Le Giallo

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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manuma
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Re: Le Giallo

Message par manuma »

A mon goût, Tutti i colori del buio est le moins satisfaisant des 5 gialli signés par Sergio Martino entre 1970 et 1973. Toutefois, les opus l’encadrant plaçant la barre assez haut d’un point de vue qualitatif, on n’est pas non plus en présence d’un mauvais film, loin de là même.

C’est avant tout sur la construction de son scénario que Tutti i colori del buio perd quelques points face à ses concurrents directs. Il y a comme un petit problème de dosage dans ce récit giallesque mixé à une histoire d’envoutement satanique à la Rosemary’s baby. La partie machination est traitée de façon beaucoup trop succincte, tandis que les scènes de messes noires / cauchemars (éveillés ou non) s'éternisent sans justification aucune, ou presque. Dommage car il y avait indéniablement de l’ambition derrière cette histoire offrant à Edwige Fenech l’un de ses rôles les plus consistants.

Maintenant, sorti de ces quelques réserves, l’ensemble demeure fortement recommandable dans son créneau. Sergio Martino y déploie une nouvelle fois des trésors de créativité formelle. L’imposant et inquiétant immeuble dans lequel réside l’héroïne lui inspire notamment moult cadres de toute beauté jouant sur la géographie/symétrie des lieux. Esthétiquement, un festival pour les yeux ...

Au final, peut-être une petite déception dans la filmo de Martino, mais néanmoins un giallo de premier choix.
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hellrick
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Re: Le Giallo

Message par hellrick »

A mon sens on est plus proche ici d'un whodunit policier mâtiné d'horreur que d'un vrai giallo, d'autant que le film est anglais...mais comme il est souvent considéré comme un giallo ou du moins un inspirateur de celui-ci, autant le mettre ici qu'ailleurs :wink:

LE CERCLE DE SANG
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Réalisé en 1967, LE CERCLE DE SANG est un curieux hybride entre récit policier, typique du « whodunit » de l’âge d’or, et épouvante. Avec son cadre unique, ses nombreux suspects, ses fausses pistes, son enquête mollassonne et ses meurtres stylisés, le long-métrage préfigure aussi bien les slashers américains des années 80 que le giallo européen des seventies.

L’intrigue, basique, prend place dans un cirque itinérant, le « Rivers Circus », dirigé de manière autoritaire par Monica Rivers, belle femme vieillissante qui aime utiliser son pouvoir de séduction sur les hommes de son entourage. Le cirque connaît, depuis quelques temps, des difficultés financières mais le décès d’un équilibriste en pleine représentation entraine une spectaculaire remontée des ventes de billets. Le public, avide de spectaculaire, se presse aux représentations dans l’espoir inavoué d’un nouvel accident. Or, les morts se multiplient, tout comme les suspects et les coupables potentiels. Frank Hawkins, nouvel arrivant au Rivers Circus, devient le centre du mystère et, accessoirement, l’amant de la directrice dont la fille, récemment renvoyée de sa prestigieuse école privée, aimerait, elle-aussi, intégrer la troupe menacée.

Peu connu, le cinéaste Jim O’Connolly reste essentiellement célèbre pour son excellent western fantaisiste LA VALLEE DE GWANGI et son sympathique film d’horreur LA TOUR DU DIABLE. Il livre ici un produit d’exploitation plaisant mais aux faiblesses criantes, à commencer par un manque de rythme flagrant encore aggravé par les nombreux numéros de cirque, souvent complètement inutiles, qui parsèment l’intrigue. Ces séquences sans intérêt ralentissent et interrompent l’action à intervalles réguliers, probablement pour des raisons économiques et pour contenter les « ch’tis n’enfants » auquel le film n’est, pourtant, pas spécialement destiné. Reste l’un ou l’autre passage campy à souhait dont un numéro musical « improvisé » par quelques freaks issus de la troupe du cirque. Dommage que Jim O’Connolly, peu inspiré, reste trop modéré pour convaincre, un peu plus de folie aurait surement rendu LE CERCLE DE SANG bien meilleur et lui aurait évité de ressembler à un épisode tiré en longueur d’une quelconque série télévisée à énigme. Les meurtres, finalement, se révèlent en effet peu nombreux et timorés, bien loin des futurs excès du slasher. Au programme nous avons un équilibriste dont la corde se rompt pour le pendre en s’enroulant autour de sa gorge (grotesque mais amusant), un homme dont le crane est transpercé, à travers le mur, par une pique métallique (ridicule, comment le meurtrier savait il où sa victime allait se placer ?) et un type qui tombe sur un lit de poignards. Sans oublier la meilleure scène du film, un tour de magie qui tourne mal au cours duquel la jolie assistante du magicien est réellement sectionnée en deux par une scie électrique. Ce passage rappelle les excès d’Hershell Gordon Lewis sur, par exemple, THE WIZARD OF GORE, du moins au niveau des intentions et du Grand-Guignol car LE CERCLE DE SANG demeure, en définitive, peu graphique et le sang y est rare.
Du côté du casting, la présence de Joan Crawford poursuit la tendance, inaugurée par QU’EST IL ARRIVE A BABY JANE ? d’offrir aux anciennes gloires des grands écrans une seconde carrière dans le domaine du thriller horrifique. Actrice compétente, Crawford livre une belle prestation et parait une bonne vingtaine d’années plus jeune que son âge puisqu’elle avait, lors du tournage, pas moins de 63 ans. Si sa participation à une série B aussi mineure que LE CERCLE DE SANG peut laisser songeur les fans de JOHNNY GUITAR et de ses classiques des années ’30, la comédienne ne démérite pas pour autant et sa composition, qui flirte souvent avec le cabotinage, est dans l’ensemble réjouissante. Toutefois, malgré ses beaux restes et des jambes toujours largement exposées, Crawford ne parvient pas vraiment à rendre crédible sa romance avec le falot Ty Hardin (de vingt ans son ainé) que l’on revit, ensuite, dans quelques bisseries comme le western italien ACQUASANTA JOE. Michael Gough, figure habituelle du cinéma d’exploitation (L’ESCLAVE DE SATAN), aujourd’hui surtout fameux pour avoir incarné le majordome Alfred dans les BATMAN de Tim Burton, complète ce casting hétéroclite.
Les dialogues, eux, sombrent parfois dans le grotesque mais permettent néanmoins quelques répliques mémorables, comme l’amusant "We've eaten caviar, and we've eaten sawdust." Le cynisme généralisé des personnages, guère présenté sous un jour favorable, est, pour sa part, intéressant et laisse au spectateur de nombreux suspects potentiels. Chaque membre de la troupe peut être coupable des assassinats et plusieurs fausses pistes sont évoquées jusqu’au climax où le meurtrier est démasqué par les forces de l’ordre. Cette révélation finale s’avère malheureusement précipitée et stupide mais elle anticipe les « twists », à la fois surprenants et bâclés, de nombreux giallos ultérieurs. Bref, les aficionados des déductions rigoureuses à la Agatha Christie passeront leur chemin mais les fans de série B se laisseront prendre au piège de ce jeu mortel.

Avec ses acteurs énergiques et cabotin, son scénario stupide mais divertissant et ses quelques passages « campy » agréables pour les amateurs de cinéma décalé, LE CERCLE DE SANG se laisse suivre sans passion mais sans déplaisir. Il saura séduire les nostalgiques et les inconditionnels des films policiers mâtinés d’horreur à condition, toutefois, de lui pardonner son rythme languissant et son manque de mordant.
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Message par hellrick »

Encore une fois voici un film qui n'est pas un giallo "orthodoxe" mais qui est classé comme tel faute de mieux...

