Mike Leigh

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

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High Hopes
0
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Life is Sweet
0
Aucun vote
Naked
15
43%
Secrets and Lies
11
31%
Career Girls
0
Aucun vote
Topsy-Turvy
4
11%
All or Nothing
3
9%
Autre (téléfilm...)
2
6%
 
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Jeremy Fox
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Re: Mike Leigh

Message par Jeremy Fox »

cinephage a écrit :Je n'ai pas eu l'impression que le couple était indifférent aux difficultés de leurs amis. Mais ils ne peuvent vivre leur vie à leur place... Ils donnent des conseils aux uns et aux autres, que chacun refuse d'écouter pour diverses raisons, et ça s'arrête là. Je pense qu'un interventionnisme serait plus mal vécu par leurs amis, et qu'il ne résulterait pas forcément sur le bonheur des gens "aidés".

Je pense que la vie est effectivement assez comme ça : commencer par trouver sa voie, son bonheur, puis accueillir autrui. Tom & Gerri ne sauvent pas leurs amis, mais ils leur offrent un roc auquel s'attacher pendant la tempête, un havre de paix et de douceur temporaire.

Bref, ils ne me paraissent pas aussi égoistes que ça. Il n'y a qu'au cinéma qu'on aide les gens malgré eux et que ça bouleverse le monde... Le film de Leigh me parait réaliste : je pense qu'on a tous des amis dont on sait "qu'ils seraient plus heureux s'ils avaient une compagne", "qu'ils n'aiment pas leur vie", "qu'ils sont malheureux parce que brouillés avec un frère ou un parent" mais on ne peut pas y faire grand chose, on ne peut que les accueillir chez soi à l'occasion, au mieux faire une ou deux suggestions, et entretenir l'amitié qui nous unit, se réjouir quand ils vont mieux, se désoler quand ce n'est pas le cas. C'est ce que je perçois dans le film de Mike Leigh.
C'est aussi ma vision du film. Le couple constitué par Tom et Gerri ne m'a pas semble du tout égoÏste mais très chaleureux et accueillant. En tout cas, Another Year (belle mise en scène, splendide interprétation, hautbois mélancolique) m'a donné envie de me repencher sur le cinéma de Mike Leigh que j'avais un peu délaissé depuis quelques années, depuis la déception qu'avait constitué Secrets et Mensonges. Pas si triste que ça, certains sachant trouver du bonheur si d'autres restent sur le bord de la route.
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Jack Carter
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Re: Mike Leigh

Message par Jack Carter »

sortie en dvd (depuis septembre) de l'Integrale BBC de Mike Leigh, chez Doriane films

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http://video.fnac.com/a4743986/Mike-Lei ... DVD-Zone-2


Coffret 14 films - 6 DVD
Doriane Films, BBC - Version originale anglaise sous-titrée en français - 939mn

Homme de théâtre, réalisateur couronné à maintes reprises pour ses longs métrages (Meilleur réalisateur à Cannes en 1993 pour Naked, Palme d’Or à Venise pour Topsy-Turvy en 1999), Mike Leigh n’en reste pas moins une figure de proue de la création télévisuelle anglaise consacrée par la BBC. Ses films drôles et acides livrent un tableau tragi-comique de la société anglaise, tout en dépeignant avec humanisme les relations homme-femme.

Ce coffret réserve d’inoubliables moments de télévision, servis par un chapelet de comédiens exceptionnels restés fidèles à Mike Leigh tout au long de leur carrière - Lesley Manville, Phil Davis, Alison Steadman, Brenda Blethyn, Janine Duvitski, pour n’en citer que quelques uns.

DVD 1
Travailler dur (1973), La Société permissive (1975), Les ‘Five Minute Films’ (1982) : La Naissance d’un gardien de but, Les vieux Potes, Mise à l’épreuve, Un petit Encas, Après-midi
DVD 2
Les Dingues du mois de mai (1976), Le Baiser de la mort (1976)
DVD 3
La soirée d’Abigail (1977), A propos d’Abigail (Entretiens avec les acteurs de « La Soirée d’Abigail ») (2007), Extraits d’émissions (2007)
DVD 4
Who’s Who (1979), Le Monde des adultes (1980)
DVD 5
Home Sweet Home (1982), Quatre jours en juillet (1985)
DVD 6
La Conversation, avec Will Self (2000), L’Adieu (entretien avec Mike Leigh) (1995), La Fabrique à histoires (entretien avec Mike Leigh et des comédiens) (1982)
Plus de trois heures de compléments, dont des entretiens inédits avec Mike Leigh, ses actrices et ses acteurs, l’écrivain Will Self et des extraits d’émissions télévisuelles de l’époque.
Image
The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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Jeremy Fox
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Re: Mike Leigh

Message par Jeremy Fox »

Splendor sort aujourd'hui High Hopes de Mike Leigh, sur une famille idéologiquement déchirée au sein de l'Angleterre thatchérienne. La chronique est signée Jean Gavril Sluka.
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Thaddeus
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Re: Mike Leigh

