Notez les films naphta : Mars 2013

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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hellrick
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Re: Notez les films naphta : Mars 2013

Message par hellrick »

Kevin95 a écrit : En bref, je veux bien admettre (si l'on se réfèrt au documentaire) qu'Euro-ciné est une entreprise familiale, sincère bla bla bla mais forcez de reconnaitre aussi une bonne dose d’opportuniste et d'escroquerie dans sa démarche de production.
Eurociné a pas mal bidouiller des films, un autre Franco qui a été bien charcuté c'est FEMMES EN CAGE haché puis recraché agrémenté de scènes puisées à diverses sources pour devenir LES GARDIENNES DU PENITENCIER (sorti par Artus en dvd).

Le Monster Bis consacré à Eurociné est très plaisant à lire pour ceux qui s'intéressent à cette compagnie assez "particulière" :wink:
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Colqhoun
Qui a tué flanby ?
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Re: Notez les films naphta : Mars 2013

Message par Colqhoun »

La Maman et la Putain | Jean Eustache
Découverte de ce film-fleuve, célèbre représentant de la Nouvelle Vague et interdit de diffusion et de distribution par la famille d'Eustache depuis plusieurs années maintenant.
Bon, courtement, je suis à moitié convaincu. D'une part je lui reconnais d'immenses qualités d'écriture et un travail sur l'interprétation et la diction plutôt fascinant, mais en contrepartie je déteste profondément les 3 personnages principaux, ce qu'ils représentent, ce qu'ils racontent. Ce qui fait que passé la période d'acclimatation afin de comprendre où le film voulait m'emmener, j'ai fini par un peu décrocher et ne plus trop m'intéresser à leur sort. Pourtant le débit de Léaud dégage quelque chose d'assez hypnotique. Cette manière d'exprimer absolument tout ce qu'il ressent, tout ce qui lui passe par la tête, cette recherche du bon mot, de l'expression qui fait mouche, ce pédanterie, ce cynisme, ce dédain complet pour tout ce qui l'entoure. Le texte est puissant, même si en définitive je me fous passablement de ce qu'il y raconte. Mais les qualités sont bien présentes. Je suis donc partagé, un peu comme je l'étais face au Flandres de Bruno Dumont, qui m'avait marqué pour ses qualités cinématographiques, mais qui m'avait laissé indifférent dans son propos.
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Frances
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Re: Notez les films naphta : Mars 2013

Message par Frances »

Je viens de revoir l’immense Madame de… d’Ophuls. Un film taillé avec la précision dont on taille les diamants. Ophuls au sommet de son art, Darrieux absolument magnifique. Une histoire en mouvement perpétuel comme le destin qui avance inexorablement. 10/10

Revu également Hantise (Gaslight) de Cukor. Film d’atmosphère sur la manipulation, la folie et la perte sous toutes ses formes. Géniale Ingrid Bergman fragile et victime de Charles Boyer, son tortionnaire. Excellent Charles Boyer aussi bien dans le rôle du bourreau charmant et pervers que dans celui du général de Madame de… 7.5/10
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Profondo Rosso
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Re: Notez les films naphta : Mars 2013

Message par Profondo Rosso »

Le Flambeur de Karel Reisz (1974)

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Axel Freed est un professeur de littérature qui a un vice : le jeu. Un vice qui lui fait perdre tout son argent, sa petite amie et l'affection de ses proches. Une descente aux enfers qui ne l'empêche pourtant pas de continuer à dépenser son argent aux tables de jeux...

Karel Reisz signe son premier film américain avec The Gambler, transposition moderne façon polar urbain du Joueur de Dostoïevski. C'est ce dernier aspect qui semble faire le lien avec la filmographie anglaise de Karel Reisz alors qu'à première vue ce cadre semble bien éloigné de son univers. Bien au contraire, l'addiction au jeu du héros autobiographique de Dostoïevski (puisque l'auteur était dévoré lui-même par le même démon du jeu) rejoint totalement les thématiques du réalisateur. Les héros de Karel Reisz sont tous des obsessionnels névrosés en quête d'un absolu les faisant fuir leur mal-être, leur environnement oppressant. Le plus marquant reste l'ouvrier incarné par un Albert Finney s'étourdissant en beuverie pour oublier sa condition sociale dans Saturday Night and Sunday Morning (1960), bientôt suivi par David Warner amoureux acharné dans le survolté Morgan (1966) et une Vanessa Regrave tout entière consacrée à son art de la danse dans Isadora (1968) flamboyant biopic d'Isadora Duncan. Le Nick Nolte traumatisé par la guerre du Vietnam suivrait également dans le précurseur Les Guerriers de l'enfer (1978).

