Mes avis sur ses westerns
Le grand Bill (Along Came Jones, 1945) de Stuart Heisler
INTERNATIONAL PICTURES
Sortie USA : 19 juillet 1945
L’année 1945 avait débuté par deux films considérés peut-être un peu rapidement comme faisant partie du genre qui nous préoccupe et qui durent sacrément décevoir les attentes des amateurs. Tout d’abord Universal nous conta
Les Amours de Salomé (
Salomé, where she Danced) ; ce film de Charles Lamont est devenu culte pour certains à cause de son scénario oh combien rocambolesque, ballotant le spectateur du Far-West à Vienne en passant par San Francisco et la Prusse, lui faisant assister à l’attaque d’une jonque chinoise, à un duel à l’épée ou à des danses lascives style mille et une nuits. Malheureusement la mise en scène et l’interprétation ne suivaient pas le mouvement et Miss De Carlo était une bien piètre danseuse, ce qui pour une Salomé ne faisait franchement pas très sérieux. Suite à ce semi-ratage, la compagnie Republic sortit à son tour dans les salles obscures l’un de ses films pour lequel elle dépensa le plus gros budget de son histoire et qui fut un phénoménal succès, le pourtant bien médiocre
La Belle de San Francisco (
The Flame of Barbary Coast) de Joseph Kane avec un John Wayne bien embarrassé au milieu de ce scénario insipide et de ce film sans rythme ; et puis hormis le fait que l’acteur interprète un personnage de cow-Boy, le film n’avait rien non plus d’un western.
Il fallut attendre mi-juillet pour voir débouler sur les écrans ce qui semblait devoir être un véritable western ‘de prestige’ avec tous les ingrédients propre au genre (époque, lieux, costumes, décors, action). Ceux pour qui l’humour et la comédie ont toujours semblé ne pas faire bon ménage avec le western se sont probablement une nouvelle fois mordus les doigts de désappointement. Il y eut bien déjà précédemment l’excellent
Femme ou Démon (
Destry Rides Again) ou le désopilant
Chercheurs d’or (
Go West), ce dernier avec les Marx Brothers, mais, malgré son grand talent pour la comédie, on ne s’attendait pas à ce que Gary Cooper, pour sa première production, apparaisse dans la peau d’un ‘pied-tendre’ couard et nullissime au tir au pistolet ne sachant pas même dégainer correctement ! Le premier scénario d’Alan Le May avait été celui de
Les Tuniques Ecarlates (
North West Mounted Police) de Cecil B. DeMille ; c’est le scénariste qui, au vu des dons comiques de Gary Cooper en dehors de la pure comédie, lui écrira le divertissant Along Came Jones que voici, l’une des parodies de western les plus amusantes qui soit, une des rares incursions réussies de la comédie parodique légère dans le western. Cette réussite, on la doit autant à Nunnally Johnson, déjà auteur entre autres des scénarios de
Jesse James de Henry King ou des
Raisins de la Colère de John Ford, à l’efficacité du réalisateur Stuart Heisler qui venait tout juste de se faire remarquer avec son film noir
La Clé de Verre (
The Glass Key) mettant en scène le couple Alan Ladd/Veronica Lake ainsi qu’à l’interprétation d’ensemble. Car l’histoire en elle-même, certes assez cocasse, ne vient en rien bouleverser l’histoire du western.
