Phil Karlson (1908-1985)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par bruce randylan »

justice sauvage (walking tall - 1973)

une famille revient dans son village après des années sur la route. Mais la charmante bourgade est gangrenée par la prostitution, les tripots clandestins, l'alcool de contrebande et la corruption. Et tout ce monde voit d'un mauvais oeil qu'on mette le nez dans leur affaire.

Inspiré de la vie de Pusser, étonnant personnage ayant vraiment éxisté, ce film bien que forcément romancé semble coller plutôt fidelement à la vie du shérif. Il en découle un surprenant mélange, pas désagréable, entre propos réactionnaires et inversement des idées plus nobles au travers d'une peinture sociale assez réaliste dans les grandes lignes (même si les "méchants" sont dès plus caricaturaux). Karlson a souvent fait un cinéma engagé et le prouve à sa manière en détournant habilement les films d'exploitation de l'époque pour aller vers quelques chose de plus cru (violence crue et sèche) et une approche dénuée de lyrisme et de pathos alors que l'histoire aurait pu s'y prêter largement.
Mais c'est pratiquement le contraire : le film devient de plus en plus désabusé et amer tandis qu'on se rapproche de la fin. La conclusion est d'ailleurs très sombre : les gangsters ont laissés place a une sorte de milice fasciste tout aussi terrifiante et dont l'action masque à peine la passivite et la culpabilité.
Régulièrement, on passe de l'humour (le bureau du juge dans les toilettes ; le héros et son gourdin) à des thèmes sociaux (la vision du racisme) en passant par des moments plus graves avec une certaine habilité.
En revanche, il est regrettable que le reste de la production soit plus aléatoire (photo, interprêtation, décor) avec surtout un scénario qui précipite un peu facilement certains points de l'histoire (notament la mort du shérif en place ou l'histoire des bijous volés assez mal amenès).
Mais dans l'ensemble, c'est une réussite inattendue sur un sujet qui pouvait laisser craindre le pire.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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Re: Phil Karlson (1908-1985)

Message par bruce randylan »

Matt Helm, agent très spécial (The silencers - 1965)

Premier épisode de la série des Matt Helm, sorte de sous James Bond interprété par un Dean Martin presque cinquantenaire qui peine à convaincre en agent secret dynamique et même séducteur.
Au moins, les auteurs et l'acteur n'essayent même pas de se prendre au sérieux et de rivaliser avec 007. Ils préfèrent donc le pastiche bon enfant... ce qui leur permet aussi de ne pas trop se creuser la tête au passage. C'est donc un peu le minimum syndical et il ne faudra pas en attendre trop avec une mise en scène molle, un rythme balourd et un Dean Martin encroûté.
Bon, pour par se dire qu'on a perdu son temps, on pourra apprécier les 15 premières minutes assez rigolotes (avec les gadgets dans la maison de Matt Helm), quelques gags amusants (le pistolet à tir inversé - repris en plus drôle par Stephen Chow dans From Beijing with love), un second degré autoparodique (Dean Martin changea de radio en entendant du Sinatra) et des actrices charmantes dont Cyd Charisse toujours radieuse. D'ailleurs Stella Stevens est vraiment craquante en maladroite embarquée dans une histoire d'espionnage et vole souvent la vedette à son partenaire masculin.

Pas de quoi se relever la nuit en tout cas. Les 2 épisodes suivants seront signés par Henry Levin et Karlson reviendra pour le dernier opus.


Black Gold (1947)

Un indien sauve un chinois agressé par des bandit qui viennent d'abattre son père. Ils ne tardent pas à devenir amis et décident de se lancer dans les courses hippiques.

