feb a écrit :
Sinon c'est bien sympa de lire tes avis sur ces films du duo
Browning/Chaney
Merci
J ai profité d un séjour en province pour exhumer un lot de vhs enregistrées il y a plus de 20 ans lors de deux cycles
Browning et Chaney au cinéma de minuit. Soit dit en passant et curieusement les enregistrements n ont pas trop mal vieillis.
Road to Mandalay (1926)
Chaney joue Singapore Joe qui tient un bouge oú avec deux associés il se livre à toutes sortes de trafics. Il a une fille qui a été élevée sans savoir qui est son père, par un prêtre qui n est autre que le frère de Chaney. Un des deux associés, l’Amiral, en tombe amoureux et change de mœurs . Ils vont se marier mais Chaney l’apprend....
Il ne reste plus qu’une tres mauvaise copie de 35 min du film. Bien que la trame soit complète, Il est difficile de se faire une opinion dans ces conditions car les parties manquantes devaient probablement développer les personnages et leurs relations. Toutefois sur une histoire typique des intrigues des films du duo, Chaney fait une composition saisissante. Avec comme seul maquillage un impressionnant œil aveugle et blanc, le film met en avant sa présence physique, à la fois forte et viril, mais aussi fragile dans les scènes oú il approche anonymement sa fille. Le reste du casting est plus conventionnel avec Owen Moore qui jouait déjà dans Black Bird et Loris Moran une jeune première assez transparente.
Arrivant chronologiquement après The unholly three et Black Bird, le film annonce la montée en puissance des films suivants The Unknown et West of Zanzibar. Le film complet devait être un bon opus.
Where East is East (1929)
Chaney est Tiger Haynes, chasseur de tigre aux confins du Vietnam. Il a une fille ( comme d hab...) qu il élève seul et avec laquelle il a une relation fusionnelle. Celle ci tombe amoureuse d un jeune homme fils du directeur de cirques auquel Chaney vend les tigres qu'il capture.
Après une période de franche hostilité Chaney fini par accepter de bonne grâce cette relation. Ils partent tous les deux pour convoyer les animaux vers Singapore. Sur le bateau voyage aussi une femme mystérieuse, d une grande beauté, qui ne tarde pas à mettre le grappin sur le futur beau fils. C est en fait une vielle connaissance de Chaney...
Suite aux remarques de Feb, j ai revu le film et force est de constater que je l ai trouvé plus intéressant que dans mes souvenirs. A l époque et après la découverte des autres films franchement plus épicés, ce film m avait paru bien fade et loin de l esprit de West of Zanzibar, leur film précédent.
On n'est pas dans le même registre outré et grand guignol et le film déploie une intrigue de mélodrame plus classique mais avec toutefois de connotations incestueuses. Rien a dire sur la mise en scène efficace de
Browning ou sur le casting. Chaney est impeccable dans un rôle moins tourmenté qui doit probablement se rapprocher des rôles qu'il jouait sans maquillage dans des films plus conventionnels comme Tell us The Marines ( un de ses plus gros succès, que je n ai pas vu) . Nous avons pour une fois droit à une jeune fille bien moins insipide que d habitude jouée par Lupe Velez dont Feb vante les mérites mieux que moi un peu plus haut.
Estelle Taylor joue quant à elle les garces avec conviction.
Browning est a l aise dans l évocation des ambiances orientales, plutôt réussies pour les scènes dans le bateau.
Le film est donc honorable sans être passionnant. Il évoque certaines œuvres muettes plus anciennes de
Browning et reste à voir pour tous amateur.
Sur la lancée, j ai enchainé avec, par ordre chronologique :
The thirtheen chair (1929)
L intrigue se déroule dans le milieu de la noblesse anglaise coloniale en Inde. Un coureur de jupon est assassiné par une femme que l'on cherche à identifier. Une voyante est mise à contribution pour faire parler le mort. La séance de spiritisme dérape....
Le film à l époque de sa découverte m avait paru bien mineur mais ici l opinion est confirmée : Pas grand chose au tirer. Le film est adapté d une pièce de théâtre et cela se voit, il est assez statique et au suspense poussif.
