John Ford (1894-1973)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: John Ford (1894-1973)

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Rashomon
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Re: John Ford (1894-1973)

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Bon ben j'ai revu Qu'elle était verte ma vallée et j'y ai encore été de ma petite larme. :oops:

Je ne comprends pas que les Américains considèrent ce film comme l'une des pires bourdes des Oscars; c'est l'un des films les plus fordiens de Ford et l'un des plus beaux. Alors oui, il y avait Citizen Kane la même année mais le cinéma ce n'est pas le concours Lépine: la dimension humaine doit être prise en compte et sur ce plan le Ford bat le Welles à plate couture. On peut d'ailleurs penser que Ford est un metteur en scène aussi radical à sa manière que l'Orson, dans la façon qu'il a d'imposer son style visuel et narratif jusque dans une production de prestige comme celle-ci: comme souvent chez lui, le film raconte moins une histoire (l'intrigue sentimentale ne prend vraiment corps que dans le dernier tiers) qu'une succession d'historiettes, de scénettes tantôt (variablement) drôles, tantôt (profondément) bouleversantes. Le fait qu'un réalisateur aussi idiosyncratique et aussi peu "flexible" ait réussi à faire une longue et fructueuse carrière au sein du système des studios amène à se demander jusqu'à quels point certains de ses collègues à la trajectoire moins heureuse (et on en revient à Welles) ont une part de responsabilité dans leur échec. Mais foin de polémique, revenons à notre vallée pour conclure en saluant une nouvelle fois génie de directeur d'acteurs de Ford car tout le monde ici est formidable, Roddy McDowall et Sara Allgood en particulier - dommage qu'aucune des cinq statuettes du film n'ait été pour eux. Et Maureen O'Hara n'a décidément jamais été aussi belle que sous l'oeil du borgne sonore.

9.5/10
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Jeremy Fox
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Jeremy Fox »

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Au moment de quitter sa maison natale, Huw Morgan se remémore son enfance passée au début du siècle dans un petit village minier du Pays de Galles. Ce seront tour à tour l’évocation des bonheurs et des malheurs qui toucheront sa famille : successions de mariages, décès, naissances, conflits familiaux, départs, retrouvailles, grèves, fêtes, joies simples de la vie quotidienne... Passées au filtre de la mémoire, et la nostalgie aidant, les difficultés seront finalement évacuées pour être supplantées par ce souvenir tenace selon lequel « qu’elle était verte et riante sa vallée » ; vallée où, dans son esprit, les vivants et les morts marchent encore et toujours main dans la main.

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Initialement prévu pour William Wyler, le scénario de Philip Dunne échoue finalement dans les mains de John Ford, qui abandonne pour une fois sa description de l’Amérique qu’il connaît si bien pour aborder un sujet à connotations sociales qui se déroule de l’autre côté de l’Atlantique. Comment allait-il s’en tirer ? Beaucoup de moyens lui furent alloués par Darryl F. Zanuck pour ce qui devait être un film de prestige de la 20th Century Fox. Il eut la lourde tâche de reconstituer en studio ce village minier et de s’arranger d’une distribution disparate d’acteurs anglais, américains et irlandais. Le résultat sera une reconnaissance mondiale et l’attribution pour la seule fois de sa carrière d’autant d’Oscars : cinq dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur. Un an après cet autre chef-d’œuvre que fut Les Raisins de la colère, Ford se révèle être une nouvelle fois le champion des classes sociales les plus défavorisées, des petites gens, qu’ils soient paysans ou ouvriers.

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Philip Dunne a affirmé que si Wyler avait fait le film, il aurait été strictement identique... Quelle preuve de l’aveuglement de certains scénaristes pour tout ce qui touche à la mise en scène car, bien au contraire, chaque scène, chaque plan prouvent le ridicule de cette assertion. Les personnages que nous voyons évoluer sous nos yeux sont typiquement fordiens et la générosité, l’humanisme et la poésie de Ford irradient tous les moments de cette œuvre unique qui aurait pu aisément sombrer dans l’académisme si elle n’avait pas été transfigurée par le génie et la sincérité du cinéaste. Sans le critiquer, il est évident qu’avec Wyler aux commandes, ce film aurait certainement été plus froid, plus sec et moins lyrique, ne ressemblant absolument pas à l’adaptation du roman de Richard Llewellyn telle qu’elle nous a été donnée par John Ford.