Paynesville, petite ville perdue au fin fond de l’Ouest américain et dans laquelle nos deux ‘héros’, les palefreniers Melody Jones (Gary Cooper) et George Fury (William Demarest), viennent d’atterrir par erreur après s’être rendus compte avoir pris la mauvaise direction quelques 800 kilomètres en arrière ! Une forte récompense de 1.000 dollars est offerte pour la capture de Monte Jarrad (Dan Duryea) qui vient d’attaquer une diligence et voler tout son contenu dont la paie de l’armée. La selle de Melody portant ses initiales en grosses lettres bien visibles, les habitants le prennent pour l’inquiétant hors-la-loi. Melody que l’on a toujours considéré comme un moins que rien s’en étonne puis finit par s’en amuser ; le tout est qu’il ne soit pas amené à montrer son inhabileté totale dans le maniement des armes à feu ou encore sa couardise légendaire. Son partenaire, qui n’a pas inventé la poudre, ressemble lui aussi étrangement à la description du complice de Monte Jarrad. Pour la prime, on tente de les abattre mais au moment où nos deux compères qui comprennent qu’être pris pour des ‘héros’ n’est pas sans danger décident de dévoiler la supercherie, Cherry de Longpre (Loretta Young) leur sauve la vie tout en continuant à faire croire à la populace qu’ils sont ceux que l’on soupçonne être ; tout cela pour protéger le véritable Monte qu’elle aime depuis l’enfance mais dont elle commence à se détacher trouvant son caractère avoir trop penché du mauvais côté. Elle lance donc tout le monde sur une fausse piste pour pouvoir soigner son amant blessé. Melody et George se voient donc poursuivis par non moins que cinq groupes : le Posse initié par le shérif, une armada familiale souhaitant venger le meurtre par Monte d’un de leur clan, le détective de la compagnie de diligence qui vient d’être dévalisé, les militaires voulant récupérer leurs salaires et non moins que Monte Jarrad jaloux d’avoir appris que Melody a dormi dans la chambre, voire même dans le lit, de sa petite amie. Autant dire qu’ils sont loin d’être sortis de l’auberge…
On imagine la loufoquerie de la situation et effectivement on s’amuse beaucoup tout comme Gary Cooper qui semble avoir pris un plaisir fou à se ridiculiser par la seule force de sa démarche et de ses mimiques et expressions ; il faut avoir vu ce grand dadais naïf s’essuyer la bouche d’un grand revers de main avant de se jeter sur les lèvres de Loretta Young, se prendre la tête dans les sommets de portes, dégainer son revolver avec une maladresse jubilatoire, commencer à chanter une chanson au 180 couplets au grand désespoir de son compère qui lui, ne brille pas par son intelligence (grand numéro également de William Demarest, l’un des acteurs de prédilection du grand Preston Sturges)… On lui savait un talent de clown de par ses innombrables prestations précédentes y compris dans le western (ceux de DeMille ou
The Westerner de William Wyler) mais on ne s’attendait certes pas à ce genre de personnage drôle et benêt ; la surprise est bougrement plaisante et le couple qu’il forme avec Loretta Young se révèle à la fois pittoresque et convainquant.
Hormis les deux amis 'cow-boys', étonnement, tous les personnages qui gravitent autour sont joués avec un grand sérieux ce qui empêche le film de sombrer dans une trop grande lourdeur et ce qui permet de le suivre sans se lasser. Loretta Young est séduisante, parfois assez touchante (lorsqu’elle se rend compte que son amoureux de jeunesse ne lui plaît plus), possède des yeux superbes (on comprend que Gary Cooper tombe sous le charme dès la première seconde), s’en sort remarquablement bien et il est assez jouissif de la voir se servir d’une carabine ; quant à Dan Duryea, il interprète le premier d’une interminable galerie de Bad Guy menaçant comme s’il s’agissait d’un film très sérieux. Le contraste est assez étonnant et le duel final en devient tendu et plein de suspense alors qu’on aurait pensé le voir se transformer en ultime bouffonnerie.
Alors certes, le rythme est parfois languissant surtout en sa partie centrale, l’histoire ne s’avère pas franchement originale et l'intérêt retombe à quelques reprises, les transparences lors des scènes à cheval sont parmi les plus ratées jamais vues au cinéma (mais finalement elles participent involontairement au climat décontracté du film) mais l’ensemble est fichtrement agréable d’autant que les dialogues ne manquent pas de piquant (le remerciement réciproque après le premier baiser est une idée de génie ; si non, en tout cas elle se révèle hilarante ! ). Et puis comment ne pas trouver sympathique un film qui dans son final fait voir Gary Cooper entonner la chanson ‘
I’m a Poor Lonesome Cow-boy…’ rendue par la suite célèbre par la bande dessinée de Morris ; en y pensant, il y a effectivement un peu de Lucky Luke dans ce western humoristique du très bon réalisateur de série B que va devenir Stuart Heisler. Le sens de la mise en scène de ce dernier est d’ailleurs déjà visible dès la séquence initiale de l’attaque de la diligence très bien rythmée et montée. Il fera preuve à d’autres occasions en cours de film d’une belle efficacité pour les scènes d’actions nocturnes. Gary Cooper, Loretta Young, Nunnally Johnson, Stuart Heisler, un quarté gagnant à défaut d'être mémorable ! Quand les stars du western (après John Wayne et Randolph Scott) s'amusent de l'image stéréotypée qu'on leur donne, le spectateur en redemande.
