Difficulté de communication, oui.yaplusdsaisons a écrit :On peut l'expliquer par la personnalité de l'héroïne du Rayon Vert: moins cultivée et parlant moins facilement que les autres,
Moins cultivée, je ne trouve pas forcément. Elle est surtout incomprise, en tout cas "différente" des gens qu'elle rencontre, côtoie ou croise : sa famille (sa soeur, son beau-frère et sa nièce), son amie (Rosette) et les copines de cette dernière (Béatrice Romand en tête, impitoyable et particulièrement marquante dans la courte scène qu'elle a, je trouve), les autres amis de Rosette (qui ne "comprennent" pas que Delphine puisse être végétarienne), la Suédoise (Espagnole ? Allemande ? va savoir !...) rencontrée à Biarritz... et finalement Jacques (Vincent Gauthier) que la Providence (?) place sur la route de Delphine et avec qui elle partagera ce moment "magique" (cf. les propriétés qui lui sont attribuées par l'érudit) du rayon vert (qui, s'il est bien un phénomène physique tout ce qu'il y a de plus naturel, n'en demeure pas moins, dans le film, un tournant décisif, qui donne à la fin du film une ouverture où l'on sent que tous les possibles peuvent avoir lieu, ce qui contraste pas mal avec la mélancolie extrême (voire la tristesse... en tout cas un certain mal-être qui peut mettre mal à l'aise) qui se dégage du personnage de Delphine (et donc, d'une certaine manière, du film). En soi, et tel que Rohmer le montre, ce rayon vert est donc bien doté d'un pouvoir magique. On est alors dans une forme de surnaturel, de fantastique dont je trouve l'effet qu'il produit sur le spectateur très puissant.
Oui, mais néanmoins artificiel, ajouté artificiellement à ce que Rohmer donne à voir, là où, dans les autres exemples que tu donnes, le fantastique provient effectivement directement des personnages, de ce qu'ils disent, font ou pensent. C'est suffisamment rare, la musique chez Rohmer, pour ne pas la cantonner au simple rang d' "élément de dramatisation" (ce qu'elle est la plupart du temps ailleurs), pour moi.yaplusdsaisons a écrit :la musique est un élément de dramatisation,
Oui, mais ça n'en demeure pas moins, là aussi, un élément purement artificiel, extérieur au film, à ce que Rohmer donne à voir : on est, à nouveau, dans cette forme de fantastique que je cherchais à pointer et, surtout, à distinguer du merveilleux, du fantastique qui peut animer tel ou tel personnage, telle ou telle scène, dans les autres exemples que tu donnes.yaplusdsaisons a écrit :L'Amour l'après-midi
Oui mais cette musique est indéchiffrable et signifie délibérément tout et rien. Elle a peut-être un sens dans un monde invisible ou pour une âme superstitieuse, mais en l'état c'est juste un chapelet de notes arbitrairement choisies, presqu'à la faveur d'un coup de tête.
Voilà : là, on atteint vraiment le point d'achoppement entre ton point de vue et le mien. Je fais une différence entre le fantastique qui nous est donné comme tel dans ce que l'on voit (et qui échappe donc à toute interprétation, puisqu'il s'impose à nous - et au personnage - sans qu'on puisse agir dessus... il nous dépasse, si l'on veut) et ce que tu appelles "la part d'étrange que l'on dérobe au destin, au hasard ou encore à Dieu, et cela afin d'en jouer et de l'apprivoiser; tandis que le surnaturel a des lois qui par définition nous échappent. On peut penser que c'est le même écart qui oppose l'énigme et le mystère: l'une appelle une réponse et l'autre non."yaplusdsaisons a écrit :Excuse-moi d'y revenir mais pour moi, le fantastique est précisément le monde le plus déchiffrable
En fait, tu es sans doute plus précis que moi. Je trouve que la confusion (toute paradoxale, a priori) qui anime la plupart des personnages de Rohmer les amène justement à amalgamer fantastique et étrange, énigme et mystère, jusqu'à attribuer aux uns les propriétés des autres. Ainsi, l'heure bleue et le rayon vert, qui sont des phénomènes naturels bien réels, se voient investis, chez Rohmer (qui va quand même jusqu'à les utiliser en guise de titres, pour les films respectivement concernés... c'est dire le pouvoir qu'il leur attribue), d'une mission qui va bien au-delà de leurs "propriétés physiques" et dans laquelle intervient l'influence (avérée ou non, après c'est un autre débat) sur le métabolisme, le moral, l'état d'âme...
Cette passion, ils l'exercent effectivement jusqu'à l'absurde... Et justement, dès lors qu'on touche à l'absurde, on quitte peu à peu les rives de la raison. C'est cette dichotomie-là qui s'illustre merveilleusement dans tout Rohmer, de manière générale. Et en pointant les (rares, j'insiste !) exemples de "fantastique" direct et frontal que me semblent proposer L'Heure bleue, Le Rayon vert ou L'Amour l'après-midi, c'est justement ce distinguo que je voulais faire : d'un côté les agissements et propos des personnages (qui provoquent éventuellement des situations susceptibles de créer une forme de fantastique), et, de l'autre, ce fantastique (météorologique ou musical, mettons) qui leur est extérieur (et qui les empêche donc d'agir dessus) et prend alors une dimension autre.yaplusdsaisons a écrit :Il en va de même pour ce qui regarde la passion pour la logique chez certains personnages: ils exercent leur lucidité par jeu, agissent sur une décision arbitraire ou délibérément folle pour tenter de conjurer l'imprévisible avec les mêmes armes,
C'est certain.yaplusdsaisons a écrit :Rivette j'ai la trouille d'en parler. Mais là pour le coup, si je repense aux films que je connais bien de lui comme Céline et Julie ou l'Amour par terre, on est en plein dans un certain fantastique.