Raoul Walsh (1887-1980)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Tancrède
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

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Si je peux me permettre, je pense que tu fais erreur, à la fois dans ce que je voulais dire, et dans ce que la fin du film signifie.
en quoi ai-je mal interprété ton propos cité ?
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Phnom&Penh
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Phnom&Penh »

Tancrède a écrit :Dans le film, on ne se fout pas du sacrifice du colonel puisqu'il me semble que c'est suite à ça que le régiment adopte son nom ou son surnom en tant que "Battle cry". De plus, c'est clairement dit par le narrateur que nettoyer les plages, c'est pas gégène quand on est des Marines et à mon sens le fait d'armes final est plus présenté comme une couteuse mais glorieuse victoire que comme une boucherie due à l'inconscience d'un chef.
Oui, mais ce n'est pas une boucherie due à l'inconscience d'un chef, c'est le débarquement sur Saipan, qui a été un des événements majeurs de la guerre du Pacifique et qui, de toute façon, devait causer un grand nombre de morts.
Le sujet du film, pour moi, c'est la présentation de la petite histoire dans la grande Histoire, d'ou son caractère épique en ce qu'il présente des individus au milieu d'une grande tourmente.
Après, il y a le scénario et le livre et je pense, comme le dit Ann Harding, que Walsh respecte avant tout la matière qu'on lui a donné (d'où probablement les histoires de Battle Cry par exemple).

Le personnage du colonel n'est pas odieux en soi, comme Thursday, et la bataille en question n'a rien, justement, d'un "sacrifice inutile". C'est une grosse opération militaire qui a simplement été plus rude que prévue, un peu comme Omaha Beach par rapport aux autres plages du débarquement en Normandie.

Je ne pense pas que Walsh remette en cause ce qui s'est passé à Saipan, ce n'est pas le sujet du film, et en le traitant comme un événement "glorieux", il n'en fait pas plus qu'un autre réalisateur qui traiterait du 6 juin, par exemple.

En revanche, sa touche personnelle, outre la mise en scène, bien sûr, je pense qu'elle est dans le fait que la "bataille" est traitée en moins de vingt minutes à la fin du film, et dans la critique qu'il fait, moins du colonel lui-même, que de l'"héroïsme" en général. Il fait l'éloge des gens qui ont été se battre là, c'est clair, mais s'il met en valeur les destins individuels des hommes par leurs histoires sentimentales, il ne le fait pas par leurs actes de bravoure, sauf à la fin, mais justement de manière collective.
Tancrède a écrit :en quoi ai-je mal interprété ton propos cité ?
En ce que je ne cherchais pas à donner un point de vue humaniste (mais c'est peut-être mal fait), mais à souligner l'anonymat de ce "sacrifice" (d'où la bêtise, plus que l'irresponsabilité du geste d'Huxley). Je trouve que Walsh s'attache à décrire des destins individuels dans leurs vies sentimentales et non dans les combats, pour mieux faire ressortir le caractère général et anonyme du sacrifice en question. C'est en cela que le terme "sacrifice droitier" ne me semble pas approprié, ni sacrifice d'ailleurs. Il montre un pays en guerre et certes il fait l'éloge de ceux qui ont été se battre mais il raconte une histoire collective. Un film fasciste (autant être clair :mrgreen: ) n'aurait pas fait l'éloge d'un peuple mais de "héros", là c'est le contraire.
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Tancrède
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Tancrède »

Oui, mais ce n'est pas une boucherie due à l'inconscience d'un chef, c'est le débarquement sur Saipan, qui a été un des événements majeurs de la guerre du Pacifique et qui, de toute façon, devait causer un grand nombre de morts.
Le sujet du film, pour moi, c'est la présentation de la petite histoire dans la grande Histoire, d'ou son caractère épique en ce qu'il présente des individus au milieu d'une grande tourmente.
Après, il y a le scénario et le livre et je pense, comme le dit Ann Harding, que Walsh respecte avant tout la matière qu'on lui a donné (d'où probablement les histoires de Battle Cry par exemple).

