Si oui, les films que je connais parmi ceux-là sont remarquables (Topsy Turvy, Secrets & Lies), et je pense que les autres films valent probablement le coup d'oeil (Naked & Vera Drake ont très bonne réputation).The Mike Leigh Film Collection : Naked / Bleak Moments / Career Girls / Secrets & Lies / Vera Drake / Topsy Turvy / All Or Nothing / Life Is Sweet / High Hopes / Meantime
Mike Leigh
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Re: Votre Mike Leigh préféré?
Ce serait la version française de ce coffret là ??
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Votre Mike Leigh préféré?
cinephage a écrit :Ce serait la version française de ce coffret là ??Si oui, les films que je connais parmi ceux-là sont remarquables (Topsy Turvy, Secrets & Lies), et je pense que les autres films valent probablement le coup d'oeil (Naked & Vera Drake ont très bonne réputation).The Mike Leigh Film Collection : Naked / Bleak Moments / Career Girls / Secrets & Lies / Vera Drake / Topsy Turvy / All Or Nothing / Life Is Sweet / High Hopes / Meantime
Oui, je comfirme. Naked et All or nothing sont excellents. Vera Drake et Secrets and lies, très bien aussi.
ET il y a Life is sweet et Bleak moments, qui n'étaient pas, je crois, disponibles jusqu'alors.
En résumé, une très bonne nouvelle !
- Watkinssien
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Re: Mike Leigh
Bonne nouvelle, c'est vrai !
Mes préférés y font partie, les magnifiques Secrets and Lies et Vera Drake.
Et cela permettrait de faire (re)découvrir l'excellent mais toujours mésestimé Bleak Moments !
Mes préférés y font partie, les magnifiques Secrets and Lies et Vera Drake.
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Re: Mike Leigh
Be happy (2008)
De Mike Leigh, je ne connaissais pas grand chose (et de nom), mais pour une entrée en matière, je suis très séduit par ce que j'ai vu : aussi bien par le personnage de Polly (qui a quelque chose de touchant dans ce côté grand enfant), que dans l'écriture, avec ses dialogues absolument formidables (surtout ceux entre le moniteur de l'auto-école et Polly).
Plutôt découpé comme une suite de scénettes, surtout dans les deux premiers tiers de l'histoire, cette dernière commence à basculer
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Je ne sais pas si les autres films de Mike Leigh sont de la même teneur, mais ça commence bien, je dirais !
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Re: Mike Leigh
Je n'ai pas vu beaucoup de films de Mike Leigh (à vrai dire, je n'ai vu que celui-là et All or Nothing), mais il me semble que ce Happy-Go-Lucky reste très à part dans sa filmographie, car très léger.
Me trompe-je ?
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Re: Mike Leigh
Pas trop, ça fait un peu le même effet que l'excellent Looking for Eric, même si je trouve le film de Loach supérieur.Ratatouille a écrit :Je n'ai pas vu beaucoup de films de Mike Leigh (à vrai dire, je n'ai vu que celui-là et All or Nothing), mais il me semble que ce Happy-Go-Lucky reste très à part dans sa filmographie, car très léger.
Me trompe-je ?
Mais Happy-Go-Lucky est tout de même une autre et réjouissante réussite de Mike Leigh, bien mise en scène et parfaitement interprétée.
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Re: Mike Leigh
ANOTHER YEAR
Je connais très mal Mike Leigh, en particulier sa période 90's dont les grands titres me sont passés un peu au-dessus de la tête, jeunesse oblige. En sortant d'ANOTHER YEAR, je suis tout à coup très motivé pour en revoir (et réévaluer) certains.
Ce dernier opus est typique de son cinéma. On sent l'observation des caractères, des personnalités, et la mise en valeur du travail de l'acteur. Comme pour beaucoup de ses films, on retiendra le jeu émouvant d'un des participants (Lesley Manville). Mais il n'y a pas que cela: au-delà de la performance c'est presque l'étude du personnage qui nous saute aux yeux et, en quelque sorte, la cristallisation d'une attitude qui nous est offerte ici, par le biais du cinéma. Rarement la solitude n'avait eu de plus belle démonstration, si je puis dire. On a rarement été aussi ému par quelqu'un qui cache une tristesse de vivre infinie, déballant en contrepoint un enthousiasme illusoire qui ne trompe personne. On sent aussi la lassitude de Mary, cette femme qui voit les années défiler et sa situation stagner, autant qu'on compte tristement les branches auxquelles elle essaye de se raccrocher. Certaines font presque sourire mais l'effet est de courte durée, à chaque fois: on s'amuse un peu de ce fils qui se fait draguer par la copine de sa mère, mais en même temps on se dit qu'elle n'a visiblement personne d'autre à chercher ailleurs. Et quand ce fils ramène une copine, c'est presque une réaction d'antipathie: décalage comique mais embarras pour les parents.
