Victor Saville (1895-1979)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Cathy
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Victor Saville (1895-1979)

Message par Cathy »

Ce réalisateur n'avait pas encore son propre topic, pourtant il a signé plusieurs films marquants en tant que réalisateur et produit plusieurs œuvres majeures du cinéma hollywoodien comme Goodbye Mr Chips, A woman's face ou Dr Jekyll et Mr Hyde de Cukor. Après la découverte marquante d'Au pays du Dauphin vert dont je reposte ici l'article de mon blog, je viens de découvrir le fameux Calice d'Argent, film encore plus marquant que ce Green Dolphin Street.

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Le pays du dauphin vert, Green Dolphin Street (1947)

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Ce film tourné en 1947 par Victor Saville est l'adaptation d'un roman d'Elisabeth Goudge, un roman fleuve qui se passe dans la petite île de Saint-Pierre surmontée par son monastère type Mont Saint-Michel, accessible à l'ile qu'à marée basse, et en Nouvelle-Zélande, dans les terres maoris et à Wellington.

A Saint-Pierre, Mme Patourel vit heureuse avec son époux et leurs deux filles Marianne et Marguerite, la première est plutôt garçon manqué entreprenante, la seconde plus discrète et réservée. Un jour le Dr Edmond Ozanne et son fils William reviennent sur l'Ile. Le médecin a été follement épris de Mme Patourel dans leur jeunesse. Les deux soeurs Patourel tombent toutes les deux amoureuses du fils. William qui est amoureux de Marguerite s'engage dans la marine et après une agression est porté déserteur en Chine non sans avoir envoyé un collier en guise de gage d'amour à la jeune fille. Il est contraint de fuir et s'expatrie en Nouvelle Zélande où il retrouve un compatriote Timothy Haslam qui a lui-même quitté Saint-Pierre après avoir tué un homme en état de légitime défense. Les deux hommes deviennent amis et s'associent dans une entreprise d'exploitation de bois. Suite à une méprise liée à son ivresse, il demande la main de Marianne. Celle-ci qui a toujours pensé que William l'aimait et folle amoureuse de lui part en Nouvelle-Zélande. William comprend alors sa méprise mais ne veut pas faire de peine à la jeune femme, il l'épouse donc. La jeune femme toujours au fort caractère se met à diriger l'exploitation. Elle s'aperçoit que son mari ne l'aime pas. Elle tombe enceinte et une nuit de tremblement terre accouche avec l'aide de Timothy d'une petite Véronica.

Les années passent, à Saint-Pierre, Marguerite ne peut oublier son amour, ses parents meurent le même soir, la mère de maladie, le père de chagrin, elle trouve alors réconfort auprès de la communauté religieuse. Pendant ce temps-là, la guerre avec les maoris fait rage en Nouvelle-Zélande, Marianne refuse de quitter sa maison et est faite prisonnière avec son mari et leur fille lors d'une attaque de leurs maoris, mais Timothy qui a toujours été bon avec ses "esclaves" parvient à les faire partir. Ils rejoignent alors Wellington, Marianne qui décide encore de tout, souhaite partir dans le sud de la Nouvelle-Zélande pour élever des moutons. Timothy ne le suit pas mais avoue à Marianne son amour. Elle lui confie qu'elle l'aime aussi, mais qu'elle restera fidèle à son mari.

Là le couple fait fortune, Marianne réussit à faire transformer l'accusation de désertion en absence et la famille peut rentrer à Saint-Pierre juste pour la prononciation des vœux de sa sœur. Lors de l'emménagement, Marianne découvre le collier et la lettre qui témoignait de l'amour de William pour sa sœur. Elle comprend alors que toute leur histoire est basée sur un mensonge, et qu'elle a brisé la vie de sa sœur. Elle voit Marguerite qui naturellement déclare avoir finalement trouvé sa voie en Dieu et qu'elle n'en veut absolument pas à sa sœur, et qu'elle n'aime plus William. Celui-ci retrouve Marianne et lui explique qu'il s'est mis à l'aimer et que maintenant ils vont pouvoir vivre normalement leur amour.