LA GATTA IN CALORE
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De part son titre animalier, à la fois imagé et racoleur, et ses origines spatio-temporelles (L’Italie du début des années ’70), il est tentant de catégoriser LA GATTA IN CALORE parmi les giallos, ce que, firent, d’ailleurs, de nombreux chroniqueur et quelques éditeurs dvd. Pourtant, si le long-métrage de Nello Rossati reprend, effectivement, l’un ou l’autre élément caractéristique du thriller italien (essentiellement dans son derniers tiers), il reste, avant tout, un drame érotique.

Une jeune femme plutôt aisée, Anna, se sent délaissée par son mari, trop absorbé par son travail pour la câliner. Le nouveau voisin d’Anna, Maurizio, l’attire rapidement par son mode de vie libertaire et sa sexualité débridée. Dans un climat trouble de répulsion et de fascination, Anna tente d’attirer l’attention de Maurizio. Ce-dernier, ancien taulard machiste, fait l’amour avec ardeur sans jamais s’attacher à ses conquêtes, aussitôt consommées puis délaissées. Après avoir vainement lutté contre ses pulsions, Anna succombe finalement à Maurizio, lequel se révèle un amant fougueux mais aussi un adepte des drogues dures et du sexe à plusieurs. Un jour, il tente d’offrir Anna à ses amis pour un viol collectif mais les choses tournent mal et la jeune femme se révolte avant de le menacer d’un révolver. A bout de nerfs, Anna finit par abattre son amant puis avoue son infidélité et son crime à son époux, lequel décide de dissimuler le cadavre…

L’Italien Nello Rossati n’est certainement pas le plus connu des cinéastes ayant œuvré dans l’exploitation. Il débute sa carrière par un film érotique (PROSTITUEE LE JOUR, EPOUSE LA NUIT) puis propose LA GATTA IN CALORE avant de s’orienter vers la sexy comédie (avec, par exemple, DEFENSE DE TOUCHER). Au milieu des années ’80, Rossati s’attire l’ire des puristes du western spaghetti en osant un DJANGO 2 LE GRAND RETOUR, enchaîne avec ALIEN TERMINATOR (sic !) et un film de commando situé durant la Seconde Guerre Mondiale, TIDES OF WAR. Comme beaucoup de ses confrères, Rossati se retire du métier au début des années ’90 suite au naufrage du cinéma bis italien.

Utilisant une narration non linéaire, Rossati construit LA GATTA IN CALORE sur un empilement de flash-backs successifs censés nous expliquer pourquoi une jeune bourgeoise bien sous tous les rapports a abattu son voisin dévergondé. Le long-métrage débute d’ailleurs par la découverte de son corps par le mari cocufié. Celui-ci va tenter de dissimuler les preuves du meurtre tout en recueillant les confidences de son épouse, poussée au crime par une expérience adultérine ayant mal tourné.
La principale originalité de LA GATTA IN CALORE réside dans cette construction intéressante qui lui confère un léger parfum de « film noir » et se focalise non sur le meurtre, présenté au début de l’intrigue, mais sur les circonstances qui y ont conduit l’héroïne. Cette dernière est incarnée par la comédienne tchèque Eva Czemerys qui figura, durant les seventies, au générique de nombreuses productions érotiques, dans un giallo (L'ASSASSINO HA RISERVATO NOVE POLTRONE) et dans un Women In Prison corsé (CONDAMNEES A L’ENFER). Au milieu des années ’70, la belle arrête sa carrière (on ne la revit qu’à deux reprises : dans LES GUERRIERS DU BRONX 2 et dans LE FEU SOUS LA PEAU de Gerard Kikoïne, en 1986) pour se consacrer bénévolement à diverses causes humanitaires. Malheureusement, atteinte d’un mal incurable, Eva Czemerys décède en 1996. Dans LA GATTA IN CALORE, elle se montre convaincante, très à l’aide dans son rôle de femme à la fois volontaire et fragile, empêtrée dans une relation trouble dont elle ne parvient pas à s’extraire. Cette composition constitue, probablement, un des points forts du film, lequel ne brille, hélas, ni par son scénario (sans surprise) ni par sa mise en scène (banale). Nello Rossati, en effet, manque de mordant, d’emphase et de folie, rendant le film trop sage et timoré pour atteindre son but. En effet, un tel sujet aurait mérité plus d’audace, tout comme un érotisme plus franc et pervers, pour réellement emporter l’adhésion et transformer ce drame passionnel en œuvre sulfureuse et suffocante. Il faudra, malheureusement, se contenter d’un plat tiède et dépourvu d’épices, trop hâtivement préparé sans doute, dans la lignée des « thrillers érotiques » téléfilmés de seconde partie de soirée.
Reste, cependant, l’une ou l’autre séquence réussie dans lesquels le cinéaste mêle le sexe et la drogue de manière roublarde mais efficace, donnant à son film un côté « mauvais trip » sous acide pas désagréable assez typique du cinéma d’exploitation des années ’70.
Si le drame érotique prédomine durant la première heure, LA GATTA IN CALORE convie brièvement, dans son derniers tiers, les clichés du « rape and revenge ». Le réalisateur place ainsi, sans doute pour titiller le spectateur, une scène lesbienne forcée (suggérée) et, surtout, un passage cauchemardesque dans lequel le jeune drogué tente de violer l’héroïne en compagnie de deux amis complètement défoncés. Le climax, pour sa part, joue la carte de l’angoisse et du suspense avant un rebondissement final amusant mais peu crédible qui rapproche cependant LA GATTA IN CALORE du giallo. Le cinéaste use, dans les dernières minutes, des tics coutumiers du genre mais abuse surtout d’effets faciles, à commencer par les inévitables zooms pas franchement maîtrisé. Un procédé rabâché par les cinéastes bis. Le spectateur ne s’étonne pas, non plus, de retrouver au générique le stakhanoviste Joe d’Amato qui œuvre ici comme directeur de la photographie.
Au rayon des points positifs, on citera toutefois la plaisante bande originale de Gianfranco Plenizio qui donne un agréable cachet à ce long-métrage inégal et un peu languissant.

Coincé entre le drame, le thriller et le film érotique, agrémenté d’une cuillère d’influences « giallesques » et d’une pincée de rape and revenge, LA GATTA IN CALORE constitue en définitive une curiosité pas vraiment désagréable mais sans doute trop timorée et prévisible pour émerger de l’oubli où elle a sombré.
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Message par hellrick »

Cette fois, un "vrai" giallo... du moins par son thème mais pas vraiment par sa forme, bref l'inverse des précédents films chroniqués qui, eux, usaient d'une forme giallesque (musique, photo, réalisation) pour illustrer des films plus proches du drame érotique...décidément :wink:



UN PAPILLON AUX AILES ENSANGLANTEES

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Très sympathique cinéaste italien, Duccio Tessari a débuté sa carrière en 1962 avec un des meilleurs péplums produit par la Péninsule, LES TITANS, avant de nous offrir un excellent diptyque western composé de UN PISTOLET POUR RINGO et LE RETOUR DE RINGO. Par la suite, Tessari signa des thrillers (L’HOMME SANS MEMOIRE), d’autres westerns plus ouvertement parodiques (ET VIVA LA REVOLUTION !) et une version de ZORRO qui donnait le rôle-titre à Alain Delon. En 1971, le metteur en scène touche au giallo, sous-genre alors en vogue, mais se refuse à aligner les clichés attendus, privant ainsi les spectateurs des habituels crimes sanglants et autres scènes érotiques gratuites. Le résultat, déstabilisant et inégal, n’en demeure pas moins intéressant et bénéficie, en tout cas, d’un scénario solide et original plus proche des polars « classiques » que des succédanés d’Argento.