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Dallas, Ville Frontière (Dallas, 1950) de Stuart Heisler
WARNER
Avec Gary Cooper, Ruth Roman, Steve Cochran, Raymond Massey, Reed Hadley, Barbara Payton, Leif Erickson
Scénario : John Twist
Musique : Max Steiner
Photographie : Ernest Haller
Une production Anthony Veiller pour la Warner
Sortie USA : 30 décembre 1950
Après John Wayne en 1949, c'est à Gary Cooper que revient l'honneur de clôturer cette copieuse année 1950 en matière de western. Si l’année westernienne fut riche qualitativement parlant, ce n’est par contre pas du fait de la Warner qui avait commencé par nous livrer en pâture l’insipide
Montana et qui, après quatre ou cinq autres westerns guère plus réussis, à peine dignes de mauvaises séries B, nous balance en guise de cadeau de fin d'année le médiocre
Dallas que voici. Warner est le studio nous ayant livré les plus mauvais westerns de ces derniers année alors que dans le même temps, la MGM, Universal, la 20th Century Fox et la Paramount continuaient à soigner les leurs afin qu’aussi bien les amateurs d’action que de bonnes intrigues et (ou) de ‘psychologie’ en aient pour leur argent, faisant attention à ce que les scénarios ne soient pas bourrés de clichés jusqu’à la gueule comme dans tous les plus récents produits par la Warner. Etonnant revirement de situation quand on sait que ce studio fut au contraire le plus ‘progressiste’ esthétiquement et surtout thématiquement parlant dès le début des années 30. Mais gageons qu’il ne s’agit que d’une mauvaise passe !
La Guerre Civile vient de se terminer. A Dallas, en l’absence d’un homme de loi, les ranchers sont terrorisés par les frères Marlow, Will (Raymond Massey) et Bryant (Steve Cochran). Le propriétaire Felipe Robles (Antonio Moreno) les prévient qu’il vient de demander à ce qu’un nouveau shérif soit nommé et les informe que ce dernier est en route. Il s’agit de Martin Weatherby (Leif Erickson), un pied tendre venant du Nord, même pas capable de tirer au pistolet. Sur son chemin, il assiste au duel qui oppose Wild Bill Hickock (Reed Hadley) à Blayde Hollister (Gary Cooper) qui se termine par la mort de ce dernier, ancien colonel de l’armée sudiste recherché par la loi. Le futur Marshall se rend vite compte qu’il s’agissait d’une mascarade pour faire passer Hollister pour mort afin que cessent les poursuites lançées à son encontre. Il souhaite surtout que les frères Marlow qui, ne le connaissant pas de vue, le croient décédé pour mieux aller les prendre par surprise ; en effet, nous ne savons pas encore ce qu’ils lui ont fait mais Hollister semble n’avoir qu’une seule idée en tête, se venger d’eux. Pour se faire, ayant entendu dire que le shérif se rendait mettre de l’ordre à Dallas (là où se trouvent précisément ses ‘ennemis), il décide d’échanger son identité avec celle de l’homme de loi. Ce dernier avoue à Hollister qu’il avait accepté ce rôle dans le seul but d’impressionner sa fiancée, la fille de l'éleveur de bétail Felipe Robles, Tonia (Ruth Roman). Autant dire que, contre toute une bande de renégats prêts à tout, les deux hommes vont avoir fort à faire…
Stuart Heisler à la baguette, Gary Copper de l’autre côté de la caméra ; certainement une soirée sympathique en perspective ! Avec en prime le Technicolor, il devrait au moins s’avérer aussi agréable que la précédente collaboration entre les deux hommes, le divertissant
Le Grand Bill (Along Came Jones), une des rares incursions réussies de la comédie parodique légère dans le western. Mais voilà que le générique se lance sur une musique de Max Steiner qui ne rappelle en rien les grandes heures du fameux compositeur de
King Kong,
Autant en emporte le vent ou
Casablanca. Mauvais signe ce manque d’inspiration du musicien, apparemment peu concerné par ce western de série ? Mais ne vendons pas la peau de l’ours…
Dallas débute en effet plutôt bien nous plongeant directement dans le vif du sujet par une séquence d’action de vol de bétail assez bien enlevée. S’ensuit dans la foulée un duel au pistolet entre le célèbre Wild Bill Hicock et Reb Hollister, le personnage d’ancien officier Sudiste recherché pour cause de rébellion, joué par Gary Cooper. Tout ceci s’avère n’être qu’une mascarade destinée à simuler la mort de ce dernier afin qu’il soit tranquille pour régler une vengeance personnelle envers les frères Marlow, responsables du massacre de sa famille durant la Guerre de Sécession, désormais établis à Dallas pour essayer de s’y approprier toutes les terres et régner en maîtres sur la région. Mascarade encore lorsque Reb décide d’échanger son identité avec un Marshall ‘pied tendre’ venu au Texas dans le seul but d’impressionner sa fiancée ! Voici donc Gary Cooper (très à l'aise une fois de plus lorsqu'il s'agit de jouer les 'faux' benêts) en partance pour Dallas, affublé d’un costume de dandy qui le rend assez ridicule, pour y nettoyer la ville de ses mauvais éléments.