Nous sommes comme on peut le constater dans le bon gros mélo, les aventures avec l'héroïne forte femme qui doit faire face à un destin amoureux contrarié dans un univers hostile, un pays "exotique". Le film est une de ces grosses productions Warner avec décors somptueux, tout en étant relativement intimiste à Saint-Pierre, l'intrigue se déroulant essentiellement entre les Patourel et les Ozanne. Ce n'est que lors de la vie en Nouvelle Zélande que nous aurons droit au grand tremblement de terre, où comme par hasard seule la maison de Timothy résiste, malgré le cataclysme qui s'abat sur les alentours, il y a aussi l'espèce de raz-de-marée sur la rivière suite du séisme. Il y a aussi la guerre Maori qui finalement est peu exploitée cinématographiquement parlant, il y a bien sûr l'attaque de la demeure des Ozanne et le "Kamate" des guerriers, mais le tout est très court. Le film repose plus sur les sentiments qu'éprouvent tour à tout chacun des protagonistes. Marianne, Marguerite, William et Timothée, il y a aussi la relation entre les parents des deux jeunes filles qui finira pas trouver son écho dans la relation entre Marianne et William, le mariage arrangé ou de raison qui devient avec le temps mariage d'amour.

Il y a de superbes gros plans de Lana Turner qui est ici parfaite dans son rôle de jeune fille de bonne famille entreprenante, Donna Reed qui ressemble beaucoup à Lana Turner est donc très crédible en jeune sœur douce et effacée, Richard Hart offre le physique parfait au mari veule et faible qu'est William mais devient au fur et à mesure amoureux de sa femme. Cela se voit particulièrement dans la scène où il lui brosse tendrement les cheveux, tout comme Van Heflin est une fois encore impressionnant en amoureux transi. Même si le film n'est pas un chef d'œuvre, il est l'exemple parfait de ces superbes productions américaines signées par la MGM, sans doute un réalisateur plus renommé que Victor Saville en aurait tiré quelque chose de plus grandiose, mais il y a tout de même de superbes plans, notamment tous ceux du Monastère ou encore de Lana Turner sublimée par la caméra. Une jolie découverte, même si le film ne sera pas mon film du mois.


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Le Calice d'argent, The Silver Chalice (1954)

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Considéré comme un mauvais film, le calice d'argent est aussi le premier film de Paul Newman. Nous sommes dans un sujet biblique au sens large. Après la mort du christ, un de ses disciples décide de faire fabriquer un calice en argent pour entourer la coupe dans laquelle le Christ a bu lors de la cène. Il engage donc un jeune sculpteur d'origine grecque pour créer cette coupe. On s'attend comme dans tout ce genre de films à une débauche de figurants, à un exotisme délirant... Mais ici rien de tout cela, nous avons une œuvre esthétisante au possible jouant à fond la carte de la théâtralité avec des décors factices et impressionnants par leur apparence.

Le film n'est pas nimbé par le soleil, mais nous sommes dans un orient aux couleurs beiges, blanches brunes où seules quelques taches de couleur rouge ou bleu surgissent l'espace d'un plan. Il y a un amour des figures géométriques dans ce film où tout semble bien carré. La présentation initiale de Deborah ressemble à un tableau renaissance avec cette jeune femme hiératique dans l'encadrement d'une fenêtre. Les décors sont très dépouillés, quelques statues. On est impressionné par cet esthétisme particulièrement moderne. La fuite de Deborah et Basil dans une forêt de faux toits de casbah ou cette scène incroyable où Virginia Mayo prend son bain sur une terrasse devant des tours toute aussi factice. Il y a aussi ce palais de Néron et cette salle incroyable sorte de Colisée aux multiples statues et les rangées de canapés circulaires. Nous avons un décalage notamment dans la grande scène du festin avec cette musique totalement contemporaine qui ne cherche pas à imiter les musiques d'accompagnement des danseuses orientales. Il y a dans tout le film une démesure du traitement qui compense la relative minceur de l'intrigue.

