Victor Mature (1913-1999)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Solal
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Re: Proust et Fred McLeod Wilcox

Message par Solal »

francis moury a écrit :Je puis vous assurer qu'à mes yeux quelque peu savants dans ces nobles matières, les matières en question ne sont pas aussi riches dans le film de 1968. Et leur traitement me semble, au surplus, infiniment immodeste et tape-à-l'oeil en 1968. Au point qu'il en dissout ce qu'il serait censé illustrer. Il ne suffit pas de choisir deux thèmes classiques de la littérature et du cinéma de science-fiction (des extra-terrestres à l'origine de l'humanité + révolte de la machine contre l'homme), de les monter dans une structure circulaire censée résumer l'évolution humaine avec force raccords et fondus-enchaïnés et jeux sur l'espace-temps pour prétendre simplement penser son sujet. Ni même l'illustrer honnêtement. Enfin bref... la séduction de la duplicité foncière de Kubrick n'a rien d'étonnant : je la constate depuis trop longtemps pour m'en formaliser.
Mais où se situe cette "duplicité" ? De quelle nature est-elle ?
Je partage à peu près cet avis sur la pertinence du commentaire philosophique chez Kubrick. Le réquisitoire d'Orange mécanique, ou de Full Metal Jackett me semblent du même acabit. Même Les sentiers de la gloire suscite chez moi un sentiment de malaise, c'est dire. Mais on ne demande pas à un artiste d'être un penseur - j'essaye donc de faire abstraction de ses prétentions en la matière. Et puis, surtout, les qualités formelles de son cinéma me semblent indéniables et je comprends mal comment on peut les contester. J'ai beau ne pas y adhérer pleinement - je n'ai pas vraiment de goût pour les beaux objets refermés sur eux-mêmes - son esthétique me semble des plus marquantes et j'apprécie que Kubrick l'ait poussée jusqu'à son terme.

En ce sens, on peut considérer que son sujet est pensé de manière satisfaisante : je dirais même que son cinéma relève le niveau dans la mesure où il parvient, à force d'abstraction, de maniaquerie et de systématisme à vider de son sens un discours dont les représentations sont malheureusement assez grossières. Il n'est pas là pour l'illustrer (ce n'est pas le rôle d'un cinéaste que de mettre en images un propos : le cinéma ce n'est pas de l'illustration) - d'ailleurs, la voie qu' il emprunte est plutôt celle de l'épuisement du discours : il en fait une sorte d'algèbre hermétique, une formule désincarnée autrement plus intéressante esthétiquement que ne l'est son matériau. Pure forme vide, rationalité coupée de son enracinement dans la réalité pratique, son cinéma incarne à merveille, je trouve, les obsessions qui l'habitent (volonté de maîtrise, peur du réel, désir d'absolu) et qui sont à l'opposé de ce qu'il prétend défendre (antimilitarisme, antiautoritarisme, etc.). Alors, oui, Kubrick est un piètre humaniste mais un grand cinéaste totalitaire. Comme quoi, qui veut faire l'ange fait la bête et je ne crois pas qu'il faille y voir une quelconque duplicité, encore moins une imposture, mais plutôt une grande leçon politique.
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Message par Kurtz »

Jeremy Fox a écrit :Pour Kurtz : personne n'est intouchable et je respecte les goûts de tout le monde : relis un peu ce que je dis. Merci.
Oui mais quand même, il faut reconnaître que Kubrick est un grand.
reconnaître qu'on des goûts de merde quoi.

Je ne tiens pas à défendre la thèse de francis s'il y en a une.
Le cinéma bis, ne m'intéresse pas et je suis contre le relativisme forcené qui vise à mettre sur un pied d'égalité un Kubrick et un Fisher.

Par contre, s'il s'agit de remettre intelligemment en cause un mythe de la cinéphilie en démontant les arguments de la critique depuis 40 ans alors là, je veux voir !
ça peut donner lieu à un débat intéressant et enrichissant.

Mais l'envoyer paître genre "oh eh, t'es gentil Planète interdite, c'est cool, mais faut pas pousser mémé dans les orties non plus. Kubrick est grand de tute façon, tout le monde le dit depuis trente ans", je trouve ça limité comme réaction.
mais cela dit je le comprends tout à fait de la part de fans de Kubrick, francis n'ayant pas encore sorti d'argument massue et concret auquel répondre...
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Roy Neary
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Re: Proust et Fred McLeod Wilcox

Message par Roy Neary »

Solal a écrit :Alors, oui, Kubrick est un piètre humaniste mais un grand cinéaste totalitaire. Comme quoi, qui veut faire l'ange fait la bête et je ne crois pas qu'il faille y voir une quelconque duplicité, encore moins une imposture, mais plutôt une grande leçon politique.
Je voudrais bien réagir à ton propos (que je ne partage pas), mais je voudrais d'abord savoir que recouvre ta définition du terme "humanisme".
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Re: Proust et Fred McLeod Wilcox