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Datant de la période où le sens aigu de la beauté chez Ford est à son apogée, ce film - à la fois histoire d’un apprentissage, chronique familiale et sociale, et évocation de valeurs éternelles qui tiennent une grande place dans le cœur du cinéaste - possède une ampleur permettant de toucher à l’universalité. On aimerait citer toutes les scènes, de ce prologue idyllique à ce final magique, évoquer tous les gros plans sur ces regards émouvants, tristes ou rieurs. On aimerait que soit enseignée dans les écoles de cinéma, grâce à ce film, la technique du cadrage tellement tous les plans sont admirables et font penser à des tableaux : ces images en plan d’ensemble des travailleurs, de retour de la mine, traversant en chantant la rue principale sont absolument inoubliables.

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Pour pouvoir faire partager tout le bonheur que ce film nous procure lors de sa vision, il faudrait pouvoir s’étendre longuement sur d’innombrables et magnifiques moments ; sur cette hilarante leçon de boxe dont l’instituteur fait les frais après avoir donné une sévère correction à notre héros, sur cette chaleureuse fête au cours de laquelle Walter Pidgeon et Maureen O’Hara se mettent à chanter tous les deux pour finir sur un éclat de rire, sur cet émouvant et discret départ pour l’Amérique des deux fils alors que leur frère fait répéter sa chorale dans les rues nocturnes, sur ce visage bouleversant de la mère émue aux larmes au retour du printemps qui correspond à celui de ses garçons, sur les premiers pas dans une campagne paradisiaque du jeune Huw après sa maladie, sur les visages levés au ciel des trois femmes, qui ont chacune perdue leur époux et attendent la remontée des corps de la mine après le coup de grisou...

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L’interprétation est parfaite, dominée par Donald Crisp dans le rôle du père qui eut d’ailleurs un Oscar pour sa performance. A ses côtés on trouve la belle Maureen O’Hara au visage si photogénique, le jeune Roddy McDowall (plus connu pour son rôle dans La Planète des singes) qui s’en tire très bien en sachant éviter la mièvrerie, Sara Allgood dans le rôle de la mère assez terre à terre, émue pour un rien mais au caractère trempé, et enfin le pasteur joué par Walter Pidgeon à travers lequel John Ford fait passer ses idées démocratiques, humaines, politiques et sociales.

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La belle partition très présente d'Alfred Newman, au thème récurrent, est entrecoupée de chants gallois interprétés par les Welsh Singers en personne. On reconnaît là la passion que vouait Ford aux chansons traditionnelles, ces chanteurs gallois allant être remplacés dans ses films suivants par le groupe Sons of the Pioneers. La science et le génie de John Ford pour l’imagination de plans tous plus beaux et poétiques les uns que les autres s’exercent sur un décor magnifique de Richard Day et Nathan Juran (le complice futur de Ray Harryhausen, réalisateur du Septième voyage de Sinbad). Et, la même année que Citizen Kane, Ford tourne lui aussi des scènes dans lesquelles le plafond et le plancher sont bien visibles dans le même plan et certaines autres avec une profondeur de champ inédite (des scènes d’intérieur avec porte ouverte sur les paysages de campagne) ; on a peut-être un peu trop tendance à l’oublier en attribuant toutes ces innovations au seul génie d’Orson Welles.