Un film assez audacieux pour l'époque même si le résultat a quand même pris un sérieux coup de vieux il faut dire avec ses bons sentiments dégoulinants et l’interprétation assez forcée des 2 acteurs principaux dans le registre des bons bougres pas toujours futés mais gentils et plein de bonne volonté.
Mais il faut reconnaître que réaliser un film avec pour héros un indien et un chinois en 1947 devait demander un sacré courage d'autant que le scénario ne fait pas l'impasse sur le comportement raciste de certains blancs, rapidement nuancé tout de même par des personnages plus compréhensifs et progressistes. De manières générale, le film fait quand même l'éloge des Etats-unis, un pays où tout le monde a sa chance et a droit à la réussite et la richesse.
L'approche de Karlson n'est pas si éloigné de certains titres de la tradition Americana avec une certaine candeur qu'on peut trouver désormais touchante ou agaçante... et un peu des deux à la fois.
Pour ma part, je n'ai pas trouvé ça désagréable même si l'oeuvre manque de concision et aurait mérité d'être condensé pour éviter certaine redites. En étant d'humeur indulgente, on peut aussi se laisser porter par cette naïveté et l'implication de Karslon qui tenait beaucoup à cette histoire au point de la tourner sur une année pour mieux profiter des changements de couleurs au fil des saisons. Malheureusement, la cinémathèque n'a pu dégoter qu'une copie 16mm en noir et blanc. :(
Un extrait en couleur que j'ai vu sur youtube montre que la photo avait l'air soigné. Mais même dans ces conditions de visionnage rudimentaires, on perçoit bien la passion du cinéaste pour ces personnages surtout Katherine DeMille qui compose un joli portrait féminin, souvent impassible mais qui cachent une palette de sentiments très vastes. Et puis Karlson donne plusieurs très belles scènes à Quinn notamment vers la fin qui déploie un réel lyrisme avec une caméra tout en délicatesse.
Désuet, imparfait, et au delà des bonnes intentions louables, un titre positif, chaleureux et attachant.
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Re: Phil Karlson (1908-1985)

Message par kiemavel »

bruce randylan a écrit :justice sauvage (walking tall - 1973)

une famille revient dans son village après des années sur la route. Mais la charmante bourgade est gangrenée par la prostitution, les tripots clandestins, l'alcool de contrebande et la corruption. Et tout ce monde voit d'un mauvais oeil qu'on mette le nez dans leur affaire.
Merci pour ces comptes rendus qui font comme d'habitude un peu mal mais tu n'y est pour rien :wink: . Je suis moyennement client de celui là. Dans le même esprit (et avec le même acteur principal, Joe Don Baker), Karlson réalisa aussi La trahison se paie cash (Framed) deux ans plus tard. Ce fut son dernier film. Je ne suis pas allé sur le site de la cinémathèque pour vérifier s'il fait partie du cycle. Suis pas maso.
bruce randylan a écrit :Black Gold (1947)

Un indien sauve un chinois agressé par des bandit qui viennent d'abattre son père. Ils ne tardent pas à devenir amis et décident de se lancer dans les courses hippiques.
Beaucoup aimé celui là en revanche dans les limites que tu relèves justement….Vu en couleur (passé à la TV espagnole en couleur mais dans une copie assez moyenne. Eh oui, un Phil Karlson obscur peut passer à la télévision espagnole…Z'ont un catalogue plus grand que les chaines de la tnt française qui se refilent leurs 100 films qui tournent en boucle :mrgreen: )
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Re: Phil Karlson (1908-1985)

Message par bruce randylan »

kiemavel a écrit :
bruce randylan a écrit :justice sauvage (walking tall - 1973)

une famille revient dans son village après des années sur la route. Mais la charmante bourgade est gangrenée par la prostitution, les tripots clandestins, l'alcool de contrebande et la corruption. Et tout ce monde voit d'un mauvais oeil qu'on mette le nez dans leur affaire.
Merci pour ces comptes rendus qui font comme d'habitude un peu mal mais tu n'y est pour rien :wink: . Je suis moyennement client de celui là. Dans le même esprit (et avec le même acteur principal, Joe Don Baker), Karlson réalisa aussi La trahison se paie cash (Framed) deux ans plus tard. Ce fut son dernier film. Je ne suis pas allé sur le site de la cinémathèque pour vérifier s'il fait partie du cycle. Suis pas maso.
Oui, oui, il passe bien. Je l'ai vu dimanche d'ailleurs. C'était vraiment pas mal :)