C'est un très beau personnage, aimé par son metteur en scène, que le spectateur voudrait aussi aider malgré une personnalité pleine de défauts (c'est une amitié difficile à supporter). Il contraste avec ce couple d'amis "bien sous tous rapports", amoureux comme au premier jour, épanoui, socialement installés. Bref tout le contraire de cette âme en peine qui vient chercher refuge dans le bonheur des autres.
Une réussite.
Je connais très mal Mike Leigh, en particulier sa période 90's dont les grands titres me sont passés un peu au-dessus de la tête, jeunesse oblige. En sortant d'ANOTHER YEAR, je suis tout à coup très motivé pour en revoir (et réévaluer) certains.
Ce dernier opus est typique de son cinéma. On sent l'observation des caractères, des personnalités, et la mise en valeur du travail de l'acteur. Comme pour beaucoup de ses films, on retiendra le jeu émouvant d'un des participants (Lesley Manville). Mais il n'y a pas que cela: au-delà de la performance c'est presque l'étude du personnage qui nous saute aux yeux et, en quelque sorte, la cristallisation d'une attitude qui nous est offerte ici, par le biais du cinéma. Rarement la solitude n'avait eu de plus belle démonstration, si je puis dire. On a rarement été aussi ému par quelqu'un qui cache une tristesse de vivre infinie, déballant en contrepoint un enthousiasme illusoire qui ne trompe personne. On sent aussi la lassitude de Mary, cette femme qui voit les années défiler et sa situation stagner, autant qu'on compte tristement les branches auxquelles elle essaye de se raccrocher. Certaines font presque sourire mais l'effet est de courte durée, à chaque fois: on s'amuse un peu de ce fils qui se fait draguer par la copine de sa mère, mais en même temps on se dit qu'elle n'a visiblement personne d'autre à chercher ailleurs. Et quand ce fils ramène une copine, c'est presque une réaction d'antipathie: décalage comique mais embarras pour les parents.
C'est un très beau personnage, aimé par son metteur en scène, que le spectateur voudrait aussi aider malgré une personnalité pleine de défauts (c'est une amitié difficile à supporter). Il contraste avec ce couple d'amis "bien sous tous rapports", amoureux comme au premier jour, épanoui, socialement installés. Bref tout le contraire de cette âme en peine qui vient chercher refuge dans le bonheur des autres.
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Re: Mike Leigh
J'attendrais le festival Télérama le mois prochain pour le voir
http://www.telerama.fr/festivalcinema/
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"Mad Max II c'est presque du Bela Tarr à l'aune des blockbusters actuels" Atclosetherange
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Re: Mike Leigh
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Re: Mike Leigh
Attention: très nombreux spoilers!
Another Year (2010)
Constat un peu mi-figue mi-raisin sur le dernier film de Mike Leigh, Another Year. Deux scènes à mon avis très belles cinématographiquement débutent, pour la première, et concluent, pour la seconde, le film.
Another Year commence sur un montage de gros plans du visage d’Imelda Staunton, une femme au désespoir fermé qui vient réclamer des somnifères à un médecin. Les plans alternent ensuite entre la femme et le médecin. La scène est très forte, rude et froide. Le médecin (Michèle Austin) tente de faire parler la patiente, en lui expliquant que l’insomnie n’est qu’un symptôme et que le désespoir et la tristesse sont probablement la véritable maladie dont elle souffre. Imelda Staunton reste fermée dans son mutisme, réclame et obtient ses somnifères, mais accepte, parce qu’elle y est plus ou moins obligée, de rencontrer une psychologue. Nous la retrouvons ensuite dans le bureau de Gerri (Ruth Sheen) et nous passons du gros plan au plan moyen, la mise en scène se détend un peu. Les dialogues sont terribles, notamment quand Gerri insiste pour demander à cette femme si elle peut lui indiquer quel fut le dernier moment de bonheur dans sa vie, et qu’Imelda Staunton est incapable de lui répondre.