Le film s'ouvre sur une frénésie de notre héros Axel Freed (James Caan) qui se met dans un terrible pétrin dans une salle de jeu clandestine ou ne sachant s'arrêter malgré les avertissements il contracte une dette de 44 000 dollars. L'ensemble de l'intrigue le verra tenter de rattraper ce dérapage tout en essayant de réfréner ses pulsions de jeu. James Caan est toujours excellent lorsqu'il s'agit de dévoiler la fragilité de personnages qui en apparence en impose (le Sonny Corleone du Parrain, le cambrioleur du Solitaire) et son prestation intense ne fait pas exception ici. Réfléchi et mélancolique après ses errements (les multiples inserts où il se revoit pariant), pris de folie mais lucide sur les risques encourus (ces mêmes inserts teintant de regrets ses actes lorsqu'il repense à ceux l'ayant aidés sa mère notamment) le personnage possède un vrai charme et une détermination qui le rendent attachant, fragile et font comprendre cette force de conviction qui l'enfonce en fait face au bookmaker conciliant ou aux amis trop compréhensifs qu'il tape. On a ainsi une relation mère/fils fort bien illustrée par Reisz avec une Jacqueline Brookes poignante en mère dépassée et la romance entre Caan et Lauren Hutton parait faussement superficielle au départ pour prendre un tour tout aussi fort et intime.

Sans surligner à l'excès, le scénario de James Toback lance quelques pistes passionnantes quant à la nature du vice d'Axel. Les scènes de cours (il est prof de littérature) nous éclairent à travers ses choix de lecture avec une allusion directe à Dostoïevski et sa notion du 2+2 = 5. Cette idée exprime complètement le fonctionnement du danger recherché par le joueur (ou l'artiste, le sportif comme il est suggéré) qui pense un court instant surmonter la logique naturelle des choses et la transcender dans par sa prise de risque. C'est cette adrénaline qui est recherché par le parieur compulsif la défaite est indispensable au plaisir des rares victoires et le gain n'a finalement que peu d'importance (la scène où il défie de jeunes basketteurs). Caan dans sa fuite en avant semble constamment rechercher cela, prenant des risques insensés alors qu'il est renfloué, défiant la chance à l'excès lorsqu'elle lui sourit enfin. Autre point intéressant, le carcan de son milieu juif respectable, nanti et étouffant semble provoquer ce besoin de liberté pour Freed tel cette scène où il flambe la somme qu'il devait rembourser après les remontrances de son oncle sur sa petite amie Lauren Hutton. Finalement, notre héros ne se sent vivant qu'à la table de jeu, quoi qu'il lui en coûte.

Reisz qui avait si bien su filmer les milieux populaires dans son Saturday Night and Sunday Morning est tout aussi inspiré capturer cette urbanité new yorkaise, ses salles de jeux enfumées (hormis une escapade plus prestigieuse à Las Vegas) ou son ghetto noirs hostile à la fin. On baigne dans une atmosphère de polar même s'il n'y a pas de réelle intrigue policière notamment avec un joyeux casting de trognes connues tel Paul Sorvino en ami bookmakers ou un mémorable Burt Young en homme de main rappelant virilement leurs dettes aux mauvais payeurs. La déchéance est totale pour notre héros qui n'y réchappera finalement qu'au prix de son âme, la seule chose à parier restant finalement sa vie dans un tragique final suintant la haine de soi. Un grand Karel Reisz. 5/6
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hellrick
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Re: Notez les films naphta : Mars 2013

Message par hellrick »

LES INCONNUS DANS LA VILLE

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Réalisé en 1955, LES INCONNUS DANS LA VILLE constitue la preuve éclatante que le « film noir » peut s’envisages en couleurs vives et sous un soleil de plomb. L’intrigue, complexe, évolue pour sa part entre le mélodrame, le polar et l’étude psychologique et sociale d’un microcosme bien défini, ici un petit bled sans histoire de l’Arizona.

