Inglourious Basterds (Quentin Tarantino, 2009) - avis p.18

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Roy Neary
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par Roy Neary »

Je pourrais dire plein de choses sur le texte de Gilad Atzmon, ce qui m'obligerait néanmoins à dépasser le profond dégoût que ce dernier me procure.

Ce qui ressort tout de même en premier est que sa haine viscérale du Sionisme et d'Israël lui fait dire un peu n'importe quoi. Pourtant son analyse tarabiscotée est intéressante et véhicule certaines vérités (difficiles à entendre mais justes) sur la psychologie et le caractère des Israéliens. Mais ce personnage est si haineux qu'il se laisse aller à des parallèles douteux et franchement dégueulasses qui d'ailleurs comportent des points communs (chacun différents) avec ce qui peut exister de pire dans les intégrismes juif et musulman ; en effet, certains orthodoxes juifs estiment que les Juifs ont "péché" et qu'ils partagent logiquement la responsabilité dans l'entreprise d'annihilation nazie, et certains orthodoxes musulmans mettent en doute le statut de victime des juifs dans la Shoah (en allant jusqu'au discours négationniste) tout en comparant la politique israélienne à la politique nazie. Bref, Atzmon est complètement bouffé de l'intérieur par la haine et la honte de soi. Je dis "honte", car il est le prototype contemporain du juif atteint de "Selbsthass", la haine de soi juive d'origine viennoise (dont parlait d'ailleurs Herzl, le fondateur du sionisme). Atzmon dégage un telle honte de son moi juif que même ses critiques pertinentes sur la politique israélienne et sur l'évolution du sionisme deviennent sans intérêt tant elles baignent dans un salmigondis puant et des comparaissons abjectes que Inglorious Basterds s'attacherait donc selon lui à mettre en lumière. Il donne une interprétation farfelue du film et prête ainsi des intentions à Tatantino qui feraient d'ailleurs rire le cinéaste lui-même tant elles sont ridicules.

Je pense qu'avec des personnalités de ce type, on est mal barrés pour dire aux Israéliens qu'ils font fausse route depuis longtemps et pour faire cesser leur politique cruelle à l'encontre des Palestiniens. Pour Atzmon, "juif", "israélien" et "sioniste" s'amalgament dans un corpus unique qui serait donc responsable de tous les maux de la Terre. Je pense donc également qu'il sera le bienvenu (et chaleureusement accueilli) dans une future "conférence sur le sionisme" organisée par les antisémites et négationnistes de toutes obédiences (islamistes, tiers-mondistes, néofascistes, etc...).
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Phnom&Penh
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par Phnom&Penh »

Shin Cyberlapinou a écrit :Quelques précisions, car force est de reconnaître que la courtoisie est quand même descendue d'un cran.
J'ai réagi un peu à chaud, et j'étais surtout énervé par le texte d'Atzmon.
Shin Cyberlapinou a écrit :Le petit con (30 ans cette année)
Je ne vais pas faire l'hypocrite en écrivant que bien entendu, je ne pensais qu'à Atzmon, Tarantino, notre époque, bref tout le monde sauf toi - du moins qu'en j'écrivais cela tout à l'heure. Bref, désolé d'avoir été un peu vif :)

Je ne pense pas que ce que tu dises soit con, je pense, comme je le disais quand tu as commencé à évoquer le sujet, que c'est surtout dangereux, parce qu'extrémement relativiste.
Shin Cyberlapinou a écrit :Dans sans doute moins de 25 ans, plus personne n'aura connu la Shoah. Dans moins de 50 ans, plus personne n'aura connu la deuxième guerre mondiale. Est-il sain dans ces conditions de cultiver un sens de la culpabilité?
A notre époque, c'est moins une question de culpabilité que de responsabilité. Il ne s'agit pas d'un accident de l'histoire, mais d'un aboutissement. Il ne s'agit pas d'un court moment d'hystérie collective avec deux ou trois responsables qui ont excité la foule. Le film de Tarantino est irresponsable vis à vis de l'histoire et c'est revendiqué, donc en soi ce n'est pas vraiment un problème.

Le problème - et je reconnais que Tarantino n'y est pas pour grand chose - c'est qu'il ne s'agit pas d'un petit film de genre, fait par un quelconque tâcheron, avec une audience limitée. Et qu'il s'adresse à un public moderne, souvent jeune et justement totalement déculpabilisé sur ce sujet.
Shin Cyberlapinou a écrit :Jamais je n'aurai à lutter contre un ennemi monstrueux. Ma génération est celle des petites victoires et des défaites silencieuses, elle n'aura pas de Grand Combat, pas de Grande Responsabilité. Ca vaut ce que ça vaut, mais ça a le mérite d'être plus reposant, et quelque part plus libérateur (non, je ne crois pas que l"humour excuse tout. Mais oui, je crois qu'on peut théoriquement rire de tout). En espérant ne pas lancer de mégadébat sur les Visions du Monde...
Un public qui se sent très loin de tout risque de retour d'une quelconque barbarie, qu'elle qu'en soit la forme :wink:

Un public qui s'imagine ne jamais plus pouvoir être fanatisé par une propagande telle que celle qui est caricaturée par Tarantino dans son "film dans le film" (celui du héros qui tue tout le monde).