On s’attend, après cette dure introduction, à un film qui pourrait être un constat terrifiant sur l’isolement. Un film social, certes peut-être pas d’une grande originalité, mais qu’une mise en scène forte comme l’a été la première séquence, pourrait rendre très dur.
Mais non, nous retrouvons ensuite Gerri avec son mari, Tom (Jim Broadbent). Nous découvrons un gentil couple avec une situation de classe moyenne stable, des boulots corrects (Tom est géologue), une maison sympathique et accueillante, et un loisir commun et quasi-quotidien : le jardinage. Ce jardinage symbolisera le passage des saisons qui rythme le film en quatre parties, et le bonheur simple et durable de ce couple ayant atteint la soixantaine.
On boit aussi beaucoup dans ce film qui souligne plusieurs façons de boire. Le plaisir de la vie pour Tom, Gerri et leur fils Joe, qui apprécient les bonnes choses et le vin plutôt que la bière. Le vin devient une béquille qui menace de devenir une jambe gangrenée, pour leur amie Mary (Lesley Manville), exubérante cinquantenaire qui ne tarde pas à montrer que la façade cache un personnage brisé avant l’heure. Mais la façade est encore là, elle s’en tient d’ailleurs au vin blanc, comme pour conserver une apparence de féminité. Plus de souci d’apparence, en revanche, chez leur ami Ken (Peter Wight) qui alimente son amertume et son obésité morbide aux cannettes de bière et bouteilles de rouge.
Nous ne reverrons plus le personnage émouvant d’Imelda Staunton et nous ne saurons plus rien d’elle. Ce désintérêt symbolise assez bien, à mon avis, le problème du film. Les acteurs sont excellents, les dialogues très bien faits, mais, à l’image d’une société qui se désintéresse de plus en plus de ses brebis galeuses, le film préfère se stabiliser sur la vie quotidienne d’une petite famille heureuse qui, durant cette année, va voir Tom et Gerri se découvrir une future belle-fille, Katie (Karina Fernandez), qui envahit petit à petit avec bonheur leur quotidien. Pendant ce temps, nous pourrons observer le début de la déchéance de Mary qui, vieille fille qui fantasmait sur Joe, le fils de Tom et Gerri, n’est plus invitée dans la petite maison du bonheur parce qu’elle a fait quelques remarques acerbes en découvrant que Joe avait une petite amie.
Arrivé à la fin de l’automne, le film reste intéressant grâce aux acteurs, mais franchement un peu vain. Et puis nous passons à l’hiver et la mise en scène vient reprendre le relai et redonner de la force au film. Le frère de Tom, Ronnie (David Bradley) a perdu sa femme. Nous retrouvons Tom et sa famille dans la triste maison de banlieue ouvrière de Ronny, puis à l’enterrement. La couleur de la photographie du film, blanche et sèche, donne une tonalité très forte à cette dernière partie. A la fin du film, Mary tente de renouer avec Tom et Gerri en se présentant un matin à leur porte mais est accueillie par Ronny, venu quelques jours se remettre chez son frère. Tom et Gerri jardinent. Quand ils reviennent, une explication à lieu entre Gerri et Mary, Joe arrive pour déjeuner avec sa fiancée, Katie. La dernière séquence du film est un très beau mouvement de caméra, parfaitement maîtrisé, sur la famille à table. Tom, Katie, Joe et Gerri discutent avec bonheur du futur et la caméra tourne autour des quatre personnages qui forment une vraie famille sans que nous puissions savoir s’ils sont seuls ou si Mary a été invitée à rester avec eux. La caméra vient ensuite sur Ronny, puis lentement, achève son mouvement sur Mary qui est bien là, mais qui a perdu toute exubérance et regarde le reste de la table avec un œil torve et désespéré.
Dans la critique du film parue dans Positif, Alain Masson décrit ainsi Mary : "Mary appartient au genre unhappy go unlucky, comme le prouvent ses mésaventures automobiles. Contre cela, nul ne peut rien". C’est effectivement l’esprit du film : contre cela, nul ne peut rien.
Vraiment ? Pourtant, quand Mary fait part au début du film de son souhait d’acheter une voiture malgré ses petits moyens, les deux hommes – Tom et Joe – qui se moqueront plus tard de l’ignorance d’une femme qui ne connaît pas la puissance du moteur de sa voiture, n’auraient t-ils pas pu l’aider à l’acheter plutôt que de la laisser se faire avoir ?