C'est en effet assez proche de Justice sauvage mais totalement recentré sur la pure série noire avec un scénario traditionnel qui ne s'égare pas et se révèle bien construit. Alors certes tous les clichés sont la (l'innocent cherchant à se venger, la copine chanteuse de bar, les rencontres en prison, les shérifs bas du front, les politiciens corrompus etc...) mais Karlson contourne le problème avec une certaine décontractions qui évite ainsi les figures de styles appuyés. A l'image de Joe Don Baker, le film possède une nonchalance (rondouillarde) qui cache de stupéfiants accès de violences qui surprennent encore aujourd'hui à commencer par la combat dans le garage jusqu'à une séquence de torture toujours inédite où le héros tire à bout portant sur l'oreille d'un porte-flingue avant de brûler la seconde avec la vapeur du moteur de sa voiture. Une violence sèche et brutale qui n'a rien de glamour.
A part ça, la narration fonctionne bien même si le rythme prend doucement son envol, le personnage féminin n'est pas inintéressant mais on regrette que les seconds rôles ne soient pas plus consistants (le flic noir ou les mafieux qui filent un coup de main) de même qu'il y a quelques raccourcis bien accommodants dont le fait qu'on oublie que la voiture du héros finisse explosée par un train avec 2 personnes à l'intérieur (mais ça donne un incroyable plan où le cascadeur chevronné saute du véhicule juste avant le passage de la locomotive au point de se retrouver littéralement dans les flammes de l'explosion :shock: ).

Pour un dernier film, ça tient au tout cas très bien la route dans le genre série B sudiste et hargneuse... Et tant pis, si ça n'a rien de révolutionnaire.

On a du a croire que c'est le même Phil Karlson qui signe 3 ans auparavant l'abominable Ben (1972) suite direct de Willard. Une catastrophe quasi intégrale qui ne sait pas choisir entre film d'épouvante (raté), mélodrame (raté), film pour enfant (raté) et même parabole politique (ratée). Quelques molles et fades séquences de "peur" avec les rats s'attaquant à des andouilles (et je ne parle pas charcuterie) s'enchaînent à des moments vraiment gênant entre le grosse, horripilante tête à claques, et le rongeur Ben devenu son meilleur ami (spectacle de marionnette et chansons dégoulinantes inclus)... Sans parler des échanges entre policiers et journaliste... Un haut niveau de pathétisme, honteux à tout point de vue. Même le final qui pourrait relancer la machine s'éternise en ressassant inlassablement les mêmes plans...
Seules quelques séquences où les rats s'attaquent au symbole d'une société américaine gangrenée par la consommation sortent vaguement du lot (saccage d'une salle de gym et d'un supermarché).

Accessoirement, c'était l'occasion de réaliser que la chanson Ben de Michael Jackson est issue de ce film. :o

Bon, heureusement, j'ai vu des trucs bien meilleurs que ça. J'en reparle plus tard. :wink:
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Re: Phil Karlson (1908-1985)

Message par bruce randylan »

Les maudits du château fort (Lorna Doone -1951)

En Angleterre médiévale, une puissante famille profite des guerres et l'absence du Roi pour exploiter les paysans qui vivent sur leurs terres. Après 10 ans de répressions qui ont conduit à la mort de son père, une jeune homme revient dans son village et espère bien mener une rébellion.

Une petit film d'aventures façon cape et d'épée plaisant qui témoigne de l'habileté de son réalisateur, c'est à dire un artisan consciencieux mais sans véritable génie ni vision. Si on accepte, ce style impersonnel et cet anonymat, on peut se détendre et profiter de la jolie photographie en couleurs, d'un casting de série B attachant et d'un savoir faire technique qui donne plusieurs moments réussis dont l'escalade de la cascade (bien découpée et aux rétroprojections très bien faites pour un réel sentiment de vertige), quelques énergiques travellings sur des chevaux aux galops et une dernière demi-heure bien rythmée avec beaucoup de péripéties, plusieurs combats (à l'épée ou à mains nues) et un certain sens du suspens (la cérémonie de mariage avec un méchant cachée qui attend pou agir).
Karlson est clairement moins à l'aise que dans le film noir ou dans le western et c'est surtout dans les séquences qu'il se réveille. Le combat final par exemple de manque pas de "piquant" (ici, une masse d'armes qui griffe le visage des adversaires).
A côté de ça, le scénario est des plus classique et conventionnel mais quelques surprises évitent par exemple de le rendre trop prévisible en désamorçant quelques séquences attendues.
Pas si mal donc.


Le brigand du Silverado (Adventures in Silverado - 1948)

Un étranger traverse une petite ville avec l'intention de monter un affaire de transport par diligence. Mais son arrivée coïncide avec le retour d'un brigand masquée qui dévalise des convois d'or.