Or la propagande de Goebbels ou les discours d'Hitler, plus que des films, c'était surtout:
- exalter les frustrations réelles ou supposées
- échanger l'épanouissement individuel contre l'orgueil collectif
- transformer l'information en propagande, d'abord en interdisant liberté d'informartion comme liberté d'opinion, puis en développant une argumentation aussi mensongère qu'outrancière, mais toujours flatteuse pour ceux à qui elle était destinée
- fournir un bouc emmissaire

Après, il y a tout ce qui a plus rapport avec l'Allemagne et l'époque d'alors, mais ces points là sont parfaitement utilisables aujourd'hui. L'exemple allemand rappelle aussi combien dix petites années suffisent pour tout changer. Donc, j'espère bien que ce film ne constitue pas un terminal au sens où tu l'entends, non pas parce que je trouve l'idée idiote, mais parce que contrairement à toi, je trouverais cela inquiétant.
Shin Cyberlapinou a écrit :Responsabilité, ok, transmission d'un patrimoine même pas très glorieux, ok.
Je préférerais de beaucoup qu'on s'attarde plus longuement sur les raisons qui mènent un pays à la dictature et un peuple à la soumission plutôt que de faire subir ce rabâchage, avec une vision souvent parfaitement fausse et caricaturale des faits. En cela, je comprends parfaitement ton agacement à ce sujet :wink:
"pour cet enfant devenu grand, le cinéma et la femme sont restés deux notions absolument inséparables", Chris Marker

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Shin Cyberlapinou
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par Shin Cyberlapinou »

Je comprends tout à fait, et tes craintes sont parfaitement légitimes.

Mais, et si Inglourious Basterds avait été un bide? Et si les gens avaient dit rien qu'en voyant le pitch: "pfff, encore un film sur la Deuxième guerre mondiale, commence vraiment à y en avoir plein le cul". Je pense que c'est là qu'il faudrait s'inquiéter.

Même aujourd'hui, de nombreuses oeuvres sur le sujet sont de grands succès publics (en tout cas en France): Le village, Un secret, Les bienveillantes, Schindler, Ryan et La vie est belle pour la décennie précédente. Le public semble manifestement toujours concerné et intéressé par cette période, alors qu'il n'y a plus aucun film sur le Vietnam (le dernier devait être Nous étions soldats, aussitôt sorti, aussitôt oublié).

J'ai déjà dit que cet état des choses m'interpellait (à croire que la digestion du passé n'a toujours pas eu lieu), mais du point de vue du devoir de mémoire, on s'en tire vraiment pas mal. A côté de ça oui, Inglourious Basterds est un tournant qui par la force de son irrévérence (plus qu'irrespect) risque de réléguer la 2ème guerre au rang de "sujet comme les autres".

Mais cette reléguation me paraît de toute façon inéluctable. Il est probable qu'un jour le nazisme sera vu comme l'Inquisition ou même déjà les boucheries des tranchées : une période dont on est pas fier mais dont la responsabilité portée est abstraite, philosophique même, sans proximité ou impact viscéral. Dans cette optique Inglourious Basterds est le révélateur d'une telle évolution des pensées (une preuve: c'est un grand succès public) mais je le vois mal déformer profondément la vision du conflit, ou alors le système éducatif fait mal son travail (cette question avait je crois été évoquée quelques pages plus tôt).

Et donc oui le relativisme est aussi un risque. Je suis d'accord pour dire que le nazisme est l'aboutissement d'une certaine civilisation rationnelle occidentale. Mais c'est un aboutissement aberrant, exceptionnel, un Bad Guy suprême comme on en voit peu, un Caligula puissance 10.000 qui ne cherche même pas à cacher sa nature, qui demande donc une grille de lecture bien particulière, que l'on appose aujourd'hui à tout et n'importe quoi (Sarkozy est beaucoup de choses, mais n'est pas un fasciste. Même Bush n'en était pas un). Inglourious Basterds ne relativise pas l'histoire, il relativise la vision que l'on en donne. Alors oui, c'est très casse gueule. Mais ça me paraît dans l'ordre des choses.

Là de toute façon on touche à des questions d'éthique personnelle que l'on ne va pas retourner comme ça. Reste que ces échanges sont toujours intéressants, rien que pour ça respect à Inglourious.

PS: avec le recul la thèse d'Altmon me paraît de plus en plus tirée par les cheveux. Et je ne parle même pas l'antisionisme quand même un peu névrotique (j'ai fait de vagues recherches) du bonhomme. Comme quoi on peut parfois faire dire tout à son contraire (Highlander est un film gay! )à à peu près n'importe quelle fiction...
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par Abronsius »

angel with dirty face a écrit :Juste un message à l'attention de Banane : Il faudrait que tu indiques au début de ton post la mention "Attention spoilers" parce que tu as tendance à raconter pas mal de scènes du film... Il faut penser à ceux qui n'ont pas encore vu le film.

EDIT DE LA MODERATION: c'est fait :wink:
En même temps, lire ces 39 pages sans rien révéler du film... ce serait truffer les textes de "spoilers" pour éviter à ce lecteur de ne pas trop en savoir !! Je préfère de la lisibilité, le lecteur est gentil, il va voir le film et il viendra en discuter après...

Mais la règle veut que l'on "spoile" alors "spoilons".
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par Anorya »

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Strum
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par Strum »

Je pense que l'on continuera en occident à parler de la seconde guerre mondiale et de la Shoah dans 50 ans, 100 ans, 150 ans, comme d'un évènement exceptionnel et in fine irréductible à une analyse explicative. Parce qu'il s'agit d'évènements impensables et irrationnels, ils demeureront un champ d'investigation pour le penseur et l'artiste.

Et je ne crois pas que Inglourious Basterds, habile poilade de Tarantino, doive changer cela. Je ne vois d'ailleurs pas Tarantino comme faisant oeuvre d'un relativisme historique conscient. Il puise simplement dans le vaste matériau de fiction auquel la seconde guerre mondiale a donné lieu au cours des décennies passées. Ce matériau fictionnel est l'envers des analyses historiques et philosophiques qui ont été conduites, soit qu'il s'agisse d'une sorte de rémission (les sentiments de responsabilité et de culpabilité ne peuvent être en tension permanente, il faut parfois savoir souffler), soit que les tentatives de rationnalisation de la Shoah, forcément inabouties, aient indirectement produites un envers fictionnel puisque l'irrationnel est le domaine par excellence de l'art qui tente ensuite de lui donner un sens. Mais je ne crois pas que ces moments de distraction remettent en cause le travail d'analyse qui a été effectué. Au contraire, le seul fait qu'ils existent, et qu'il y ait aussi une demande pour des fictions du type d'IB, montrent le caractère exceptionnel du conflit. Enfin, ceux qui abusent aujourd'hui des renvois à cette période dans les campagnes électorales en traitant leurs opposants politique de "fascistes" démontrent simplement leur très mauvaise connaissance de la seconde guerre mondiale ; le fait qu'ils ne l'aient pas assez étudiér devrait inciter à davantage d'étude plutôt qu'à moins d'étude.