Et quand, durant la première soirée que Mary passe chez Tom et Gerri, ces deux derniers la laisse s’ivrogner en se moquant en douce de son état, n’auraient t-ils pas pu, avant de lui proposer de passer la nuit chez eux, lui dire qu’elle avait assez bu et l’envoyer se coucher avant qu’elle ne s’écroule comme une vache malade ?
Plutôt que des gestes concrets d’aide réelle, le film nous montre de nombreuses étreintes du style "notre monde manque d’affection, vient te réconforter dans mes bras".
Mais Tom et Gerri sont de bons soixante-huitards (allusion à l’Île de Wight) qui ont eu de la chance. Et il y a les autres, qui n’ont pas eu de chance. Et le monde est ainsi, il n’a pas de sens, et il faut juste accepter de passer du printemps à l’hiver du mieux possible. L’individualisme règne et l’individu est seul, à l’individu de "prendre ses responsabilités", dixit Gerri, dont la thérapie est peu convaincante. Mais il y a le jardin cultivé, allusion au lien entre l’homme et la nature, d’après Mike Leigh. Un lien quand même assez abstrait dans son traitement, un peu comme le "Mangez cinq fruits et légumes par jour" que la télévision serine à longueur de temps à des gens qui ont le choix entre les fruits et légumes immangeables des supermarchés, et les fruits et légumes hors de prix pour la plupart, des épiceries de qualité. Je reconnais que ma remarque est concrète, voire triviale. Mais des gestes concrets donnent peut-être plus de sens à la vie que l’observation égoïste et satisfaite d’un monde malheureux parce que la vie n’a pas de sens.
Ma conclusion est sans doute un peu rude. Cependant, dans l’interview accordée à Positif, Mike Leigh indique que la prestation bouleversante d’Imelda Staunton fait une bonne introduction dramatique au film. L’observation d’un personnage et la qualité dramatique d’une scène sont plus intéressantes que le sort du personnage et l’intérêt que le spectateur peut y porter. De même, quand il indique s’être inspiré d’une sœur "amère et aigrie" (mais qui ne lira jamais Positif, nous rassure t-il) pour le personnage de Mary, j’avoue n’avoir que peu de sympathie pour sa façon d’observer ce monde qui n’a pas de sens. Surtout quand on décide égoïstement de ne pas lui en donner, cela pourrait obliger à s'impliquer.
Un beau film, mais dont la vision de la vie me paraît franchement triste, et assez complaisante. Un peu comme lorsque Gerri explique à Mary qu'elle ne lui en veut pas, mais qu'elle l'a déçue. Lui en vouloir serait ne pas rester indifférente. C'est tellement plus simple d'être déçue: ne pas s'impliquer, toujours, et conseiller d'aller voir un conseiller psychologique. Une façon comme une autre de lui dire "demerde-toi".
Another Year (2010)
Constat un peu mi-figue mi-raisin sur le dernier film de Mike Leigh, Another Year. Deux scènes à mon avis très belles cinématographiquement débutent, pour la première, et concluent, pour la seconde, le film.
Another Year commence sur un montage de gros plans du visage d’Imelda Staunton, une femme au désespoir fermé qui vient réclamer des somnifères à un médecin. Les plans alternent ensuite entre la femme et le médecin. La scène est très forte, rude et froide. Le médecin (Michèle Austin) tente de faire parler la patiente, en lui expliquant que l’insomnie n’est qu’un symptôme et que le désespoir et la tristesse sont probablement la véritable maladie dont elle souffre. Imelda Staunton reste fermée dans son mutisme, réclame et obtient ses somnifères, mais accepte, parce qu’elle y est plus ou moins obligée, de rencontrer une psychologue. Nous la retrouvons ensuite dans le bureau de Gerri (Ruth Sheen) et nous passons du gros plan au plan moyen, la mise en scène se détend un peu. Les dialogues sont terribles, notamment quand Gerri insiste pour demander à cette femme si elle peut lui indiquer quel fut le dernier moment de bonheur dans sa vie, et qu’Imelda Staunton est incapable de lui répondre.
On s’attend, après cette dure introduction, à un film qui pourrait être un constat terrifiant sur l’isolement. Un film social, certes peut-être pas d’une grande originalité, mais qu’une mise en scène forte comme l’a été la première séquence, pourrait rendre très dur.