Message par Simone Choule »

Roy Neary a écrit :
Solal a écrit :Alors, oui, Kubrick est un piètre humaniste mais un grand cinéaste totalitaire. Comme quoi, qui veut faire l'ange fait la bête et je ne crois pas qu'il faille y voir une quelconque duplicité, encore moins une imposture, mais plutôt une grande leçon politique.
Je voudrais bien réagir à ton propos (que je ne partage pas), mais je voudrais d'abord savoir que recouvre ta définition du terme "humanisme".
Moi je dirais : Kubrick est un grand humaniste ET un grand cinéaste totalitaire. Comme Fritz Lang...
Mabuse était à la fois un symbole à peine déguisé du facisme et un portrait fantasmé de Lang.
Dans les deux cas il s'agit d'une volonté de puissance...
On peut appliquer une esthetique totalitaire à un film sans être un faciste dans la vie.
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Message par Alex Blackwell »

Oserais-je demander à M. Moury de dire ce qu'il pense de quoi vous savez?
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Message par Alex Blackwell »

Kurtz a écrit : Par contre, s'il s'agit de remettre intelligemment en cause un mythe de la cinéphilie en démontant les arguments de la critique depuis 40 ans alors là, je veux voir !
ça peut donner lieu à un débat intéressant et enrichissant.
Assez d'accord avec ça. Les grands artistes peuvent être perçus tels pendant cinquante ans avant de sombrer définitivement dans l'oubli de l'histoire.
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Message par Requiem »

Alex Blackwell a écrit :Les grands artistes peuvent être perçus tels pendant cinquante ans avant de sombrer définitivement dans l'oubli de l'histoire.
Le meilleur exemple étant bien sûr... attendez, c'était quoi encore son nom ? :mrgreen: :arrow:
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Message par Alex Blackwell »

Requiem a écrit :
Alex Blackwell a écrit :Les grands artistes peuvent être perçus tels pendant cinquante ans avant de sombrer définitivement dans l'oubli de l'histoire.
Le meilleur exemple étant bien sûr... attendez, c'était quoi encore son nom ? :mrgreen: :arrow:
Quand tu l'auras retrouvé, fais-moi signe.
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Re: Proust et Fred McLeod Wilcox

Message par Solal »

Simone Choule a écrit :
Roy Neary a écrit : Je voudrais bien réagir à ton propos (que je ne partage pas), mais je voudrais d'abord savoir que recouvre ta définition du terme "humanisme".
Moi je dirais : Kubrick est un grand humaniste ET un grand cinéaste totalitaire. Comme Fritz Lang...
Mabuse était à la fois un symbole à peine déguisé du facisme et un portrait fantasmé de Lang.
Dans les deux cas il s'agit d'une volonté de puissance...
On peut appliquer une esthetique totalitaire à un film sans être un faciste dans la vie.
Quand je parle de cinéma totalitaire, je n'évoque que l'aspect purement formel et pas du tout les thématiques de ses films (même si pour Orange mécanique, il y aurait matière à ergoter). Avec sa volonté d'expurger tout ce qui est de l'ordre de l'indéterminé, de faire du réel quelque chose d'absolument harmonieux, son obsession de la géométrie, de la symétrie, etc., Kubrick met en place un monde vidé de ses aspérités. C'est cinématographiquement (mais pas politiquement) totalitaire.

Pour ce qui est du signifiant - défense de l'individu broyé par le groupe et contestation des pratiques autoritaires à travers la critique des institutions politiques, militaires, judiciaires, etc. - on oscille entre humanisme (la valeur première est le respect de la personne humaine, prise dans son intégralité, c'est-à-dire avec ses failles, ses contradictions et ses faiblesses) et individualisme élitiste. Ce qui me gêne ce n'est pas la tendance, l'orientation du discours, ni même son ambivalence, mais son manque de finesse que l'absolutisme de la mise en scène ne fait que souligner.
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Roy Neary
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Re: Proust et Fred McLeod Wilcox

Message par Roy Neary »

Solal a écrit :Pour ce qui est du signifiant - défense de l'individu broyé par le groupe et contestation des pratiques autoritaires à travers la critique des institutions politiques, militaires, judiciaires, etc. - on oscille entre humanisme (la valeur première est le respect de la personne humaine, prise dans son intégralité, c'est-à-dire avec ses failles, ses contradictions et ses faiblesses) et individualisme élitiste. Ce qui me gêne ce n'est pas la tendance, l'orientation du discours, ni même son ambivalence, mais son manque de finesse que l'absolutisme de la mise en scène ne fait que souligner.
Les films de Kubrick sont en effet des "films-mondes" qui tendent vers l'absolu et qui ont leur logique et leur mode de fonctionnement propres. C'est aussi pour cela qu'ils sont passionnants et importants. Je ne vois pas forcément de contradiction entre l'exploration humaniste et l'individualité qui découle de ses films, car Kubrick, s'il est un intellectuel (en cela je ne suis donc pas d'accord avec toi), il n''est pas un penseur. Il dresse des constats froids et lucides après avoir exploré les fonctionnements intimes de l'être humain comme de son organisation sociale. La conclusion qu'il en tire est peut-être pessimiste, et on peut être en désaccord, mais la maîtrise de son art et de son argumentation (le premier soutenant la seconde) force le respect, en tout cas pour moi.
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Re: Proust et Fred McLeod Wilcox