Tout démarrait donc pour le mieux, sur une tonalité particulière, l’humour et la cocasserie étant parfaitement intégrés dans une intrigue à priori dramatique. Et puis patatras ! Le scénario de John Twist (pourtant collaborateur sur le superbe script de
La Fille du désert - Colorado Territory de Raoul Walsh), certes toujours aussi rocambolesque, devient inutilement compliquée, harmonisant assez mal l’humour et le sérieux, l’action et les séquences bavardes et statiques. Tout ceci manque alors d’homogénéité et devient mal équilibré. A partir du moment où le sérieux prend le pas sur l’humour (qui se volatilise d'ailleurs sans crier gare), on commence sérieusement à se désintéresser de l’histoire, des personnages et de ce qui peut leur arriver d’autant plus que le pauvre Stuart Heisler n’arrive jamais à faire décoller ni à donner du souffle à sa mise en scène bien terne (tout comme l'interprétation d'ensemble à l'exception de Gary Cooper).
Bref, ça bouge beaucoup, le Technicolor de Ernest Haller met magnifiquement en valeur les beaux costumes confectionnés pour Gary Cooper (le gilet vert à frange lui sied à ravir) et la charmante Ruth Roman ; nous avons même droit à quelques séquences agréables et détails pittoresques (la façon qu’à Steve Cochran de porter sa ceinture de revolvers) mais l’ennui vient s’installer assez rapidement pour ne plus nous quitter avant le final assez efficace se déroulant dans un saloon plongé dans le noir. Western de série assez laborieux réservé aux seuls aficionados du genre et (ou) de Gary Cooper. Dommage car nous trouvions au départ au sein du scénario et des dialogues pas mal d’éléments intéressants à nous mettre sous la dent concernant la situation de l’après Guerre de Sécession. Mais ce n'est pas bien grave car de nombreux films ont déjà abordés cette période historique avec force détails passionnants. Un coup pour rien concernant le dernier western de l'année. Mais 1951 va débuter sous les meilleurs augures !
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Collines brûlantes (The Burning Hills - 1956) de Stuart Heisler
WARNER
Avec Jeffrey Hunter, Natalie Wood, Skip Homeier, Eduard Franz, Earl Holliman, Claude Akins
Scénario : Irving Wallace
Musique : David Buttolph
Photographie : Ted D. McCord (Warnercolor 2.35)
Un film produit par Richard Whorf pour la Warner
Sortie USA : 23 août 1956
Après que le fermier Johnny Jordan se soit fait lâchement assassiner d’une balle dans le dos, son frère Trace (Tab Hunter) se lance sur la trace des meurtriers. Après avoir fait sa propre enquête, il découvre que sur les lieux du crime se trouvaient au moins trois hommes : un boiteux, un fumeur de cigarillo et un dernier portant des éperons mexicains. Son ami Miguel pense savoir de qui il s’agit ; ils se rendent donc sans tarder dans la ville d’Esperanza sur laquelle Joe Sutton (Ray Teal), un gros rancher, règne en maître. Et pour cause, il est de notoriété publique que depuis longtemps, Joe élimine sans scrupules tous les éleveurs et fermiers s’installant proches de ses terres. En arrivant dans cette petite cité sans shérif, Trace tombe sur des chevaux volés à son frère ; il est maintenant certain de l’identité des coupables et se rend directement chez Joe Sutton qui s’avère être le patron des tueurs. Trace le menace d’aller prévenir l’armée s’il ne livre pas ses hommes à la justice. Mais Trace blesse grièvement Joe après que celui-ci ait tenté de le tuer. C’est désormais au tour du jeune homme d’être traqué. En effet, Jack Sutton (Skip Homeier), le fils de Joe, se lance à sa poursuite avec sa bande constituée d’une dizaine d’hommes. Trace compte bien se rendre dans la garnison la plus proche afin d’informer les autorités des agissements malveillants de Sutton. Mais, blessé à l’épaule lors de son ‘évasion’, Trace s’écroule inconscient à l’entrée d’une mine abandonnée. Il est trouvé par la jeune Maria Colton (Natalie Wood) qui élève des moutons dans ce coin perdu avec l’aide de son frère et de son oncle. Son père fut autrefois tué par Joe Sutton ; une raison de plus pour assister Trace dans sa mission pour mettre fin au règne despotique de ce tyran local…