S'agissant de la notion de film "terminal" ou "définitif", je dois avouer ne pas comprendre ce que cela est censé signifier. Il n'y a pas, il ne peut y avoir de film terminal ou définitif, à moins de parler du dernier film avant la destruction de l'humanité. Il y a sans doute des films ou des oeuvres jalons dans l'histoire du cinéma ou de la pensée, par leur apport technique, leur succès ou la force de leurs idées, mais rien qui soit "définitif" puisqu'il y a toujours un après, et qu'"il faut toujours tout recommencer". A cette aune, même Shoah de Lanzmann n'est pas un film définitif sur la Shoah. Et relativisons le succès public du film de Tarantino ; il demeure limité (110 millions de dollars aux Etats-Unis par exemple, 4 fois moins que Transformers 2, ou encore 2,5 millions de spectateurs en France).

S'agissant de la critique d'Atzmon : elle utilise Inglourious Basterds comme prétexte d'une diatribe contre l'israélien combatif d'aujourd'hui, et fait dire des choses au film qu'il ne dit pas. Il est certain (il n'y a pas besoin d'être docteur en Histoire pour le comprendre) que les basterds de Tarantino ont plus à voir avec les israéliens combatifs d'aujourd'hui qu'avec les juifs des shtetl d'Europe de l'Est victimes de la Shoah ; cela tient à la dimension anachronique du film, son côté poilade avec Eli Roth, parfaitement assumée. Mais ce que commettent les basterds du film (qui sont simplement des soldats), n'est rien, mais rien, par rapport aux horreurs commises durant la guerre (durant n'importe quelle guerre d'ailleurs), et les comparer avec les nazis, comme Atzmon fait honteusement mine de le faire, est une absurdité et témoigne d'une méconnaissance profonde de l'Histoire. En passant, Atzmon, tout à sa thèse ridicule, fait mine d'ignorer que si les israëliens ne s'étaient pas battus depuis la création de l'Etat, Israël, que ce soit durant la guerre d'indépendance de 48, la guerre des 6 jours de 67, la guerre d'usure de 68-69, la guerre de Kippour de 73, etc... aurait pu disparaitre dix fois. Bref, voir dans Inglourious Basterds une critique indirecte d'Israël révèle surtout me semble-t-il un parti pris anti-israëlien.
Nomorereasons
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par Nomorereasons »

Vu Inglorious Bastards.

Petit aparté: si Yaplusdsaisons forumeur ne manque pas de dire du mal de Tarantino dès qu'il le peut, la personne qui se cache derrière ce pseudo a des goûts plus simples et ne crache pas sur un de ces spectacles jouissifs et totalement imprévisibles dont notre réalisateur a le secret. C'est donc en loucedé -pardon, en juif-, en tout cas bien caché de ses amis Tuesday et Tom Peeping, que le daïmôn de Yaplusdsaisons est allé se payer une grosse choucroute Tarantinienne dont il attendait un peu de divertissement, en tachant de faire abstraction des critiques détaillées et savantes que cet ultime opus a provoquées.

Las. Le film a de jolis moments, il ne lui manque pas un bouton de guêtre, mais il ne fonctionne pas. A aucun moment on ne rentre dans l'histoire ni tout le reste.

Mettons -et c'est chose courante parmi les créateurs de la trempe de Tarantino- que l'histoire du film ne soit qu'un leurre et que le montreur de marionnettes n'aligne les citations léoniennes et que sais-je encore en rustines grossières que pour interpeller le public averti, connaisseur, celui qui est décidé à ne pas s'en laisser conter: le film entrerait alors dans la catégorie abstraite de "grand film malade" ou du méta-cinéma.
Tout ayant déjà été dit sur ce sujet je ne vais pas m'y risquer à mon tour, si ce n'est en reconnaissantant qu' Hitler étant le méchant des méchants, on ne peut rêver revenge movie plus abouti; voici sans doute la conclusion de ce film "terminal" et en quoi son metteur en scène serait allé au bout de sa logique.
Terminal, ça l'est de toute évidence, non pas à l'égard de la représentativité de la guerre, mais du réalisateur lui-même: je crains à part cela qu'il soit vain de rêver aux voies fécondes que son Inglorious Bastard serait censé inaugurer sur la morale d'un cinéma de la guerre enfin "décrispé" (selon l'expression que j'emprunte à Giscard d'Estaing dans son livre "Démocratie française": à citeur, citeur et demie). Ici Tarantino se contente de ravaler l'Histoire au rouleau épais du cinéma bis et de ses fantasmes de Père Noël à l'égard des opprimés de cette terre: juifs, noirs, femmes -et même nazis- réunis sous la bannière du nanar de choc, entrant en Résistance contre la Kultur. C'est peut-être une bonne nouvelle pour les adeptes du cinéma de genre qui n'ont toujours pas vu Salon Kitty, mais ça s'arrête là.

Pour le reste je rejoins, mais en moins subtil, l'avis de Phnom&Penh: un film autant le cul entre deux chaises au regard de l'Histoire (et peu importe la gravité du sujet, ce qui compte ici c'est qu'il nous touche de près et constitue peu ou prou l'alpha et l'oméga de nos valeurs morales) ne peut pas emporter une totale adhésion. De mémoire, les films qui se terminent bien sur la seconde guerre mondiale, que ce soit la Grande Vadrouille ou Les 12 Salopards ne montrent que des victoires provisoires qui n'influent en rien sur le cours des évènements et laissent, malgré leurs invraisemblances, planer le doute selon lequel CECI A PEUT-ETRE EU LIEU.
Ou alors, on aborde l'anticipation, ce que fit René Fallet dans son roman Ersatz lorsqu'il fit couler à Hitler des jours heureux dans une maison de retraite.