Il y a plusieurs intrigues qui se croisent dans le film, l'amour entre Helena l'esclave devenue prostituée de luxe et Basil. On se demande d'ailleurs comment Natalie Wood si fraiche peut devenir Virginia Mayo dont le maquillage accentue l'âge et la vulgarité certes voulue mais quelque peu dérangeante. Evidemment il y a aussi l'amour que Deborah convertie au christianisme va porter à Basil, amour qui sera partagé quand naturellement le héros se convertira aussi. Il y a naturellement la constitution du calice avec ces portraits sculptés, et surtout l'opposition entre Simon le magicien qui se présente comme le chantre de l'opposition au christianisme. Naturellement il y a un côté manichéen avec la fin de cet homme qui mourra d'avoir voulu se prendre pour un dieu, et il y a aussi la fin avec la diatribe de Pierre qui annonce la rédécouverte du graal quand les hommes voleront, quand il y aura eu des guerres... Jack Palance est particulièrement impressionnant dans son rôle. Il y a aussi cette intrigue quelque peu oubliée au cours du film sur l'adoption de Basil et sa quête du témoin capital qu'il retrouvera certes, mais dont on sait ce qu'il adviendra.

Alors oui l'argument est minime et sans doute déconcertant pour les amateurs de péplum, mais le film dépasse le genre et mérite d'être réévalué, car justement il présente un traitement plus que différent de ce style et l'extrême stylisation de ce qui pourrait être finalement une pièce de théâtre vaut le détour car Victor Saville fait du grandiose avec peu de choses, le banquet aux mets tous dorés et exotiques, cette tour magistrale devant servir au vol de Simon, etc. A défaut d'être un grand film, nous sommes devant un superbe film.
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Re: Victor Saville (1895-1977)

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Kim (1950) - Victor Saville

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Kim, jeune orphelin fils d'un officier anglais se fait régulièrement passer pour un jeune indien et aide les anglais en espionnant pour eux. Parallèlement, il se lie d'amitié avec un lama qui cherche une rivière sacrée.

Basé sur le roman éponyme de Rudyard Kipling, Kim est un de ses nombreux films vantant l'impérialisme anglais et le colonialisme aux Indes. Ce film met surtout en avant les aventures du jeune Kim joué par Dean Stockwell totalement crédible à la fois en sahib et petit mendiant indien. Errol Flynn n'a ici qu'un rôle secondaire, d'ailleurs l'affiche est assez mensongère, car elle met naturellement en avant la vedette et semble montrer une idylle amoureuse, alors que les jeunes femmes n'ont que des rôles totalement secondaires dans ce film. Paul Lukas complète le cast avec son rôle de Lama attachant. On ne peut s'empêcher de trouver l'intrigue de Kipling très manichéenne avec ses bons anglais et ses méchants russes et méchants locaux aux têtes de traitres évidentes ! Malgré quelques scènes tournées aux Indes, certaines transparences paraissent grossières. On passe toutefois un agréable moment à suivre les aventures de ce petit garçon héroïque.
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Re: Victor Saville (1895-1977)

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Profondo Rosso a écrit :Le Pays du Dauphin Vert de Victor Saville (1947)

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1840. St-Pierre, île anglo-normande. William Ozanne fait battre le cœur de deux jeunes filles: Marguerite et Marianne, deux sœurs. Quant à ses propres sentiments, ils le porteraient plutôt vers Marguerite, mais Marianne n'a pas dit son dernier mot...

Une grande et belle épopée romanesque que voilà, adapté du roman éponyme de Elizabeth Goudge paru avec succès trois ans plus tôt et qui assoira l'aura de Lana Turner après le récent succès du Facteur sonne toujours deux fois (1946). Le récit nous plonge au sein d'un triangle amoureux dont le dilemme va nous emmener très loin. Marguerite (Donna Reed) et Marianne (Lana Turner) sont deux sœurs qui vont tomber amoureuse du même homme, leur jeune et séduisant nouveau voisin, William Ozanne (Richard Hart). Bien des années plus tôt, la mère (Gladys Cooper) des deux sœurs tomba amoureuse du père de William (Frank Morgan) et ne renonça à lui que contrainte par sa famille. Si les anciens amants se retrouvent plus sages et apaisés le temps d'une jolie scène, leurs descendants vont rejouer le drame dans des proportions dramatiques insoupçonnées. Ambitieuse et déterminée, Marianne est sans doute l'épouse qui convient le plus à William dont le caractère paisible est bien plus attiré par celle qui lui ressemble le plus, Marguerite.