De la part de Stuart Heisler, il y eut tout d’abord dans le domaine du western le divertissant
Le Grand Bill (Along Came Jones) avec Gary Cooper et Loretta Young, une des rares incursions réussies de la comédie parodique légère dans le genre. Puis, toujours avec Gary Cooper, ce fut
Dallas, ville frontière (Dallas) ; à son propos, j’écrivais qu’à partir du moment où le sérieux prenait le pas sur l’humour (qui se volatilisait d'ailleurs sans crier gare), on commençait sérieusement à se désintéresser de l’histoire, des personnages et de ce qui pouvait leur arriver, d’autant plus que le réalisateur n’arrivait jamais à faire décoller ni à donner du souffle à sa mise en scène bien terne. A croire que dans le western, Stuart Heisler ne s’épanouissait que dans l’humour ; ce que cet ‘on ne peut plus sérieux’
Collines brûlantes tendrait à nous confirmer, le film s’avérant cette fois laborieux de bout en bout ! En revanche, le cinéaste avait entre temps signé un film noir très sombre et très réussi,
Storm Warning, qui fustigeait les actes odieux du Ku-Klux-Klan, avec pour têtes d’affiches les très convaincants Ronald Reagan, Ginger Rogers et Doris Day. Les intentions de
The Burning Hills ne sont plus du tout pamphlétaires (ce qui n’est d’ailleurs pas forcément une tare surtout dans le genre qui nous concerne ici), les producteurs ayant surtout souhaités mettre en avant leurs récentes très jeunes recrues (Tab Hunter et Natalie Wood) et les auteurs ayant écrits une banale histoire de vengeance puis de chasse à l’homme avec, à la clé, une romance entre les deux 'héros' positifs de l'intrigue. Rien de bien neuf dans tous ceci si ce n’est l’âge des personnages principaux, plus proches de l’adolescence que de l’âge adulte !
"… le film trouvant son originalité dans l'extrême jeunesse des deux protagonistes" écrivait d’ailleurs Jacques Lourcelles dans son dictionnaire du cinéma ; on aura beau chercher, il n'y a rien d’autre à trouver de ‘non conformiste’ dans ce western. Ce ne serait pas bien grave si par ailleurs le film s’avérait divertissant ; ce qui n’est pas le cas à mon humble avis, m'en étant très vite désintéressé, l'ennui étant apparu très rapidement. Cependant, il faut savoir que ce western compte néanmoins de nombreux admirateurs. En 1956, la Warner misa donc assez gros sur le potentiel financier qui pourrait résulter de films réunissant deux de leurs poulains les plus frais, Tab Hunter et Natalie Wood qu’ils firent non seulement tourner dans le western de Stuart Heisler mais également dans une comédie dramatique de David Butler,
The Girl he Left Behind. Malheureusement pour le studio, aucun des deux films ne fit recette. Il faut dire que si Natalie Wood (alors âgée de 18 ans) avait fait forte impression juste avant dans les célèbres
La Fureur de vivre (Rebel without a Cause) de Nicholas Ray
La Prisonnière du désert (The Searchers), elle en fait ici des tonnes, affublée par-dessus le marché d’un accent mexicain à couper au couteau ; quant à Tab Hunter, s’il s’était révélé assez bon comédien dans l’étrange
Track of the Cat de William Wellman, il manque ici singulièrement de charisme dans un rôle qui aurait nécessité un acteur plus chevronné ou tout du moins plus fougueux. L’une qui en fait trop, l’autre pas assez : résultat, aucune alchimie ne s’opère au sein du couple et au final une romance très peu convaincante et qui ne fait guère d’étincelles. Alors quand Bertrand Tavernier parle de ‘splendide ballade romantique’, je reste un peu perplexe. J’aurais évidemment aimé que ce western retrouve le ton par exemple de
Les Amants de la nuit (They Live by Night) de Nicholas Ray ; j’aurais souhaité ressentir ce flamboyant romantisme annoncé. Mais non, le scénariste, les comédiens et le réalisateur ne font rien pour.