Une jeune étudiante française, Françoise Pigaut, est agressée et assassinée dans un parc italien par un inconnu portant un imperméable beige et un chapeau. L’enquête avance rapidement, d’autant que les investigateurs disposent d’une empreinte de chaussure, de l’arme du crime (un couteau papillon) et même d’un échantillon de sa peau, retrouvé sous les ongles de la défunte. Tout désigne le riche notable Marchi, d’autant qu’une femme ayant été témoin du meurtre aperçoit le Marchi en question à la télévision et affirme le reconnaître avec certitude.
Cependant, lors du procès, l’avocat de la défense parvient, peu à peu, à battre en brèches les preuves avancées par l’accusation et à semer le doute dans l’esprit des jurés. Le témoignage du petit ami de la victime augmente encore la perplexité et semble, lui-aussi, innocenter Marchi. Bientôt, une prostituée est assassinée de la même façon que la jeune Française avant qu’un nouveau crime, très similaire aux deux précédents, ne retourne l’opinion publique à l’avantage de Marchi. Ce-dernier, qui semble avoir été accusé à tort et sur base de preuves légères, est finalement libéré…

Loin des sentiers balisés du giallo, UN PAPILLON AUX AILES ENSANGLANTEES se déroule, durant sa première moitié, dans une salle d’audience où a lieu un procès, filmé de manière très sèche et sans fioriture. Si la culpabilité de l’accusé semble, tout d’abord, ne laisser aucune place au doute, de nouveaux éléments apparaissent peu à peu et remettent en question les certitudes du spectateur. L’enquête policière, montée en parallèle, s’avère, pour sa part, convaincante et rigoureuse tant les inspecteurs opèrent de manière très scientifique, loin des élucubrations énoncées dans de nombreux giallo. La recherche de preuves se révèle donc passionnante par sa minutie même si le manque de rythme et de lyrisme peuvent surprendre les inconditionnels du giallo « flamboyant ». Ici, en effet, le ton se veut sobre et la mise en scène de Tessari opte pour une précision quasi documentaire en détaillant la reconstitution du meurtre, la convocation des témoins, la découverte des empreintes, etc. Hélas, tout ça manque d’excès ou de vitalité pour emporter une complète adhésion. UN PAPILLON AUX AILES ENSANGLANTEES se rapproche parfois, malheureusement, de ces émissions télévisées qui proposent aux spectateurs de décortiquer, de façon clinique, un horrible fait divers. L’ennui pointe alors son nez même si la caractérisation des protagonistes est brossée avec talent. Le film parait cependant tourner en rond, à l’image de la partition de Gianni Ferrio, laquelle, d’abord prenante, devient ensuite un peu agaçante en multipliant les variations sur le célèbre Concerto pour piano n° 1 en si bémol mineur, de Tchaïkovski.
La seconde partie du long-métrage, après le deuxième meurtre, relance enfin l’intérêt et recourt à une poignée de péripéties bienvenues. A ce moment, Tessari se focalise sur le petit ami de la Française assassinée, incarné par un Helmut Berger pas toujours très crédible mais dont les zones d’ombres participent au suspense grandissant et prépare le retournement final, un peu attendu mais bien amené. La très jeune Carole André se montre, pour sa part, charmante dans le rôle de la pauvre étudiante assassinée dont Tessari nous conte, par une habile construction en flashbacks, les derniers jours. Evelyn Stewart et Silvano Tranquilli, deux visages familiers du cinéma de genre italien, complètent la distribution même si on peut surtout louer la composition très sobre de Giancarlo Sbragia dans le rôle du principal accusé.
Les motivations du meurtrier seront, bien sûr, dévoilées lors des dernières minutes même si les plus sagaces auront devinés, à mi film, où Tessari voulait en venir. A l’image de l’ensemble du long-métrage, le climax se montre d’ailleurs peu glamour et évite les outrances coutumières du giallo. Située sur un immeuble désaffecté, la scène finale d’UN PAPILLON AUX AILES ENSANGLANTEES se veut par conséquent désabusée et sombre, quasiment nihiliste et loin de l’aspect satisfaisant et revanchard développé dans de nombreux thrillers. Ici, la mort du coupable ne provoque aucune joie et laisse, au contraire, un goût amer en bouche.

Tentative intéressante, UN PAPILLON AUX AILES ENSANGLANTEES dévie des recettes élaborées par Mario Bava et Dario Argento pour proposer une mise en scène moins tape à l’œil et un scénario plus novateur que la majorité des giallos sortis au début des années ’70. Avec sa sobriété, son refus du sensationnalisme (les meurtres sont suggérés et l’érotisme demeure absent) et son ton froid proche du documentaire, le film de Tessari s’adresse davantage aux amateurs de thrillers solides et réalistes qu’aux inconditionnels des meurtres sanglants baignés de couleurs chaudes. Ses innovations sont donc à la fois la force et la faiblesse d’UN PAPILLON AUX AILES ENSANGLANTEES, lequel risque, par son refus systématique des clichés, de décontenancer les aficionados du giallo. Bref, une curiosité à découvrir mais sans doute pas pleinement abouties en dépit de ses indéniables qualités.
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MIDNIGHT HORROR

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Au milieu des années ’80, alors que les grandes heures du giallo sont définitivement révolues, Lamberto Bava propose, avec MIDNIGHT HORROR, un thriller horrifiques qui marche joyeusement (et avec de gros sabots) sur les traces des classiques de son papa, le grand Mario Bava. Le résultat, pas désagréable, s’apparente cependant à un patchwork d’emprunts plus ou moins visibles aux classiques du giallo des seventies.

Nicola Levi, un officier de police, vit « entretenu » par sa belle et riche épouse, Sarah, qui, de son côté, le trompe pour satisfaire ses appétits sexuels apparemment très développés. Après une dispute particulièrement violente, Nicola trouve refuge chez une de ses amies, Anna, une psychologue avec laquelle il eut jadis une aventure. Malheureusement, quelques heures plus tard, Sarah est retrouvée morte, poignardée sous sa douche, et Nicola devient immédiatement le principal suspect. Cependant, Anna est persuadée de son innocence et pense que le véritable meurtrier est un dénommé Franco Tribbo, un tueur en série supposé mort brûlé vif quelques années plus tôt. La psychologue tente de convaincre l’inspecteur chargé de l’enquête, Piero Terzi, de la justesse de sa théorie. Peu à peu Terzi commence à admettre le possible retour de Tribbo. Et, pire, il soupçonne ce-dernier de vouloir tuer sa jeune fille, Carol, laquelle rédige une thèse à son sujet.