Le spectacle hybride que représente Inglorious Bastards, outre qu'il m'ait donné la conviction définitive qu'il appartient au seul sociopathe de pouvoir rester vissé deux heures et demie devant un écran, est un exemple parfait de pétard mouillé. Dès l'arrivée de Brad Pitt en yankee juif décalé, on comprend qu'un tel film, à la fois étroitement historique et affranchi des aspérités de l'histoire, risque de se vautrer dans l'imprévisible le plus vain, le plus dégradé et dédramatisé au lieu des ressources tragiques de l'inéluctable vérité historique.
Précisions:
+Ce que ce film a d' "Historique", de "sérieux", de "grand": ses longs passages chiants, sa luxueuse reconstitution, ses soldats allemands-enfin-montrés-sous-un-angle-humain.
+Ce que ce film a de krosse rikolate: les juifs neuneus et enfin "décrispés", les dignitaires nazis cons comme des balais, les citations à n'en plus finir, l'attirail sadico-fétichiste du réalisateur à base de pieds de femmes et de torture par pénétration de doigt dans une plaie ouverte et sanglante. Pas d'erreur, la pornographie est omniprésente dans ce film, quoique ce soit une pornographie morale plus qu'érotique.

Il ne faut pas cracher sur les ressources de l'Histoire petite ou grande, elle est infiniment plus fertile que l'imagination qui, elle, est forcément limitée. De même il serait vain de prétendre que notre sensibilité n'a pas de limite elle aussi: les choses "fausses" la rebutent. Entre les deux, le spectateur, qui comprend vite que la véritable Histoire dont se réclame ce film, c'est celle de la fin de l'Histoire, monde de cauchemar où Tarantino, le virtuel et le divertissement dictent leurs lois au réel. En l'état, ce film se heurte à une barrière certes idiote mais irrévocable: CA N'A PAS EXISTE. C'est une blague à la fois lourde, désincarnée et -est-il besoin de le signaler- rigoureusement dépourvue de drôlerie. Si un tel film mobilise le souvenir de To be or not to be, c'est à titre purement allusif et technique; l'humour y est nul, sans rien de spirituel.

Mettons qu'il s'agisse d'une sorte de gag métaphysique. QT serait-il un moraliste? Rien n'est moins sûr. Il y a certes de quoi provoquer quelques réflexes intellectuels dans ce film: les thèmes soulevés sont nombreux, il n'y a qu'à se baisser pour en trouver. Prenons la réflexion sur la violence: ici, elle est élémentaire et hypocrite mais ne soyons pas difficile, elle n'est au fond pas moins avancée que dans la moyenne des films qui font mine de la stigmatiser afin d'en proposer deux fois plus à notre regard avide.
Avouez qu'il y a de quoi disserter: comme dans la scène au cinéma d'Orange Mécanique, on passe un film dans le film, sauf que ce spectacle barbare réjouit les spectateurs nazis de la salle (lesquels? les acteurs ou... nous-mêmes? Seigneur, qu'avons-nous fait pour mériter si terrifiante mise en abyme?) et n'oublions pas la scène finale du marquage vu en caméra subective: ce dernier exemple, certes perdu dans un film d'une grande vulgarité, est si grossier qu'il nous est impossible d'envisager que Tarantino puisse être sérieux à ce moment-là. Au fond il arpente ses vieilles marottes, hâtivement montées en problématiques pour les besoins d'un tel sujet.

Voilà donc pour moi ce qui rend cette réflexion aigre: le manque de fraîcheur du réalisateur. Ici la malice règne, le film ne file jamais droit et pour cause: au fond de chaque problématique soulevée, Tarantino se ménage une porte de sortie, une chatière, un passage secret qui communique avec la problématique voisine, si bien qu'il devient impossible, dans cette maison aux pièces nombreuses mais petites et basses, de saisir cette espèce de fantôme qui se dérobe sans cesse à notre appréhension. La limite, c'est qu'il ne sort jamais de la maison et se contente de circuler en circuit fermé, déconnecté de la réalité mais calfeutré dans sa réalité de geek qui a réussi. Pour tout dire je suis étonné qu'il ait vécu si longtemps d'amour et d'eau fraîche avec ses vieilles VHS.
Le spectateur, lui, n'est pas toujours rompu à la volupté du soi-disant film total, désincarné et terminal, qui provoque de savants carambolages entre rêve et réalité: il y a des combinaisons très hasardeuses où l'un et l'autre se neutralisent à défaut de s'appuyer mutuellement. Au lieu de cela, derrière ce film aussi mauvais que son réalisateur est talentueux, le spectacle édifiant d'un génie pourri, errant comme une âme en peine.

En bon chrétien, je me dévoue pour souhaiter de tous mes voeux à Tarantino une aventure similaire à celle de Baudelaire à la parution des Fleurs du Mal, lorsque Barbey d'Aurevilly, dans un article célèbre, accula le poète à choisir entre "la croix et le pistolet". Autrement dit, à la conversion ou au suicide; et encore autrement dit dans le cas de Tarantino, à sortir de sa vidéothèque pour pondre un vrai film plutôt que ressortir ses ragoûts de l'avant-veille. (Pour la petite histoire Baudelaire se convertit à la suite de cet épisode, ce qui augure une issue heureuse pour notre réalisateur.)
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par julien »

T'aurais dû te remater Papy fait de la Résistance, au lieu d'aller voir cette connerie.
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par AtCloseRange »

yaplusdsaisons a écrit :Vu Inglorious Bastards.