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La première partie nous promène donc entre les regards énamourés partagés par William et Marguerite tandis que la relation se fait plus heurtée mais constructive avec Marianne qui éveil l'intérêt de William pour la mer, l'aide à mener carrière et entrer dans la Royal Navy. On est partagé tout comme le personnage masculin tant l'appel du cœur (Marguerite) se dispute à celui de la reconnaissance (Marianne), d'autant qu'aucune des deux sœurs n'est présentée sous un jour meilleur que l'autre même si la poigne et l'ambition de Lana Turner peut créer l'ambiguïté (le petit regard satisfait après qu'elle ait motivée William de remonter à bord alors qu'il vient de perdre son père). Cette trame intimiste se joue dans un cadre majestueux où entre décors naturels spectaculaires et effets visuels fascinants (ce monastère surplombant la plage sur une colline fabuleux) le contraste est constant.

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Un rebondissement rocambolesque va résoudre cruellement la situation. Exilé en Nouvelle Zélande suite à des déboires divers, William envoie une écrit à Marguerite de le rejoindre, mais troublé écrit le prénom de Marianne qui arrive pleine d'espoir sans être attendue ni aimée. Contraint par la situation et l'insistance de son ami Timothy Haslam (Van Heflin) amoureux secrètement de Marianne, William va donc se marier sans amour tandis que Marguerite dépérit à l'autre bout du monde pensant avoir été rejetée. L'histoire entame alors parallèlement une longue quête sentimentale et spirituelle où l'éconduite devra trouver sa voie et les époux non désirés apprendre à se connaître.

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A nouveau les questionnements introspectifs ne se résoudront que dans le bruit et la fureur, dans des espaces à perte de vue. Les dangers naturels et politiques du nouveau monde qu'ils ont investis vont peu à peu souder les liens entre William et Marianne le temps d'une apocalyptique séquence de tremblements de terre (effets spéciaux stupéfiants qui vaudront des nominations aux Oscars pour le film) et une révolte maori filmée comme un terrible cauchemar par un Victor Saville inspiré. Pour Marguerite la solitude (poignante et fulgurante scène de deuil) l'amènera à rechercher à chercher un salut supérieur (qui résout bien toute tentation future mais la dimension religieuse imprègne souvent les livres Elizabeth Goudge semble-t-il) que Saville capture là aussi avec grâce et une imagerie flamboyante.

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Tout cela ne serait rien sans un trio d'acteur inspiré. Lana Turner (remplaçant Katharine Hepburn initialement prévu) annonçait déjà sa magnifique prestation dans Le Retour l'année suivante. On croit au départ avoir affaire à la Lana vénéneuse et séductrice au départ, teinte en brune et amaigrie son jeu toute préciosité et excès dans ce rôle de femme rejetée dont la détresse émeut de manière grandissante dans des scènes où elle étincelle : son arrivée pleine d'espoir en Nouvelle Zélande, la terrible découverte finale ou encore l'ultime regard de l'amour franc et partagé qui conclut le film. Elle allie l'autorité de ses rôles de vamp avec une fragilité juste et touchante. Richard Hart est lui aussi très convaincant en être faible, porté par les évènements et qui ne se trouvera que par des éléments extérieurs plus forts que lui, que ce soit le destin capricieux ou LA femme sachant le guider malgré lui.

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Si on ne sera pas forcément captivé par le destin de Marguerite malgré la présence fragile de Donna Reed, l'autre triangle amoureux qui se dessine avec Van Heflin est quant à lui magnifique. Amoureux en retrait, compréhensif et résigné, l'acteur est comme toujours épatant de justesse et offre un des plus beaux moments du film lors de ses adieux avec Lana Turner (leurs alchimie se confirmant l'année suivante dans Les Trois Mousquetaires de George Sidney). Du spectaculaire, de l'émotion, des grands acteurs, tout ce que le cinéma hollywoodien sait si bien être tient ses promesses dans ce beau film. 5/6

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Profondo Rosso a écrit :Le Calice d'argent de Victor Saville (1954)

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Quelques années après la mort du Christ, à Antioche. Le jeune Basil (Paul Newman) est adopté par un couple de riches marchands romains. A la mort de son tuteur, le frère de celui-ci s'empare de Basil et le vend comme esclave, mais sa liberté est rachetée par l'apotre Luc, qui lui demande d'exécuter un reliquaire destiné à recevoir le Calice du Christ. Basil, désormais réputé pour ses talents de sculpteur, épouse Deborra, une jeune chrétienne, mais ne cesse d'aimer son amie d'enfance, Helena...


