Delmer Daves (1904-1977)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jean Itard
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jean Itard »

Le pire, c'est que j'étais sincèrement convaincu avant de vérifier dans le Tavernier. :oops: :lol:

Je me le suis procuré. Ça a l'air bien même si j'ai un peu de mal avec les sta.
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Jeremy Fox
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Jean Itard a écrit :Le pire, c'est que j'étais sincèrement convaincu avant de vérifier dans le Tavernier. :oops: :lol:

Je me le suis procuré. Ça a l'air bien même si j'ai un peu de mal avec les sta.
C'est à mon avis le meilleur de la série Donahue. Les sta sont assez simples j'ai trouvé.
Jean Itard
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jean Itard »

Oui, ce n'est certes pas les "dialogues mitraillettes" de La dame du vendredi. Et pourtant...
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Jack Carter
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jack Carter »

à quand un dvd du superbe Pride of the Marines ?? :o
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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Jeremy Fox
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Jack Carter a écrit :à quand un dvd du superbe Pride of the Marines ?? :o
Oui, que je ne me rappelle pas avoir vu en plus.

Sinon, pour rappel, dès son premier film, il avait réussi à mon avis un coup de maître et que cette merveille existe en DVD Warner : il s'agit de Destination Tokyo.
Jean Itard
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jean Itard »

Noté et bien noté. :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Jean Itard a écrit :Noté et bien noté. :wink:
Son côté très sensible se fait jour immédiatement dès ce très beau film de guerre. Cary Grant y est parfait et assez touchant.
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Nestor Almendros »

Jeremy Fox a écrit :La Montagne des neuf Spencer (Spencer's Mountain, 1963)

Spencer’s Mountain fait suite aux quatre films avec Troy Donahue en vedette ; il s’agit cette fois, plus que d’un mélodrame, d’une chronique familiale plus légère et moins sombre, l’humour et la bonhomie tenant ici une large place alors que ces éléments étaient presque totalement absent des précédents. Au milieu d’une vallée champêtre idyllique, nous suivons l’histoire d’une famille modeste constituée d’un couple uni et de ses neuf enfants. Les parents travaillent d’arrache pied pour pouvoir offrir à leur progéniture plus qu’ils n’ont pu avoir eux-mêmes, à savoir une bonne éducation et surtout une instruction riche et complète. Clayboy, le fils aîné, venant d’obtenir son diplôme de fin de terminale, leur but est qu’il puisse désormais se rendre à l’Université. L’argent manque mais Clay et Olivia vont pourtant tout tenter pour ne pas décevoir les rêves de leur fils qui, s’il réussit, pourra montrer l’exemple à ses cadets…

Alors oui le film est gorgé de bons sentiments mais l’on sait que l’adage comme quoi ses derniers ne peuvent donner de bons films a été depuis longtemps battu en brèche et Spencer’s Mountain en est une des plus belles preuves, Daves arrivant à transcender certains clichés par la beauté formelle de sa mise en scène, ses purs et inimitables mouvements ascendants de caméras ; car en plus d’être une tendre tranche de vie familiale, ce film est aussi un superbe poème élégiaque, véritable glorification de la nature au sein de laquelle vivent ces braves gens. Le casting se révèle très fordien avec Maureen O’Hara, Donald Crisp et surtout Henry Fonda qui nous livre une interprétation très riche dans le rôle du père hédoniste dont la conception optimiste de la vie est assez enthousiasmante, en contradiction avec celle trop rigoriste de son épouse et de la communauté chrétienne de la vallée. Clay ne comprend pas qu’on puisse attendre le paradis au ciel alors qu’il le trouve sur terre dans la vie de tous les jours, lors d’une partie de pêche, lorsqu’un de ses enfants vient se blottir contre lui, quand, après chaque hereux évènement, il aime à prendre une cuite, alors qu’il fait l’amour à sa femme… La sexualité est d’ailleurs traitée avec toujours autant de tact mais aussi beaucoup d'humour ; Claris -interprétée par Mimsy Farmer pour son premier rôle au cinéma- dont la préoccupation première est l’accouplement, est vraiment drôle mais en même temps touchante. Dommage que la musique de Max Steiner, malgré un magnifique thème principal, manque un peu de la finesse d'un George Duning car autrement le film aurait pu atteindre de plus hauts sommets de plénitude. Néanmoins, encore un bel exemple de la tolérance, la générosité et l’humanisme d’un réalisateur dont on est encore loin d’avoir fait le tour des richesses.
Vu grâce à TCM.

