Yōji Yamada

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Beule
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Yōji Yamada

Message par Beule »

Arn a écrit : 20 sept. 22, 10:40
Découvert hier et beaucoup apprécié aussi. Le trio de personnages fonctionnent très bien, évoluent et se révèlent au cours de ce road movie à Hokkaido que Yamada filme avec un mélange de poésie et de naturalisme. Et très belle photo.

D'ailleurs je suis preneur d'autres titres de Yamada si certains ont des conseils :) Je me prendrais le bouquin de Leblanc (qui fait le bonus sur le bluray carlotta) prochainement.
Le problème c'est que presque rien n'est disponible chez nous. Et quand ça l'est, il s'agit de films plus récents uniquement disponibles en SD dans des éditions pas vraiment top (euphémisme) comme les deux très beaux premiers volets de sa trilogie gidai-geki qui captent le vacillement erratique des valeurs du Japon féodal à la fin du bakufu par le prisme du quotidien peu enviable d'un vassal au plus bas de l'échelle hiérarchique. Le joli mais somme toute mineur La Maison au toit rouge s'en tire mieux techniquement, mais n'avait hélas pas non plus bénéficié d'une édition HD alors qu'un BR avec sta, mais bloqué en zone A, avait pourtant été édité par le défunt Twilight Time. Et Yamada n'est guère mieux loti chez nos voisins anglo-saxons... Il faut dire aussi que Yamada ne jouit d'aucune considération auprès de la critique officielle occidentale - et française en particulier. Une anecdote relatée par Claude Leblanc dans l'introduction à son ouvrage en dit long à ce sujet. A la fin de la dernière décennie, il avait voulu promouvoir le cinéaste à l'occasion d'une réception à l'Ambassade du Japon, espérant attirer l'attention des différents acteurs de la diffusion du cinéma nippon de patrimoine sur le "vide" Yamada en France. La sanction était tombée immédiatement - "Yamada c'est pas bon et en plus c'est le cinéma officiel!" :shock: - traduisant à l'évidence une méconnaissance de l'univers du cinéaste. Autant dire que je "prie" pour que cette édition Carlotta connaisse le succès qu'elle mérite et qu'elle puisse enfin déverrouiller l'embargo actuel (même constat pour le Imai d'ailleurs) parce que jusqu'ici, pour découvrir les nombreuses perles de sa filmographie, on était obligés de parcourir les "chemins de traverse".

J'identifie facilement une dizaine de titres que je considère comme remarquables, sans même chercher à y incorporer les meilleurs Tora-san. Mais si tu as été séduit par la sensibilité poétique, humaine et discrètement naturaliste des Mouchoirs jaunes du bonheur, tu devrais te régaler des trois autres grands films de la période phare 1970-1980 (j’avais trouvé Harakara / The Village un peu plus hétérogène mais je ne l’ai pas retenté depuis). Les deux premiers, Kazoku (Une famille) et Kokyô (Home from the Sea) sont sans doute les plus ancrés dans la veine naturaliste - ou plus exactement sociologique - de ce corpus de quatre films qui communiquent de loin en loin. Le traitement visuel assez brut y tord le cou à l’idée reçue selon laquelle le cinéma de Yamada serait par trop académique : ce sont les films plus récents qui parfois témoignent d’un assagissement du style au profit d’une joliesse à l'occasion un peu trop appliquée.