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Un avertissement est quand même nécessaire : il ne serait pas faux de parler d’une grandiloquence assumée de la mise en scène, d’une emphase dans l’interprétation, d’un scénario sur la corde raide entre sensibilité et sensiblerie ; en raison de tous ces éléments, et en ayant fait personnellement l’expérience, le film peut ne pas passionner à la première vision. Il peut même assez facilement prêter à sourire et donner prise aux ricanements de certains spectateurs habitués au cynisme ambiant contemporain. Dommage pour ces derniers qui passeront malheureusement à côté d’un véritable chef-d’œuvre, un de ces rares films qui possèdent l’étoffe de ce qu’on appelle "un grand classique indémodable" par leur intemporalité et leur universalité.

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Le tournage terminé, John Ford est nommé chef de la Field Photographic Branch dans la Marine. De retour de la guerre avec un œil en moins, il nous donnera ensuite un autre film splendide, Les Sacrifiés, qui mériterait encore plus d’être redécouvert car il n'avait pas eu, quant à lui, la chance d’être reconnu tout de suite à sa juste valeur.
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Strum »

Un des plus beaux films du monde en effet, que j'ai revu également récemment, et qui révèle un peu plus sa richesse à chaque nouvelle vision. On pourrait parler pendant des heures de l'interprétation plus vraie que nature, de la beauté de la mise en scène où le jeu sur les diagonales, les lignes de fuite et la disposition des acteurs dans le cadre, assurent une profondeur de champ prodigieuse (qui vaut bien celle de Citizen Kane), du décalage entre la vision de l'enfant qui teinte de candeur certaines images et la réalité des faits qui racontent la dissolution d'une famille, le sacrifice d'une vie, la mise à mort d'une verte vallée devenant gris terril, de l'écho des thèmes fordiens du film, etc.
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Rick Blaine
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Re: John Ford (1894-1973)

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Qu'elle était verte ma vallée est un film formidable. Il ne faut pas dire qu'il est meilleur que le Welles, c'est aussi absurde que les américains qui pensent que le Ford est une bourde des oscars. Ce sont deux films radicalement différents, et des chef d'oeuvre dans leur genre.
Les récompenses pour le Ford sont méritées en tout cas, c'est un film profondément émouvant, une merveille.
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Re: John Ford (1894-1973)

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Rick Blaine a écrit :Il ne faut pas dire qu'il est meilleur que le Welles, c'est aussi absurde que les américains qui pensent que le Ford est une bourde des oscars.
Ils sont une minorité et se comptent surtout parmi les jeunes cinéphiles. L'admiration pour Ford vient parfois sur le tard. Welles qui adorait Ford ne pensait certes pas que celui qu'il considérait comme son maitre avait volé son oscar. Cela dit, ce sont surtout des films extrêmement différents en effet. Personnellement, ma préférence va nettement au Ford et pourtant j'aime beaucoup Welles.
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Re: John Ford (1894-1973)

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J'ai regardé le film avec mon père - qui ne l'avait jamais vu et ne connait Ford que de nom - et il a d'abord été désarçonné par l'approche "dédramatisée" de Ford. C'est un peu la même réaction que les jeunes spectateurs dont parlaient Coursodon et Tavernier dans leur notule de 50 Ans: "Il ne se passe rien". Et puis il s'est laissé prendre, même s'il a cru jusqu'au bout que
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Maureen O'Hara et Walter Pidgeon finiraient ensemble
. Ce qui m'amène à deux remarques:

1°) Dans un cinéma hollywoodien classique qui donne la priorité à l'intrigue sur les personnages (et un cinéaste comme Hitchcock était parfaitement raccord de ce point de vue) Ford choisit l'inverse. Bon nombre de ses films ne racontent pas grand-chose, voire rien du tout. C'est en cela que je le juge aussi radical, voire plus, que Welles, et son succès est d'autant plus surprenant.