Un péplum biblique dans la veine de "La Tunique" de Henry Koster passé à la postérité essentiellement pour avoir été le premier rôle au cinéma de Paul Newman. Le postulat rappelle également "La Tunique" avec une nouvelle fois comme objet de toute les convoitise une relique du Christ, ici le calice où il bu son dernier verre de vin lors de la Cène.

Le film se démarque pourtant du tout venant du péplum biblique grâce à des choix visuels atypique et un scénario qui prend souvent des détour étonnant. A ce niveau sous le côté pieux, il y a en filigrane un vrai questionnement et une remise en cause de l'impact du passage du Christ sur le peuple israélien. On a ainsi une armée secrète désappointé par la mollesse des chrétiens et des juifs qui va formenter un complot en faisant appel à un magicien joué par Jack Palance devant se faire passer pour le nouveau messie et les inciter à une attitude plus vindicative envers l'envahisseur romain. Jack Palance, totalement habité et mélgalomane est fabuleux, son personnage ayant en plus un compte à régler avec les chrétien qui ont refusés de lui apprendre le secret de leurs miracle. Les séquences où il rallie la foule à sa cause avec ses tours est au moins aussi provocatrice que des moments similaires des années plus tard dans "La Vie de Brian", l'humour en moins avec le même message fustigeant la crédulité des faibles prêts à suivre le premier faux prophète venu.


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Dans un premier temps, la réalisation de Victor Saville décontenance pas mal et on croit avoir encore affaire au syndrome Henry Koster avec un réal ne sachant que faire du cinémascope. Mais devant la cohérence de certains choix, la répétition de certaines figures et la progression du film on comprend que le tout n'a rien d'anodin. Les cadrages, le placement des personnages, les décors et arrières plan volontairement factices évoquent sans cesse une scène de théâtre. Toute la première moitié du film plus intimiste fonctionne ainsi, concentrant l'attention sur les personnages et leurs questionnements en les entourant de décors monumentaux mais volontairement artificiels et toc, ce qui est assez étonnant dans le péplum américain aimant en mettre plein la vue. Pamis le moments les plus marquants dans le style, Jack Palance déclamant dans un simili scène de théâtre ouencore la fuite de Newman et Angeli incrusté dans une maquette qui ne cherche même pas à se masquer en tant que tel. Malgré le côté faux, Saville offre quelques plan de toutes beautés mettant en valeur son parti pris et la dernière partie à Rome plus ouvertement spectaculaire montre qu'il sait y faire en imagerie grandiose et friquée, même si le côté théatral demeure.

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Le côté biblique est également très subtilement traité. Le personnage de Paul Newman ne cède vraiement (et encore) à la foi qu'à la toute fin et en suivant une évolution logique. Cela se caractérise par son hésitation entre son amour d'enfance Virginia Mayo la bonde(représentant la luxure, la richesse et la décadence) et Pier Angeli la brune symbole de sagesse et de vertu chrétienn. Avec cette dernière une nouvelle fois le cliché du personnage pieux exalté est évité (tout comme tout les personnages chrétien du film sobre) avec une émouvante prestation de Pier Angeli. Belle idée aussi de rendre Newman, sculpteur émérite, incapable de dessiner le visage de Jesus sur le calice tant qu'il n'a pas accédé à la foi, même sans le côté religieux cela semble un aboutissement dans le cheminement du personnage. Loin des performance actor's studio à venir, Newman est parfait de sobriété et déjà très convaincant, Victor Saville disant de lui après le tournage "this young man is destined for great things".