Le personnage du colonel n'est pas odieux en soi, comme Thursday, et la bataille en question n'a rien, justement, d'un "sacrifice inutile". C'est une grosse opération militaire qui a simplement été plus rude que prévue, un peu comme Omaha Beach par rapport aux autres plages du débarquement en Normandie.

Je ne pense pas que Walsh remette en cause ce qui s'est passé à Saipan, ce n'est pas le sujet du film, et en le traitant comme un événement "glorieux", il n'en fait pas plus qu'un autre réalisateur qui traiterait du 6 juin, par exemple.
On est d'accord sur tout ça, parce que la perspective n'est pas la même. Nos points de vue divergent sur la façon dont est montré le geste finale de Van Heflin, pas sur la bataille de Saipan en elle-même.
En revanche, sa touche personnelle, outre la mise en scène, bien sûr, je pense qu'elle est dans le fait que la "bataille" est traitée en moins de vingt minutes à la fin du film, et dans la critique qu'il fait, moins du colonel lui-même, que de l'"héroïsme" en général. Il fait l'éloge des gens qui ont été se battre là, c'est clair, mais s'il met en valeur les destins individuels des hommes par leurs histoires sentimentales, il ne le fait pas par leurs actes de bravoure, sauf à la fin, mais justement de manière collective.

si je comprends bien, le fait de ne pas représenter d'acte de bravoure pendant deux heures est selon toi une critique de l'"héroïsme" ???
En ce que je ne cherchais pas à donner un point de vue humaniste (mais c'est peut-être mal fait), mais à souligner l'anonymat de ce "sacrifice" (d'où la bêtise, plus que l'irresponsabilité du geste d'Huxley).
j'ai interprété ton insistance sur le nombre de morts comme une importance accordée à la vie humaine en tant que telle, ce que j'appelle "humanisme" et que je ne retrouve pas, tout du moins pas sous cette forme là dans le film. Désolé de ma méprise.
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Phnom&Penh
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

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Tancrède a écrit :Nos points de vue divergent sur la façon dont est montré le geste finale de Van Heflin, pas sur la bataille de Saipan en elle-même.
En fait, c'est assez ambigü dans le film, probablement, parce qu'il cherche juste à souligner l'absurdité de demander à aller en première ligne quand on n'en a pas reçu l'ordre, sans pour autant remettre en question le fait que de toute façon, d'autres y auraient été à sa place. Il met en valeur le résultat collectif, mais il est critique sur le personnage d'Huxley.
Quand Huxley meurt, il est aussitôt remplacé par son second et la bataille se termine "bien". Il y a d'ailleurs ensuite tout un discours sur le fait que Huxley était un solitaire qui ne parlait pas de sa famille, un type pour qui l'Armée était tout, un militaire "à l'ancienne".
C'est, pour prendre un exemple précis, tout le contraire d'un film comme Le Jour le plus long, qui montre comment chaque chef, l'un après l'autre, était un héros sans qui les choses ne se seraient pas passées de la même manière. Ici, il met en valeur le courage individuel en insistant sur ce que chacun perd ou risque de perdre, puis, quand on en arrive finalement au combat, il montre une masse anonyme, victorieuse certes, mais après nous avoir montré ce que chaque vie perdue signifiait.
C'est bien entendu une glorification des Etats-Unis en guerre, mais, dans le même temps, il met en valeur l'individu, non par un geste glorieux mais par ce qu'il perd en acceptant d'aller se battre, puis termine en soulignant le caractère dérisoire d'un geste glorieux individuel.
Tancrède a écrit :si je comprends bien, le fait de ne pas représenter d'acte de bravoure pendant deux heures est selon toi une critique de l'"héroïsme" ???
La critique de l'héroïsme individuel, je la vois aussi dans la façon dont Huxley se fait tuer rapidement d'une balle perdue après son acte de bravoure consistant à demander à être en première ligne, ainsi que dans la scène comique de Spanish Joe.
Tancrède a écrit : j'ai interprété ton insistance sur le nombre de morts comme une importance accordée à la vie humaine en tant que telle, ce que j'appelle "humanisme" et que je ne retrouve pas, tout du moins pas sous cette forme là dans le film. Désolé de ma méprise.
C'est vrai qu'en relisant, ça fait un peu "monument aux morts" :mrgreen:
Je pense que le film fait l'éloge d'un peuple en guerre, d'où son côté épopée, mais qu'il critique aussi le fait de vouloir se distinguer de la masse, c'est plus un film "américain" qu'un film héroïque. Je voulais juste souligner qu'avec le temps, il ne reste de cela qu'un grand nombre de morts et aucun "héros". Je trouve que c'est un peu le sujet du film.
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Tancrède
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Tancrède »