Mais non, nous retrouvons ensuite Gerri avec son mari, Tom (Jim Broadbent). Nous découvrons un gentil couple avec une situation de classe moyenne stable, des boulots corrects (Tom est géologue), une maison sympathique et accueillante, et un loisir commun et quasi-quotidien : le jardinage. Ce jardinage symbolisera le passage des saisons qui rythme le film en quatre parties, et le bonheur simple et durable de ce couple ayant atteint la soixantaine.
On boit aussi beaucoup dans ce film qui souligne plusieurs façons de boire. Le plaisir de la vie pour Tom, Gerri et leur fils Joe, qui apprécient les bonnes choses et le vin plutôt que la bière. Le vin devient une béquille qui menace de devenir une jambe gangrenée, pour leur amie Mary (Lesley Manville), exubérante cinquantenaire qui ne tarde pas à montrer que la façade cache un personnage brisé avant l’heure. Mais la façade est encore là, elle s’en tient d’ailleurs au vin blanc, comme pour conserver une apparence de féminité. Plus de souci d’apparence, en revanche, chez leur ami Ken (Peter Wight) qui alimente son amertume et son obésité morbide aux cannettes de bière et bouteilles de rouge.
Nous ne reverrons plus le personnage émouvant d’Imelda Staunton et nous ne saurons plus rien d’elle. Ce désintérêt symbolise assez bien, à mon avis, le problème du film. Les acteurs sont excellents, les dialogues très bien faits, mais, à l’image d’une société qui se désintéresse de plus en plus de ses brebis galeuses, le film préfère se stabiliser sur la vie quotidienne d’une petite famille heureuse qui, durant cette année, va voir Tom et Gerri se découvrir une future belle-fille, Katie (Karina Fernandez), qui envahit petit à petit avec bonheur leur quotidien. Pendant ce temps, nous pourrons observer le début de la déchéance de Mary qui, vieille fille qui fantasmait sur Joe, le fils de Tom et Gerri, n’est plus invitée dans la petite maison du bonheur parce qu’elle a fait quelques remarques acerbes en découvrant que Joe avait une petite amie.
Arrivé à la fin de l’automne, le film reste intéressant grâce aux acteurs, mais franchement un peu vain. Et puis nous passons à l’hiver et la mise en scène vient reprendre le relai et redonner de la force au film. Le frère de Tom, Ronnie (David Bradley) a perdu sa femme. Nous retrouvons Tom et sa famille dans la triste maison de banlieue ouvrière de Ronny, puis à l’enterrement. La couleur de la photographie du film, blanche et sèche, donne une tonalité très forte à cette dernière partie. A la fin du film, Mary tente de renouer avec Tom et Gerri en se présentant un matin à leur porte mais est accueillie par Ronny, venu quelques jours se remettre chez son frère. Tom et Gerri jardinent. Quand ils reviennent, une explication à lieu entre Gerri et Mary, Joe arrive pour déjeuner avec sa fiancée, Katie. La dernière séquence du film est un très beau mouvement de caméra, parfaitement maîtrisé, sur la famille à table. Tom, Katie, Joe et Gerri discutent avec bonheur du futur et la caméra tourne autour des quatre personnages qui forment une vraie famille sans que nous puissions savoir s’ils sont seuls ou si Mary a été invitée à rester avec eux. La caméra vient ensuite sur Ronny, puis lentement, achève son mouvement sur Mary qui est bien là, mais qui a perdu toute exubérance et regarde le reste de la table avec un œil torve et désespéré.
Dans la critique du film parue dans Positif, Alain Masson décrit ainsi Mary : "Mary appartient au genre unhappy go unlucky, comme le prouvent ses mésaventures automobiles. Contre cela, nul ne peut rien". C’est effectivement l’esprit du film : contre cela, nul ne peut rien.
Vraiment ? Pourtant, quand Mary fait part au début du film de son souhait d’acheter une voiture malgré ses petits moyens, les deux hommes – Tom et Joe – qui se moqueront plus tard de l’ignorance d’une femme qui ne connaît pas la puissance du moteur de sa voiture, n’auraient t-ils pas pu l’aider à l’acheter plutôt que de la laisser se faire avoir ?