Durant les glorieuses eighties, Lamberto Bava partage son temps entre le grand écran et la petite lucarne, livrant des téléfilms à la pelle tout en participant aux dernières heures du bis italien alors en pleine déliquescence. Entre deux séries B gore (les sympathiques DEMONS), un remake en hommage à papa (LE MASQUE DU DEMON 1990) et quelques Z poussifs (BLASTFIGHTER, APOCALYPSE DANS L’OCEAN ROUGE), Bava Jr livre une poignée de giallo en hommage à son paternel, créateur du genre deux décennies auparavant. L’enthousiaste Lamberto enchaîne donc, en une dizaine d’années, LA MAISON DE LA TERREUR, DELIRIUM, BODY PUZZLE et ce MIDNIGHT HORROR plaisamment référentiel. Le scénario aligne ainsi les emprunts aux long-métrages des années ’70 et se permet même une scène directement pompée sur le classique L’OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL de Dario Argento. D’autres « hommages » plus ou moins appuyés sont distillés durant l’enquête (de QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS à TORSO sans oublier SUSPIRIA, TENEBRES et bien d’autres) et aucune surprise ne viendra étonner l’amateur du genre. Sans être ennuyeuse, l’intrigue suit son cours de façon routinière, pour ne pas dire pépère, et le scénariste Dardano Sacchetti se contente souvent d’enchainer les passages attendus sans craindre les invraisemblances les plus criantes. La révélation finale concernant l’identité de l’assassin (prévisible pour quiconque a vu L’OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL) reste, de son côté, un grand moment de n’importe quoi au ridicule assumé.
Le rythme général, pour sa part, se révèle assez lent et confère au long-métrage un côté téléfilm préjudiciable (d’ailleurs, quoique sorti en salles dans différents pays, dont la France, il semble bien avoir été initialement produit pour la télévision) encore accentué par le manque flagrant de gore et d’érotisme. Contrairement à DELIRIUM, le précédent giallo de Lamberto Bava qui jouait ouvertement la carte « sexy », MIDNIGHT HORROR se montre timoré et proscrit la nudité. La violence, elle, est minimale même si le tueur se permet quelques perversions – suggérées et non montrées - sur ses victimes (il enfonce par exemple un robot de cuisine dans le vagin d’une morte et se livre, probablement, à quelques attouchements post-mortem).
L’enquête policière, aussi routinière soit elle, permet toutefois au cinéaste de revisiter les principaux lieux à l’honneur dans le thriller : du musée au palace en passant par une salle d’opéra déserte, un appartement joliment décoré, une douche et un magasin de lingerie fine, tout y passe. Bava exploite adroitement ces décors, idéaux pour opérer des chassés croisés anxiogènes entre une héroïne menacée et un maniaque vêtu de noir armé d’un pic à glace. Le film, qui bouffe à tous les râteliers du suspense horrifique, ne se prive donc pas d’un clin d’œil à PSYCHOSE (via l’inévitable scène de douche) ou au cinéma de Brian DePalma. La partition, signée Claudio Simonetti, adopte pour sa part les « tics » habituels des bandes originales signées du groupe électro-prog-rock Goblin.

Si la première heure cultive les références « giallesques », la dernière partie de MIDNIGHT HORROR s’inscrit, elle, davantage dans la tradition du slasher avec ces demoiselles pourchassées par un tueur increvable. Mais, une fois de plus, le cinéaste n’invente rien tant l’influence du précurseur TORSO de Sergio Martino semble évidente.
Au niveau de l’esthétisme, Lamberto Bava se refuse, par contre, à jouer des couleurs chaudes et contrastées et privilégie au contraire une ambiance froide et des décors monochromes. Le blanc domine et accentue par conséquent l’éclat écarlate des éclaboussures sanglantes aspergeant le mobilier. MIDNIGHT HORROR se rapproche ainsi du réalisme voulu par le « neo-giallo », courant quasi mort-né essentiellement représenté par le formidable TENEBRES d’Argento.
Enfin, au rayon du casting, MIDNIGHT HORROR déçoit par le manque de conviction des interprètes, en particulier Paolo Malco (LA MAISON PRES DU CIMETIERE, LES GUERRIERS DU BRONX) qui incarne un flic somnolant dont l’imperméable défraichi lui donne de faux airs nonchalants à la Columbo. Dommage qu’il soit plus préoccupé de retrouver sa pipe égarée (un gag récurent pas vraiment drôle resservi toutes les dix minutes) que de démasquer le coupable. Valeria D’Obici, de son côté, balance quelques théories pseudo-scientifiques stupides pour tenter de donner le change mais n’est guère crédible en psychologue « profileuse » sur les traces d’un serial killer apparemment revenu d’entre les morts.

Pot-pourri d’influences diverses brassées avec plus de roublardises appliquées que de véritable inspiration, MIDNIGHT HORROR demeure toutefois divertissant et agréable. Contrairement à bien des œuvres de Lamberto Bava, l’ensemble se suit sans déplaisir et, dans la masse des giallo tardifs sortis durant les années ’80, ce film reste correct et un poil au-dessus de la moyenne. Destiné essentiellement aux complétistes du giallo (ou, au contraire, aux néophytes qui ne seront pas gênés par ses multiples emprunts), MIDNIGHT HORROR se révèle, en résumé, plus agréable que ne le laisse songer sa piètre réputation. Si nous sommes loin en deçà des vrais classiques des années ’70, les amateurs peuvent donc s’y risquer sans trop de craintes.
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DEATH STEPS IN THE DARK

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Sorti en 1977, DEATH STEPS IN THE DARK appartient, par conséquent, à la dernière vague de « l’âge d’or » du giallo. Si, d’un point de vue quantitatif mais aussi qualitatif, le point culminant du genre se situe indiscutablement aux alentours des années 72 et 73, les long-métrages produits dans les dernières années des seventies tentent, eux, de varier la donne et d’innover. Certains versent dans l’expérimental (comme LE ORME), d’autres se marient au polar d’action (par exemple MORT SUSPECTE D’UNE MINEUR) et quelques-uns choisissent la voie de l’érotisme prononcé (GIALLO A VENISE), voir du porno (PLAY MOTEL). Le réalisateur romain Maurizio Pradeaux, déjà auteur d’un moyen DEVIL BLADE en 1973, mélange, pour sa part, le thriller à l’humour avec ce DEATH STEPS IN THE DARK plutôt déstabilisant. Le bon équilibre entre le frisson et la rigolade est, en effet, un des plus ardus à réussir et bon nombre de cinéastes s’y sont cassé les dents, comme en témoigne ce giallo déséquilibré et pas vraiment convaincant.
L’intrigue débute dans un compartiment de chemin de fer. Six personnes discutent dans le train vers Athènes et, soudain, le passage dans un tunnel les plonge dans l’obscurité. Au sortir du tunnel, une des passagères repose sur le sol, poignardée à l’aide d’un coupe-papier. Les soupçons se portent immédiatement sur le possesseur de l’objet meurtrier, un journaliste prénommé Luciano. Celui-ci va tenter de démasquer l’assassin avec l’aide de sa peu futée copine mannequin, Ingrid, tandis que les meurtres se multiplient parmi les passages du train et leur proche entourage.
DEATH STEPS IN THE DARK débute de manière résolument rétro comme un bon vieux « murder mystery » à l’ancienne : six passagers dans un train, une brève période d’obscurité et, ensuite, une morte et cinq suspects dont le principal est un journaliste bientôt dans le collimateur de la police.
La suite va, cependant, dévier de ces prémices dignes d’un roman d’Agatha Christie pour proposer quelques innovations sympathiques comme une tentative de chantage envers le meurtrier qui, bien sûr, se soldera par des crimes supplémentaires. Pour épicer son plat un poil réchauffé, Maurizio Pradeaux recourt aux deux mamelles du giallo, à savoir le gore et le sexe. Niveau violence, DEATH STEPS IN THE DARK reste modéré mais se permet toutefois une poignée d’assassinats bien sanglants commis à l’aide de l’inévitable rasoir manié par des mains gantées de cuir noir. Le cinéaste, décidé à démontrer sa connaissance du genre, élabore des scènes de meurtres plutôt réussies et esthétisantes, malheureusement ponctuées de très gros plans assez disgracieux sur l’œil, déformé par la cruauté, du sadique. Un procédé répétitif rapidement lassant.
Les scènes chaudes, pour leur part, sont bien léchées, tout comme les demoiselles participant à l’inévitable passage saphique dans lequel dominent les très gros plans de mamelons et de foufounes caressées lascivement. Bref, une séquence gratuite (mais plaisante !) filmée à la manière d’un Jess Franco de la même époque, à savoir avec un mélange de douceur, de vulgarité et d’esthétisme à la fois chic et toc. Le tout participe, à sa manière, au charme d’un long-métrage peu avare sur la nudité.