En fait, c'est assez ambigü dans le film, probablement, parce qu'il cherche juste à souligner l'absurdité de demander à aller en première ligne quand on n'en a pas reçu l'ordre, sans pour autant remettre en question le fait que de toute façon, d'autres y auraient été à sa place. Il met en valeur le résultat collectif, mais il est critique sur le personnage d'Huxley.
Quand Huxley meurt, il est aussitôt remplacé par son second et la bataille se termine "bien". Il y a d'ailleurs ensuite tout un discours sur le fait que Huxley était un solitaire qui ne parlait pas de sa famille, un type pour qui l'Armée était tout, un militaire "à l'ancienne".
C'est, pour prendre un exemple précis, tout le contraire d'un film comme Le Jour le plus long, qui montre comment chaque chef, l'un après l'autre, était un héros sans qui les choses ne se seraient pas passées de la même manière. Ici, il met en valeur le courage individuel en insistant sur ce que chacun perd ou risque de perdre, puis, quand on en arrive finalement au combat, il montre une masse anonyme, victorieuse certes, mais après nous avoir montré ce que chaque vie perdue signifiait.
C'est bien entendu une glorification des Etats-Unis en guerre, mais, dans le même temps, il met en valeur l'individu, non par un geste glorieux mais par ce qu'il perd en acceptant d'aller se battre, puis termine en soulignant le caractère dérisoire d'un geste glorieux individuel.
je suis d'accord avec toi mais c'est quelque chose que l'on retrouve dans beaucoup de bons films de guerre américains (et Le jour le plus long n'en fait à mon sens pas partie). Les maraudeurs attaquent par exemple est beaucoup plus clair et percutant dans son éloge anti-héroïque du courage de chaque soldat. Je me souviens bien que Huxley est montré comme détaché de sa femme, mélancolique presque et ne vivant que pour son régiment. C'est juste quelque chose que je trouve au final estompé par une machine de propagande un peu grossière (est ce du au roman ou aux producteurs je ne sais pas).
La critique de l'héroïsme individuel, je la vois aussi dans la façon dont Huxley se fait tuer rapidement d'une balle perdue après son acte de bravoure consistant à demander à être en première ligne, ainsi que dans la scène comique de Spanish Joe.
version enculage de mouche: qu'appelles tu une "balle perdue" ? Il me semble que Huxley se fait tuer par un obus au moment où il traverse un cours d'eau crucial pour l'avancée de la bataille.
version courte, au cas où tu as autre chose à faire de ton jeudi aprèm: je n'interprète pas ces signes comme toi mais soit.
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Phnom&Penh
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Phnom&Penh »