Et quand, durant la première soirée que Mary passe chez Tom et Gerri, ces deux derniers la laisse s’ivrogner en se moquant en douce de son état, n’auraient t-ils pas pu, avant de lui proposer de passer la nuit chez eux, lui dire qu’elle avait assez bu et l’envoyer se coucher avant qu’elle ne s’écroule comme une vache malade ?
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Mais Tom et Gerri sont de bons soixante-huitards (allusion à l’Île de Wight) qui ont eu de la chance. Et il y a les autres, qui n’ont pas eu de chance. Et le monde est ainsi, il n’a pas de sens, et il faut juste accepter de passer du printemps à l’hiver du mieux possible. L’individualisme règne et l’individu est seul, à l’individu de "prendre ses responsabilités", dixit Gerri, dont la thérapie est peu convaincante. Mais il y a le jardin cultivé, allusion au lien entre l’homme et la nature, d’après Mike Leigh. Un lien quand même assez abstrait dans son traitement, un peu comme le "Mangez cinq fruits et légumes par jour" que la télévision serine à longueur de temps à des gens qui ont le choix entre les fruits et légumes immangeables des supermarchés, et les fruits et légumes hors de prix pour la plupart, des épiceries de qualité. Je reconnais que ma remarque est concrète, voire triviale. Mais des gestes concrets donnent peut-être plus de sens à la vie que l’observation égoïste et satisfaite d’un monde malheureux parce que la vie n’a pas de sens.
Ma conclusion est sans doute un peu rude. Cependant, dans l’interview accordée à Positif, Mike Leigh indique que la prestation bouleversante d’Imelda Staunton fait une bonne introduction dramatique au film. L’observation d’un personnage et la qualité dramatique d’une scène sont plus intéressantes que le sort du personnage et l’intérêt que le spectateur peut y porter. De même, quand il indique s’être inspiré d’une sœur "amère et aigrie" (mais qui ne lira jamais Positif, nous rassure t-il) pour le personnage de Mary, j’avoue n’avoir que peu de sympathie pour sa façon d’observer ce monde qui n’a pas de sens. Surtout quand on décide égoïstement de ne pas lui en donner, cela pourrait obliger à s'impliquer.
Un beau film, mais dont la vision de la vie me paraît franchement triste, et assez complaisante. Un peu comme lorsque Gerri explique à Mary qu'elle ne lui en veut pas, mais qu'elle l'a déçue. Lui en vouloir serait ne pas rester indifférente. C'est tellement plus simple d'être déçue: ne pas s'impliquer, toujours, et conseiller d'aller voir un conseiller psychologique. Une façon comme une autre de lui dire "demerde-toi".
"pour cet enfant devenu grand, le cinéma et la femme sont restés deux notions absolument inséparables", Chris Marker
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Re: Mike Leigh
J'apprécie ce que tu dis sur le film, car ça éclaire certaines de mes lanternes concernant mon propre ressenti.Phnom&Penh a écrit : Un beau film, mais dont la vision de la vie me paraît franchement triste.
Je ne cite que ta conclusion parce que c'est la seule chose que j'ai été capable de poser noir sur blanc à la sortie de ce film qui m'est peut-être un peu passé au dessus de la tête, à moins que ça soit en travers de la gorge.
J'ai trouvé "Another Year" extrêmement désabusé et, en fait, presque méchant. Sous des allures de joli film avec des petits vieux qui boivent du vin et font du jardinage (je fais allusion à l'affiche), on découvre un couple de cinquantenaires relativement complaisants et même cruels, justement parce qu'ils sont heureux et que ce bonheur n'est pas celui des autres. Ils essaient vraisemblablement de jongler entre leur bonheur égoïste, la pitié que leur inspire leurs proches, et un vrai désir de leur venir en aide, tandis que ces mêmes proches, au lieu d'aller mieux, semblent s'enfoncer dans leur état dépressif à leur contact. J'ai été agacée autant qu'attristée par leur relative impuissance (malgré la bonne volonté quelque fois) pour sortir la tête de leur amie Mary de l'eau, qui reste le personnage le plus émouvant et le plus vrai du film, malgré son exubérance irritante.
Bref, le film est aussi réussi que fondamentalement triste. Quand un réalisateur fait de tel constat sur la vie, moi ça me donne vraiment envie de me tirer une balle.