Contrairement à Jeremy, je n'ai pas vraiment apprecié cette histoire qui, dès le début, m'a rebuté au point de me désintéresser relativement, par la suite, du devenir des personnages.
C'est vrai qu'il y a des bons sentiments, mais ce n'est pas (que) cela qui m'a gêné. Car j'ai surtout vu ici une peinture fidèle de ce que l'Amérique aime sur elle-même. Ce film est un catalogue des valeurs populaires inculquées au peuple depuis des dizaines d'années. On retrouve ainsi une évocation de vie simple, une sorte de retour à la Nature et de ses connotation de pureté (parties de pêche, vie dans les montagnes, etc.) qui dénote de la vie urbaine qui était déjà en train de se développer (avec ses vices inhérents, probablment). On trouve aussi l'éternelle religion, les évocations de Bible, de Dieu, des pasteurs, des enseignements religieux, etc., et de toutes les "bonnes moeurs" qui en découlent (comportements pudiques de Maureen O'Hara par exemple). L'histoire présente des thèmes chers à la mythologie américaine comme celui de la famille unie, aimante, serviable, travailleuse, qui fait partie d'une communauté elle aussi en pleine cohésion, toujours prête à rendre service, soudée, et qui se retrouve forcément à l'église pour communier à l'unisson.
Il y a beaucoup de choses comme celles-ci qui m'ont relativement refroidies bien que le film se laisse agréablement regarder malgré tout (bien qu'on ait souvent envie de lancer un "Alleluiah!" de temps en temps :wink: ).
Je reconnais aussi que la sexualité est traitée avec pas mal de tact, même si la morale n'est jamais bien loin. Ainsi les élans adolescents de Mimsy Farmer sont plutôt justifiés, époque d'émancipation oblige. En tout cas ils ne semblent jamais condamnés. Contrairement à une autre sexualité, plus hors norme et visiblement négative: celle du voisin d'âge presque mûr qui devait prêter de l'argent à Fonda, pour son fils, et qui revient sur sa décision à cause de sa très jeune épouse (visiblement intéressée) qui lui fait un chantage pratiquement sexuel. Deux visions "de la chair" qui ne diffèrent pas, finalement, du ton général du film.
Reste aussi, malgré des poncifs récurrents (comme ce fameux "rêve américain" de la réussite, des batailles sociales pour s'émanciper de son milieu d'origine), une fin assez sombre qui donne quand même une hauteur singulière à la fin du récit.

Je suis quand même content d'avoir découvert un Delmer Daves de plus, malgré la relative déception. :wink:
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
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Jeremy Fox
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

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La Maison rouge (The Red House, 1947)


Pete Morgan (Edward G. Robinson) vit dans une ferme retirée de tout avec sa sœur (Judith Anderson) et Meg (Allene Roberts), une jeune fille qu’ils ont adoptés voici 15 ans. Nath (Lon McAllister), un camarade de classe de Meg, vient leur proposer son embauche d’autant plus que le propriétaire souffre d’une infirmité de la jambe et que les travaux lui deviennent pénibles. En rentrant chez lui de nuit, le jeune homme passe par une forêt 'maudite' alors que le propriétaire le lui avait strictement déconseillé, le prévenant qu’il serait trop effrayé par les cris qu’il y entendrait. Effectivement, paniqué, Nath fait demi-tour à mi-chemin. Quel est le secret qui se cache dans ces bois gardé par un chasseur (Rory Calhoun) n’hésitant pas à tirer sur les indésirables et dans lesquels se trouve une mystérieuse maison rouge ? Nath et Meg décident de résoudre ce mystère...