En ce qui concerne l’enquête policière proprement dite et étant donné le nombre limité de suspects, l’identité du tueur aurait mérité davantage de considération de la part du cinéaste. Malheureusement, aucun indice réellement intéressant n’est livré au spectateur et la révélation finale parait, par conséquent, particulièrement aléatoire. Les explications qui suivent semblent, elles-aussi, gratuites et élaborées à la hâte afin de justifier une « surprise » finale pas très convaincante. En effet, n’importe quel passager du train peut être l’assassin et n’importe quel mobile peut convenir. D’où la frustration, bien compréhensible, des amateurs de suspense policier rigoureux qui auraient souhaité une investigation plus soignée et des indices plus probants. Sans doute pour renouveler les recettes déjà galvaudée du giallo, Pradeaux décide, en outre, d’y adjoindre un humour souvent envahissant et lourdingue. Même si quelques répliques font sourire, l’ensemble ne fonctionne pas vraiment : la comédie italienne populaire n’est guère réputée pour sa finesse et DEATH STEPS IN THE DARK en donne une nouvelle preuve. La rencontre de ce comique grassouillet et d’un suspense voulu tendu aboutit, par conséquent, à un curieux mélange, ni vraiment effrayant, ni suffisamment drôle pour provoquer le rire. D’où de longs passages embarrassants qui diluent la tension par des gags poussifs hâtivement écrits.

Sans être ennuyeux, DEATH STEPS IN THE DARK constitue, au final, un giallo sans relief ni originalité qui, à partir d’une intrigue classique du policier traditionnel développe par la suite un humour pas très convaincant. Grâce à son érotisme affirmé et ses meurtres sanglants, le film se suit cependant sans déplaisir mais ne s’élève jamais au-dessus de la moyenne. A réserver aux fans.
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EROTICOFOLLIA
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Cinéaste romain peu connu du grand public, Mario Siciliano (1925 – 1987) débute sa carrière à la toute fin des années ‘60 et aligne consciencieusement les westerns de série comme DJANGO NE PRIE PAS ou GRINGO JOUE SUR LE ROUGE. Siciliano propose également quelques films de guerre (LES 4 DE MARSA MATRUSH) et, comme la plupart de ses confrères du cinéma bis, se reconverti dans le porno dès la fin des seventies. A l’image de pratiquement tous les cinéastes populaires italiens, Siciliano a fatalement touché au giallo (au sens large) et le résultat fut ce déstabilisant EROTICOFOLLIA, mélange curieux et inabouti de récit policier, de drame psychologique, de fantastique horrifique et d’érotisme.

Le beau, riche et jeune Peter Crane vit tranquillement une existence de playboy oisif dans sa belle villa où il organise régulièrement des soirées très arrosées se transformant en orgies. Le jeu, la drogue et les jolies filles constituent son quotidien mais, depuis quelques temps, Peter souffre de cauchemars récurrents et inquiétants. Dans ceux-ci, en effet, le jeune homme se voit poursuivi par des satanistes qui tentent de prendre possession de son esprit. Peu à peu, l’influence maléfique de ces inconnus dépasse le strict cadre du rêve et s’impose à Peter, y compris durant ses périodes de veille. Obligé d’obéir aux voix mystérieuses des serviteurs du diable, le playboy assassine plusieurs personnes. Une Française prénommée Yvonne affirme, par exemple, avoir été prévenue par son mari décédé qu’elle allait bientôt mourir de la main de Peter. Celui-ci rassure la demoiselle et prétend ne pas croire en ses visions mais, le soir, apparemment possédé par une puissance irrésistible, il l’étrangle…

Beaucoup moins érotique que son titre ne le laisse supposer, EROTICOFOLLIA ne lésine pourtant pas sur la nudité, disséminée au sein d’une intrigue particulièrement embrouillée et confuse. Souvent classé dans le sous-genre (un peu fourre-tout) du giallo, le long-métrage de Siciliano n’en reprend toutefois que l’un ou l’autre élément et rappelle davantage des titres bizarres, voire quasiment surréalistes, comme BLACK MAGIC RITES, NUE POUR SATAN ou DANS LES REPLIS DE LA CHAIR. Hélas, Siciliano ne parvient pas à conférer la moindre folie à son intrigue tarabiscotée et rapidement ennuyeuse. Confus, le scénario avance en effet de manière erratique et semble oublier en cours de route des pans entiers de l’intrigue sans d’ailleurs se préoccuper de la moindre vraisemblance.
Le long-métrage frappe ainsi par ses nombreuses incohérences, parfois si énormes que l’on se demande si elles ne sont pas voulues afin d’accentuer l’étrangeté générale, apparemment souhaitée par Siciliano. Des personnages disparaissent ainsi du récit après leur meurtre, comme s’ils n’avaient jamais existés ailleurs que dans l’imagination du héros, aussi déboussolé que le pauvre spectateur égaré dans ce foutoir. En outre, si la piste rationnelle (une machination destinée à accuser un innocent de divers crimes ou à le pousser à la) folie parait longtemps privilégiée par EROTICOFOLLIA, les manifestations surnaturelles ne sont, au final, jamais expliquées et rendent l’ensemble plus ridicule qu’effrayant. La possession démoniaque est même brièvement envisagée, sans oublier une ligne de dialogue qui se réfère directement à L’EXORCISTE et permis sans doute de vendre le film comme un succédané du classique de William Friedkin. Au rayon du surnaturel on signale encore des objets qui se déplacent de façon malveillante et même un homme vomissant un crapaud, sans que rien de tout cela ne fasse finalement sens.

En dépit de sa médiocrité, EROTICOFOLLIA bénéficie toutefois d’un intéressant casting qui offre le premier rôle au sex-symbol mexicain Jorge Rivero, précédemment vu aux côtés de John Wayne dans le piètre RIO LOBO. Anthony Steffen, visage familier du bis (et en particulier du western spaghetti) incarne, pour sa part, l’inspecteur de police décidé à débrouiller cette enquête insoluble. A leur côté, nous retrouvons Richard Conte (LE PARRAIN), entouré d’une tripotée de demoiselles charmantes comme Pilar Velazquez ou Pia Giancaro qui, hélas, rechignent un peu trop à dévoiler leur anatomie. Frustrant dans un film italien des seventies. La caractérisation des protagonistes reste, d’ailleurs, minimale et la plupart se montrent antipathiques et inintéressants, au point que le public se sent fort peu concerné par les tuiles qu’ils subissent au cours du récit. Le personnage principal, pour ne citer que lui, se révèle plus détestable que pitoyable et ne mérite surement pas de se faire plaindre, bien au contraire.
Au rayon des réussites, signalons cependant la partition musicale toujours plaisante du spécialiste Stelvio Cipriani, laquelle confère un charme onirique à ce long-métrage décevant qui manque singulièrement d’attraits.