On retient juste deux points . Il s agit de la première collaboration entre
Browning et Lugosi . Ce dernier dans le rôle de l inspecteur cabotine moins que dans Dracula mais d ici à dire que c est un bon acteur...
Le second aspect est relatif au monde des trucages ici employé par la fausse spirite. Le thème est au cœur de l œuvre de
Browning et déjà au centre de The Mystic et dans le contexte du cirque dans The show.
. Il sera repris une dernière fois pour être le cœur de Miracles for sale.
Browning fait à la fois l éloge et la dénonciation des magiciens. Éloge quand ils se présentent comme truqueurs d entrée, dénonciation dès lors que le truc sert à escroquer. Dans ce film, la posture est intéressante car la spirite commence par expliquer ces tours pour gagner la confiance. On verra plus bas comment le thème est évoqué dans Miracles for Sale.
Le film souffre surtout de l histoire sans intérêt du style whodunit, et m a rappellé La volonté du mort de Muni ( déjà pas fameux).
A moins de vouloir tout avoir vu de
Browning, on peut sans passer.
Les poupées du diable (1936)
Le banquier Paul Lavond s évadz du bagne où il a passé 17ans suite à un complot de ses associés. Il n a qu une idée : se venger. Il s évade avec Emil Coulvet un savant fou qui a inventé un procédé pour miniaturiser les êtres vivants, ceci à fin de réduire l ensemble de l humanité et d’ainsi résoudre les problèmes de faim dans le monde. Malheureusement, les êtres dont la taille a ainsi été réduite sont sans volonté et n agissent que commandés par un humain normal. Lavond va exploiter ces "poupées" pour exécuter sa vengeance...
Un grand classique du film fantastique.
On trouve crédités au scénario Von Stroheim !!, Guy Endore ( écrivain populaire assez connu a l époque) dans une adaptation d un roman de Abraham Merritt ( que je n'ai pas lu). L intrique est inspirée ( plagiée de ) celle du faiseur de merveilles, très belle nouvelle de Fritz O Brien que je conseille vivement.
Le film est porté par la composition de Lionel Barrymore, vieux complice de
Browning et excellent acteur. Il reprend de façon saisissante le déguisement en vieille dame inoffensive, utilise déjà par Chaney dans The Black Bird.
L intérêt du film vient de la psychologie de Lavond. Il essaye avant tout de retrouver la considération de sa fille qui le hait. Innocent, il devient criminel en se vengeant mais garde curieusement un fond d humanité face au projet délirant et inhumain de Coulvet. Il est le seul à finalement se préoccuper du sort de ses poupées alors que la veuve de Colvert devenu sa complice ne fait que jouer avec.
Je ne sais plus où j'ai lu une analyse du film mettant en avant l opposition entre ces deux projets : projet injustifiable mais profondément humain d un côté, projet humaniste/utopique mais inhumain de l autre.
Excellent trucages et reconstitution gigantesques.
On retrouve la capacité de
Browning à réaliser les scènes mélodramatiques , notamment dans la belle scène oú la famille Lavond est réunie : Lavond visite sa mère sous le déguisement de mme Mandelip, il s est fait reconnaître de celle-ci et tout deux vont tenter d’infléchir le jugement de la fille.
Les critiques de l époque cités par D Skal mettent en avant l aspect peu effrayant de l ensemble, en comparaison aux productions de l époque. Un film d horreur pour les enfants, les poupées étant jugées plutot mignonnes. Le film est donc à restituer dans le contexte de la mode des films horrifiques de ce milieu des années 30. Il ne déploie pas les même charmes que la Fiancé de Frankenstein sortie l’année précédente, en raison notamment de l absence d éléments gothiques. L horreur est avant tout d origine scientifique, le procédés de création des poupées est d ailleurs suggéré et non montré:
Browning écarte l effet facile de la réduction du corps lui préférant une sorte d allégorie cotonneuse : de moins en moins de coton est nécessaire pour couvrir le corps de la poupée au cours des différentes phases de sa réduction. Il n y a in fine pas de tentative crédible de nous faire croire à la réalité de processus, accentuant le côté artificiel et conte de l histoire.