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Cinquième film de Delmer Daves après que celui-ci ait déjà eu une longue carrière en tant que scénariste, La Maison rouge fait suite à quelques réussites imprégnées d'une humanité très singulière pour des œuvres abordant des genres pourtant aussi différents que le film de guerre avec Destination Tokyo ou bien la comédie musicale avec Hollywood Canteen. Ce thriller campagnard que représente le très original Red House précède de peu l'un des films les plus célèbres du cinéaste, à savoir le lumineux Les Passagers de la nuit (Dark Passage) dont la particularité était d'être quasiment filmé tout du long en caméra subjective sans que ça n'en fasse forcément un exercice de style. Enfin, tout comme ce sera à nouveau le cas avec Red House, il s'agissait de l'un des premiers films noirs des années 40 à être entièrement tourné en décors naturels, loin des studios hollywoodiens ; après le San Francisco de Dark Passage, c'est au tour de la campagne californienne de nous dévoiler toutes ses beautés sous l’œil attentif de l'inimitable Delmer Daves.

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Le postulat de départ de l'intrigue -vue et revue depuis- est basé sur un secret lointainement enfoui, une maison hantée par les souvenirs peu glorieux d'une tragédie familiale que l'on veut cacher, l'histoire se terminant par la répétition du drame sous le coup de la réminiscence qui amène à la folie ; un style d’histoire 'baroque' qui débouche souvent sur une certaine lourdeur psychologique et un cabotinage excessif des comédiens qui ont parfois du mal à jouer correctement les séquences d'égarement. Ceci est à nouveau valable ici sauf qu'une fois encore Delmer Daves transfigure le tout par sa mise en scène d’un lyrisme échevelé, par l’extrême délicatesse de son scénario -et notamment sa touchante histoire d'amour 'non partagée'- ainsi que par son extrême sensibilité dans la description des relations entre les personnages, notamment celles entre les deux jeunes héros interprétés par Lon Mcallister -un peu terne- et l’attachante Allene Roberts dont c’était ici le premier rôle. Dans le reste de la très jolie distribution l'on trouve Edward G. Robinson -très bon même s’il a parfois tendance à en faire un peu trop en vieil homme halluciné et sombrant peu à peu dans la folie- mais aussi Judith Anderson dans un total contre-emploi au vu de ses rôles les plus célèbres dont l'inquiétante et fascinante Mrs Danvers, la gouvernante de Rebecca dans le film d'Alfred Hitchcock, ou encore les tous jeunes Rory Calhoun -l'amant de Marilyn Monroe dans Rivière sans retour- ainsi qu'une Julie London étonnement affriolante.

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Mais ce n’est pas par son casting ni sa très bonne interprétation d’ensemble que le film brille avant tout mais comme nous l'écrivions plus haut principalement par son style et sa mise en scène. Un conte gothique façon roman anglais se déroulant dans la campagne américaine, les spectateurs n'y étaient pas vraiment habitués. A cette époque, ces derniers avaient également rarement vu cette campagne américaine aussi amoureusement filmée ; il y aura d'ailleurs peu d'exemples par la suite durant ces décennies de l'âge d'or du cinéma hollywoodien excepté entre autres par Alfred Hitchcock dans le sublime et mésestimé Mais qui a tué Harry (The Trouble With Harry). Delmer Daves en fait d’ailleurs quasiment le personnage principal de ce film au ton assez unique et la fait ‘parler’ par l’intermédiaire d’un des scores les plus admirables et les plus entêtants de Miklos Rozsa, et ce dès la première séquence ; rarement paysages et musique auront été aussi intimement liés. On le sait, et ce film en est une nouvelle preuve, Delmer Daves n’a pas son pareil pour cadrer la nature et la magnifier par ses angles de prises de vue et travellings. Il nous la montre tour à tour élégiaque et menaçante, les séquences se déroulant dans les bois maudits laissant planer une véritable angoisse.