Rien de tel à son âge d’or. Kazoku épouse ainsi volontiers les préceptes de prises de vues d’un certain cinéma documentaire. En témoigne de façon spectaculaire l’escale à Osaka: aux abords de l’Exposition Universelle comme pour la traversée du métro grouillant, Yamada filme à vif en recourant largement à la caméra portée. Il s’agit aussi d’un road movie, traçant le périple d’une famille modeste et aux abois financiers dans la plus longue diagonale de l’archipel depuis Kyûshû jusqu’à Hokkaïdo, où le père de famille (Hisashi Igawa) espère rebondir et, malgré son inexpérience complète dans ce métier, se refaire dans l’exploitation laitière. Comme dans Les Mouchoirs jaunes, ce sont des flashbacks qui nous instruisent sur le passé de la famille et le choix à contrecœur de cette transhumance humaine, synonyme d’abandon douloureux du furusato. Incidemment le film questionne son temps avec beaucoup de pertinence, s’attachant notamment au sort des séniors dans une société en pleine mutation sociale et technologique. C’est d’ailleurs une problématique que Yamada avait déjà abordée dans Nikai no tanin / The Strangers upstairs son sympathique galop d'essai, mais sous l’angle de la comédie. Ici, dans le rôle du patriarche qui renonce à faire supporter le fardeau qu’il représente par son fils cadet établi à Fukuyama, qui s’est déjà lourdement endetté à essayer de suivre le train du confort moderne, pour accompagner jusqu’au bout de l’aventure son aîné, son épouse et leurs enfants, l'immense Chishû Ryû livre à mon sens l’une de ses plus riches et poignantes prestations des années post Ozu.

Le motif est le même dans Kokyô, tourné deux ans plus tard, avec les mêmes acteurs principaux (Hisashi Igawa, Chieko Baishô - cela va de soi - et Chishû Ryû) dans des emplois identiques. C’est aussi un hymne vibrant au furusato. Et plus encore une étude limpide des répercussions douloureuses de son abandon et d’un mode de vie afférent. Le film se ferme précisément là où s'ouvrait son devancier: sur les adieux de la famille à tous les membres de leur communauté de toujours au moment d’embarquer sur le ferry du départ. À ceci près que cette fois le voyage se réduira à quelques brasses, celles qui séparent leur petite île en mer intérieure de Seto du port d’Onomichi où Seiichi (Igawa) va entamer une reconversion dans les chantiers navals. Pour l’avoir revu en ce début de mois, je pense qu’il s’agit de l’un des plus grands films de Yamada, assurément l’un des plus parfaits. Il est dégraissé des péripéties dramatiques que s’autorisaient encore Yamada et son scénariste Akira Miyazaki dans Kazoku pour attiser l’affect via une pulsation dramatique à l'occasion exacerbée. En quelque sorte, Kokyô en est une variation dédramatisée. Mais paradoxalement elle n’en est pas moins émouvante. L’art de Yamada est ici à son comble pour capter au quotidien, tel un entomologue accompli, la nature propre de ces petites gens dont la fierté pour le travail qu'ils accomplissent (ici le transit de pierres sur un vieux rafiot obsolète et à bout de souffle entre les carrières et les différents chantiers de la baie ou de l’île) est sans fard, authentique. Sa mise en scène, dépareillée de toute afféterie et jamais intrusive, sait prendre le pouls compatissant de leur retard dans l'appréhension des tenants et aboutissants de la marche du progrès qui semble les condamner. Sans ostentation ni didactisme, mais bien au contraire avec la modestie, le tact et la netteté qui lui sont coutumiers, il laisse affleurer cet attachement indéfectible à leur activité de toujours - composante essentielle de leur persona autant que gagne-pain - quand bien même elle peut se révéler particulièrement ingrate comme le révélera sur le tard la longue « tournée » d’adieux de Seiichi et Tamiko exposée avec force détails en respect d’une indéniable et impressionnante approche documentaire. Quand au terme de cette journée de navigation un Seiichi résigné questionne son épouse en ces simples termes [« Tamiko, ils disent qu’on ne peut pas lutter contre les "gros"... C’est qui, c’est quoi les "gros" ? Pourquoi toi et moi on ne peut pas lutter ? Pourquoi ils ne nous laissent pas poursuivre notre boulot ?] l’émotion effectue sa mue de l’indicible à l’imparable. Néanmoins Yamada n'est en aucun cas ultra conservateur et Kokyô n'a rien d'un film passéiste. Le cœur de son film balance entre, sinon la sacralisation, du moins la commémoration d'une diversité rurale sur le point de disparaître (à laquelle adhère le citadin Kiyoshi Atsumi dans l'un de ses rôles les plus significatifs chez Yamada en dehors de la série des Tora-san) magnifiée par la photographie spectaculaire du fidèle Tetsuo Takaha et un sens lyrique du cadre qui film après film ne se dément jamais (voilà bien un digne candidat à une édition HD), et un appétit tout aussi évident pour les bienfaits de la modernité que les protagonistes reçoivent avec candeur et gourmandise. C'est aussi ce qui en fait tout le prix.