Mauvais simili giallo mâtiné de surnaturel, EROTICOFOLLIA échoue à maintenir l’intérêt d’un spectateur complètement dérouté par une intrigue confuse, brouillonne et truffée d’incohérences gênantes. Le film se regarde par conséquent avec plus d’ennui que de fascination, d’autant que le climax raté, lui-même suivit d’un twist rabâché et foireux n’aide pas à sortir de la projection sur une note positive. Dans l’ensemble, un ratage quasi complet, à réserver aux seuls inconditionnels de curiosités « horrifiques » des seventies.
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LA MORT SONNE TOUJOURS DEUX FOIS

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Réalisé en 1969, LA MORT SONNE TOUJOURS DEUX FOIS est généralement catégorisé comme un giallo, ne serait-ce que par sa distribution comprenant quelques visages familiers du cinéma populaire italien. Pourtant, après vision, force est de constater qu’une fois de plus le long-métrage ne reprend du giallo que certain codes narratifs ou esthétiques et s’inscrit davantage dans le domaine moins balisé du polar, agrémenté d’un soupçon d’érotisme et d’une pincée de violence.

L’intrigue concerne un peintre, Francesco di Villaverde, ayant la mauvaise manie d’étrangler ses conquêtes féminines après leur avoir fait l’amour. Il supprime ainsi une demoiselle sur une plage mais, hélas, son acte est observé par un voyeur. Ce-dernier rapporte l’information à des gangsters qui imaginent un plan machiavélique pour faire endosser à Francesco un meurtre qu’ils doivent commettre. Pendant ce temps, le riche et vieillissant mari de la femme tuée sur la plage engage un détective privé, Bob Martin, pour mener l’enquête sur ce crime et retrouver un collier appartenant à la défunte…

Si Harald Philipp a beaucoup œuvré pour la télévision, il a également signé quelques long-métrages destinés aux salles obscures, dont plusieurs WINNETOU et une adaptation d’Edgar Wallace, considéré comme le principal inspirateur littéraire du giallo. Le cinéaste était donc bien placé pour diriger cette coproduction italo-allemande située à mi-chemin du krimi et du giallo première manière, dans lequel l’aspect psychologique prédomine par rapport aux meurtres sanglants et stylisé.

La distribution reflète d’ailleurs cette double nationalité et comprend un paquet d’acteurs bien connu comme l’Américain Dean Reed. Vu dans quelques westerns sympathiques comme DIEU LES CREE, MOI JE LES TUE ou ADIOS SABATA, Reed joue ici, avec flegme mais aussi un certain panache, un détective séduisant et obstiné décidé à résoudre une énigme touffue. A ses côtés, la star italienne Fabio Testi (MAIS QU’AVEZ-VOUS FAIT A SOLANGE ?) livre une interprétation torturée d’un peintre psychotique poussé au crime par ses pulsions, libérées dans la fièvre de ses ébats avec de délurées nymphettes. Adolfo Celi (l’adversaire de Bond dans OPERATION TONNERRE), Anita Ekberg (LA DOLCE VITA mais aussi des films d’exploitation comme LA PETITE SŒUR DU DIABLE) et la spécialiste du giallo Femi Benussi (NUE POUR L’ASSASSIN) complètent une distribution solide qui constitue une plus value indéniable pour les amateurs de cinéma populaire.

L’intrigue, coécrite par Sergio Garrone (futur réalisateur de bis corsés comme SS CAMP 5 ou BOURREAUX SS), se développe de manière intéressante durant sa seconde partie, riche en rebondissements et autres retournements de situation bien amenés. Dommage que la première moitié du long-métrage se révèle, par contre, plutôt ennuyeuse. Elle manque, en effet, terriblement de rythme ou de mordant et peine à captiver le spectateur. Même classé comme giallo, LA MORT SONNE TOUJOURS DEUX FOIS ressemble, durant ses premières quarante et quelques minutes, à un épisode de série télévisée policière à peine plus audacieux et palpitant que la moyenne. La nudité timide et la violence très limitée ne changent d’ailleurs pas ce constat et l’ensemble pédale un peu trop dans la choucroute (et les sous-intrigue emberlificotée) pour ne pas ennuyer.
La mise en scène routinière de Harald Philipp ne possède nullement, pour sa part, la flamboyance des classiques du genre réalisé par Argento, Bava, Fulci ou Lenzi. L’aspect « giallesque » du scénario reste, de toutes manières, peu développé : le long-métrage est essentiellement un polar assorti d’une machination à l’encontre du personnage principal, sans doute névrosé et psychopathe mais peut-être pas nécessairement assassin. La conclusion de l’enquête s’avère, elle, un poil « capilotractée » mais reste satisfaisante et, en tout cas, plus remuante que les septante minutes précédentes. Si le spectateur pense à ce moment avoir tout compris et éventé la machination, les ultimes « twists » relancent heureusement la machine et, par la même occasion, l’intérêt pour ce long-métrage inégal.

Les décors et paysages, bien utilisés, sont, pour leur part, adroitement photographiés mais l’ensemble ne s’élève pas au-dessus de la carte postale et ne retrouve pas le climat d’étrangeté véhiculé par les meilleurs giallo. Les nombreux protagonistes, présentés de manière succincte, les fausses pistes et autres embrouillaminis rendent, en outre, le film peu aisé à suivre et, surtout, plus alambiqué que passionnant. Heureusement, la durée réduite aide à en digérer les faiblesses et le tout se suit donc sans trop d’ennui mais sans la moindre passion.

Dans l’ensemble, LA MORT SONNE TOUJOURS DEUX FOIS demeure un thriller traditionnel plutôt mollasson, à l’intrigue solide mais confuse et platement illustrée. Le film disparaît rapidement des mémoires et, quoique correct, reste bien en deçà des vrais classiques du giallo. A réserver aux inconditionnels et aux « complétistes » du genre.
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MURDER OBSESSION
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Né en Egypte en 1909 et décédé à Rome en 1999, Riccardo Freda demeure un des grands cinéastes populaires italiens, un des seuls, d’ailleurs, à trouver grâce aux yeux de la « distinguée critique ». De la fin des années ’40 aux débuts des sixties, Freda se spécialise dans le « cape et épée », le « péplum » et le « film historique », et livre de très divertissantes versions de SPARTACUS ou des MISERABLES, ainsi que LE FILS DE D’ARTAGNAN, LE GEANT DE THESSALIE ou l’excellent MACISTE EN ENFER. Il amorce également une seconde carrière et se tourne vers le fantastique horrifique avec LES VAMPIRES, CALTIKI LE MONSTRE IMMORTEL et, plus tard, le superbe diptyque gothique L’EFFROYABLE SECRET DU DOCTEUR HICHCOCK et LE SPECTRE DU PROFESSEUR HICHCOCK. Au cours des années ’60, Freda, comme beaucoup, goûte aussi aux joies des « James Bonderies » avec deux « Coplan » (COPLAN FX18 CASSE TOUT et COPLAN OUVRE LE FEU A MEXICO). A la fin de cette décennie, le cinéaste propose un western puis deux giallos (LIZ ET HELEN et L’IGUANE A LA LANGUE DE FEU) et un film d’horreur (TRAGIC CEREMONY) avant de se retirer des écrans durant une dizaine d’années. Pour son retour en 1981, Freda renoue avec le giallo, pourtant moribond, qu’il va mixer avec le fantastique gothique mais aussi avec le slasher, alors en vogue suite au succès de HALLOWEEN, VENDREDI 13 et bien d’autres. Le résultat donne ce très décrié MURDER OBSESSION qui restera son dernier long-métrage officiel (il est viré de LA FILLE DE D’ARTAGNAN et remplacé par Bertrand Tavernier en 1994). Pourtant, en dépit de ces nombreux défauts, MURDER OBSESSION se regarde sans déplaisir et vaut mieux que sa piètre réputation, ne serait-ce que par sa volonté manifeste de résumer, en moins de 90 minutes, deux décennies de cinéma bis italien.

