Prénom Carmen (Jean-Luc Godard - 1983)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jordan White
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Re: Prénom Carmen (Jean-Luc Godard, 1983)

Message par Jordan White »

Anorya a écrit :Bon je comptais justement le voir un jour ce fameux diable au corps pour cette scène, du coup je suis sérieusement refroidi. J'attendrais donc. Merci Jordan.


Si tu voulais ne voir le film que pour cette scène, je te file un lien en MP.
Maintenant au delà de cette scène, tu pourras aussi regarder le film en intégralité, parce qu'il y a des moments qui sont plus ou moins réussis et d'autres que je trouve franchement ratés.
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Jordan White
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Re: Prénom Carmen (Jean-Luc Godard - 1983)

Message par Jordan White »

Passé les cinq premières minutes avec lesquelles j'avais eu du mal lors de la première tentative, c'est avec tout le reste que j'ai eu du mal.
Je n'ai pas accroché du tout au film. Et pire, j'ai décroché de nombreuses fois au point de m'assoupir...et de somnoler, avant de me remettre de ma torpeur et de constater que quasiment la même chose se passait alors que cinq bonnes minutes étaient passées.

Autant je trouve que Le Diable au corps a des défauts et des moments vraiment très lâches en terme de rythme et d'intérêt, autant j'ai trouvé Prénom Carmen intégralement pénible, lourd et pataud dans son interprétation. L'histoire m'a ennuyé au bout de vingt minutes et je me demandais ce que Godard voulait démontrer, là où il voulait en venir...en vain. Je trouve la photo, le cadre, la mise en scène très largement en deça de ce que j'ai vu du cinéaste et de ce que j'ai aimé voire adoré de lui. Il y a les étourdissantes beautés formelles de Le Mépris, de Pierrot le Fou, mais il y a aussi le versant que j'aime beaucoup moins de Une femmes est une femme ou Deux ou trois choses que je sais d'elle qui déjà m'ennuyaient considérablement mais dont je reconnais la grande beauté plastique. Là, pour moi Prénom Carmen est un monument d'ennui dont la photo m'a rappelé au très mauvais souvenir de Lady Chatterley de Ferran et à l'absence curieuse d'émotions. Le film débite ses dialogues mais là où je trouvais Godard brillant dans les années 60, il me semble être ici lancé en pilotage automatique, quasiment caricature de lui-même. La relative vulgarité des dialogues d'ouverture, le fameux "Si je vous mets un doigt dans le cul est-ce que ma fièvre va grimper?" m'a tout juste fait sourire. Parce qu'il y a ensuite les tunnels de dialogues, les considérations, les citations, les mouvements de caméra abrupts voire lâches, l'emploi du format 1.33 sans inspiration, le jeu volontairement outré, la musique omniprésente.

Il y aussi les mots répétés deux fois en fin de phrase, les gimmicks, les paroles parfois noyées sous la musique, et surtout cette sensation de frustration, d'insistance du désir sexuel refoulé, de cette envie banale et qui met pourtant deux heures à arriver de faire l'amour ou plus exactement de baiser cette Carmen, que ce Joseph tente en vain de défroquer, et qui, une fois devant une Carmen alors nue, s'en va se branler frénétiquement (mais la queue molle) devant elle sous la douche avant de dire qu'il se dégoûte lui-même. J'ai vu, lu Godard beaucoup plus léger et élégant, pertinent aussi. Si le sujet de Prénom Carmen est bien celui-ci du désir d'un homme envers une femme qu'il sait insaisissable, l'exercice de style ici est malheureusement étiré, frileux, et pas vraiment excitant. Alors bien sûr il y a la moue de Marushka, vingt trois printemps, son accent néerlandais irrésistible, sa toison drue d'époque, la beauté de son visage et de chacun de ses cheveux, ses talons. Mais il me semble qu'elle se ballade de tableau en tableau, de scène en scène en se demandant ce que veut bien lui faire faire un Godard libidineux derrière sa caméra qui rend peut-être un hommage personnel à L'origine du Monde, lequel tombe malheureusement à plat pour moi (gros plans sur son sexe quand elle parle de l'école et des études). Il n'en reste pas moins que Maruschka reste plus belle et enigmatique à mon sens (mais cela peut-être l'objet d'un débat) dans Le diable au corps où le trouble s'installe dans une narration somme toute banale. Sans aucun doute le Godard de ceux vus que je place dans les trois derniers.