Message par Thaddeus »

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Bleak moments
C’est un univers morne, clos, désespérant. Une triste banlieue de pavillons individuels où quelques individus souffrant d’une tyrannique introversion s’efforcent d’établir un contact humain, de surmonter l’épreuve de la communication, rougissent d’anxiété en attendant la réponse. Ils savent que leur demande est demande d’amour et qu’on va leur retourner la même question, renvoyée ensuite dans un cycle sans fin. Pris dans ce labyrinthe de miroirs qui réfléchit leur propre image, ils s’isolent encore davantage et leur univers se restreint, jusqu’à ne plus contenir qu’eux-mêmes. Tout dans le réalisme de la mise en scène rend vivants et pesants jusqu’au malaise ces moments de ratage, de velléités déçues, de banalité poisseuse, dénués de complaisance mais non de compassion. Un cinéaste est né. 4/6

Meantime
Le cinéma britannique le plus pointu des années quatre-vingts tire souvent son suc de l’analyse d’un irrémédiable naufrage dans les niveaux les plus bas de l’échelle sociale. La preuve en est avec cette chronique assez accablante du chômage et de la détresse prolétaires, de l’enlisement auquel sont condamnés les laissés-pour-compte du capitalisme thatchérien, des ultimes miroitements d’un espoir de réussite qui se fracasse sur une réalité implacable aux exclus, aux faibles et aux défavorisés. Pris en étau entre l’humiliante bonne conscience bourgeoise et la violence cathartique des skins, les personnages, incapables de trouver les gestes et les mots de la communication, y noient leur marasme avec un humour rageur qui permet au film de conjurer toujours le misérabilisme glauque qui le menace. 4/6

High hopes
Le réalisme de ce cinéma est trompeur. Ici plus que jamais, il ne fonctionne pas pour lui-même et, tout en conservant sa propre dimension, sert une autre visée : l’humour, qui marque le brassage des tons (burlesque, caricature, exagération), produit un véritable déphasage et favorise un discours à la fois complexe et solidement structuré. Si son analyse critique n’épargne rien ni personne, s’il décrit scrupuleusement un patchwork de milieux entrant dans un système d’oppositions multiples, l’auteur réserve la primeur de sa bienveillance au couple de prolétaires qui refuse de participer au simulacre de la réussite sociale. D’où l’équilibre d’un film plein de fourrés épineux, d’allées traversières ramifiées, mais dont l’amertume et l’acerbe férocité sont toujours contrepesées par une sincère tendresse. 4/6

Life is sweet
De son propre aveu, Leigh poursuit l’objectif de faire des films crédibles et intéressants sur la vie quotidienne – cette vie qui n’est pas vraiment sweet mais que son regard de psychosociologue pousse naturellement à l’identification. Sa caméra est comme un microscope chercheur au cœur de l’Angleterre moyenne, muni d’une lentille déformante qui permet de pousser certains personnages et situations jusqu’au grotesque et qui favorise cependant des contrepoints émotionnels préservant la dignité humaine de chacun. L’équilibre est si délicat qu’on frôle parfois la caricature, mais le prosaïsme absolu de la chronique, la sympathie évidente manifestée envers ces êtres qui rêvent plus qu’ils ne vivent, qui subissent plus qu’ils n’assument l’enlisement "thatcherisé" des jours, dénotent la réussite de l’entreprise. 4/6

Naked
Johnny était peut-être étudiant en philo ou disciple d’un aspirant prophète. Fuyant Manchester, il est désormais un clochard lyrique, riche à crever d’une culture qui ne nourrit plus son homme. On le découvre par bribes à travers sa manie congestionnée de citations, sa décadence psycho-physique et la dégradation sur laquelle, béatifié ou damné, il se sacrifie. S’il n’y avait cette très forte identification behavioriste de tous les interprètes, la scansion beckettienne des dialogues, on aurait envie de se flinguer devant une si désolante description de l’humanité, devant cette chorégraphie délabrée de laideurs et de misères, d’abus et de dévastations éthiques, devant le marécage bleuâtre d’un Londres crépusculaire, filmé sans concession ni conformisme esthétique, et où s’écroule la civilisation occidentale. 4/6

Secrets et mensonges
Sans doute l’œuvre la plus générique et universelle de l’auteur, un film de réconciliation qui fait s’effacer, malgré les tumultes intérieurs, les conflits sous-jacents et les malaises sociaux, toutes les barrières de sexe, de classes et d’ethnies. La chronique tragi-comique d’une famille éclatée y nourrit une réflexion sensible sur les racines et l’identité, imbriquée aux problématiques du racisme, du chômage, de la pauvreté sclérosant la middle class londonienne. Véhémence des uns, atonie des autres, pudeurs et sentiments cachés… Loin de la sensiblerie et du mauvais mélo, Leigh exerce son sens inné du non-dit et de l’allusion et révèle une grande finesse dans l’étude psychologique. Le tout, vibrant d’une humanité, d’une tendresse chaleureuses, est superbement relayé par de formidables acteurs. 5/6
Top 10 Année 1996