La conclusion avec le destin tragique de Jack Palance (clairement le personnage le plus intéressant) s'étant pris pour un demi dieu est marquante et spectaculaire, tout comme la fin ouverte voyant le calice perdu et prêt à alimenter une autre légende celle du Graal. Pas parfait (quelques longueurs, scène de combats laborieuses) mais qui réussit tout de même à tirer son épingle du jeu parmis les innombrables pelums religieux de l'époque. 4,5/6

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Profondo Rosso
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Re: Victor Saville (1895-1979)

Message par Profondo Rosso »

Guet-apens (1949)

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Pendant la Guerre froide à Londres, Melinda Greyton, une jeune Américaine, épouse Michael Curragh, un major de l'armée britannique, qui se révèle en fait être un espion travaillant pour les Soviétiques.

Conspirator est un film d'espionnage qui offre une sorte de variation du Soupçon d'Alfred Hitchcock avec son climat de paranoïa conjugale. On pourrait même penser à Rebecca lorsque cette tension conjugale s'orne d'une esthétique expressionniste à travers la mise en scène de Victor Saville. C'est l'innocence lumineuse de Melinda (Elizabeth Taylor) qui va se confronter à l'ambiguïté ténébreuse du major Curragh (Robert Taylor) et l'atmosphère du film oscille constamment entre les deux. La fébrilité des premiers émois amoureux s'expriment dans les séquences montrant Melinda émerveillée par l'apparition de Curragh lors de son bal de débutante puis quand elle est dans l'attente des retrouvailles, d'un appel de sa part. Curragh voit cette romance à la fois comme un bienfait et un risque à ses activités d'espion à la solde des soviétiques, et Robert Taylor passe de l'amant soucieux à l'espion glacial avec une saisissante ambiguïté qui rappelle son rôle dans Lame de fond de Vincente Minnelli. L'attrait et le danger qu'il représente repose sur cet aspect et Victor Saville transforme littéralement l'ambiance du récit selon l'humeur et l'objectif de Curragh. On passe de délicieuse séquences amoureuses pastorales à des traversées d'un Londres inquiétants que traverse incognito Curragh, et le travail de Freddie Young à la photo et Alfred Junge aux décors apporte une stylisation qui exacerbe ce ressenti.

On pourrait initialement trouver la prestation d'Elizabeth Taylor (âgée de 16 ans face à Robert Taylor en fin de trentaine ce qui fit controverse) trop candide et naïve mais cela accompagne justement cette volonté d'exprimer cette dualité par les extrêmes. Lorsqu'elle va démasquer la duplicité de son époux, son interprétation gagne superbement en maturité, cette traitrise la faisant basculer dans l'âge adulte. A l'inverse la détermination froide de Curragh vacille, la lumière de Melinda brouille son monde de faux-semblants quant à l'inverse les ténèbres troublent la candeur de cette dernière. La tension fonctionne particulièrement bien dans les non-dits, les confrontations sourdes qui rendent le foyer irrespirable. Les sentiments contradictoires du couple culminent ainsi en rendant menaçante une campagne jusque-là bienveillante à travers une scène de chasse au petit matin particulièrement oppressante. C'est donc plutôt réussi et prenant dans l'ensemble, sans égaler les références hitchcockiennes évoquées plus haut (avec une scène lorgnant explicitement sur le "verre de lait" de Soupçons). 4,5/6
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Jeremy Fox
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Re: Victor Saville (1895-1979)

Message par Jeremy Fox »

Intéressant :)

Et puisque le topic est remonté, ma plus belle découverte naphta du mois est justement un film de ce réalisateur

Music Man a écrit : 4 janv. 09, 15:35
CETTE NUIT ET TOUJOURS (TONIGHT AND EVERY NIGHT) de Victor Saville – USA-COLUMBIA -1945
Avec Rita HAYWORTH, Lee BOWMAN, Janet BLAIR, Marc PLATT

En 1940, à Londres, pendant le blitz, un seul music hall a tenu la gageure de rester portes ouvertes absolument tous les soirs, en dépit des incessants bombardements.
Ces faits réels ont inspiré une comédie musicale un peu mélo, pas du tout désagréable.
I
Spoiler (cliquez pour afficher)
ci, la belle Rita Hayworth tient le rôle d’une danseuse du fameux music hall. Amoureuse d’un soldat (on se demande vraiment ce que son personnage peut trouver au fade Lee Bowman), elle refuse pourtant de passer la nuit avec (il lui a pourtant fait entendre son disque « you excite me » pour lui faire passer le message). Ce dernier, vexé, lui fait valoir que c’est la guerre et que nul ne sait s’ils seront encore en vie demain (comme cet argument a du servir… ). Mais manque de chance, au moment où elle accepte de le suivre chez lui, sa maison a été bombardée. Finalement, ils passeront la nuit sur les quais.
A la fin du film, alors qu’on pourrait s’attendre à ce que le beau soldat perde la vie en mission secrète, c’est la meilleure copine de la danseuse qui trouve la mort dans un bombardement.