L'une des très bonne surprise de cette rétrospective pour le moment. :D
Ce n'est pas une oeuvre remarquable, d'un maîtrise époustouflante ou d'une originalité folle... En revanche c'est un petit western qui sait parfaitement compenser avec son modeste budget pour lui donner une solide facture visuelle et surtout son réalisateur parvient à lui donner du corps avec un arrière fond politique audacieux et inhabituel.
Et pour cause, on est loin de la majorité des western plus ou moins belliqueux et réactionnaires. Ici, on prône la non-violence, le partage des richesses, l'amélioration des conditions de vie des classes modestes et la compréhension de certaines motivations criminelles. Le dernier plan est à ce titre stupéfiant dans ce genre de production et encore plus selon son année de production (en pleine chasses aux sorcières et traques aux idées communistes).
Même si son approche est moins évidente que dans le Silver Lode de Dwan (que je trouve artificiel dans plusieurs péripéties cela dit), je le range dans la même catégorie de cinéma engagé et militant.
Mais même sans cette nette valeur ajoutée, le film ne manque pas de qualité et de charme avec un excellent casting, des personnages humains non manichéens (même le "méchant" n'en est pas vraiment un - on le voit d'ailleurs très complice d'une petite fille), des dialogues plein d'esprit, un gros travail pour la progression dramatique et une réalisation précise.

Bref, un film divertissement intelligent et maîtrisé qui ne manque pas de richesse dans ses sous-textes (de plus de je trouve excellente l'idée de faire de Robert Louis Stevenson un second rôle à part entière, pas seulement un témoin passif)
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par bruce randylan »

Supfiction a écrit :L'affaire de la 99ème rue "99 River Street" (1953)


Phil Karlson est ici au sommet de son art. La photographie noir et blanc est splendide. La réalisation particulièrement soignée et éloquente avec ses protagonistes filmés le plus souvent en contre-plongée, à cinquante centimètres du sol. Comment l’interpréter ? Un moyen d’accentuer le réalisme cru, le cynisme et la dureté des rapports humains, probablement. Ainsi qu’une accentuation de la violence physique et de la cruauté qui habitent chaque force en présence. On retrouve les mêmes effets de style mêlés à un naturalisme formel dans Le quatrième homme que beaucoup considèrent comme son chef-d’œuvre mais que personnellement je situe en dessous.

Et en effet, les scènes de combat (sur le ring mais encore davantage en dehors) sont impressionnantes de réalisme. Et l’acteur John Payne est tout à fait crédible et remarquable dans la peau d’un ex-boxeur mis en retraite anticipée et reconverti en chauffeur de taxi à la suite d’une mauvaise blessure à l’œil lors d’un combat.

L’ambiance est en tous points typique du film noir : une action intégralement de nuit (dans les rues, les bars, sur le port) donnant au film son aspect onirique inquiétant, un antihéros au fond du trou et au summum de la frustration et de la rage (non contenue!), deux femmes fatales (la garce, aigrie et arriviste, et la chic fille) qui vont lui attirer des ennuis, et bien sûr les durs à cuire (tous des brutes !) auxquels l’homme ordinaire sera confronté pour se sortir du piège dans lequel il est tombé, retrouver la lumière et l’estime de lui. On retrouve d'ailleurs ce même schéma de l’homme ordinaire confronté à une organisation dans Kansas City Confidential et bien sûr dans l'excellent Nightfall de Tourneur)
Je confirme : c'est une formidable série B, nerveuse, inventive, souvent imprévisible.
Alors, comme d'habitude avec Karlson, on n'est pas dans le chef d'oeuvre ni d'un incontournable absolu (le cinéaste s'en fiche un peu sans doute). Ce qu'il l'intéresse c'est de livrer le meilleur film possible, injectant au passage du caractère. il y a bien-sûr des scènes percutantes (qui ne manque pas de violence) mais aussi une vision personnelle, à la fois humaine et paranoïaque avec quelques touches sociales. Tant mieux pour le public qui ne manquera pas d'être surpris par la justesse de certains second rôles (le patron de de John Payne) et les retournements de situations qui jouent admirablement bien sur les conventions pour mieux piéger le spectateur dans une mise en abîme du genre qui n'a rien de gratuit avec une scène désormais culte qui se déroule dans une théâtre vide. Par un fabuleux travail de réalisation qui se focalise sur le visage trop expressif d'Evelyn Keyes, Karlson réussit un riple pari : nous manipuler, accélérer le récit et justifier la psychologie bouillonnante du héros. Et des exemples de ce niveau, il y en à plusieurs reprises (l'ellipse du match qui se conclut à la télé ou la tentative de séduction dans le bar).
En parlant de mise en scène, j'aime beaucoup l'utilisation du gros plan qui donne cette aspect anxiogène et étouffant au récit, comme si dès le début les personnages étaient prisonniers du cadre comme ils vont l'être de leur destin.