2°) Je ne m'étais jamais fait la remarque auparavant mais relativement peu de films de Ford se terminent sur un happy end sans ambiguïté. Il y a toujours des perdants, et la victoire est acquise de haute lutte.
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Re: John Ford (1894-1973)

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Rick Blaine a écrit :c'est un film profondément émouvant, une merveille.
Te reste plus qu'à venir le noter :mrgreen:
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Re: John Ford (1894-1973)

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Rick Blaine a écrit :Qu'elle était verte ma vallée est un film formidable. Il ne faut pas dire qu'il est meilleur que le Welles, c'est aussi absurde que les américains qui pensent que le Ford est une bourde des oscars. Ce sont deux films radicalement différents, et des chef d'oeuvre dans leur genre.
Les récompenses pour le Ford sont méritées en tout cas, c'est un film profondément émouvant, une merveille.
Je précise que j'aime beaucoup aussi Citizen Kane, dans un autre genre. Je réagissais juste à chaud sur la comparaison oiseuse entre les deux films, qui outre-Atlantique tourne toujours à l'avantage du Welles, sans doute parce que son originalité est plus facile à appréhender.
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Re: John Ford (1894-1973)

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Rashomon a écrit :Dans un cinéma hollywoodien classique qui donne la priorité à l'intrigue sur les personnages (et un cinéaste comme Hitchcock était parfaitement raccord de ce point de vue) Ford choisit l'inverse. Bon nombre de ses films ne racontent pas grand-chose, voire rien du tout. C'est en cela que je le juge aussi radical, voire plus, que Welles, et son succès est d'autant plus surprenant.
Le style cinématographique de Ford est celui d'un poète alors que la plupart des cinéastes filment en prosateur. Mais en réalité, ses films racontent énormément de choses sur notre monde. Je suis donc en désaccord avec l'idée selon laquelle ils ne raconteraient "pas grande chose, voire rien du tout". Ils racontent beaucoup, mais de manière subtile et mélancolique (lui aussi sans doute pensait que "l'essentiel était invisible pour les yeux"). Qu'elle était verte ma vallée par exemple fourmille de thèmes et de destins à démêler.
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Re: John Ford (1894-1973)

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Strum a écrit :
Rashomon a écrit :Dans un cinéma hollywoodien classique qui donne la priorité à l'intrigue sur les personnages (et un cinéaste comme Hitchcock était parfaitement raccord de ce point de vue) Ford choisit l'inverse. Bon nombre de ses films ne racontent pas grand-chose, voire rien du tout. C'est en cela que je le juge aussi radical, voire plus, que Welles, et son succès est d'autant plus surprenant.
Le style cinématographique de Ford est celui d'un poète alors que la plupart des cinéastes filment en prosateur. Mais en réalité, ses films racontent énormément de choses sur notre monde. Je suis donc en désaccord avec l'idée selon laquelle ils ne raconteraient "pas grande chose, voire rien du tout". Ils racontent beaucoup, mais de manière subtile et mélancolique (lui aussi sans doute pensait que "l'essentiel était invisible pour les yeux"). Qu'elle était verte ma vallée par exemple fourmille de thèmes et de destins à démêler.
Je reformule, d'une manière peut-être un peu plus claire: bon nombre de ses films n'ont pas de véritable intrigue, ne racontent pas d'histoire au sens traditionnel (hollywoodien) du terme. Je pense ceci dit que Ford est l'un des très rares réalisateurs qui sache rendre l'invisible visible, si je puis m'exprimer ainsi. Il arrive toujours à tirer le maximum d'intensité, de signifiance d'une scène rien que par le positionnement de la caméra et des personnages, et ce parfois sans aucun dialogue. Je pense que de tous les cinéastes qui ont débuté dans le muet, il est l'un de ceux qui ont su le mieux importer ses acquis et ses conquêtes dans le nouveau média qu'était le parlant.
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Re: John Ford (1894-1973)