L’acteur Michael Stanford souffre d’un grave traumatisme depuis qu’il a tué son père abusif durant son enfance. Durant le tournage de son dernier film, Stanford semble pris d’une folie homicide et manque d’étrangler sa partenaire au cours d’une scène de meurtre. Décidé à prendre un peu de recul et à s’offrir quelques vacances, Stanford se rend chez sa mère, qu’il n’a pas vu depuis plusieurs années en compagnie d’une poignée d’amis. Le comédien renoue avec sa maman, qui habite dans une vaste demeure isolée, mais, peu après, les amis de Stanford commencent à mourir de brutale manière…

Par ses thèmes et son casting hétéroclite, MURDER OBSESSION s’apparente à une sorte de « digest best of » de l’épouvante européenne conjuguant un climat d’angoisse gothique avec une série de meurtres brutaux hérité du giallo. Situé dans le cadre volontiers anxiogène d’une villa dont il semble impossible de s’enfuir, MURDER OBSESSION joue la carte du huis clos étouffant et débute de manière plutôt lente pour, par la suite, adopter un rythme plus nerveux. Assez ennuyeux dans sa première partie, le long-métrage trouve finalement sa vitesse de croisière au cours des trois derniers quarts d’heure, nettement plus plaisants et divertissants, qui multiplient les retournements de situation

Les crimes sanglants se succèdent, eux, à intervalles réguliers, avec des touches gore bienvenues comme une gorge sectionnée à la tronçonneuse. Malgré des effets de maquillages souvent approximatifs, voire complètement ratés (Le meurtre à coup de hache reste, par exemple, un grand moment de comique involontaire), les scènes chocs fonctionnent efficacement. Une séquence onirique bizarroïde prête également à sourire pour les cyniques mais s’avère réussie dans sa volonté d’étrangeté et d’outrance. La belle héroïne en détresse fuit dans des corridors obscurs puis essaye d’échapper à une horrible araignée velue aussi ridicule que ces congénères vues dans des productions hongkongaises à la WEB OF DEATH. A condition d’accepter les maladresses des trucages, la séquence reste néanmoins joliment évocatrice et même frissonnante pour les arachnophobes.
L’érotisme et la nudité sont, pour leur part, bien présents et Freda joue des tabous en introduisant une relation incestueuse entre le héros et sa maman.
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Malheureusement, le film parait avoir été confectionné avec hâte et sans grand souci de finition. Le montage se contente souvent, lors des scènes dialoguées, d’un épuisant champ / contre-champ dénué d’inspiration et les erreurs techniques, bien visibles, donnent à MURDER OBSESSION l’apparence d’une œuvre bâclée ou, en tout cas, confectionnée dans l’urgence, peut-être pour tenter de rattraper le train du slasher, alors fort populaire. Le manque de moyens et la mise en scène parfois défaillantes constituent d’autres bémols à verser au passif de MURDER OBSESSION mais Freda, même en petite forme, réussit l’une ou l’autre scène et ressuscite, brièvement et imparfaitement, une certaine idée du cinéma populaire déjà révolue au début des années ’80.

Les interprètes, pour leur part, ne sont pas franchement convaincants, à commencer par Stefano Patrizi (BRIGADE SPECIALE) qui n’a manifestement pas les épaules suffisamment solides pour soutenir un rôle aussi complexe. Le reste du casting se distingue d’ailleurs par son surprenant éclectisme et comprend, par exemple, la familière du giallo Anita Strindberg (LA QUEUE DU SCORPION, QUI L’A VUE MOURIR ?) dans son dernier rôle. A ses côtés, on retrouve avec plaisir John Richardson (LE MASQUE DU DEMON, TORSO), Martine Brochard (UNE HISTOIRE DU XVIIème siècle, EYEBALL), Laura Gemser (doit-on encore présenter la sublime Black Emanuelle ?) et l’Anversois Henri Garcin dont les téléphages francophones se souviennent pour sa participation récurrente à la sitcom « Maguy ». Une belle brochette de comédiens que l’on a sans doute connus plus inspiré mais qui confèrent un attrait supplémentaire à ce long-métrage à la fois boiteux et sympathique.

Le climax, lourdement explicatif, tente de son côté de donner une certaine cohérence à une intrigue confuse qui recourt un peu trop facilement au surnaturel et à l’occulte pour résoudre certaines impasses scénaristique. Mais, dans le giallo, on a vu bien pire…

Loin des meilleures réussites de Freda, MURDER OBSESSION demeure toutefois plus visible que ne le laisse présager sa mauvaise réputation. Le film se regarde, en effet, sans déplaisir et quelques passages sanglants, sexy ou étonnants en relèvent le niveau et compensent ses faiblesses évidentes. Si, dans l’ensemble, MURDER OBSESSION atteint son objectif, sa vision sera cependant réservée aux inconditionnels du cinéaste ou aux complétistes du giallo.
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johell
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Re: Le Giallo

Message par johell »

Celui-là, il est dans ma liste de mes prochains achats. Jolie distribution et puis j'aime toujours bien ce que fais Freda. Là, il y a l'air d'avoir tout ce qu'il faut pour me plaire... En plus, je viens de voir que le film est sorti en zone 1 avec une piste audio italienne et des sous-titres anglais! C'est la fête! :D
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Re: Le Giallo

Message par hellrick »

Petite variation géographique avec ce film qui tient plus de l'hommage que du vrai giallo mais qui pourra intéresser certains fan de Dario. :wink:

EVIL DEAD TRAP

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Souvent considéré comme la réponse japonaise au cinéma de Dario Argento, cet étrange long-métrage emprunte, en effet, au giallo ou aux ambiances à la INFERNO mais, également, au slasher et au cinéma gore, sans négliger l’érotisme et l’horreur clinique à la Cronenberg. Le résultat se révèle, hélas, déstabilisant et décevant tant EVIL DEAD TRAP semble bancal et mal équilibré, les différentes influences se croisant de manière décousue sans jamais s’unir en un ensemble harmonieux.

La jeune Nami présente une émission télévisée nocturne où elle diffuse les vidéos amateurs envoyées par ses téléspectateurs. Un jour, elle reçoit une cassette « snuff » qui décrit un crime sadique commis à l’encontre d’une jeune femme. Décidée à percer le mystère, Nami rassemble une petite équipe technique et part tourner un reportage sur place. Sans grande difficulté, les journalistes découvrent le lieu du meurtre, à savoir une ancienne base militaire aujourd’hui désaffectée. Bientôt, tous meurent, victime d’un tueur en série mystérieux qui a fait de l’endroit son terrain de chasse. Nami se retrouve seule, en compagnie d’un étrange personnage à la recherche de son frère, un handicapé mental.