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Re: Mike Leigh
Je suis bien d'accord avec toi. J'ai trouvé la mise en scène très belle et les acteurs absolument formidables, qui m'ont enthousiasmé comme seuls les acteurs anglais peuvent le faire.Phnom&Penh a écrit :Another Year (2010)
Un beau film, mais dont la vision de la vie me paraît franchement triste, et assez complaisante. Un peu comme lorsque Gerri explique à Mary qu'elle ne lui en veut pas, mais qu'elle l'a déçue. Lui en vouloir serait ne pas rester indifférente. C'est tellement plus simple d'être déçue: ne pas s'impliquer, toujours, et conseiller d'aller voir un conseiller psychologique. Une façon comme une autre de lui dire "demerde-toi".
Je suis en revanche très réservé quant à la "morale" du film, ayant trouvé le couple formé par Tom et Gerry atrocement condescendants, elle surtout. Regardez les autres se détruire sans bouger le moindre petit doigt mais en faisant semblant de s'intéresser à eux pour se donner bonne conscience m'a paru franchement odieux.
Dernière modification par joe-ernst le 7 janv. 11, 09:47, modifié 1 fois.
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Re: Mike Leigh
Tout à fait d'accord avec ce qui est dit au dessus. Mais plutôt que de dégager une morale ou feindre de "sauver" tels ou tels personnages, le film tire sa force justement dans l'incapacité qu'ont Tom et Gerry à partager un bonheur à mon avis un peu factice. Car qu'est ce que ce bonheur s'il est incapable d'absorber le désespoir des amis proches qui se succèdent dans leur vie comme des clowns en plein naufrage? Le film est sans conteste beaucoup plus cruel envers ce couple qu'envers les autres personnages, tous en train de perdre pieds. Tom et Gerry, d'une certaine façon, choisissent la facilité: ils préfèrent s'intéresser aux bonheurs faciles, se tourner vers la nouvelle petite amie horripilante de leur fils plutôt que de venir en aide à une amie proche qui appelle à l'aide. Ce que le film dénonce finalement c'est ce cloisonnement indépassable entre les personnages stables et soit-disant heureux (mais dont le bonheur peut paraître dérisoire) et les autres, les paumés. Mais de part et d'autre de cette limite le constat est le même: le manque d'intensité (auquel l'alcool vient suppléer), les fausses perspectives d'avenir, l'écoulement vain de la vie au rythme des saisons.
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Re: Mike Leigh
Bien vu, c'est exactement cela... et c'est exactement aussi en cela que le film est déprimant. Ne peut-on donc pas lutter contre le caractère vain de la vie? Même à 50 ans?lowtek a écrit :Mais plutôt que de dégager une morale ou feindre de "sauver" tels ou tels personnages, le film tire sa force justement dans l'incapacité qu'ont Tom et Gerry à partager un bonheur à mon avis un peu factice. Car qu'est ce que ce bonheur s'il est incapable d'absorber le désespoir des amis proches qui se succèdent dans leur vie comme des clowns en plein naufrage? [...] Mais de part et d'autre de cette limite le constat est le même: le manque d'intensité (auquel l'alcool vient suppléer), les fausses perspectives d'avenir, l'écoulement vain de la vie au rythme des saisons.
Le constat est plein de vérité, mais amer... trop amer.
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Re: Mike Leigh
Le film est déprimant certes. Mais la vie est la vie. Et TA vie est TA vie. Tu en as les commandes. Aussi sombre et cruel qu'il soit, le film de Mike Leigh n'est pas un constat définitif, ni une morale à adopter (surement pas). Il est juste une photographie de notre société (comme pouvait l'être les films de Sautet des années 70). A nous d'imaginer des solutions (sociales, politiques) alternatives.Miss Nobody a écrit :Bien vu, c'est exactement cela... et c'est exactement aussi en cela que le film est déprimant. Ne peut-on donc pas lutter contre le caractère vain de la vie? Même à 50 ans?lowtek a écrit :Mais plutôt que de dégager une morale ou feindre de "sauver" tels ou tels personnages, le film tire sa force justement dans l'incapacité qu'ont Tom et Gerry à partager un bonheur à mon avis un peu factice. Car qu'est ce que ce bonheur s'il est incapable d'absorber le désespoir des amis proches qui se succèdent dans leur vie comme des clowns en plein naufrage? [...] Mais de part et d'autre de cette limite le constat est le même: le manque d'intensité (auquel l'alcool vient suppléer), les fausses perspectives d'avenir, l'écoulement vain de la vie au rythme des saisons.
Le constat est plein de vérité, mais amer... trop amer.