Tancrède a écrit :Les maraudeurs attaquent par exemple est beaucoup plus clair et percutant dans son éloge anti-héroïque du courage de chaque soldat. Je me souviens bien que Huxley est montré comme détaché de sa femme, mélancolique presque et ne vivant que pour son régiment.
Je ne connais pas Les Maraudeurs (je l'ai mais pas encore vu) mais, dans cet esprit, cela me faisait justement penser à The Big Red One. Par contre, la vision de Walsh est certainement plus positive que celle de Fuller. Chez Fuller, on fait son boulot mais le côté absurde est bien présent. Dans Battle Cry, on fait la guerre pour des raisons positives et tout le monde trouve cela très bien.
Mais le film n'est quand même pas une machine de guerre non plus et à défaut d'humanisme, il y a de l'humanité, on y voit le prix à payer, les morts ne sont pas glorieuses mais tristes, un des soldats avec l'histoire la plus attachante (d'ailleurs un moment déserteur) revient mutilé...c'est un film patriotique, bien sûr, mais aussi un film qui reste réaliste.
C'est juste quelque chose que je trouve au final estompé par une machine de propagande un peu grossière (est ce du au roman ou aux producteurs je ne sais pas).
Je pense que c'est du à Walsh, comme au roman ou à la production. Je ne vois pas trop en quoi ce film, en 1955, est plus propagandiste que d'autres. Par contre, le côté épique n'est pas toujours aussi bien rendu et c'est ce qui donne sa force poétique au film. L'épopée est rarement destinée à plomber le moral ou à donner une vision négative puisqu'elle est porteuse de légende. Walsh est plus du côté des créateurs de mythes que de ses destructeurs.
Tancrède a écrit :version enculage de mouche: qu'appelles tu une "balle perdue" ? Il me semble que Huxley se fait tuer par un obus au moment où il traverse un cours d'eau crucial pour l'avancée de la bataille.
Balle perdue ou shrapnel, je ne sais plus, ce que je veux dire, c'est qu'il ne meure pas en situation héroïque mais comme n'importe quel trouffion qui se fait canarder.
Tancrède a écrit :version courte, au cas où tu as autre chose à faire de ton jeudi aprèm: je n'interprète pas ces signes comme toi mais soit.
Je le comprends bien. Mais je pense que tu seras d'accord pour dire que quelqu'un qui monte la scène de Spanish Joe se moque de l'héroïque des Murat-Custer en particulier et des placards de médailles en général, non? Que la scène soit dans le roman ou non, il lui donne une importance spéciale.
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Tancrède »

Mais le film n'est quand même pas une machine de guerre non plus et à défaut d'humanisme, il y a de l'humanité, on y voit le prix à payer, les morts ne sont pas glorieuses mais tristes, un des soldats avec l'histoire la plus attachante (d'ailleurs un moment déserteur) revient mutilé...c'est un film patriotique, bien sûr, mais aussi un film qui reste réaliste.
bien sûr, c'est pas Le triomphe de la volonté ce film, j'aimé le film, je le rappelle.
Je pense que c'est du à Walsh, comme au roman ou à la production. Je ne vois pas trop en quoi ce film, en 1955, est plus propagandiste que d'autres.
il est moins sec, moins terre-à-terre, plus emphatique que je sais pas moi, Cote 465 ou Bastogne. Sans parler de Attack!. ou même Les nus et les morts tiens !
Balle perdue ou shrapnel, je ne sais plus, ce que je veux dire, c'est qu'il ne meure pas en situation héroïque mais comme n'importe quel trouffion qui se fait canarder.
Ok, c'est sûr, il allait pas non plus le faire mourir à la Errol Flynn dans They died with their boots on.
Je le comprends bien. Mais je pense que tu seras d'accord pour dire que quelqu'un qui monte la scène de Spanish Joe se moque de l'héroïque des Murat-Custer en particulier et des placards de médailles en général, non? Que la scène soit dans le roman ou non, il lui donne une importance spéciale.
j'ai trouvé ça très drôle mais sur le coup, j'avoue que je ne l'ai pas interprété comme une satire de l'héroïsme. Pour moi, elle transcendait un personnage qui jusque là se réduisait à sa fourberie (j'ai aimé le regard du second de Huxley dans cette scène, chargé d'une sorte de compassion, d'attendrissement). Mais ici, ton interprétation se tient.
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Phnom&Penh »

