nils a écrit :Et ce n'est pas leur côté "petit couple de vieux qui jardine et cuisine ensemble" que j'ai apprécié, mais plutôt leur difficulté à accueillir leur entourage "à problème" sans empiéter sur leur bonheur. C'est à mon sens le vrai sujet du film, pas évident à mettre en scène : comment accueillir le malheur des autres ? Cela me fait bondir de lire que leur attitude est égoïste et condescendante, alors qu'ils passent leur temps à accueillir des cas difficiles dans leur maison
Je ne veux pas non plus donner une opinion et une seule de ce qu'on peut penser de ce film et des personnages, et je n'ai d'ailleurs pas trop compris le but de Mike Leigh en sortant de salle.
Cela dit, des personnages qui justement alimentent leur petit bonheur personnel de la fréquentation (mais à la dose qu'ils auront eux-mêmes choisis) du malheur des autres, c'est on ne peut plus commun aussi.
A mon avis, Mike Leigh cherche plus ou moins à accuser la société d'engendrer cette tristesse et cette mélancolie. Cela me semble être le message de la première séquence avec cette désespérée auxquels des professionnels sont incapables de venir en aide.
Sa réponse, comme le souligne Strum, c'est le repli anglais sur la petite cellule familiale, le bonheur des choses simples comme le jardinage, le courage d'accepter de vieillir, les générations qui succèdent aux autres. Rien de condamnable en soi, bien au contraire.
Le problème, c'est justement que le film est bon en ce qu'il fait un portrait juste de la société actuelle: une société d'égoïstes individualistes repliés sur eux-mêmes, qui espèrent frileusement pouvoir jusqu'à la fin de leurs jours regarder le malheur des autres à l'abri du nid douillet qu'ils ont réussi à conserver. Quelque part, Mike Leigh donne la réponse à sa question: la société est ce que les hommes qui la compose en font et, avec Tom & Gerry, il donne un bon portrait de sa propre génération.
nils a écrit :C'est certes une morale un peu difficile, mais pas si écoeurante que j'ai pu le lire ici. Oui, il y a des gens qu'on peut difficilement aider, et non, ce n'est pas inhumain que de couper les ponts quand ils dépassent les bornes (Mary avec le fils) ou s'amuser un peu à leurs dépens quand on a trop bu, c'est même un réflexe d'auto-défense parfaitement compréhensible.
Je ne trouve pas que le personnage de Mary soit si difficile à aider, pour peu qu'on cherche à la faire réellement. Elle est physiquement plus jeune que son âge et elle a un boulot. On fait pire comme situation. Mais encore faudrait-il la valoriser et non pas l'aider à couler. Pour cela il faudrait qu'elle ait de vrais amis. C'est d'ailleurs un constat que je fais sur le couple: où sont leurs vrais amis?
mannhunter a écrit :peut-être que je me trompe,mais en choisissant de conclure son film en un long plan sur le personnage de Mary,Mike Leigh me semble aussi manifester de l'empathie,de la compassion pour la souffrance existencielle de ce personnage,il prend en ce sens le parti des malheureux ...
Le dernier plan est splendide, mais souligne très volontairement la cellule familiale d'un côté, et les deux isolés de l'autre, pour finir sur Mary avec un plan empathique, certes, mais d'une tristesse absolue puisque le personnage semble condamné. J'aurai préféré un film moins désabusé et un peu plus généreux: le dernier plan est d'une telle sobriété qu'il aurait pu se terminer sur une main tendue sans que cela tombe dans la niaiserie. Et cela aurait tout changé. Mais pour Mike Leigh, on dirait que le regard empathique est suffisant pour se justifier devant des personnages qu'il condamne lui-même à l'avance.