Débutant par un meurtre brutal filmé de manière réaliste, EVIL DEAD TRAP annonce immédiatement la couleur, accrochant l’intérêt des amateurs de gore et éloignant définitivement les plus sensibles.
La suite, malheureusement, va s’avérer décevante et multiplier les longues et inutiles déambulations dans des couloirs déserts. Frustrant même si le cinéaste redresse rapidement la barre et élimine ses protagonistes, un par un, en les livrant à un tueur masqué aussi cruel qu’imaginatif.
EVIL DEAD TRAP prend alors sa vitesse de croisière et adopte une cadence de combat des plus nerveuse. Décalque appliqué des giallos, le long-métrage multiplie en effet les meurtres à la fois spectaculaires, stylisés et furieusement gore. La musique, elle-aussi, participe pleinement à l’hommage et se veut référentielle, utilisant quelques notes mélodiques répétitives singeant sans vergogne les partitions composées pour les thrillers de Dario Argento ou Lucio Fulci.
Hélas, le cinéaste, victime de son propre rythme, trop soutenu, et d’un montage très « cut », arrive en bout de course après seulement trois quarts d’heure de projection. A ce moment, en effet, la principale protagoniste, devenue la fameuse « final girl » chère au slasher américain, se retrouve seule et condamnée à de nouvelles errances dans un décor glacial. Délaissant le jeu de massacre « giallesque », EVIL DEAD TRAP prend, alors, une nouvelle et discutable direction, celle d’un thriller virant au jeu du chat et de la souris. La stupidité de l’héroïne et les grosses ficelles utilisées rendent cette partie centrale peu convaincante tant il est aisé de deviner où le cinéaste veut en venir.
Ce ventre mou, d’une bonne demi-heure, tranche radicalement avec la nervosité des débuts et le film finit par ennuyer au point que l’usage de l’accéléré peut s’avérer salutaire pour les impatients.
Les invraisemblances criantes n’aident guère, elles non plus, à crédibiliser le projet. Le point de départ, par exemple, est totalement aberrant : une équipe de télévision se jette littéralement dans la gueule du loup et débarque, sans armes ni préparation, sur le supposé terrain de jeu d’un tueur en série. Dès leur arrivée, nos amis adoptent, en outre, le sacro-saint principe énoncé par Jean-Marie Bigard, à savoir le célèbre « bon, un tueur rode, on va faire deux groupes de un ». Autrement dit, chacun se sépare de ses compagnons pour explorer les lieux et, bien sûr, les victimes ne tardent pas à s’amonceler. Une facilité aussi énervante que le manque d’épaisseur des personnages, mal écrits et peu définis, réduits le plus souvent à des silhouettes vides qui, même dans cette dangereuse situation, ne pensent qu’à baiser, histoire d’épicer l’intrigue d’une poignée de scènes pseudo-érotiques sans intérêt. Une grande partie de l’équipe technique et des acteurs étant issus du porno, les producteurs d’EVIL DEAD TRAP durent probablement y voir une manière aisée de racoler des spectateurs supplémentaires.
Les vingt dernières minutes du film changent, une nouvelle fois, de style et s’aventurent cette fois sur les terres d’une horreur organique et malsaine. Le film convoque alors le cinéma bricolé à la TETSUO, les délires très portés sur la nouvelle chair du David Cronenberg des débuts et le manga outrancier, sans grande logique ni souci de cohérence.
Bancal et même branlant, EVIL DEAD TRAP se repose par conséquent essentiellement sur une poignée de morceaux de choix, lesquels anticipent sur le torture-porn à la SAW lorsque le tueur imagine des pièges mortels du plus bel effet. Le coup de l’arbalète, stupéfiant de sadisme, s’avère, par exemple, superbement efficace et fort bien imaginé. Hélas, le manque de budget handicape souvent le cinéaste et l’empêche de soigner réellement son film : en dépit d’efforts évidents pour proposer une esthétique chiadée et une photographie classieuse dans l’esprit, encore une fois, du giallo, EVIL DEAD TRAP n’évite pas toujours le syndrome du film fauché et, dans ses pires moments, ressemble à un simple direct to vidéo. Dommage aussi que Toshiharu Ikeda n’ait pas su digérer ses nombreuses (et variées) influences et accoucher d’un tout plus cohérent que cet hommage disparate à de multiples sous-genres, trop décousu et brouillon pour passionner vraiment.

Longuet (une bonne vingtaine de minutes aurait pu gicler sans la moindre incidence sur le déroulement de l’histoire), mal équilibré (le film ne retrouve jamais, excepté peut-être dans ses ultimes minutes, la qualité des trois premiers quarts d’heure), bouffant à tous les râteliers (giallo, slasher, gore, érotisme, horreur viscérale, fantastique bizarroïde), EVIL DEAD TRAP tient davantage de la curiosité sympathique que d’une vraie réussite. Les amateurs de cinéma d’exploitation ou de délire japonais bien sanglant peuvent toutefois y jeter un œil distrait et, peut-être, trouver leur compte dans les meurtres gore imaginatifs.
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Re: Le Giallo

Message par Major Tom »

Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clef (1972) de Sergio Martino.
J'ai vraiment du mal avec le Giallo en général, même avec Mario Bava. Ça reste un sous-genre à mes yeux. J'avais vu Photographies interdites d'une bourgeoise à cause de la musique de Morricone, j'ai vu celui-là à cause du titre... mais je n'y arrive pas (d'autant que, comme d'hab', je trouve l'assassin dès le début). J'essaierai de nouveau parce qu'il me reste quelques "classiques" du genre à voir (notamment Qui l'a vue mourir? encore pour la zic de Morricone et pour voir comment se démerde un ancien mauvais James Bond).
Allez 4/10 pour Edwige Fenech...
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Re: Le Giallo

Message par julien »

Qui l'a vue mourir ? est assez médiocre je trouve. Il y a un bon début et quelques plans de la ville de Venise assez intéressants mais après ça patine un peu. Du même réalisateur, si tu ne l'a pas vu, tente plutôt Malástrana (La Corta Notte Delle Bambole Di Vetro).



Petit trailer pour se mettre en appétit.
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Re: Le Giallo

Message par Major Tom »

Merci pour le conseil. Je l'ai dans un coin aussi celui-là, je vais essayer de le regarder ce soir. Malgré tout.
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Re: Le Giallo

Message par hellrick »

Major Tom a écrit :Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clef (1972) de Sergio Martino.
J'ai vraiment du mal avec le Giallo en général, même avec Mario Bava. Ça reste un sous-genre à mes yeux. J'avais vu Photographies interdites d'une bourgeoise à cause de la musique de Morricone, j'ai vu celui-là à cause du titre... mais je n'y arrive pas (d'autant que, comme d'hab', je trouve l'assassin dès le début). J'essaierai de nouveau parce qu'il me reste quelques "classiques" du genre à voir (notamment Qui l'a vue mourir? encore pour la zic de Morricone et pour voir comment se démerde un ancien mauvais James Bond).
Allez 4/10 pour Edwige Fenech...
Oui je pense que tu as du mal car Ton Vice... est pour moi un des meilleurs films du genre.
Pas très fan non plus de Qui la vue mourir?, un film plutôt moyen même si pas mal de fans du genre le classe parmi leurs meilleurs.
Si tu aimes le giallo un peu expérimental et bizarre tente plutôt Le Parfum de la dame en noir, voire le Orme.
Pour du giallo machination j'aime beaucoup Perversion Story, comme tous les giallo de Fulci (sauf Murder rock[/b :fiou: ]) d'ailleurs (La longue nuit de l'exorcisme vaut vraiment le coup et le Venin de la peur est très bien, l'emmurée vivante est un peu en deça mais se trouve facilement en zone 2 pour pas cher...quant à L'éventreur de New York on est plus proche du slasher érotique vulgaire...mais j'aime bien aussi )
Sinon il y a bien sur Mais qu'avez vous fait à Solange? et dans un registre proche La Lame infernale qui combine giallo et polar.
Tu peux aussi essayer la Dame rouge tua 7 fois et The Killer must kill again, plus proche du thriller classique.

Mais bon moi je suis un inconditionnel, j'essaie d'en voir un chaque vendredi :wink:
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