Bradenville, bourgade tranquille baignée de soleil en ce vendredi d’été. Des inconnus arrivent en ville. Leur nom : Harper, Chapman, Slick et Dill. Ils viennent pour cambrioler la banque locale et effectuent, également, des repérages afin de découvrir une ferme qui pourra leur servir de retraite une fois le coup accompli. La banque, qui devrait contenir d’importantes liquidités, est dirigée par Harry Reeves, un voyeur envouté par une séduisante infirmière, Linda qu’il épie de manière obsessionnelle. Ce manège n’échappe pas aux cambrioleurs, lesquels mettent involontairement à jour d’autres travers de la tranquille localité. Les rapports entre Shelley Martin et son fils Steve se dégradent suite à une bagarre survenue à l’école et le gamin reproche à son paternel d’être un planqué pour n’être pas revenu de la Seconde Guerre Mondiale bardé de médailles. A bout de ressources, la bibliothécaire Elise Braden dérobe un sac oublié sous l’œil d’Harper. Boyd, riche propriétaire minier, a pour sa part sombré dans l’alcoolisme et songe à quitter son épouse infidèle.
Le samedi, à la fermeture de la banque, les gangsters accomplissent leur hold-up mais celui-ci tourne mal. Les tueurs se replient alors dans une ferme tenue par des Amish qu’ils font prisonniers, ainsi que Shelley Martin…

Inspiré, Richard Fleisher fait grimper la tension et entremêle les destinées d’une douzaine de personnages, bien servi par le scénario riche de Sydney Boehm, lequel présente non seulement les gangsters mais également les citadins d’une petite ville qui tous, ou presque, cachent l’un ou l’autre secret. Les protagonistes paraissent, dès lors, synthétiser divers travers comme la jalousie, l’envie, l’infidélité, l’alcoolisme, le vol, etc. Des liens se nouent entre eux, leurs destins se croisent, les situations embourbées dans la routine évoluent brusquement sous la poussé des gangsters, devenu les détonateurs involontaires de cette poudrière.

Lors du dernier tiers, LES INCONNUS DANS LA VILLE prend place dans une ferme où vivent des Amish qui refusent la technologie mais aussi la violence. Toutefois, parfois, celle-ci s’avère nécessaire afin de défendre une famille menacée face à des adversaires qui ne partagent pas ces valeurs. D’où un climax efficace, sous forme de « film de siège », qui annonce, toutes proportions gardées, des œuvres ultérieures comme LES CHIENS DE PAILLE de Sam Peckinpah. Sans oublier une conclusion cynique qui voit le héros du jour, jadis considéré comme un lâche, félicité par son fils et ses camarades de classe, soit la génération future, pour avoir nettoyé la ville à coup de fusil !

En un lap de temps très court (environ 24 heures), les vies des habitants de la bourgade ont d’ailleurs été profondément modifiées et, à la fin de la journée, plus rien n’est comme avant. Certains garderont des traces de cette journée sous forme de blessures, tant physiques que psychologiques tandis que d’autres auront fait la paix avec leur conscience voire retrouvé un sens à leur existence. A la vue des morts « pleins de vie voici quelques heures et dont la vie s’est interrompue brutalement, à jamais inachevée », beaucoup oseront, enfin, avouer leurs penchants amoureux ou se sentiront prêts à un nouveau départ.


Bénéficiant d’une distribution solide dans laquelle nous retrouvons avec plaisir Victor Mature, le toujours excellent Lee Marvin, le vétéran J. Carrol Naish et un étonnant Ernest Borgnine en fermier pacifique, LES INCONNUS DANS LA VILLE constitue une belle réussite du polar, filmée dans un flamboyant cinémascope couleur par un Fleisher tout auréolé du succès commercial et critique de son précédent 20 000 LIEUES SOUS LES MERS. A découvrir.

Copie Blu Ray éclatante absolument splendide :D :D :D
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