Cinema Paradiso (Giuseppe Tornatore - 1988)
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- David O. Selznick
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Cinema Paradiso (Giuseppe Tornatore - 1988)
Découvert à sa sortie en salle, ce film est devenu pour moi une référence incontournable. Giuseppe Tornatore est parvenu à exprimer avec beauté, intelligence et émotion des thèmes universels qui me touchent au coeur (l'amour du cinéma, bien sûr, mais aussi la nostalgie, ce que le temps qui passe fait subir à notre identité, ce qu'il preserve, ce qu'il enfouit).
Durant une nuit d'insomnie, dans son appartement froid de Rome, Salvatore va revoir toute sa vie défiler devant ses yeux, comme un film. Un long flashback commence, qui nous emmène dans le village sicilien de son enface, avec ses habitants caractéristiques de la comédie italienne auxquels on va prendre le temps de s'attacher (le curé qui, d'un coup de clochette, censure le moindre baiser échangé dans un film, le communiste qui se fait snobber par tout le monde, le bourgeois qui crache littérallement sur le peuple, le nouveau riche qui va acquérir le cinéma, le fou qui garde la place du village, etc.). La photographie de Blasco Giurato sait parfaitement capter et varier les différentes ambiances des lieux, en fonction des besoins dramatiques de chaque scène. Salvatore Cascio, le môme qui joue Toto, est vraiment extraordinaire, plein de malice et d'émerveillement sincère. La relation très particulière qui le lie au projectionniste, bougon génialement interprété par Philippe Noiret, fait tout le sel du film. On rigole beaucoup de ses facéties, filmées à hauteur d'enfant. Tornatore livre un scénario vraiment inspiré où les scènes s'enchaînent avec une inépuisable variété. Je me retiens de trop en dire, afin de laisser la surprise à ceux qui ne l'auraient pas vu.
Mais derrière la drôlerie et le pittoresque dans la peinture de cette communauté de l'écran, se cache une véritable profondeur mélancolique. En devenant adolescent, Toto va connaître l'amour et apporter ainsi au film de sa vie une nouvelle dimension qui implique l'émotion du spectateur. Parvenu à l'âge adulte, Toto a tiré un trait sur son passé, son village natal, sa famille. Il apparaît à Rome comme un être ayant perdu toute chaleur humaine, ayant sans doute réussi socialement (on ne sait pas s'il est réalisateur ou producteur), comblé par le succès et les femmes mais manquant cruellement d'amour.
Cinéaste brillant, Tornatore nous offre alors quelques scènes absolument magiques, presque irréelles, comme celles où Toto attend, chaque soir pendant des mois, qu'il pleuve ou qu'il vente, que la jeune fille qu'il aime apparaisse à sa fenêtre. Le soir du nouvel an, dépité, il finit par s'en aller, et la caméra le filme alors qu'il s'éloigne dans la nuit, et que des assiettes sont balancées par les fenêtres tandis qu'éclate dans les cieux un feu d'artifice. Et que dire de la toute dernière scène du film, véritable climax emotif, que je considère personnellement comme une des plus belles jamais tournées. Tous ces grands moments de cinéma sont réellement sublimés par la musique de Morricone qui s'associe ici à son fils Andrea. Son Love theme me colle systématiquement des frissons. Qui d'autre que le compositeur de Once upon a time in America pouvait à ce point rendre palpable cette petite musique de la nostalgie. Si je trouve le film aussi magnifique, c'est parce qu'il fonctionne davantage par l'évocation que par la diction. Une grande liberté est laissée au spectateur pour apprécier et ressentir à sa façon ce qui se passe à l'écran.
Il est évident qu'on n'a nul besoin de faire de l'analyse filmique lorsqu'on regarde un film, mais personnellement, je sais y être parfois sensible, et dans ce cas précis, ça décuple mon plaisir. Il faut voir comment Tornatore découpe précisément chacun de ses plans, donne du sens au moindre mouvement de caméra, interagit avec le décor et les personnages, et surtout, comment il parvient à composer cet ensemble au sein d'un travail de montage tout à fait remarquable. Jouant sur la temporalité et le principe de l'évocation, chaque raccord devient particulièrement riche, qu'il soit visuel ou sonore (éclairs, cloches, cercueil, bobine). De même, chaque insert qui nous montre Toto adulte (Jacques Perrin) est réellement saisissant, révélant l'impact de souvenirs qui ressurgissent soudain avec une force insoupçonnée.
Je crois que Memento ne sera pas loin de partager mon avis , et j'aimerai bien savoir quelle place occupe cette oeuvre chez ceux qui l'ont vu. Le film n'est certainement pas parfait, mais il me semble tellement riche, tellement inventif et maîtrisé, que je tenais enfin à lui rendre hommage.
Merci de tout mon coeur, Giuseppe.
P.S: il existe une version director's cut du film, plus longue d'une cinquantaine de minutes et disponible sur un Z1 édité par Buena Vista. D'après ce que j'ai lu, les scènes supplementaire auraient tendance à diluer pas mal la sauce du film. On y verrait surtout les retrouvailles entre Toto et son amour de jeunesse adultes (Elena étant jouée par Brigitte Fossey).
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Je l'ai découvert il y a bien longtemps, étant enfant, et je me souviens avoir pris un plaisir immense en le voyant (j'étais surtout très fan de la voix de Philipe Noiret... je le suis toujours d'ailleurs). Je ne l'ai pas revu depuis, mais ton texte met parfaitement en valeur les souvenirs que j'en ai.