Voilà, c'est rondement mené, la tension est bien là et c'est sacrément malin. Du tout bon pour moi ! :D
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Re: Phil Karlson (1908-1985)

Message par aelita »

Je plussoie. Un des meilleurs films noirs de série B parmi ceux que j'ai pu voir. Karlson se montre particulièrement inspiré dans sa mise en scène et sa direction d'acteurs (il s'appuie sur un très bon scénario). Tous les acteurs sont excellents, mais c'est Evelyn Keyes qui sort du lot, dans deux scènes : celle du théâtre et celle du bar. Comme dans Phénix city story (mais à un degré moindre), le cinéaste n'élude pas les scènes de violence.
Dernière modification par aelita le 25 oct. 14, 20:25, modifié 1 fois.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? (pensée shadok)
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Re: Phil Karlson (1908-1985)

Message par Kevin95 »

bruce randylan a écrit :C'est en effet assez proche de Justice sauvage mais totalement recentré sur la pure série noire avec un scénario traditionnel qui ne s'égare pas et se révèle bien construit.
N'étant pas un fanatique de la salle Franju, je n'ai vu que les deux films avec ce bourrin de Joe Don Baker. :oops:

Si j'ai déjà parlé sur le forum de mon enthousiasme vis à vis de Walking Tall, je suis juste (un poil) plus réservé concernant Framed justement en raison du scénario qui m'a semblé confus et par moment inabouti. Un exemple, le segment dans la prison n'a qu'une utilité relative dans le récit (quand bien même elle occupe près de 40 minutes de film), puisqu'une fois sorti le personnage entreprend sa vengeance comme si ne rien n'était (du coup le personnage de John Marley pourtant au cœur du récit carcéral, n'est plus qu'un figurant une fois Baker sorti de prison).
Ceci dit (et comme tu l'a dis) c'est un excellent film noir à la sauce 70's et la séquence dans le bourreau du maire est une petite merveille de tension et de violence. Reste que je suis plus client de la (fausse) simplicité et l’énergie d'un Walking Tall que de ce film-ci.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Re: Phil Karlson (1908-1985)

Message par bruce randylan »

Kevin95 a écrit :
bruce randylan a écrit :C'est en effet assez proche de Justice sauvage mais totalement recentré sur la pure série noire avec un scénario traditionnel qui ne s'égare pas et se révèle bien construit.
N'étant pas un fanatique de la salle Franju, je n'ai vu que les deux films avec ce bourrin de Joe Don Baker. :oops:
C'est vraiment dommage car il y a très peu de films qui vont passer en Langlois (salaud de Truffaut ! :mrgreen: )

Bon, avec tout ça, j'ai du retard.


Le chat sauvage (The big cat - 1949)

Dans les montagnes de l'ouest américain, un couguar insaisissable attaque des troupeaux. Au même moment, un jeune homme arrive de la ville pour travailler avec l'ancien amoureux de sa mère décédée. Celà ravive des tensions avec les voisins.