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Angoisse et atmosphère mystérieuse amenées également par la qualité étonnante de la photographie de jour comme de nuit. Le travail quasi expressionniste de Bert Glennon est tout simplement remarquable ; sa manière de photographier les ombres menaçantes, les incendies nocturnes, les sombres forêts touffues, les lacs scintillants... est tout bonnement admirable de force poétique. Il faut dire que la forêt interdite représente tant symboliquement et psychanalytiquement qu'il fallait que ça en passe aussi par la photographie pour rendre les allégories encore plus puissantes. En effet, ce lieu 'hanté' représente à la fois les pulsions primaires, une culpabilité meurtrière mais également pour les plus jeunes de ses protagonistes les interdits sexuels. Dommage qu'avec tous ces éléments l'intrigue et son dénouement restent assez moyennement passionnants et que certaines ficelles soient assez grosses malgré le fait que le scénario soit signé par Daves en personne. Il s'agit néanmoins de l'un des rares thrillers campagnards de l'histoire du cinéma au sein duquel sont décrits de jeunes provinciaux avec une confondante justesse et sans aucune condescendante, annonçant ainsi les admirables mélodrames de fin de carrière du cinéaste avec le comédien Troy Donahue en tête d'affiches, ceux justement consacrés à la jeunesse, allant de A Summer Place (Ils n'ont que 20 ans) à Rome Adventure (L'amour à l'italienne).

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Mélange de mystère, de suspense, de romance et de psychologie, Red House est un film d'atmosphère non dénué de lourdeurs dans son symbolisme et ses métaphores mais cependant bien plus qu'honorable grâce avant tout à l'expressivité et au lyrisme de sa mise en scène. Delmer Daves s'épanouira bien plus dans le western que dans le film noir mais ses rares tentatives dans ce dernier domaine auront été loin d'être négligeables, d'un point de vue plastique indéniablement superbes. Même si pour ma part je ne le trouve pas tout à fait abouti, faites peut-être confiance à Martin Scorsese qui estime au contraire que le film de Daves est l'un des plus achevés de cette période ; vous pourriez ne pas le regretter !
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Wagner »

Jeremy Fox a écrit :j'ai rarement vu, excepté par Hitchcock dans Trouble With Harry, la campagne aussi amoureusement filmée. Daves en fait d’ailleurs le personnage principal de ce film au ton assez unique et la fait ‘parler’ par l’intermédiaire d’un des scores les plus splendides de Miklos Rozsa, et ce dès la première séquence ; rarement paysage et musique auront été aussi intimement lié. On le sait, et ce film en est une nouvelle preuve, Delmer Daves n’a pas son pareil pour cadrer la nature et la magnifier par ses angles de prises de vue et travellings. Il nous la montre tour à tour élégiaque et menaçante, les séquences se déroulant dans les bois maudits laissant vraiment planer une véritable angoisse.
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Je viens de lire dans le Coursodon/Tavernier à propos de The Red House

L'un des rares thrillers campagnards où la nature, les bois sont filmés avec une force poétique rare à l'époque, les personnages d'adolescents provinciaux décrits avec une grande justesse et une absence de condescendance.

Vite une belle copie de ce film !
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Pride of the Marines (1945)

L'histoire de la difficile réinsertion d'Albert (John Garfield), un GI revenu aveugle de la Seconde Guere mondiale et qui n'ose pas l'avouer à Ruth (Eleanor Parker), la femme qu'il avait décidé d'épouser avant de partir pour ne pas devoir lui imposer son infirmité et supporter sa pitié. Mais ses amis soldats ainsi qu'une infirmière de la Croix Rouge essaieront de lui expliquer qu'il est dans son tort...

Après le passionnant Destination Tokyo et l'attachant Hollywood Canteen, Delmer Daves, avant de passer à toute autre chose (avec le très bon Red House), réalise de nouveau un film (son 4ème) ayant pour fond la Seconde Guerre Mondiale. La première demie heure est sublime et nous montre surtout la rencontre d'Albert et Ruth et les sentiments qui se font jour entre eux. Débutant comme une comédie américaine, le film bifurque rapidement etdevient très vite touchant grâce au ton unique de Delmer Daves quant il lui faut décrire avec une douceur qui lui est propre, l’amitié ou l’amour. Toute cette description de la vie quotidienne de deux couples est d’une justesse et d’une tendresse remarquable ; il faut dire que John Ridgely (Air Force), Ann Doran et la jeune Ann Todd qui forment la cellule familiale des amis d'Albert sont foncièrement attachants ainsi que le couple formé par John Garfield et la splendide Eleanor Parker que Daves photographie d’ailleurs à la perfection nous offrant sur elle quelques gros plans absolument magnifiques, notamment lors de la séquence la plus inoubliable du film, celle débutant par cette impressionnante contre plongée sur l'immense hall d’une gare et se poursuivant par une scène d’adieu déchirante sur les quais (beau score lyrique de Franz Waxman au passage)