Cela dit je comprends que tu aies pu accroché à ce film Anorya (pas d'accord sur le mérite du Lion d'Or), et "t'amouracher" pour Maruschka, même si je trouve que tu t'es montré infidèle très vite en remplaçant ton avatar par celui d'une autre actrice, celle de Never let me go.
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Re: Prénom Carmen (Jean-Luc Godard - 1983)

Message par NotBillyTheKid »

Jordan White a écrit : Là, pour moi Prénom Carmen est un monument d'ennui dont la photo m'a rappelé au très mauvais souvenir de Lady Chatterley de Ferran et à l'absence curieuse d'émotions.
Nous ne serons jamais d"'accord décidément :D . J'adore la photo du Ferran ! Parfaite, sans chichis esthétisant, droite et franche. Effectivement, on retrouve cette épure dans Prénom Carmen, avec ses beaux clairs obscurs bleutés...
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Re: Prénom Carmen (Jean-Luc Godard - 1983)

Message par Jordan White »

NotBillyTheKid a écrit :
Jordan White a écrit : Là, pour moi Prénom Carmen est un monument d'ennui dont la photo m'a rappelé au très mauvais souvenir de Lady Chatterley de Ferran et à l'absence curieuse d'émotions.
Nous ne serons jamais d"'accord décidément :D . J'adore la photo du Ferran ! Parfaite, sans chichis esthétisant, droite et franche. Effectivement, on retrouve cette épure dans Prénom Carmen, avec ses beaux clairs obscurs bleutés...


Et ses innombrables plans d'écumes sur les rochers...Enfin j'ai dû en compter trois ou quatre minimum.
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Re: Prénom Carmen (Jean-Luc Godard - 1983)

Message par Anorya »

Jordan White a écrit :
NotBillyTheKid a écrit : Nous ne serons jamais d"'accord décidément :D . J'adore la photo du Ferran ! Parfaite, sans chichis esthétisant, droite et franche. Effectivement, on retrouve cette épure dans Prénom Carmen, avec ses beaux clairs obscurs bleutés...


Et ses innombrables plans d'écumes sur les rochers...Enfin j'ai dû en compter trois ou quatre minimum.
Et les plans de métros qui s'entrecroisent dans la nuit sur bruits de vagues. :D

Bon, sinon dommage que tu n'ait pas apprécié mais avec un cinéaste comme Godard dont l'oeuvre divise toujours encore aujourd'hui, c'est bien normal Jordan. ;)
Les Godards que tu cites appartiennent tous à des oeuvres des années 60, ce qui opère une rupture assez radicale avec son oeuvre qui va venir par la suite, bien moins esthétique, fondée plus sur le personnage féminin comme une radicalisation du temps dans le montage qui peut ennuyer ou captiver. Pour ma part, je pense avoir ressenti ton ennui sur Je vous salue, Marie (que je n'ai pas encore chroniqué) où je n'avais cette fois, pas grand chose à me raccrocher, encore moins que la photo de Prénom Carmen que j'aime beaucoup, un peu comme NotBillyTheKid. D'autant plus qu'il pousse encore bien plus loin les plans de paysage, soleil, jour, nuit, ciel dans ce dernier que sur Prénom Carmen, jusqu'a plus soif. Pour le Godard des années 60 curieusement, je vais en sens inverse de toi, mais sans doute parce que je redécouvre l'oeuvre d'une manière plus globale (avec ouvrages à la main, ce qui aide). Ainsi, j'ai pendant longtemps détesté Le mépris. A la lueur de la chronique de Demi-Lune et de mon envol Godardien, je me le suis revu pas plus tard qu'hier après-midi et ô surprise, je me suis pris à apprécier le film, que j'ai trouvé très proche d'un drame Antonionien (la raison pourquoi je charriais Demi-Lune ici à propos du Desert Rouge). Comme quoi, le temps fait son oeuvre, la cinéphilie remplit les trous... :)