C'est avec ce film que Phil Karlson se fit remarquer et pu signer pour des plus gros studios de production. Sans être un chef d'oeuvre éclatant, on comprend rapidement pourquoi cette modeste production Monogram (pléonasme ?) a attirer l'attention. Karlson compose une réalisation solide, efficace avec un réel sens du mouvement et des extérieurs. Entièrement tourné en décor naturel, le film surprend positivement par l'art du cinéaste à intégrer ses protagonistes dans leur environnement, accompagnés par quelques travellings à la grue qui mettent en valeur le cadre et l'action. Avec ses 70 minutes au compteur, le film ne perd pas de temps et outre plusieurs séquences de chasse au félin, on trouve un stupéfiant et brutal combat entre les 5 héros masculins qui ne manquent pas d'intensité et de coups bas : chaînes, morceau de bois massif, tentative de noyade... Ca ne rigole et les coups font vraiment mal. Le problème de cette séquence est qu'elle parait gratuite. C'est d'ailleurs les limites du film : un scénario artificiel, bourré de trous, de clichés et d'incohérences. On ne comprend pas pourquoi le pasteur s'empresse de faire descendre le fiston quand il découvre son identité si c'est pour l'inviter à manger dans la séquence suivante. De même, la rivalité entre les deux familles restent maladroite. (Il est d'ailleurs curieux de voir que le cinéaste voulait avec ce film apporter une réponse aux Raisins de la colère de John Ford car à part la vague idée d'un type de ville fuyant la crise pour essayer de trouver un emploi dans des régions reculés, on ne voit aucun lien de parenté).
De plus, l’interprétation est assez légère dira-t-on pour ne pas être trop méchant (la VF n'aidait pas non plus)

Les qualités du film reposent donc avant tout sur la stricte réalisation, qui bien que bricolée à de nombreuses reprises, n'en demeurent pas moins stimulantes et parfois impressionnantes. Quand on le compare aux précédentes réalisations Karlson, on sent que le cinéaste arrive à une réelle maturité dans son style, à la fois ample et minéral. Dommage que le scénario ne soit pas à la hauteur de son inspiration.


Les îles de l'enfer (hell's island - 1954)

Un ancien procureur à court de liquidité se voit confier la mission de récupérer un diamant à un couple de voleur dont la femme est son ancienne maîtresse. Mais les choses semblent plus complexes que prévues.

Si on devait donner un exemple de ce qu'est un stéréotype du film noir, on pourrait citer aisément ce titre qui ressemble surtout à un médiocre cahier des charges sans âme. Rien ne manque : l'ancien "détective", le McGuffin à trouver, la femme fatale, la voix-off façon "je me dirigeai droit dans la gueule du loup et je le savais", l'intrigue retorse, construction en flash-backs etc...
Karlson ne semble pas vraiment quoi faire de ce scénario qui court tellement après le faucon maltais qu'on devine tout de suite où est caché le bijou tant convoité. Il filme donc platement cette intrigue vu et revus même s'il faut reconnaître que la photo couleur tient la route. Pour le reste, le budget réduit ne permet pas vraiment aux quelques idées présentes d'être percutantes (un combat autour d'une fosse au crocodile). Le seul moment réussi est la séquence où John Payne va chercher le mari pour le faire faire évader de prison et que celui-ci explique avec un humour pince sans rire qu'il préfère rester là plutôt que courir dans le piège mis en place par son épouse diabolique.

Bon, je suis méchant mais les amateurs du genre pourraient y trouver leur compte car justement le film répond à tous les critères du genre. C'est vrai mais ça manque de personnalité, de caractère à mon goût surtout que les conventions ne sont jamais transcendées.
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Re: Phil Karlson (1908-1985)

Message par kiemavel »

aelita a écrit :Je plussoie. Un des meilleurs films noirs de série B que j'ai pu voir Karlson se montre particulièrement inspiré dans sa mise en scène et sa direction d'acteurs (il s'appuie sur un très bon scénario). Tous les acteurs sont excellents, mais c'est Evelyn Keyes qui sort du lot, dans deux scènes : celle du théâtre et celle du bar. Comme dans Phénix city story (mais à un degré moindre), le cinéaste n'élude pas les scènes de violence.
Très bon film c'est vrai mais je pourrais te citer 30 ou 40 titres parmi les films noirs de série B qui sont -en tout cas à mes yeux- encore meilleurs que 99 River Street. J'aime autant The Phenix city story, un film pourtant moins maitrisé mais c'est un des meilleurs films de l'époque sur le thême de "la corruption qui gagne une petite ville". Un autre film peu connu sur ce thême là est un cran en dessous mais intéressant tout de même, c'est The Captive City de Robert Wise.