Tancrède a écrit :il est moins sec, moins terre-à-terre, plus emphatique que je sais pas moi, Cote 465 ou Bastogne. Sans parler de Attack!. ou même Les nus et les morts tiens !
Là, je suis bien d'accord avec toi, sauf que cela ne me gêne pas. Ca participe justement à l'aspect épique du film. Les nus et les morts, je ne l'ai pas vu.
Tancrède a écrit :j'ai trouvé ça très drôle mais sur le coup, j'avoue que je ne l'ai pas interprété comme une satire de l'héroïsme. Pour moi, elle transcendait un personnage qui jusque là se réduisait à sa fourberie (j'ai aimé le regard du second de Huxley dans cette scène, chargé d'une sorte de compassion, d'attendrissement)
D'accord aussi là-dessus, d'autant que dans de nombreux films de guerre, le personnage du "mauvais garçon" devient un héros du fait de son caractère audacieux. Ici, c'est le contraire, il rentre dans le groupe.
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bruce randylan
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par bruce randylan »

intrigues en orient ( Background to Danger - 1943 )

Un "effort de guerre" dans la continuité de l'excellent Saboteur à Berlin mais en mode mineur, la principale faute revenant à son acteur principal Georges Raft qui est loin d'avoir la classe et le panache d'un Errol Flynn. Il paraitrait d'ailleurs que Raft fit changer la nature de son personnage par un twist un peu regrettable qui bien que logique dans la structure du film lui enlève beaucoup de charme.
Toujours par rapport à Saboteur sans gloire, il manque ici encore les pointes dramatiques qui parsemaient le premier ( le personnage féminin écrit sans concession, la mort d'un des compagnons de Flynn ) et qui fait que ces intrigues orientales manquent un peu de caractère et d'originalité. Au contraire les quelques scènes plus sérieuses sont zappés ici avec une décontraction presque gênante ( cf la fin )
Voilà, pour les défauts.

Pour les qualité, pas de problème, il en reste encore beaucoup à commencer par son rythme ! A l'instar de saboteur sans gloire, en mode mineur donc, les rebondissements n'arrêtent jamais : attentat, assassinat, faux coupable, traitre, double identité, espion, contre-espionnage...
La narration va vite et fidèle à l'adage de son réalisateur ( "de l'action, de l'action, de l'action" ), le film ne laisse pas de répit et les dialogues explicatives sont réduits au minimum. Le tempo est très soutenu et on sent même qu'au montage ( co-signé Don Siegel ) on taille pour aller au plus nerveux. Les faux-raccords sont nombreux et on frise même le jump cut à quelques reprises ! :o
Heureusement tout ça passe très bien et plus que de heurter le visionnage, ça entretient une certaine idée de la vitesse comme une poursuite en voiture tellement accélérée qu'elle en devient jubilatoire.
Mais ce qui donne peut-être le plus de plaisir sont tous les personnages qui gravitent autour de Georges Raft. Sydney Greenstreet et Peter Lorre offrent ainsi de savoureux numéros d'acteurs aidés par d'excellents dialogues ( le coté blasé de Peter Lorre m'a bien fait marré ). Le défilé de tronches qui constituent les bras droit et autres hommes de mains sont également bien gratinés. Par contre le personnage féminin jouée par Brenda Marshall ne sert vraiment pas à grand chose, ce qui est vraiment inhabituelle chez Walsh.