Également situé à Hokkaïdo, A Distant Cry from Spring / Haruka naru yama no yobigoe clôt cette décade prodigieuse. Lointainement inspiré du Shane de George Stevens, il peut surtout être lu comme une suite officieuse à Kazoku. Par fidélité au dessein de son défunt époux, Tamiko (c'est invariablement le prénom de Chieko Baishô dans les trois films évoqués) gère presque seule son exploitation laitière, aujourd'hui largement modernisée mais menacée par les créanciers de tout poil, tout en élevant son fils unique. Par un soir d'orage, elle en vient à héberger un vagabond (Ken Takakura) au passé trouble. Quelques mois plus tard, au printemps, il reviendra et la soutiendra dans sa lutte pour préserver son exploitation... Comme Les Mouchoirs jaunes du bonheur le film est co-écrit par Yoshitaka Asama, collaborateur attitré de Yamada sur les Tora-san. Le ton plus ouvertement sentimental mais très perméable à l'humour d'observation s'en ressent. C'est une romance, une vraie, mais tout autant, à l'instar des Mouchoirs, un touchant récit d'apprivoisement des sentiments, de reconstruction et de rédemption. Par la pureté et la noblesse des sentiments qu'elles transfigurent, par ce qu'elles chuchotent du sacrifice du projet de toute une vie au nom d'un amour à peine confessé mais pourtant inconditionnel, les séquences finales offrent sans doute dans l'émotion le point culminant de toute l'œuvre de Yamada. C'est peu dire que Chieko Baishô et Ken Takakura y sont l'un et l'autre admirables de transparence et de sincérité. Kurosawa ne s'y était d'ailleurs pas trompé qui incluait le film parmi les 100 qu'il préférait.

Je détaille ces trois-là en particulier parce qu'ils sont sont sans doute ceux qui entretiennent les liens les plus directs avec Les Mouchoirs. Cela étant, Yamada n'avait pas attendu la reconnaissance que lui a offert Tora-san pour signer des films en tout point admirables.

Dès son deuxième film, Le Soleil de Shitamachi / Shitamachi no taiyô (1963) qui marque sa rencontre avec son actrice d'élection Chieko Baishô, merveilleuse chronique déroulant le fil des aspirations nouvelles d'une jeunesse populaire et des jeunes femmes en particulier - il y a une gémellité évidente avec le tout aussi réussi Notre mariage de Shinoda sorti l'année précédente et dans lequel Chieko rayonnait déjà - il est en pleine possession de ses moyens. Et son unique incursion dans le film noir (en tant que réalisateur, puisque c'est un genre qu'il a beaucoup fréquenté comme scénariste depuis Le point zéro jusqu' au Vase de sable de Yoshitarô Nomura en passant par Requiem pour un massacre de Tai Katô, trois réussites exemplaires) Flag in the mist (1965), adapté de Seiichi Matsumoto par le grand Shinobu Hashimoto, est à mon sens non seulement son chef-d'œuvre mais l'un des plus beaux fleurons du genre. Simple exécutant, Yamada y démontre notamment une maîtrise technique insoupçonnée.

Parmi les films plus récents et outre les deux jidai geki susmentionnés (Le Samouraï du crépuscule et La Servante et le samouraï) je retiens en priorité Musuko / My Sons qui plus que son remake moderne de Voyage à Tokyo paie dans ses thèmes comme dans sa structure son tribut à Ozu, cinéaste que pourtant il n'appréciait pas dans sa jeunesse. Un récit générationnel de haute volée, servi par un Rentarô Mikuni au sommet de son art. L'un de mes films préférés des années 90.