Car on ne peut pas dire que la mise en scène de Stuart Heisler brille par son ingéniosité ou par son souffle ni que le scénario irradie d’originalité ou de finesse. A l’image de l’insupportable musique de David Buttolph qui nous casse les tympans à tout surligner avec ses gros sabots encore plus qu’à l’accoutumée (écoutez par exemple la cacophonie composée pour la scène du combat à poings nus dans la grange qui se termine par un mort ‘au crochet’), le plus gros défaut de
Collines Brûlantes est qu’il manque singulièrement de subtilité : les personnages sont non seulement sans épaisseurs mais également caricaturaux au possible, que ce soient les 'Bad Guys' ou les ‘gentils’ (avec mention toute particulière à la famille mexicaine de Natalie Wood, son frère presque abruti et son oncle fainéant de naissance), alors que le scénario regorge de clichés et d’invraisemblances assez risibles. Le personnage joué par Tab Hunter se transforme en Sherlock Holmes du Far-West dès sa première apparition (en à peine une minute, il devine non seulement qu’il y eut trois hommes présents sur les lieux du crime mais découvre aussi leurs signes particuliers respectifs ; dès son arrivée en ville, il discerne immédiatement les marques trafiquées sur les chevaux…) avant de prendre la défroque de McGyver pour brouiller les pistes afin que ses poursuivants perdent sa trace. Entre temps, il se sera caché une bonne partie du film au sein d’une mine abandonnée en carton-pâte lors de séquences mises en scène par le producteur Richard Whorf guère plus inspiré que son réalisateur. L’intrigue mélangeant aventure (parfois ‘serialesque’ avec entre autre l’évasion totalement improbable de la mine), romance, histoire de vengeance puis de chasse à l’homme inversée (le traqueur devenant traqué) aurait pu donner un honnête divertissement car il partait aussi sur de bonnes bases avec cette entrée en matière assez sèche nous faisant assister à un meurtre de sang froid ; mais le scénario d’Irving Wallace manque totalement d’originalité ; c’était déjà le cas de son travail sur
Gun Fury (Bataille sans merci) mais le métier de Raoul Walsh arrivait dans les grandes largeurs à transformer le plomb en ‘or’. Stuart Heisler est malheureusement loin de posséder son talent.
Lui et son monteur ne semblent en effet pas avoir vraiment été enthousiastes, témoins les scènes d’action s’éternisant olus qu'elles ne devraient au point d'avoir hâte qu'elles se terminent ; c’est le cas notamment et surtout des quelques bagarres à poings nus parsemant le film dont la dernière (en surplomb d'une rivière tortueuse et fougueuse) ressemble beaucoup à la scène finale de
The Naked Spur (L’âppat) d’Anthony Mann mais sans jamais lui arriver à la cheville. C’est aussi le cas de la bataille contre les indiens qui s’avère calamiteuse, les cascadeurs n’étant pas non plus au plus fort de leur forme. Alors que sauver de ce western manquant singulièrement de souffle, de vie, de relief et de tension ? Quelques beaux paysages ainsi que les 'Bad Guys', qui, quoique aussi caricaturaux et peu consistants que les héros, sont interprétés par des comédiens qui semblent avoir pris un plaisir fou à être aussi méchants que possible : outre Earl Holliman, c’est surtout Skip Homeier (rappelez-vous, celui qui tue Johnny Ringo dans le superbe
La Cible humaine de Henry King) qui vole la vedette à ses partenaires dans le rôle du fils du despote, dangereux psychopathe qui n’hésite pas à tuer de sang froid, de tirer dans le dos de quiconque ne lui convient pas, y compris ses propres hommes : c’est l’assez bon Claude Rains qui en fera d'ailleurs les frais. Quant à Eduard Franz, on lui a attribué un rôle assez intéressant, celui d’un éclaireur indien dont on ne connaitra les motivations qu’en fin de film ; il est malheureusement aussi moyennement écrit que les autres personnages. Un bon potentiel de départ mais un western qui ne tient pas ses promesses : fade et sans la délicatesse ni le lyrisme tant attendus au vu de l’histoire.