Revu hier soir et c'était encore mieux que dans mes souvenirs : on nage vraiment en plein cauchemar nocturne, dans une ambiance constamment humide et poisseuse, peuplée de créatures étranges parfaitement rendues par des maquillages impressionnants (la figure finale du prêtre est saisissante) et par un excellent boulot sur le son (les cris gutturaux, entre le le crapaud et l'insecte, poussés par les dites créatures m'ont mis extrêmement mal à l'aise ).Jericho a écrit :Dagon
Dans sa conception, c'est l'exemple même de la série B, mais dans le sens le plus noble du terme évidemment: c'est-à-dire budget restreint mais beaucoup d'idées. Un peu à l'image de la carrière de Stuart Gordon, avec le peu de moyens dont il dispose, il essaye de se débrouiller et je trouve qu'il s'en sort plutôt bien.
Je résume l'intrigue brièvement: afin de profiter des vacances, un jeune couple part sur un voilier le long de la côte espagnole. De façon inopportune, une tempête d’une violence inouïe fait son apparition, les fait chavirer et les contraint de rejoindre le village de pêcheur grâce au canot de sauvetage. Une fois arrivé à destination, Paul et Barbara découvrent avec stupeur que la population locale n'a rien de normale. J'en dévoile pas plus, puisque c'est toujours mieux de ne pas savoir grand chose de l'histoire (surtout quand celle-ci se veut mystérieuse). Pour ma part, je ne connaissais pas le recueil de nouvelles de Lovecraft, et je n'avais pas lu le synopsis, par conséquent j'ai pris un grand plaisir à suivre l'histoire.
Pour en revenir au fond du film, c'est à partir du moment où les personnages principaux posent les pieds sur cette contrée hostile, que le réalisateur nous montre sa grande force, à savoir: instaurer une atmosphère inquiétante et oppressante durant jusqu'à la fin du long métrage.
Effectivement, Dagon c'est avant tout une ambiance de malade. Le réalisateur n'est peut être pas un génie de la mise en scène. Dans le sens où, visuellement ce n'est pas chiadé ou magnifique (photographie terne). Mais quand il s'agit d'installer une ambiance lugubre, prenant le spectateur à la gorge, il sait y faire le père Gordon.
Il y a aussi quelques séquences chocs: par l'exemple la scène où un vieil homme se fait enlever le peau du visage à vif, c'est l'un des trucs les plus dégueulasses que j'ai pu voir dans une oeuvre. Puis le dénouement final est pas mal non plus dans le genre désabusé.
Si on ajoute à cela, une intrigue qui tient en haleine et des interprètes crédibles, on obtient un très bon film fantastique. L'un des meilleurs opus du cinéaste !
J'avais également oublié à quel point c'était une excellente idée que d'utiliser comme protagoniste principal une sorte de Clark Kent mais sans son alter ego de Superman : un gars lambda avec ses petites lunettes, malchanceux et pas très habile de ses mains, mais qui prend de plus en plus de confiance au fur et à mesure que le récit progresse.
Et surtout, ce qui m'a bluffé, c'est de voir la capacité qu'avait Gordon de tirer le maximum d'un budget riquiqui, ici une production espagnole par l'entremise de son pote Yuzna, qui se voit notamment dans des CGI d'un autre temps (difficile de croire que le film date de la même année que The Lord of the Rings).
Mais ce n'est pas là l'essentiel, celui-ci étant bel et bien cette atmosphère "Lovecraftienne" totalement respectueuse de l'oeuvre du maître de Providence, qui a tout de la plongée dans la folie finalement assez sobre dans ses effets (il y a très peu de musique et c'est tant mieux).
Un très solide 7.5/10 et la confirmation que Stuart Gordon fait définitivement partie de mes cinéastes fétiches.