80, d'ailleurs ?
Si, qui par la force des choses 'deviendra' Excalibur. Mais il dit lui-même qu'il est au final très content que le projet n'aboutisse pas car "ce n'aurait été rien comparé à la magnificence de celui de Jackson".
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Re: Quand les grands cinéastes s'insultent...

Message par Alexandre Angel »

Carlito Brigante a écrit : 22 mars 21, 15:28 Ceci dit il a adoré le Seigneur des Anneaux de Jackson, il en fait l'éloge à la fois dans son auto-biographie et dans Crime of Passion.
Ce n'est pas tellement surprenant.
Outre le fait qu'il ait eu ça en projet (enfin je savais pas mais Flol vient de le dire alors je rebondis :mrgreen: ), ça reste très éloigné de la réalité de Star Wars, qui reste un tournant, à l'époque de sa sortie, vers, et nonobstant tout jugement, ce que décrit, en le jugeant, John Boorman.
Alors que j'ai beau trouver ça parfaitement indigeste, je ne peux que reconnaître que Peter Jackson s'est attaqué à Tolkien (de même que , dans un autre et concomitant registre, les concepteurs/réalisateurs de la franchise Harry Potter ont fait montre d'un certain respect du matériau d'origine et de ses lecteurs) comme un adaptateur scrupuleux.
Star Wars, ça reste un imaginaire composite, piochant à droite et à gauche et spécialement pensé pour le carton. On peut comprendre que ça ait fait grincer les dents de pas mal de réalisateurs/auteurs.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Message par Stromboli »

Ce qui a fait tiquer les auteurs/réalisateurs c'est uniquement que Star Wars a redessiné une prédominance du film de divertissement et de la mainmise de la production sur les metteurs en scène alors que la période était justement l'âge d'or des "auteurs".
Et l'immense succès de Star Wars et des blockbusters de Spielberg a bouleversé la donne.

Mais il y a plus d'invention de malice de cinéma dans les 2 premiers star wars que dans toutes les adaptations de Tolkien et d'Harry Potter réunis (qui ne sont pas des mauvais films mais qui n'inventent ni ne réinventent rien même à l'époque de leur sortie).
Et évidemment il vaut mieux un "imaginaire composite" (toutes les mythologies se construisent sur des récits préexistants) qu'une pure illustration, même jouissive, d'un univers totalement défini dans le récit d'origine comme Jackson le fit pour Tolkien.
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Re: Quand les grands cinéastes s'insultent...

Message par Major Tom »

Stromboli a écrit : 22 mars 21, 16:06 il y a plus d'invention de malice de cinéma dans les 2 premiers star wars que dans toutes les adaptations de Tolkien (...) (qui ne sont pas des mauvais films mais qui n'inventent ni ne réinventent rien même à l'époque de leur sortie).
Stromboli a écrit : 22 mars 21, 16:06 une pure illustration
Star Wars c'est du Space Opera (avec des robots, des mecs qui se battent avec des néons et des pistolets qui font piou-piou). L'autre (LOTR) c'est de l'Heroic Fantasy, un genre qui jusque là enchaînait plutôt les bides critiques ou artistiques (ou les deux, quasi tout le temps en fait), et rien dans ce qui précède la trilogie de Jackson ne lui ressemble ni l'égale. Dans ce genre, il y avait un manque.

La trilogie du Seigneur était réputée pour être inenvisageable au cinéma, avec un énorme défi à relever niveau technique et effets spéciaux (avec notamment de sacrés progrès pour faire "exister" Gollum), et à l'époque personne parmi les fans des livres et les rôlistes n'imaginaient qu'ils verraient de leur vivant une adaptation cinématographique satisfaisante. Jackson est quasiment parvenu à satisfaire tout le monde quand bien même chacun avait attaché l'univers de Tolkien à son propre imaginaire. Qu'on n'aime pas, okay, mais il a clairement relevé un défi technique et artistique de taille qui vaut autant que le premier Star Wars niveau "révolution" technique et visuelle, et même dépassé Star Wars en relevant un défi d'adaptation réputé impossible (on ne peut pas dire que c'est de la "pure illustration", non) qui n'existait pas pour Star Wars (forcément).
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Message par mannhunter »

Jack Griffin a écrit : 22 mars 21, 14:45
Mosin-Nagant a écrit : 22 mars 21, 13:38 J'aimerais bien savoir ce qu'il pense de l'ensemble de la production des films d'Hollywood des années 2010... À mon avis, il doit adorer les Marvel. :mrgreen:
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pourtant ça lui changerait les idées de regarder un Marvel, ça lui éviterait de penser à la/sa fin!
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Alexandre Angel
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Re: Quand les grands cinéastes s'insultent...

Message par Alexandre Angel »

Ça va surtout la précipiter!
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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