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Rashomon a écrit :Je reformule, d'une manière peut-être un peu plus claire: bon nombre de ses films n'ont pas de véritable intrigue, ne racontent pas d'histoire au sens traditionnel (hollywoodien) du terme. Je pense ceci dit que Ford est l'un des très rares réalisateurs qui sache rendre l'invisible visible, si je puis m'exprimer ainsi. Il arrive toujours à tirer le maximum d'intensité, de signifiance d'une scène rien que par le positionnement de la caméra et des personnages, et ce parfois sans aucun dialogue. Je pense que de tous les cinéastes qui ont débuté dans le muet, il est l'un de ceux qui ont su le mieux importer ses acquis et ses conquêtes dans le nouveau média qu'était le parlant.
Oui. C'est le plus grand cinéaste américain et mon cinéaste préféré encore aujourd'hui. J'ai écrit sur quelques-uns de ses films, dont Qu'elle était verte ma vallée. Mais ses films racontent quand même des histoires. :)
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Re: John Ford (1894-1973)

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Et même si Citizen Kane méritait toutes les récompenses mondiales de l'histoire de l'humanité, Welles était plus que ravi que les honneurs reviennent au (magnifique) film de Ford.

C'est fou que certaines personnes aient pu considérer cela comme une "bourde à Oscar", tellement le film est d'une beauté renversante et d'une puissance émotionnelle jamais feinte.
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Re: John Ford (1894-1973)

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Strum a écrit :
Rashomon a écrit :Je reformule, d'une manière peut-être un peu plus claire: bon nombre de ses films n'ont pas de véritable intrigue, ne racontent pas d'histoire au sens traditionnel (hollywoodien) du terme. Je pense ceci dit que Ford est l'un des très rares réalisateurs qui sache rendre l'invisible visible, si je puis m'exprimer ainsi. Il arrive toujours à tirer le maximum d'intensité, de signifiance d'une scène rien que par le positionnement de la caméra et des personnages, et ce parfois sans aucun dialogue. Je pense que de tous les cinéastes qui ont débuté dans le muet, il est l'un de ceux qui ont su le mieux importer ses acquis et ses conquêtes dans le nouveau média qu'était le parlant.
Oui. C'est le plus grand cinéaste américain et mon cinéaste préféré encore aujourd'hui. J'ai écrit sur quelques-uns de ses films, dont Qu'elle était verte ma vallée. Mais ses films racontent quand même des histoires. :)
Tout en étant d'accord sur l'importance du récit chez Ford, on peut lui reconnaître un gout, mais aussi et surtout un grand talent pour les digressions narratives. Qu'on pense par exemple à Wagon Master, un des films qu'il préférait, qui peine à se concentrer sur son intrigue principale... Plus largement une bonne partie des films de Ford possède une structure épisodique, dans laquelle diverses rencontres, pauses, ou moments festifs ponctuent le déroulé de l'intrigue, qu'on pourrait aborder sur un mode plus direct.
D'autres cinéastes sont plus concentrés sur la trame de leur récit, sans s'embarrasser de ces pauses et détours narratifs, qui constituent chez Ford une partie importante de l'histoire elle-même. C'est peut-être en ce sens que Rashomon trouve que ses films "n'ont pas de véritable intrigue".
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: John Ford (1894-1973)

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cinephage a écrit :Tout en étant d'accord sur l'importance du récit chez Ford, on peut lui reconnaître un gout, mais aussi et surtout un grand talent pour les digressions narratives. Qu'on pense par exemple à Wagon Master, un des films qu'il préférait, qui peine à se concentrer sur son intrigue principale... Plus largement une bonne partie des films de Ford possède une structure épisodique, dans laquelle diverses rencontres, pauses, ou moments festifs ponctuent le déroulé de l'intrigue, qu'on pourrait aborder sur un mode plus direct.
D'autres cinéastes sont plus concentrés sur la trame de leur récit, sans s'embarrasser de ces pauses et détours narratifs, qui constituent chez Ford une partie importante de l'histoire elle-même. C'est peut-être en ce sens que Rashomon trouve que ses films "n'ont pas de véritable intrigue".
Bien sûr car Ford est notamment un cinéaste de l'errance, et cela se voit dans plusieurs de ses films. Je voyais bien ce qu'essayait de dire Rashomon, l'intention y était - ce n'était qu'une question de formulation, la sienne m'ayant paru initialement imprécise.
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