On sent que le film a été imposé à Walsh ou du moins que le tournage lui a échappé mais il faut reconnaître qu'il emballe la chose avec l'efficacité et la légèreté qu'on lui connait ( rien que les travellings sur les maquettes du train sont excellentes ). Du coup et malgré les défauts que je lui prête, on se délecte avec plaisir de ces incessantes intrigues en orient. Au diable la crédibilité et bonjour le fun, la décomplexion et les rebondissements. :D
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Boubakar »

La Brigade héroïque (1954)

C'est film vraiment issu de toutes ces bandes qu'Universal faisait à l'époque ; rapides, et suffisamment pétaradants pour que l'audience ne s'ennuie pas. C'est bien fait, les décors canadiens sont splendides (on dirait que Walsh a plus voulu nous montrer ces forêts, ces cascades que son histoire), et l'interprétation est globalement sans faille (quoique on voit que l'acteur principal, Alan Ladd est assez petit, au contraire de ses partenaires, Shelley Winters notamment, ce qui vaut quelques plans assez bizarres :mrgreen: ), la bataille finale réussie, mais c'est réalisé sans grand génie, quoiqu'on reconnait un peu la patte de Walsh, ce qui n'est pas désagréable.
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Miss Nobody »

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L'enfer est à lui - White Heat - 1949

Après un court détour par la comédie musicale et une tentative infructueuse dans le domaine de la production, James Cagney est de retour à la Warner avec un contrat juteux. Il accepte de revenir aux sources de son succès en interprétant un personnage de gangster nerveux que l'on peut rapprocher de celui qui l'a fait connaître en 1931 dans « l'Ennemi public ». Mais le genre a bien évolué depuis les années 30: la seconde guerre mondiale a vu naître le film noir, les intrigues se sont complexifiée et la psychologie des personnages aussi. Dans « L'enfer est à lui » le criminel n'est plus un être pourri par la société, la prohibition et la crise, mais un homme névrosé et violent qui n'obéit à aucune loi ni aucune morale, et qui ne donne ses faveurs qu'à sa mère, sur-protectrice et acariâtre. Cody Jarrett devient alors l'un des anti-héros les plus terrifiant du 7ème art car, impulsif et sans pitié, il est tout simplement incontrôlable. Pourtant, tandis que le film avance, qu'on le voit commettre des crimes ignobles et sombrer dans une démence rageuse, il devient un personnage émouvant, presque attachant, car infiniment tragique et humain. La prestation de James Cagney, qui a largement contribué à l'élaboration du personnage de Cody par des choix d'interprétation judicieux et des improvisations géniales, est tout bonnement hallucinante, extrêmement puissante et viscérale. Quant à sa crise de folie au réfectoire de la prison, il s'agit d'un moment d'anthologie effroyable.
Malgré la présence de cet acteur prodige à leurs côtés, ses partenaires à l'écran sont étonnamment tous excellents, notamment Virginia Mayo, qui interprète merveilleusement la femme de Cody, tout en vulgarité et en sournoiserie.
Le film nous plonge dans une atmosphère noire, dure, tantôt oppressante, tantôt haletante, qui ne laisse la place à aucune baisse de rythme ou moment de répit. Le tout est enveloppé par la très angoissante partition de Max Steiner et par la mise en scène de Raoul Walsh, maîtrisée et toujours efficace, qui met superbement en valeur les différentes facettes des personnages.
« L'enfer est à lui » est un film sombre et violent, excessivement riche et énergique, qui n'a absolument rien à envier aux films de gangster contemporains... Un destin grandiose filmé sans aucun excès, ni aucune faute de goût. En un mot, un chef d'oeuvre.

9/10
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Droudrou »