Message par Solal »

Roy Neary a écrit : Il dresse des constats froids et lucides après avoir exploré les fonctionnements intimes de l'être humain comme de son organisation sociale.
C'est là que je tique : je trouve sa vision souvent quelconque voire tarte à la crême ou caricaturale (c'est le cas pour Orange Mécanique, 2001, Dr Folamour, Full Metal Jacket et Eyes Wide Shut). Son pessimisme (je n'ai rien contre en soi) me donne donc logiquement l'impression d'être un peu de pacotille.
Roy Neary a écrit : Je ne vois pas forcément de contradiction entre l'exploration humaniste et l'individualité qui découle de ses films, car Kubrick, s'il est un intellectuel (en cela je ne suis donc pas d'accord avec toi), il n''est pas un penseur.
Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris, mais je tente de répondre tout de même. Ce que je voulais dire, c'est que, en dehors du fait qu'il y a à mon sens incompatibilité entre l'univers qu'il met en place et le corps de valeurs humanistes, la précision de sa mise en scène ne fait que renforcer l'impression d'approximation (jusqu'à la caricature) qui ressort de sa vision du monde.

Un simple exemple : Full Metal Jacket me semble aussi autoritaire, aseptisé, violent, dans sa forme, que ne l'est la formation militaire dont le film démonte les rouages. Cela ne me pose pas foncièrement problème, par contre, sa critique de l'endoctrinement militaire me paraît absolument surfaite, grossière - elle ne me convainc absolument pas alors que ma sensibilité antimilitariste devrait au contraire m'y faire adhérer d'office.
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Re: Proust et Fred McLeod Wilcox

Message par Ubu »

Solal a écrit :C'est là que je tique : je trouve sa vision souvent quelconque voire tarte à la crême ou caricaturale (c'est le cas pour Orange Mécanique, 2001, Dr Folamour, Full Metal Jacket et Eyes Wide Shut). Son pessimisme (je n'ai rien contre en soi) me donne donc logiquement l'impression d'être un peu de pacotille.
Je n'apprendrai rien à personne en disant que l'outrance de Dr Folamour est délibérée: c'est une farce énorme, et le final apocalyptique me fait froid dans le dos à chaque fois. L'image des champignons atomiques est de celles qui décidément ne se banalisent pas.
D'autre part, qui peut être certain de détenir le sens ultime de 2001, Eyes Wide Shut, Full Metal Jacket (que j'aime moins personnellement mais là n'est pas la question) ou même Shining? Après plusieurs visions, je ne le sais toujours pas.
Ces films admettent plusieurs interprétations et c'est aussi pour ça, au-delà de leur qualité formelle, qu'ils restent fascinants.
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Re: Proust et Fred McLeod Wilcox

Message par Alex Blackwell »

Ubu a écrit :
Solal a écrit :C'est là que je tique : je trouve sa vision souvent quelconque voire tarte à la crême ou caricaturale (c'est le cas pour Orange Mécanique, 2001, Dr Folamour, Full Metal Jacket et Eyes Wide Shut). Son pessimisme (je n'ai rien contre en soi) me donne donc logiquement l'impression d'être un peu de pacotille.
Je n'apprendrai rien à personne en disant que l'outrance de Dr Folamour est délibérée: c'est une farce énorme, et le final apocalyptique me fait froid dans le dos à chaque fois. L'image des champignons atomiques est de celles qui décidément ne se banalisent pas.
D'autre part, qui peut être certain de détenir le sens ultime de 2001, Eyes Wide Shut, Full Metal Jacket (que j'aime moins personnellement mais là n'est pas la question) ou même Shining? Après plusieurs visions, je ne le sais toujours pas.
Ces films admettent plusieurs interprétations et c'est aussi pour ça, au-delà de leur qualité formelle, qu'ils restent fascinants.
:shock:

Tu es sûr que tu t'es connecté sous le bon pseudo? :lol:
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Re: Proust et Fred McLeod Wilcox

Message par Ubu »

Alex Blackwell a écrit :Tu es sûr que tu t'es connecté sous le bon pseudo?
Oserais-tu douter de ma royale existence?
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Re: Proust et Fred McLeod Wilcox

Message par Alex Blackwell »

Ubu a écrit :
Alex Blackwell a écrit :Tu es sûr que tu t'es connecté sous le bon pseudo?
Oserais-tu douter de ma royale existence?
:lol:
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