S’ensuit la partie guerrière d’une très grande force malgré qu’elle ne se déroule que dans un seul endroit, les soldats américains se trouvant être ‘encerclés’ par les troupes ennemis ; cachés dans un trou avec leur seule mitraillette pour 'compagne', ils redoutent l’attaque des japonais avec angoisse et comblent l’insupportable attente en parlant avec leurs armes, rêvant de massacre et de tuerie : dialogues et situations d’une assez grande modernité pour l’époque, loin de l’héroïsme outrancier, gros plans très expressifs et images très fortes sur les champs de batailles jonchés de cadavres…

Puis vient la deuxième heure montrant la difficile acceptation de son infirmité par John Garfield, son séjour à l’hôpital et son envie de recommencer une autre vie en coupant les ponts avec la femme qu’il aime. Daves en profite pour donner son point de vue sur l’époque à travers d’autres situations et dialogues politisés d’une grande humanité et d’une grande tolérance. Quelques longueurs ici et là, moins d’émotion qu'attendu mais une dernière partie néanmoins tout à fait honorable (avec une séquence onirique que n'aurait pas renié Hitchcock) et qui finit de faire de ce beau mélodrame une autre jolie réussite du réalisateur (réalisateur qui ne vas pas tarder à atteindre le haut du podium de mon Panthéon car pour l’instant sur 20 films vus, rien à jeter : je ne crois pas avoir déjà vu un aussi grand pourcentage de réussite dans une filmographie assez conséquente)

En tout cas, la justesse de la description des personnages principaux et secondaires (Dane Clark est une fois encore excellent) et la tendresse qui s’en dégage forment un style et un ton assez uniques dans le cinéma américain. Daves était bel et bien un auteur, et un très grand. Wyler a fait voir ce film à ses collaborateurs lorsqu'il a mis en chantier son chef-d'oeuvre, Les Plus belles années de votre vie disant qu'il voulait réaliser son film dans cette mouvance ; une belle preuve supplémentaire des qualités de ce Pride of the Marines

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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

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Les Passagers de la nuit (Dark Passage, 1947) de Delmer Daves


Vincent Parry (Humphrey Bogart) s’évade de la prison de San Quentin. Il avait pourtant toujours clamé son innocence du meurtre de sa femme mais sans résultat. Alors qu’il a été obligé d’assommer un homme qui allait le dénoncer, il tombe sur Irène Jansen (Lauren Bacall), une jeune femme qui décide de l’aider à se cacher. Elle a suivi le procès de très près depuis le commencement et a toujours cru à l’innocence de cet homme ; ne supportant pas l’injustice, elle risque sa liberté pour cet homme qu’elle n’avait auparavant jamais rencontré mais à qui elle fait entièrement confiance…

Le sixième film de Delmer Daves (après au moins quatre très belles réussites) est aussi l’un de ses plus célèbres, et ce pour plusieurs raisons : c’est la troisième fois que le couple Bagall/Bogart se retrouve en tête d’affiche mais cette fois ils étaient un couple marié à la ville ; la première demi-heure est quasiment toujours filmée en caméra subjective (ce qui était nouveau, seul Robert Montgomery pour la MGM avec "The Lady of the Lake" venait de l’utiliser durant toute la durée d’un film, ce dernier étant, par ce procédé pas forcément utilisé à bon escient d’un ennui mortel) ; c’est un des premiers films noirs des 40’s à être entièrement tourné en décors naturels hors des studios ; enfin, il s’agit d’un des films noirs les plus lumineux du genre ! Pourquoi ? Car Delmer Daves renverse toutes ses conventions, faisant de tous les seconds rôles des anges de miséricordes, des personnes pour qui l’entraide coule de source, chacun venant collaborer afin que le prisonnier évadé puisse s’en sortir sans rien demander en retour, juste pour faire le bien. Il y a d’abord cette femme croyant dur comme fer à l’innocence d’un homme qu’elle n’a connu que par les journaux puis ce chauffeur de taxi qui l’a reconnu mais qui jure de rien dire lui donnant au contraire l’adresse d’un chirurgien esthétique allant l’aider à changer de visage, ce médecin opérant son patient sans le faire payer…