à propos du Cri de la victoire
J’ai lu les diverses interventions des uns et des autres sur le sujet.
A propos du film « Le cri de la victoire » il est fort possible qu’ayant lu le roman de Léon Uris Walsh ait éprouvé l’envie d’en faire un film. Pour l’avoir personnellement lu et relu je pense que Walsh y trouvait un style de récit aussi direct que le sien. Manque de chance c’est que scénarisant son propre roman Léon Uris qui met en scène nombre de personnages le film ne nous apporte pas un personnage central sur lequel va se bâtir l’action. Il nous livre une multitude de caractères et de situations parmi lesquels on ne retrouve pas ce qui en avait l’intérêt à la lecture d’un roman qui se voulait être une apologie du corps des marines dans lequel Uris s’était engagé à l’âge de 17 ans. Le livre comme le film s’ouvre à la gare de Baltimore sur un personnage Dany Forrester qui est en fait la personnification de Léon Uris avec un narrateur « Mac » notre éternel James Whitmore (gueule de personnage secondaire) qu’on retrouvait régulièrement dans les westerns et films de guerre de l’époque. La première partie suit l’incorporation et la formation des jeunes recrues dans un cadre qui, vraisemblablement, a pu inspirer Stanley Kubrick pour « full metal jacket ». Devenus des Marines, comme Léon Uris lui-même, ils intégreront une unité de radio dont on suivra les tribulations dans des situations dramatiques ou picaresques jusqu’à ce qu’ils se trouvent engagés à fond dans des actions de combat. Le roman paru en 1953 a été un best seller et est toujours édité on pourrait presque dire qu’il est le livre de chevet ou le bréviaire du Marine Corps. Le film de Walsh a été très mutilé à l’origine projeté dans une version de 90 minutes. S’il avait fallu conserver le cadre exact du roman avec tous ses personnages c’est vraisemblablement un film d’une durée de 4 heures qui aurait été nécessaire. Ici le scénariste réunit plusieurs situations qu’il a rapportées sur le personnage de Joe Gomez dit Jo l’espagnol en réduisant beaucoup le personnage de Marion Hodgkiss qui est aussi un dérivé d’Uris lui-même. A partir de là on pouvait souhaiter comme pour Exodus (le travail de Dalton Trumbo a été remarquable) un scénariste autre que Léon Uris qui au hasard de ses romans (best sellers) s’est beaucoup raconté…
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Sybille »

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White heat / L'enfer est à lui
Raoul Walsh (1949) :

Une séquence d'ouverture presque muette, remarquable grâce à son montage tendu, redoutable de nervosité ; des extérieurs nombreux, étonnamment mis en valeur, conférant une ambiance entière et réaliste à une histoire hargneusement extravagante, des acteurs toujours investis, voilà quelques un des éléments qui font de "White heat" un film qui vaut plus qu'un simple coup d'oeil. James Cagney prouve une fois n'est pas coutume son talent immense et particulier : si la modernité n'est jamais l'apanage d'une époque, on a quand même envie de lui attribuer ce qualificatif, tant son jeu semble à la fois recherché et spontané, toujours habile et surprenant dans son attention au détail. Quant à Virginia Mayo, déjà excellente chez Walsh en femme noble et amoureuse du 18e siècle dans "Captain Horatio Hornblower", elle montre à nouveau l'étendue de son registre en incarnant cette fois une femme charmeuse, opportuniste et prête à toute les vilennies pour s'en tirer. Alors que je reste incapable de mettre le doigt sur ce qui m'a gêné, j'avoue n'avoir pas été totalement convaincue par les séquences avec les policiers, certe importantes au récit, mais assez peu intéressantes en elles-même. Possible aussi que le double jeu d'Edmond O'Brien (et ce même s'il s'agit d'un bon acteur ou que la situation s'est déjà vu) m'ait semblé un peu vain, faisant état d'une fausse ambiguité, rapprochant au contraire le film du banal, du conventionnel. Premier film de Raoul Walsh qui me plaît vraiment, ce réalisateur me laisse cependant perplexe. Sans douter ni de son assurance ni de son talent, immédiatement visibles, j'aurai encore besoin de voir d'autres de ses films avant de m'en faire un avis un peu plus définitif. 7/10
Dernière modification par Sybille le 13 avr. 10, 10:33, modifié 1 fois.
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Nomorereasons »

Tiens, L'Enfer est à lui, je viens de le voir à l'instant. Moi, comme rien ne m'a gêné, je lui mets 10/10.
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Sybille »

Crois bien que j'aurais aimé en faire autant à propos d'un film dont j'attendais beaucoup. :|
Enfin même s'il m'a un peu déçu (même après 2 visionnages), ça reste quand même le meilleur Walsh sur les 3 que j'ai vus.
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