Petit aparté: si Yaplusdsaisons forumeur ne manque pas de dire du mal de Tarantino dès qu'il le peut, la personne qui se cache derrière ce pseudo a des goûts plus simples et ne crache pas sur un de ces spectacles jouissifs et totalement imprévisibles dont notre réalisateur a le secret. C'est donc en loucedé -pardon, en juif-, en tout cas bien caché de ses amis Tuesday et Tom Peeping, que le daïmôn de Yaplusdsaisons est allé se payer une grosse choucroute Tarantinienne dont il attendait un peu de divertissement, en tachant de faire abstraction des critiques détaillées et savantes que cet ultime opus a provoquées.

Las. Le film a de jolis moments, il ne lui manque pas un bouton de guêtre, mais il ne fonctionne pas. A aucun moment on ne rentre dans l'histoire ni tout le reste.

Mettons -et c'est chose courante parmi les créateurs de la trempe de Tarantino- que l'histoire du film ne soit qu'un leurre et que le montreur de marionnettes n'aligne les citations léoniennes et que sais-je encore en rustines grossières que pour interpeller le public averti, connaisseur, celui qui est décidé à ne pas s'en laisser conter: le film entrerait alors dans la catégorie abstraite de "grand film malade" ou du méta-cinéma.
Tout ayant déjà été dit sur ce sujet je ne vais pas m'y risquer à mon tour, si ce n'est en reconnaissantant qu' Hitler étant le méchant des méchants, on ne peut rêver revenge movie plus abouti; voici sans doute la conclusion de ce film "terminal" et en quoi son metteur en scène serait allé au bout de sa logique.
Terminal, ça l'est de toute évidence, non pas à l'égard de la représentativité de la guerre, mais du réalisateur lui-même: je crains à part cela qu'il soit vain de rêver aux voies fécondes que son Inglorious Bastard serait censé inaugurer sur la morale d'un cinéma de la guerre enfin "décrispé" (selon l'expression que j'emprunte à Giscard d'Estaing dans son livre "Démocratie française": à citeur, citeur et demie). Ici Tarantino se contente de ravaler l'Histoire au rouleau épais du cinéma bis et de ses fantasmes de Père Noël à l'égard des opprimés de cette terre: juifs, noirs, femmes -et même nazis- réunis sous la bannière du nanar de choc, entrant en Résistance contre la Kultur. C'est peut-être une bonne nouvelle pour les adeptes du cinéma de genre qui n'ont toujours pas vu Salon Kitty, mais ça s'arrête là.

Pour le reste je rejoins, mais en moins subtil, l'avis de Phnom&Penh: un film autant le cul entre deux chaises au regard de l'Histoire (et peu importe la gravité du sujet, ce qui compte ici c'est qu'il nous touche de près et constitue peu ou prou l'alpha et l'oméga de nos valeurs morales) ne peut pas emporter une totale adhésion. De mémoire, les films qui se terminent bien sur la seconde guerre mondiale, que ce soit la Grande Vadrouille ou Les 12 Salopards ne montrent que des victoires provisoires qui n'influent en rien sur le cours des évènements et laissent, malgré leurs invraisemblances, planer le doute selon lequel CECI A PEUT-ETRE EU LIEU.
Ou alors, on aborde l'anticipation, ce que fit René Fallet dans son roman Ersatz lorsqu'il fit couler à Hitler des jours heureux dans une maison de retraite.

Le spectacle hybride que représente Inglorious Bastards, outre qu'il m'ait donné la conviction définitive qu'il appartient au seul sociopathe de pouvoir rester vissé deux heures et demie devant un écran, est un exemple parfait de pétard mouillé. Dès l'arrivée de Brad Pitt en yankee juif décalé, on comprend qu'un tel film, à la fois étroitement historique et affranchi des aspérités de l'histoire, risque de se vautrer dans l'imprévisible le plus vain, le plus dégradé et dédramatisé au lieu des ressources tragiques de l'inéluctable vérité historique.
Précisions:
+Ce que ce film a d' "Historique", de "sérieux", de "grand": ses longs passages chiants, sa luxueuse reconstitution, ses soldats allemands-enfin-montrés-sous-un-angle-humain.
+Ce que ce film a de krosse rikolate: les juifs neuneus et enfin "décrispés", les dignitaires nazis cons comme des balais, les citations à n'en plus finir, l'attirail sadico-fétichiste du réalisateur à base de pieds de femmes et de torture par pénétration de doigt dans une plaie ouverte et sanglante. Pas d'erreur, la pornographie est omniprésente dans ce film, quoique ce soit une pornographie morale plus qu'érotique.

Il ne faut pas cracher sur les ressources de l'Histoire petite ou grande, elle est infiniment plus fertile que l'imagination qui, elle, est forcément limitée. De même il serait vain de prétendre que notre sensibilité n'a pas de limite elle aussi: les choses "fausses" la rebutent. Entre les deux, le spectateur, qui comprend vite que la véritable Histoire dont se réclame ce film, c'est celle de la fin de l'Histoire, monde de cauchemar où Tarantino, le virtuel et le divertissement dictent leurs lois au réel. En l'état, ce film se heurte à une barrière certes idiote mais irrévocable: CA N'A PAS EXISTE. C'est une blague à la fois lourde, désincarnée et -est-il besoin de le signaler- rigoureusement dépourvue de drôlerie. Si un tel film mobilise le souvenir de To be or not to be, c'est à titre purement allusif et technique; l'humour y est nul, sans rien de spirituel.