Bon bien sûr comme tu l'as pointé Jordan, j'ai été fasciné par Maruschka mais aussi Myriem Roussel mais dans mon cas, le fait d'avoir lu la relation de Godard avec ces actrices et particulièrement cette dernière a qui il demande d'apprendre le violon, presque quasiment pour rien (j'exagère, la musique prend une place prépondérante, mais effectivement plus que dans les Godard du passé), a joué pour beaucoup. Cela et tout le background qui entoure le film. L'hommage à l'origine du monde du coup, je le vois plus avec Roussel sur Je vous salue, Marie puisque c'est là aussi en filigrane le sujet principal mais cette toison est j'en conviens, fort belle. Bon après dans mon cas, la vulgarité ne m'a pas surpris sans doute parce qu'outre les invités qui déboulent comme au carnaval, j'ai plutôt bien apprécié le rôle que se donne Godard en "fou" du jeu. Sans doute que dans les années 80, l'omniprésence de Godard prend le pouvoir dans, et au-delà des films. Dans les années 60, je ne lui trouve que deux vraies incarnations. La première, physique, c'est en tant qu'assistant de Lang dans le Mépris, courte présence qu'on reconnait uniquement qu'a ses lunettes noires (quand on le voit de face) et sa voix traînante pour à peine quelques minutes à l'image. La seconde, métaphysique, dans cette voix chuchotante de 2 ou 3 choses que je sais d'elle qui en arrive à captiver par ce timbre doux captivant mais peu élevé, comme si quelqu'un se tenait très près de nous. Autant dire que le voir en train de faire plus qu'acte de présence (au détriment ?) dans le film tient d'un étrange choc. Le film fut un succès public à l'époque, je suppose que Godard et sa surmédiatisation dans les médias alors comme personnage omniprésent contrôlant sa propre image de démiurge refaisant les émissions de télé n'y est pas étrangère. Au fond c'est sans doute ça le plus étrange, qu'un créateur inventif dans les 60's laisse la place à un autre personnage, plus goguenard, dans les 80's avec ce que cela entraîne de conséquences sur son Art, je ne sais pas.

Maruschka reviendra probablement en avatar ou signature tellement sa beauté me capte. Je ne la renie pas mais pour le coup, c'est une actrice actuelle qui occupe sa place, ce qui ne veut pas dire que je renie la belle Hollandaise. ;)
Dernière modification par Anorya le 29 mars 11, 21:31, modifié 1 fois.
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Re: Prénom Carmen (Jean-Luc Godard - 1983)

Message par Jordan White »

Anorya a écrit : Bon, sinon dommage que tu n'ait pas apprécié
C'est un euphémisme Anorya.

Pour le reste, je reviendrai un peu en détails sur les éléments que tu as souligné, pas le temps tout de suite.

J'ajoute juste deux choses. Maruschka reste une actrice moderne/actuelle, même si on ne la voit pas dans beaucoup de productions, ce qui est vraiment dommage.
Et tu peux bien sûr arborer l'avatar que tu souhaites. Ma petite remarque était un petit clin d'oeil rien de plus. J'aime bien Macarana Gomez qui est tout à son honneur dans Sexy Killer, moriras por ella (as-tu vu ce film ? Le cas échéant, ça mérite le visionnage, car je constate que tu n'es pas insensible à cette actrice, et comme elle est dans 98% des plans du film suscité...).
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