Pour résumer, un petit classement (forcément très subjectif et approximatif) par ordre d'appréciation personnelle décroissante:

Essentiels
  • Flag in the mist / Kiri no hata (1965)
  • Home from the sea / Kokyô (1972)
Grands films
  • A Distant cry from spring / Haruka naru yama no yobigoe (1980)
  • My Sons / Musuko (1991)
  • Une famille / Kazoku (1970)
Gros coups de cœur
  • Le Soleil de Shitamachi / Shitamachi no taiyô (1963)
  • La Servante et le samouraï / Kakushi-ken: Oni no tsume (2004)
Très bons voire excellents
  • Les Mouchoirs jaunes du bonheur / Shiawase no kiiroi hankachi (1977)
  • The Shy Deceiver / Fukeba tobuyona otokodaga (1968)
  • Le Samouraï du crépuscule / Tasogare seibei (2002)
  • Final take / Kinema no tenchi (1986)
  • Kabei, our mother / Kâbê (2008)
  • The Great Schemer / Kigeki ippatsu dai hisshô (1969)
  • Le Vagabond nostalgique / Natsukashii fûraibô (1966)
Recommandés
  • Song of Love / Ai no sanka (1967)
  • The Village / Harakara (1975)
  • Amour et honneur / Bushi no ichibun (2006)
  • Downtown Heroes / Dauntaun hîrôzu (1988)
  • La Maison au toit rouge / Chiisai ouchi (2014)
  • The Strangers Upstairs / Nikai no tanin (1961)
  • Tokyo Family / Tôkyô kazoku (2013)
Sans plus
  • L'École / Gakkô (1993)
  • Gambler's Luck / Un ga yokerya (1966)
Déconseillés
  • Nagasaki: Memories of My Son / Haha to kuraseba (2015)
  • Kyoto Story / Kyoto uzumasa monogatari (2010 - coréalisé par Tsutomu Abe)
Et n'hésite pas si l'occasion se présente à aller piocher dans l'inépuisable série des C'est dur d'être un homme. En commençant par le premier bien sûr. La série passe forcément par des hauts et des bas, mais certaines de ses entrées sont tout à fait réjouissantes (les épisodes réunissant Torajirô et son alter ego féminin Lily qu'incarne Ruriko Asaoka par exemple, mais bien d'autres encore).
Dernière modification par Beule le 12 avr. 23, 19:09, modifié 2 fois.
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The Eye Of Doom
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Re: Yōji Yamada (1931 - )

Message par The Eye Of Doom »

Grand merci pour ce long post et ces conseils. En esperant que les meilleurs films que tu cite trouve le chemin d’un support physique sous nos contrees occidentales.
En tout cas, si quelqu’un voit passer quelquechose avec ssta ou sstf, qu’il en phase part. Merci d’avance
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El Dadal
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Re: Yōji Yamada

Message par El Dadal »

Oui, un grand merci à Beule pour ce tour d'horizon.
J'ai très longtemps été frustré du peu qui était disponible de l'œuvre du cinéaste, même en allant au-delà de nos frontières et en mutualisant les éditions avec sous-titres anglais. En gros, j'avais dû me contenter des titres dont il parle en introduction de son message :mrgreen: : Amour & Honneur, La servante et le samouraï et Le samouraï du crépuscule, les trois m'ayant enthousiasmé par leur attention à une certaine poésie du quotidien, assez anti-spectaculaire, avant de bifurquer vers un attendu et repoussé climax techniquement tout aussi bien géré. Une maîtrise complète et un style assez protéiforme, à une époque où le cinéma japonais ne produisait plus beaucoup de jidai-geki pour le cinéma dans la tradition (à part le Zatoïchi de Kitano et les deux remakes de Takashi Miike, je vois surtout des adaptations de mangas type Kenshin, mais je dis peut-être une bêtise, Beule rectifiera). La maison au toit rouge était sympathique sur le moment, mais il ne m'en est malheureusement pas resté grand chose.