Mettons qu'il s'agisse d'une sorte de gag métaphysique. QT serait-il un moraliste? Rien n'est moins sûr. Il y a certes de quoi provoquer quelques réflexes intellectuels dans ce film: les thèmes soulevés sont nombreux, il n'y a qu'à se baisser pour en trouver. Prenons la réflexion sur la violence: ici, elle est élémentaire et hypocrite mais ne soyons pas difficile, elle n'est au fond pas moins avancée que dans la moyenne des films qui font mine de la stigmatiser afin d'en proposer deux fois plus à notre regard avide.
Avouez qu'il y a de quoi disserter: comme dans la scène au cinéma d'Orange Mécanique, on passe un film dans le film, sauf que ce spectacle barbare réjouit les spectateurs nazis de la salle (lesquels? les acteurs ou... nous-mêmes? Seigneur, qu'avons-nous fait pour mériter si terrifiante mise en abyme?) et n'oublions pas la scène finale du marquage vu en caméra subective: ce dernier exemple, certes perdu dans un film d'une grande vulgarité, est si grossier qu'il nous est impossible d'envisager que Tarantino puisse être sérieux à ce moment-là. Au fond il arpente ses vieilles marottes, hâtivement montées en problématiques pour les besoins d'un tel sujet.

Voilà donc pour moi ce qui rend cette réflexion aigre: le manque de fraîcheur du réalisateur. Ici la malice règne, le film ne file jamais droit et pour cause: au fond de chaque problématique soulevée, Tarantino se ménage une porte de sortie, une chatière, un passage secret qui communique avec la problématique voisine, si bien qu'il devient impossible, dans cette maison aux pièces nombreuses mais petites et basses, de saisir cette espèce de fantôme qui se dérobe sans cesse à notre appréhension. La limite, c'est qu'il ne sort jamais de la maison et se contente de circuler en circuit fermé, déconnecté de la réalité mais calfeutré dans sa réalité de geek qui a réussi. Pour tout dire je suis étonné qu'il ait vécu si longtemps d'amour et d'eau fraîche avec ses vieilles VHS.
Le spectateur, lui, n'est pas toujours rompu à la volupté du soi-disant film total, désincarné et terminal, qui provoque de savants carambolages entre rêve et réalité: il y a des combinaisons très hasardeuses où l'un et l'autre se neutralisent à défaut de s'appuyer mutuellement. Au lieu de cela, derrière ce film aussi mauvais que son réalisateur est talentueux, le spectacle édifiant d'un génie pourri, errant comme une âme en peine.

En bon chrétien, je me dévoue pour souhaiter de tous mes voeux à Tarantino une aventure similaire à celle de Baudelaire à la parution des Fleurs du Mal, lorsque Barbey d'Aurevilly, dans un article célèbre, accula le poète à choisir entre "la croix et le pistolet". Autrement dit, à la conversion ou au suicide; et encore autrement dit dans le cas de Tarantino, à sortir de sa vidéothèque pour pondre un vrai film plutôt que ressortir ses ragoûts de l'avant-veille. (Pour la petite histoire Baudelaire se convertit à la suite de cet épisode, ce qui augure une issue heureuse pour notre réalisateur.)
Joli texte, cher yap' (d'autant que d'habitude un message aussi long, j'abandonne au bout du 2ème paragraphe :mrgreen: ).
Sinon petit point qui reste obscur: Aldo Raine, il est juif ou pas? Je croyais qu'il ne l'était pas. Et si effectivement il ne l'est pas, que veut dire Tarantino par cet état de fait?
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Eusebio Cafarelli
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par Eusebio Cafarelli »

Version Atzmon de cet état de fait : Israël sioniste est aux ordres des États-Unis vont-en-guerre de Bush Jr. :lol:
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par Ouf Je Respire »

Roy Neary a écrit :Je pourrais dire plein de choses sur le texte de Gilad Atzmon, ce qui m'obligerait néanmoins à dépasser le profond dégoût que ce dernier me procure.

Ce qui ressort tout de même en premier est que sa haine viscérale du Sionisme et d'Israël lui fait dire un peu n'importe quoi. Pourtant son analyse tarabiscotée est intéressante et véhicule certaines vérités (difficiles à entendre mais justes) sur la psychologie et le caractère des Israéliens. Mais ce personnage est si haineux qu'il se laisse aller à des parallèles douteux et franchement dégueulasses qui d'ailleurs comportent des points communs (chacun différents) avec ce qui peut exister de pire dans les intégrismes juif et musulman ; en effet, certains orthodoxes juifs estiment que les Juifs ont "péché" et qu'ils partagent logiquement la responsabilité dans l'entreprise d'annihilation nazie, et certains orthodoxes musulmans mettent en doute le statut de victime des juifs dans la Shoah (en allant jusqu'au discours négationniste) tout en comparant la politique israélienne à la politique nazie. Bref, Atzmon est complètement bouffé de l'intérieur par la haine et la honte de soi. Je dis "honte", car il est le prototype contemporain du juif atteint de "Selbsthass", la haine de soi juive d'origine viennoise (dont parlait d'ailleurs Herzl, le fondateur du sionisme). Atzmon dégage un telle honte de son moi juif que même ses critiques pertinentes sur la politique israélienne et sur l'évolution du sionisme deviennent sans intérêt tant elles baignent dans un salmigondis puant et des comparaissons abjectes que Inglorious Basterds s'attacherait donc selon lui à mettre en lumière. Il donne une interprétation farfelue du film et prête ainsi des intentions à Tatantino qui feraient d'ailleurs rire le cinéaste lui-même tant elles sont ridicules.

Je pense qu'avec des personnalités de ce type, on est mal barrés pour dire aux Israéliens qu'ils font fausse route depuis longtemps et pour faire cesser leur politique cruelle à l'encontre des Palestiniens. Pour Atzmon, "juif", "israélien" et "sioniste" s'amalgament dans un corpus unique qui serait donc responsable de tous les maux de la Terre. Je pense donc également qu'il sera le bienvenu (et chaleureusement accueilli) dans une future "conférence sur le sionisme" organisée par les antisémites et négationnistes de toutes obédiences (islamistes, tiers-mondistes, néofascistes, etc...).
Ton avis me fait dire que je n'ai pas suffisamment d'éléments en ma possession pour avoir un avis tranché sur la question.