Le film dans un registre totalement différent de Freaks démontre le savoir faire de
Browning dans le cadre d un film de studio et sa capacité à introduire ses obsessions personnelles.
Ce qui nous amène à
Miracle for sale (1938)
Michael Morgan fait métier de développer et vendre des trucages sophistiques pour les magiciens professionnels et les artistes. Son enseigne est Miracle for sale. Il est aussi connu pour lutter avec acharnement contre les faux magnétiseurs et autres charlatans qui exploitent la crédulité des gens en leur vendant fantôme, vampires, ....
Il se retrouve impliqué dans une histoire de meurtres de magnétiseurs, mellant chambre close et rites sataniques.
Le film est connu pour démarrer sur une scène impressionnante dont je ne dirai rien...
Il s agit avant tout d une sorte de comédie policière sur fond de trucs, masques et manifestations surnaturelles. L'intrique n est pas toujours passionnante mais réserve deux ou trois moments intéressants ( la filature du suspect, la découverte du sous sol chez le Colonel Watrous, ...) Le film repose sur une mise à nu des artifices, mais tous cela n est pas pleinement assumé. En effet Morgan se livre à un numéro de prestidigitation en faisant disparaître à plusieurs reprises la salière que le serveur dépose sur la table. Alors que l'esprit même du film aurait voulu que le tour soit crédible et exécuté « en vrai » c est un effet spécial qui est utilisé par
Browning. De même les machineries mises en branle involontairement par le père du héros ne sont pas restituées de façon crédible. Le film exploite les ficelles que le héros dénonce ce qui nuit au propos. Mais la est en fait est le problème : nous avons l'impression d'être devant l'utilisation du prétexte de ces trucs comme ressort dramatique et comique et non comme le véritable sujet enjeu du film( on pense ici bien sûr au Prestige de Nolan, du moins pour sa partie non fantastique) .
Pour moi finalement un agréable film de studio sans gros défauts mais assez mineur, . Il montre toutefois la capacité de
Browning a faire un produit à la fois standard et personnel, comme pour les Poupées. Il est surprenant que cette capacité ne lui ait pas permis de faire d autres films, même en tant que cinéaste « standard ». Cette fin de carrière est donc curieuse pour un cinéaste qui n'a pas eu de difficulté à passer au parlant après une carrière muette portée par des succès commerciaux et quelques fois critiques avec Chaney.
Skal fait justement remarquer que le cinéma de
Browning est plutot statique avec pas ou peu de mouvementq de caméra. C'est avant tout un cinéaste privilégiant l’ ambiance et les situations, plutot que la dynamique et le mouvement. Cela aurait nuit à sa carrière. Difficile à dire avec le recul.
Ce nouveau parcours de la filmographie de
Browning, presque 30 ans après la découverte traumatisante de Freaks et The Unknown au Cinéma de Minuit m 'amène à apprécier le professionnalisme de
Browning mais aussi a voir ses limites notamment dans ses films parlants.
Sans surprise les films de
Browning valent aussi en grande partie ce que valent ses scénarios et surtout ses acteurs. Si Chaney et Barrymore ont porté les meilleurs œuvres,
Browning a probablement souffert d un casting souvent de convention avec notamment l absence de grande actrice. On a dit que le problème des films avec Chaney est que ce dernier n avait pas face à lui d actrice capable de l affronter. Les quelques scènes remarquables portées par des femmes ( The show, Where East is East, Devil dolls, ...) font regretter que
Browning n est pas dirigé plus souvent actrices plus convaincantes.
Quant aux scénarios au delà des trois ou quatre chefs d œuvres, ils laissent aussi souvent à désirer, on a l impression le plus souvent par facilité. Il a été noté que dans le cas des films avec Chaney, la première partie qui campe le cadre est souvent réussie alors que la suite s avère ne pas toujours exploiter le potentiel, se résumant à amener le personnage joué par Chaney a sa triste fin. On ne peut pas dire non plus que le scénario de Mark of The Vampire soit bien terrible.
Si je mentionne ces limites ce n est pas pour dévaluer l œuvre de
Browning, incontournable, mais pour regretter quelques occasions manquées.
Me reste plus qu'à tenter de voir Fast workers et Iron Man....