Un film que je connais par coeur mais qui m'a encore scotché hier soir en le prenant en cours de route. Bien sûr, à force, certains disons... "détails" fonctionnent moins bien qu'à sa découverte (oui, je l'avoue sans honte : la première fois, je devais avoir 14-15 ans, j'ai marché à donf ) mais la mise en scène au cordeau et l'affrontement royal et de générations entre Laurence Olivier et Michael Caine est de ceux qui marquent à vie le spectateur. Deux acteurs racés nés pour leur rôle : l'un incarnant le théâtre britannique classique à presque lui tout seul et l'autre le comédien le plus hip du moment apparu dans les swingantes 60's. Impossible de ne pas imaginer combien ce dut être excitant - et terrifiant - pour Caine de donner la réplique à Sir Laurence, tout comme d'endosser la personnalité de Milo Tindle, lui-même venant d'un milieu très modeste et ayant - comme Tindolini - fait changer son nom (il est né Maurice Mickelwhite).
Ajoutez à cela le raffinement diaboliquement guilleret et moqueur (clavecin oblige) de la musique de John Addison qui avait déjà signé avec talent celle de Guêpier pour trois abeilles et le superbe de travail de décoration d'intérieur et de recherche d'accessoires pour créer l'ambiance du manoir égo-excentrique du vieux (et enfantin à la fois) fada de jeux en tous genres. L'entrée en matière dans le labyrinthe végétal (avec le mulot Tindle prêt à se retrouver face au matou Wyke) n'est que la première merveille de ce film d'exception. Film qu'il faut absolument déguster en VO non seulement pour le contraste de dictions entre les protagonistes mais aussi parce que la VF est immonde (la voix française de Wyke ne fait que décupler le cabotinage d'Olivier).
Un petit mot quand même sur la pièce originelle d'Anthony Shaffer* qui fut, dès sa création au St. Martin's Theatre de Londres le 12 février 1970, un immense succès.
Je croyais connaitre pas mal de détails sur Le limier et sa géniale pièce (que Mankiewicz respectera presque à la virgule**) mais ce n'est que maintenant que je découvre ceci : après qu'elle eut fait un tabac à Broadway pendant deux ans avec sa distribution britannique (Anthony Quayle en Wyke et Keith Baxter en Tindle)...
...Quayle fut remplacé en 1972 par... Patrick Macnee !
Macnee qui apparemment repris ce rôle en 1987 mais là, le teaser fait un peu peur, comme si cette reprise préfigurait la cata du remake de 2007 par Brannagh...
- Spoiler (cliquez pour afficher)
(**) La seule modification notable porte sur l'échange acerbe du début lorsque Wyke titille son rival sur ses origines. Dans la pièce, Milo ajoute qu'il a une ascendance juive du côté de son père italien. Mankiewicz a sans doute estimé que ce n'était pas nécessaire pour décrire le mépris et la suffisance naturels de Wyke envers tout ce qui diffère de son appartenance à ce qu'il estime être une classe supérieure britannique vis-à-vis du reste du monde. Dans le film, quand Wyke insinue : "Juif ?", Tindle rétorque : "Non, catholique, et très pratiquant."