Topsy-turvy
Surprise : le chroniqueur des classes modestes contemporaines, le peintre des Modern moral subjects plonge dans les fanfreluches guindées de la haute société londonienne de 1885 et se passionne pour la vie de Gilbert et Sullivan, princes de l’opérette exotique qui furent à l’Angleterre victorienne ce qu’Offenbach fut au Second Empire français. Et c’est un délice, un grand gâteau crémeux mais très goûteux, dont l’originalité consiste à transformer le "drame dans les coulisses" en mise en abyme d’une vérité intime : les affres de la création. Sous les décors fastueux, les bibelots en surnombre, les prises de boudoir, salons et loges d’acteurs, s’anime tout un monde chaleureux, drôle et truculent, que l’auteur fait tourbillonner en oscillant avec brio de la parole au chant, de la fiction à l’histoire, du banal au lyrique. 5/6

All or nothing
Ce n’est pas une vie, mais c’est leur vie. Celle du lumpen-prolétariat de l’Angleterre blairiste, dont le cinéaste poursuit la sociologie sans apprêts avec son film le plus sombre, âpre et désespéré avec Naked. Au contraire de beaucoup d’autres, lui ne cherche pas à dire mais à laisser dire, ne dérobe pas le quotidien de ces couches défavorisées mais s’y immerge, s’en imprègne, en éprouve toute la complexité versatile, toutes les nuances contradictoires. La violence des sentiments, des rapports humains et des liens affectifs, l’attachement viscéral à autrui, la détresse de chacun, tout concourt à dresser un tableau terrible et poignant, superbement interprété (on ne dira jamais assez la suprématie des acteurs anglais dans ce domaine), et fort peu attentif aux codes de représentation usuels de la comédie humaine. 5/6

Vera Drake
Le réalisateur quitte l’Angleterre contemporaine pour celle des années 50, et livre son Affaire de Femmes à lui. Toujours du côté des petites gens, de cette classe modeste et prolétaire qui essuie les injustices et les hypocrisies de l’ordre social, il dresse le portrait d’une faiseuse d’anges sans jamais l’héroïser, et dépeint une époque d’après-guerre où les mœurs se libèrent mais où les lois restent de fer, où la pauvreté et l’absence de choix forment le lot quotidien des êtres les plus modestes. Le dévouement naturel, la générosité désintéressée et affairée de l’héroïne sont saisies dans une forme de quotidienneté banale, pour mieux souligner les défaillances du système répressif et engager le conflit moral : que faut-il accepter au nom de la précarité ? Intéressant mais peut-être un peu lisse. 3/6

Be happy
Leigh avait habitué à l’inexorable ruée de chacun vers la solitude et de tous vers l’apocalypse. Pivotement radical avec ce film guilleret et coloré, dont l’héroïne a décidé qu’il était bon de vivre. Mais le ton a beau être celui d’un feel-good-movie, accordé aux basques de sa fofolle Poppy, bourrasque d’optimisme forcené et de gaieté revigorante, une telle approche de l’existence repose également sur une lucidité éprouvée, voire une certaine mélancolie, qui l’éloigne de toute béatitude bisounoursesque. Car le cinéaste se montre toujours aussi concerné par la réalité contemporaine et l’attention aux déshérités, équilibrant les plages de comédie pure (les cours de flamenco avec la prof azimutée) et le commentaire social, précis, tendre et généreux. Quant à Sally Hawkins, elle est aussi formidable qu’attachante. 5/6

Another year
Le cinéaste retrouve la veine de Secrets et Mensonges : même structure ample et chapitrée, même regard attentif et humaniste sur ses contemporains, même faculté à basculer de la drôlerie la plus débridée à la tristesse la plus existentielle, même milieu familial fait de complicité, de profonde tendresse, de chaleur affective, où s’épanchent les aspirations hésitantes, l’altruisme généreux, le désarroi qui ne dit pas son nom – et la difficulté à concilier le bonheur avec le souci d’aider ceux que l’on aime. Une fois encore, Leigh s’impose comme un portraitiste particulièrement sensible, chargeant d’une authenticité vibrante chacun de ses personnages, tous confrontés à l’angoisse de la solitude et du vieillissement, aux échecs de la vie, à des difficultés relationnelles qui les minent. Très beau film. 5/6
Top 10 Année 2010


Mon top :

1. Secrets et mensonges (1996)
2. Another year (2010)
3. Topsy-turvy (1999)
4. Be happy (2008)
5. All or nothing (2002)

Un cliché usant et un peu injuste entretient le parallélisme entre le cinéma de Mike Leigh et celui de Ken Loach, dont il partage le regard social, humaniste et généreux sur les petites gens, les déclassés, les défavorisés, les prolétaires oubliés de la société britannique. Le rapprochement est légitime mais à nuancer, Leigh ayant développé une forme de romanesque sans doute plus âpre, plus écorchée, plus "bukowskienne" que son compatriote.
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