:mrgreen:
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Mama Grande!
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par Mama Grande! »

yaplusdsaisons a écrit :
quoique ce soit une pornographie morale plus qu'érotique.
Pornographie mémorielle? :mrgreen: :arrow:

Sinon je suis plutôt d'accord avec Yaplusdesaisons, sans rentrer dans les détails métaphysiques. Après un Boulevard de la mort regardable mais sans grand intérêt, ce n'est pas ce Inglourious Basterds qui va me réconcilier avec le cinéma de Tarantino. Est-ce parce que mes goûts ont changé? N'ayant pas revu depuis un bail les 5 premiers films du bonhomme, j'aurais du mal à dire. Mais le fait est que je n'ai pas réussi à entrer dans cet univers, à croire à cette histoire le temps du film, un peu comme dans les derniers thrillers de De Palma. En effet, le film a le cul entre 2 chaises. Reconstitution luxueuse, casting international, attention portée aux différences linguistiques (rare pour un film US) etc... mais pour juste faire un jeu de massacre loufoque sans aucune considération historique, cela était-il nécessaire? Est-ce vraiment approprié? De plus, syndrome des réalisateurs qui tournent dans une langue qui n'est pas la leur, la direction des acteurs francophones, sans être catastrophique, est très moyenne. Pourquoi avoir tourné en français alors, puisque de toutes façons il ne cherchait pas à faire un film réaliste? Résultat, l'interprétation de Mélanie Laurent manque cruellement de charisme, et peine souvent à trouver le ton juste. Hormis Brad Pitt et Christoph Waltz, je n'ai trouvé à vrai dire aucun personnage charismatique qui pourrait nous embarquer dans cet univers. Or, c'était souvent par le passé ce qui nous permettait d'adhérer à ses films.
Donc malgré une mise en scène toujours brillante, et quelques moments vraiment réussis, j'ai trouvé le temps long, me suis ennuyé comme un rat mort pendant les longs dialogues, et au final, même si le jeu de massacre n'est pas déplaisant, je n'en ai pas compris l'intérêt. Comme pour Boulevard de la mort.
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par Nomorereasons »

Eusebio Cafarelli a écrit :Version Atzmon de cet état de fait : Israël sioniste est aux ordres des États-Unis vont-en-guerre de Bush Jr. :lol:
Un gars comme Atzmon, pour un artiste, ça n'a pas de prix.
Un soir de cuite à Brest, j'ai vomi à 10 mètres du commissariat de police, j'attends encore qu'on établisse ce que mon acte avait de nietzschéen.
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par Momo la crevette »

yaplusdsaisons a écrit :
Un soir de cuite à Brest
La loose.
styx a écrit :Je comprends pas grand chose à vos salades, mais vous avez l'air bien sur de vous, donc zetes plus à même hein de parler, de sacrés rigolos que vous faites en fait, merde ça rime lourd là, je vais éditer. mdr
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Thaddeus
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Re: Inglourious Basterds (Quentin Tarantino - 2009) - avis p.18

Message par Thaddeus »

yaplusdsaisons a écrit :Vu Inglorious Bastards.

Petit aparté: si Yaplusdsaisons forumeur ne manque pas de dire du mal de Tarantino dès qu'il le peut, la personne qui se cache derrière ce pseudo a des goûts plus simples et ne crache pas sur un de ces spectacles jouissifs et totalement imprévisibles dont notre réalisateur a le secret. C'est donc en loucedé -pardon, en juif-, en tout cas bien caché de ses amis Tuesday et Tom Peeping, que le daïmôn de Yaplusdsaisons est allé se payer une grosse choucroute Tarantinienne dont il attendait un peu de divertissement, en tachant de faire abstraction des critiques détaillées et savantes que cet ultime opus a provoquées.

Las. Le film a de jolis moments, il ne lui manque pas un bouton de guêtre, mais il ne fonctionne pas. A aucun moment on ne rentre dans l'histoire ni tout le reste.

Mettons -et c'est chose courante parmi les créateurs de la trempe de Tarantino- que l'histoire du film ne soit qu'un leurre et que le montreur de marionnettes n'aligne les citations léoniennes et que sais-je encore en rustines grossières que pour interpeller le public averti, connaisseur, celui qui est décidé à ne pas s'en laisser conter: le film entrerait alors dans la catégorie abstraite de "grand film malade" ou du méta-cinéma.
Tout ayant déjà été dit sur ce sujet je ne vais pas m'y risquer à mon tour, si ce n'est en reconnaissantant qu' Hitler étant le méchant des méchants, on ne peut rêver revenge movie plus abouti; voici sans doute la conclusion de ce film "terminal" et en quoi son metteur en scène serait allé au bout de sa logique.
Terminal, ça l'est de toute évidence, non pas à l'égard de la représentativité de la guerre, mais du réalisateur lui-même: je crains à part cela qu'il soit vain de rêver aux voies fécondes que son Inglorious Bastard serait censé inaugurer sur la morale d'un cinéma de la guerre enfin "décrispé" (selon l'expression que j'emprunte à Giscard d'Estaing dans son livre "Démocratie française": à citeur, citeur et demie). Ici Tarantino se contente de ravaler l'Histoire au rouleau épais du cinéma bis et de ses fantasmes de Père Noël à l'égard des opprimés de cette terre: juifs, noirs, femmes -et même nazis- réunis sous la bannière du nanar de choc, entrant en Résistance contre la Kultur. C'est peut-être une bonne nouvelle pour les adeptes du cinéma de genre qui n'ont toujours pas vu Salon Kitty, mais ça s'arrête là.