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- David O. Selznick
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Et bien merci Colqhoun !
Le film étant une vraie rareté que seuls quelques élus ont pu découvrir à l'occasion d'un poignée de projections lors de festivals clandestins, je ne m'attendais pas à ce que ce topic soit un tel succès.
Le film étant une vraie rareté que seuls quelques élus ont pu découvrir à l'occasion d'un poignée de projections lors de festivals clandestins, je ne m'attendais pas à ce que ce topic soit un tel succès.
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J'ai d'ailleurs appris récemment qu'une copie pirate slovaque raccourcie de 40min tournait en europe. Bon il y a des sous-titres congolais et apparemment la copie originale a dû moisir quelque temps dans une cave, mais c'est une opportunité pour découvrir ce film d'habitude introuvable.
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- David O. Selznick
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J'en ai effectivement entendu parler, mais attention ! Il pourrait s'agir d'un 33 tours.Colqhoun a écrit :J'ai d'ailleurs appris récemment qu'une copie pirate slovaque raccourcie de 40min tournait en europe. Bon il y a des sous-titres congolais et apparemment la copie originale a dû moisir quelque temps dans une cave, mais c'est une opportunité pour découvrir ce film d'habitude introuvable.
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Bien vu Max !
Surpris de voir que tu me cite ! Comment sais-tu que j'aime beaucoup ce film ? Je ne me souviens pas en avoir parlé sur ce forum.
Je rejoins en tout cas ton avis, et ton analyse, très pertinente.
Ce film fut pour moi un choc de mon adolescence, lors de sa découverte en salle. Il représente pour moi la nostalgie à l'état pur, avec Il était une fois en Amérique, de Leone. Si je devais évoquer la nostalgie au cinéma, je citerais d'emblée ces deux films.
L'histoire est formidable, les acteurs touchants (mention au gamin), et la musique de Morricone, un de ses plus beaux scores à mon sens, participe pleinement à l'émotion ressentie.
Bref, j'adore !
Qu'est devenu Tornatore ?
Surpris de voir que tu me cite ! Comment sais-tu que j'aime beaucoup ce film ? Je ne me souviens pas en avoir parlé sur ce forum.
Je rejoins en tout cas ton avis, et ton analyse, très pertinente.
Ce film fut pour moi un choc de mon adolescence, lors de sa découverte en salle. Il représente pour moi la nostalgie à l'état pur, avec Il était une fois en Amérique, de Leone. Si je devais évoquer la nostalgie au cinéma, je citerais d'emblée ces deux films.
L'histoire est formidable, les acteurs touchants (mention au gamin), et la musique de Morricone, un de ses plus beaux scores à mon sens, participe pleinement à l'émotion ressentie.
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- David O. Selznick
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En faisant une recherche pour voir si un topic n'avait pas déjà été consacré au film, je suis tombé sur quelques-uns de tes posts où tu en parles, notamment celui-là :Memento a écrit :Bien vu Max !
Surpris de voir que tu me cite ! Comment sais-tu que j'aime beaucoup ce film ? Je ne me souviens pas en avoir parlé sur ce forum.
Memento a écrit :Dans la dernière demi-heure, c'était les chutes du Niagara sur mes joues...
Memento a écrit :Qu'est devenu Tornatore ?
Il a continué à tourner avec régularité et plus ou moins de succès :
Ils vont tous bien, Une pure formalité, La Légende du pianiste sur l'océan, Malena.
Le seul autre film de lui que j'ai vu est son Marchand de rêves de 1995, avec Sergio Castellito, qui m'avait gentiment plu, avec une ambiance assez proche de celle de Cinema paradiso, mais dramatiquement un peu plus artificielle. C'est l'histoire d'un escroc qui se balade avec sa bagnole et sa caméra sur les routes de la campagne italienne dans les années 20 (?), en faisant payer les villageois pour leur faire tourner des bouts d'essai, avec la promesse de devenir star de cinéma.
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Heureusement qu'on a le droit de trouver ça nul. Si vous voulez pas argumenter, soit, mais est-ce que vous comprenez, d'après ce que j'en dis, que moi j'ai pu y trouver mon compte ?
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Oui, oui, évidemment. En fait, moi je voudrais même bien argumenter, mais je ne vois juste pas grand chose à dire, mon problème est là. J'ai le souvenir d'un film complétement fade, pour ne pas dire facile dans ses effets de manche (et attention, je n'ai rien contre un bon vieux mélo des familles s'il est bien troussé). De même, je suis assez exigeant/méfiant en matière de film à petit-gamin-tellement-attendrissant, et celui-là m'avait semblé jouer sur cette corde ad nauseam. Ton thread passionné me poussera quand même peut-être à rejeter un oeil dessus s'il passe un jour de par chez nous.Max Schreck a écrit :Heureusement qu'on a le droit de trouver ça nul. Si vous voulez pas argumenter, soit, mais est-ce que vous comprenez, d'après ce que j'en dis, que moi j'ai pu y trouver mon compte ?
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Quel gros menteurPeter Venkman a écrit :Ton thread passionné me poussera quand même peut-être à rejeter un oeil dessus s'il passe un jour de par chez nous.
Les films sont à notre civilisation ce que les rêves sont à nos vies individuelles : ils en expriment le mystère et aident à définir la nature de ce que nous sommes et de ce que nous devenons. (Frank Pierson)