Et "Les Passagers de la nuit" est aussi l’un des rares films noirs non fataliste, d’un optimisme et d’une douceur typiques de son metteur en scène qui se termine par un Happy End que l’on n’attendait vraiment pas dans un film du genre. La mise en scène est de toute beauté (le film est plastiquement superbe ; mais quel film de Daves ne l'est pas ?), l’interprétation est de haut niveau, la photographie de Sidney Hickox est d’une sidérante beauté, San Francisco et ses alentours étant filmés avec une poésie certaine, la musique de Franz Waxman est une belle réussite et la tendresse de Daves pour ses personnages est une fois de plus fortement attachante.

Alors pourquoi malgré toutes ces qualités, ce "Dark Passage" me semble être l’un des films de Daves les moins satisfaisants ? A cause de son scénario, celui de David Goodis, qui se trouve être vite bien peu passionnant, manquant de suspense et aux péripéties souvent peu crédibles ! Car un film noir ne saurait souffrir d’une intrigue trop faible. La révélation du véritable assassin de la femme de Vincent (car, comme Lauren Bacall, le spectateur ne saurait penser une seule seconde qu’il est coupable) et de ses motivations en est la preuve la plus flagrante. De plus, les rencontres avec les différents seconds rôles ont beau être originales au vu des motivations de ces derniers, atypiques pour un film noir, elles se révèlent vite trop systématiques. Malgré tout, le film se suit presque sans ennui et possède de fabuleux moments comme l’affrontement entre un maître chanteur (génial Clifton Young) et Humphrey Bogart sous le pont de San Francisco ou ce final rayonnant d’un romantisme assez incongru mais qui fait chaud au cœur. Dommage que l’intrigue soit aussi peu captivante ! Nous sommes passés très près du grand film.
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jean Itard »

Globalement d'accord avec ton avis, qui rend un bel hommage au film. On n'est pas près d'oublier la montée des marches de Vincent Parry s'élevant, le visage bandé, vers l'appartement d'Irène...

A en croire les entretiens de Daves et Tavernier, le réalisateur était surtout content et fier d'avoir réussi cet étonnant début, de plus d'une demi-heure, en caméra subjective.

C'est vrai que le scénario, tarabiscoté et invraisemblable,
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(je pense en particulier au retour du type qui avait pris Bogart en stop)
élaboré par Daves à partir du roman de Goodis, à de quoi dérouter. Je reprocherais pour ma part une propension au bavardage un peu usante, surtout dans la dernière demi-heure.

Néanmoins, à la révision, j'ai été vraiment intéressé par le "deuxième niveau de lecture" de l'histoire (que tu as aussi évoqué) qui est celle d'une rédemption par l'amour. Parry doit se débarrasser d'un passé encombrant, qui est son passé amoureux,
Spoiler (cliquez pour afficher)
incarné par son ex-femme, et par le personnage de Madge.
Cette idée m'apparaît particulièrement originale, lorsqu'on la rapproche de l'habituelle femme fatale. C'est quasiment l'histoire d'un type marié qui fait une nouvelle rencontre.
De ce point de vue, les scènes entre Bogart et Bacall sont très réussies et servent à merveille le scénario (il y a une vraie magie de ce couple, je trouve, comme dans le Port de l'angoisse).
Conjugué aux qualités plastiques du film, cela permet, je trouve, de faire passer les défauts du film sans trop de difficultés.
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Je reprocherais pour ma part une propension au bavardage un peu usante, surtout dans la dernière demi-heure.
Oui exact, notamment avec le personnage d'Agnes Moorehead (excellente par ailleurs). Mais heureusement moins que dans Key Largo, toujours avec le même couple, que je trouve assez mauvais (pourtant grand admirateur d'Huston)

De ce point de vue, les scènes entre Bogart et Bacall sont très réussies et servent à merveille le scénario (il y a une vraie magie de ce couple, je trouve, comme dans le Port de l'angoisse).Conjugué aux qualités plastiques du film, cela permet, je trouve, de faire passer les défauts du film sans trop de difficultés
Oui, je pense d'ailleurs que j'apprécierais plus à la seconde vision.
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