Pour le reste je rejoins, mais en moins subtil, l'avis de Phnom&Penh: un film autant le cul entre deux chaises au regard de l'Histoire (et peu importe la gravité du sujet, ce qui compte ici c'est qu'il nous touche de près et constitue peu ou prou l'alpha et l'oméga de nos valeurs morales) ne peut pas emporter une totale adhésion. De mémoire, les films qui se terminent bien sur la seconde guerre mondiale, que ce soit la Grande Vadrouille ou Les 12 Salopards ne montrent que des victoires provisoires qui n'influent en rien sur le cours des évènements et laissent, malgré leurs invraisemblances, planer le doute selon lequel CECI A PEUT-ETRE EU LIEU.
Ou alors, on aborde l'anticipation, ce que fit René Fallet dans son roman Ersatz lorsqu'il fit couler à Hitler des jours heureux dans une maison de retraite.

Le spectacle hybride que représente Inglorious Bastards, outre qu'il m'ait donné la conviction définitive qu'il appartient au seul sociopathe de pouvoir rester vissé deux heures et demie devant un écran, est un exemple parfait de pétard mouillé. Dès l'arrivée de Brad Pitt en yankee juif décalé, on comprend qu'un tel film, à la fois étroitement historique et affranchi des aspérités de l'histoire, risque de se vautrer dans l'imprévisible le plus vain, le plus dégradé et dédramatisé au lieu des ressources tragiques de l'inéluctable vérité historique.
Précisions:
+Ce que ce film a d' "Historique", de "sérieux", de "grand": ses longs passages chiants, sa luxueuse reconstitution, ses soldats allemands-enfin-montrés-sous-un-angle-humain.
+Ce que ce film a de krosse rikolate: les juifs neuneus et enfin "décrispés", les dignitaires nazis cons comme des balais, les citations à n'en plus finir, l'attirail sadico-fétichiste du réalisateur à base de pieds de femmes et de torture par pénétration de doigt dans une plaie ouverte et sanglante. Pas d'erreur, la pornographie est omniprésente dans ce film, quoique ce soit une pornographie morale plus qu'érotique.

Il ne faut pas cracher sur les ressources de l'Histoire petite ou grande, elle est infiniment plus fertile que l'imagination qui, elle, est forcément limitée. De même il serait vain de prétendre que notre sensibilité n'a pas de limite elle aussi: les choses "fausses" la rebutent. Entre les deux, le spectateur, qui comprend vite que la véritable Histoire dont se réclame ce film, c'est celle de la fin de l'Histoire, monde de cauchemar où Tarantino, le virtuel et le divertissement dictent leurs lois au réel. En l'état, ce film se heurte à une barrière certes idiote mais irrévocable: CA N'A PAS EXISTE. C'est une blague à la fois lourde, désincarnée et -est-il besoin de le signaler- rigoureusement dépourvue de drôlerie. Si un tel film mobilise le souvenir de To be or not to be, c'est à titre purement allusif et technique; l'humour y est nul, sans rien de spirituel.

Mettons qu'il s'agisse d'une sorte de gag métaphysique. QT serait-il un moraliste? Rien n'est moins sûr. Il y a certes de quoi provoquer quelques réflexes intellectuels dans ce film: les thèmes soulevés sont nombreux, il n'y a qu'à se baisser pour en trouver. Prenons la réflexion sur la violence: ici, elle est élémentaire et hypocrite mais ne soyons pas difficile, elle n'est au fond pas moins avancée que dans la moyenne des films qui font mine de la stigmatiser afin d'en proposer deux fois plus à notre regard avide.
Avouez qu'il y a de quoi disserter: comme dans la scène au cinéma d'Orange Mécanique, on passe un film dans le film, sauf que ce spectacle barbare réjouit les spectateurs nazis de la salle (lesquels? les acteurs ou... nous-mêmes? Seigneur, qu'avons-nous fait pour mériter si terrifiante mise en abyme?) et n'oublions pas la scène finale du marquage vu en caméra subective: ce dernier exemple, certes perdu dans un film d'une grande vulgarité, est si grossier qu'il nous est impossible d'envisager que Tarantino puisse être sérieux à ce moment-là. Au fond il arpente ses vieilles marottes, hâtivement montées en problématiques pour les besoins d'un tel sujet.

Voilà donc pour moi ce qui rend cette réflexion aigre: le manque de fraîcheur du réalisateur. Ici la malice règne, le film ne file jamais droit et pour cause: au fond de chaque problématique soulevée, Tarantino se ménage une porte de sortie, une chatière, un passage secret qui communique avec la problématique voisine, si bien qu'il devient impossible, dans cette maison aux pièces nombreuses mais petites et basses, de saisir cette espèce de fantôme qui se dérobe sans cesse à notre appréhension. La limite, c'est qu'il ne sort jamais de la maison et se contente de circuler en circuit fermé, déconnecté de la réalité mais calfeutré dans sa réalité de geek qui a réussi. Pour tout dire je suis étonné qu'il ait vécu si longtemps d'amour et d'eau fraîche avec ses vieilles VHS.
Le spectateur, lui, n'est pas toujours rompu à la volupté du soi-disant film total, désincarné et terminal, qui provoque de savants carambolages entre rêve et réalité: il y a des combinaisons très hasardeuses où l'un et l'autre se neutralisent à défaut de s'appuyer mutuellement. Au lieu de cela, derrière ce film aussi mauvais que son réalisateur est talentueux, le spectacle édifiant d'un génie pourri, errant comme une âme en peine.

En bon chrétien, je me dévoue pour souhaiter de tous mes voeux à Tarantino une aventure similaire à celle de Baudelaire à la parution des Fleurs du Mal, lorsque Barbey d'Aurevilly, dans un article célèbre, accula le poète à choisir entre "la croix et le pistolet". Autrement dit, à la conversion ou au suicide; et encore autrement dit dans le cas de Tarantino, à sortir de sa vidéothèque pour pondre un vrai film plutôt que ressortir ses ragoûts de l'avant-veille. (Pour la petite histoire Baudelaire se convertit à la suite de cet épisode, ce qui augure une issue heureuse pour notre réalisateur.)
Joli message, yaplusdsaisons, que je partage en grande partie. Encore que je serais sans doute plus sévère que toi et que tu n'aborde pas certains points qui me gênent profondément. Mais je vais développer.
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