Évidemment, la sortie Carlotta est un petit événement en soi, j'espère qu'elle augure d'un futur plus radieux que celui évoqué par Beule avec au moins ses grands titres des années 60, et, rêvons, pourquoi pas les Tora-san édités en vidéo (alors que j'ai la MCJP à proximité, le cycle était déjà bien avancé et je n'ai pas voulu prendre les films en marche, quand bien même chaque volet est indépendant).
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Re: Yōji Yamada

Message par Beule »

El Dadal a écrit : 22 sept. 22, 17:09 Une maîtrise complète et un style assez protéiforme, à une époque où le cinéma japonais ne produisait plus beaucoup de jidai-geki pour le cinéma dans la tradition (à part le Zatoïchi de Kitano et les deux remakes de Takashi Miike, je vois surtout des adaptations de mangas type Kenshin, mais je dis peut-être une bêtise, Beule rectifiera).
Je partage assez ce sentiment mais je le nuancerai un peu. Comme Danse avec les loups avait un (court) temps relancé l'intérêt pour le western aux Etats-Unis au début de la décennie précédente, j’ai l’impression (peut-être fausse) que le succès retentissant, public mais tout autant critique du Samouraï du crépuscule (par-delà même les frontières de l’archipel) a ragaillardi la production de jidai-geki dans les années 2000.

Dans la foulée du (des) Yamada, plusieurs productions ambitieuses ont vu le jour, plus portées sur les conflits intérieurs et l'étude réfléchie du code que sur les chorégraphies martiales. Il y a d'abord les inévitables succédanés, comme Le Samouraï que j'aimais (2005) de Mitsuo Kurotsuchi ou Sword of desperation (2010) de Hideyuki Hirayama, qui s'emparent à leur tour de l'œuvre de Shûhei Fujisawa mais qui, incapables de retrouver la respiration quotidienne si naturelle et discrètement romantico-poétique de la trilogie de Yamada, s'avèrent de beaux objets languides comme pétrifiés dans l'académisme.

Mais il y a aussi de vraies réussites. À commencer par When the last sword is drawn (2003) de Yôjirô Takita (plus tard encensé pour Departures) centré sur l’antagonisme de deux samouraïs fins sabreurs du Shinsengumi (le corps franc kyotoïte loyal au shogun durant le Bakumatsu, maintes fois représenté à l’écran): l’un est l’exécuteur historique Hajime Saitô, garant de la ligne dure, élitiste et ultra-conservatrice de la faction, l’autre une recrue méprisée par Saitô pour son opportunisme et son apparente couardise. La structure narrative est celle, simplifiée, de Rashômon. Trente ans après la fin de l'ère Edo, elle confronte habilement les points de vue rétrospectifs contradictoires de Saitô et d'un médecin qui loue le sens du sacrifice moral et familial du samouraï honni pour éclairer de subtiles nuances un beau portrait humaniste. Autre réussite notable, The Last Ronin (2010) de Shigemichi Sugita qui en scrutant l'âme tourmentée du samouraï à l'aune de la rigidité du bushido offre une ample et digne hérédité aux fameux 47 Rônins de Jirô Osaragi.

Dans un autre genre, en l'occurrence celui du toseinin, il y a effectivement les Zatôichi. Non seulement la version Kitano de 2003 mais aussi celle, calamiteuse malgré un casting de seconds rôles prestigieux, de Junji Sakamoto en 2010 (Zatôichi: The Last). Et peut-être beaucoup d'autres que je n'identifie pas... Comme il est possible que je n'identifie pas un courant du genre préexistant au Samouraï du crépuscule dans la mesure où, sortis 3 ans plus tôt, Après la pluie de Takashi Koizumi (d'après un script de Kurosawa) et le shinobi eiga (film de ninja) Owls' Castle de Shinoda, qui relève aussi du jidai-geki, n'étaient pas nécessairement des exceptions.

J'ai quand même le sentiment que le basculement vers des films souvent adaptés de mangas et plus orientés action (et public jeune), comme les Kenshin ou Blade of the immortal de Miike intervient plutôt après le tarissement de cette veine éphémère du genre, soit plutôt dans les années 2010. Mais d’autres que moi mieux instruits du cinéma japonais "contemporain" seront plus à même de confirmer ou d’infirmer ton intuition.
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