L’intrigue se laisse donc suivre sans déplaisir et plusieurs numéros musicaux en technicolor viennent apporter un peu de magie : Rita Hayworth est splendide quand elle danse la samba et ondule de manière fort suggestive en chantant, doublée « you excite me » (sous-titrée chastement en français « tu me plais » ); C’était vraiment une fabuleuse danseuse et certainement l’actrice la plus sexy des années 40. Elle dégage vraiment un fort potentiel érotique. Moulée dans un pyjama hyper serré dans son duo avec la mignonne Janet Blair (sorte de sosie de Joan Leslie), la splendide Rita pourrait gagner haut la main tous les concours de beauté.
Les séquences musicales se veulent originales (décors recherchés, efforts de mise en scène : Victor Saville a mis en scène en Angleterre de fameux musical pour Jessie Matthews …) mais ne sont pas toujours très abouties. Le danseur Marc Platt fournit une performance artistique extraordinaire et on regrette que ses immenses talents de danseur n’aient pas été plus exploités ici et ailleurs : il est fantastique dans la scène de l’audition (la bizarre séquence où il danse sur un discours d’Hitler m’a un peu dérangé).
Mis à part la chanson titre et la jolie mélodie chantée par Janet Blair (qui rappelle beaucoup la belle vie de Sacha Distel), les airs ne sont pas vraiment mémorables ;
Mais globalement c’est un film agréable avec une Rita au top de la séduction.
Je serais encore plus enthousiaste que toi surtout que je n'en attendais pas grand chose au départ. Rita Hayworth n'a jamais été meilleure dans le genre, les costumes, les décors et le Technicolor sont magnifiques, superbes chorégraphies de Jack Cole, très bonnes mélodies de Jule Styne, excellente mise en scène de Victor Saville avec ses magnifiques gros plans et ses beaux mouvements de caméra qui prouvait à cette occasion qu'il pouvait presque rivaliser avec les meilleurs dans ce domaine... et puis un scénario qui met en scène autant de personnages attachants ne peut aboutir qu'à un film qui l'est aussi. Etonnante performance de danseur de Marc Platt (qui réussit l'exploit de danser sur un discours de Hitler sans que jamais le numéro ne soit ridicule :o ), très touchants Lee Bowman et Janet Blair que je ne connaissais pas non plus. Bref, hautement recommandable pour les amateurs du genre et c'est sur le Replay de TCM dans une superbe copie.


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Robert Brisseau
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Re: Victor Saville (1895-1979)

Message par Robert Brisseau »

J'ai acheté (en en connaissant les limites techniques) ceci
https://www.blu-ray.com/movies/Rita-Hay ... ay/275445/

Je ne savais pas par quel film commencer. Problème résolu merci Jeremy :D
Jeremy Fox a écrit : 29 juin 21, 07:44très bonnes mélodies de Sammy Cahn
Jule Styne (Sammy Cahn était le parolier) "c'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi" etc...
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Jeremy Fox
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Re: Victor Saville (1895-1979)

Message par Jeremy Fox »

Robert Brisseau a écrit : 1 juil. 21, 14:51 J'ai acheté (en en connaissant les limites techniques) ceci
https://www.blu-ray.com/movies/Rita-Hay ... ay/275445/

Je ne savais pas par quel film commencer. Problème résolu merci Jeremy :D
Jeremy Fox a écrit : 29 juin 21, 07:44très bonnes mélodies de Sammy Cahn
Jule Styne (Sammy Cahn était le parolier) "c'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi" etc...
Oui effectivement ; merci pour la correction :wink:
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