Les deux films que tu as vu font partie des meilleurs qu'aura réalisé Karlson avec Le quatrième homme. Un cran en dessous je mettrais Les frères Rico, L'inexorable enquête et Le salaire de la violence. J'aime bien aussi Saïpan mais après, il y a vraiment du facultatif : Massacre pour un fauve est assommant malgré le gros Bob et Elsa (Martinelli). Key Witness aurait pu être intéressant sur la loi du silence imposée sur tout un quartier par une bande de voyous dirigés par Dennis Hopper qui font notamment pression sur Jeffrey Hunter pour l'empêcher de témoigner dans une affaire de meurtre mais si ce bon Jeffrey s'en sort très bien, la bande de Punk :mrgreen: en fait des caisses à commencer par Dennis Hopper. C'est selon moi atroce. Par contre, ses autres films d'aventures sans être inoubliables ne sont pas mal du tout à commencer par L'épée de Monte-Cristo et Le Brigand.
bruce randylan a écrit :Les îles de l'enfer (hell's island - 1954)
Entièrement d'accord avec ça. Dans le topic que j'ai ouvert sur le film noir, j'étais aussi dur que toi, tapant aussi un peu sur l'interprétation de John Payne et surtout sur celle de la femme fatale que jouait Mary Murphy…et je concluais par : 4 bonnes scènes à signaler. D'abord un meurtre original : un témoin clé est assassiné pendant un combat de coq avec une arme inédite . Puis (on la sent venir de loin celle là), Cormack contribue au nourrissage des crocodiles (domestiques mais pas tant que çà) affamés s'agitant dans le bassin d'un de ses hôtes en leur fournissant de la chair fraiche (le Yankee bien nourri, c'est plein de vitamines). Ensuite, une balade nocturne en bateau se conclut de manière inattendue et enfin dans le final, on apprend que dans les mauvais polars, on peut même maltraiter les personnes handicapées.

Parmi les films que tu as évoqué, je ne connais pas Ben et à priori je n'ai rien raté (on se console comme on peut). Pas vu non plus Adventures in Silverado dont Pat Wheeler avait dit aussi du bien peu après avoir ouvert ce topic. Tu comptes tous les voir les Karlson ?
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Question subsidiaire : Entre le temps que tu passes à la maison de la culture du Japon et la cinémathèque, combien de fois par semaine tu manges chez toi ? :mrgreen: C'est surtout que c'est pas tout à fait dans le même coin. Tu dois dormir de temps en temps dans les transports en commun ?
Alors sinon, puisqu'il semble que tu ne l'ai pas vu (d'après ce que tu écrivais dans un message datant un peu...), je te conseille celui évoqué par Aelita. The Phenix city story est selon moi un de ses meilleurs films
bruce randylan
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Re: Phil Karlson (1908-1985)

Message par bruce randylan »

kiemavel a écrit : J'aime bien aussi Saïpan.
Ah je le vois ce soir ! :D
kiemavel a écrit :je te conseille celui évoqué par Aelita. The Phenix city story est selon moi un de ses meilleurs films. Tu comptes tous les voir les Karlson ?
Celui-là, je fais l'impasse comme je le possède en DVD (à l'instar de Five against the house et Scandal Sheet). Je peux pas tout voir en salle donc je me focalise surtout sur les raretés.
J'aurais voulu tous les voir mais ça ne sera pas possible pour cause de vie sociale (car oui, j'arrive à en avoir une :mrgreen: ). Je vais en rater 3-4 je crois (son 2ème Matt Helm ; The Brigand et sans doute Iroquois Trail et Lady of the Chorus :( )
kiemavel a écrit :
Spoiler (cliquez pour afficher)
Question subsidiaire : Entre le temps que tu passes à la maison de la culture du Japon et la cinémathèque, combien de fois par semaine tu manges chez toi ? :mrgreen: C'est surtout que c'est pas tout à fait dans le même coin. Tu dois dormir de temps en temps dans les transports en commun ?
Alors sinon, puisqu'il semble que tu ne l'ai pas vu (d'après ce que tu écrivais dans un message datant un peu...),
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Ah c'est sûr, ça fait courir pas mal quand je dois enchaîner la cinémathèque et la MCJP en une trentaine de minutes. Mais ça reste jouable.
Par contre, c'est sûr je mange pas souvent chez moi. Je commence à en avoir marre des sandwich. Heureusement il reste quelques traiteurs chinois. :mrgreen:
La semaine prochaine : je vais devoir jongler entre la cinémathèque et le festival de Films Coréen. Par chance, le festival de film chinois commencera plus tard en Novembre mais là, j'irais pas voir grand chose (les muets et les classiques). D'autant que ça va tomber pendant la fin des Karlson et le début de la rétro incroyable sur- 14-18 toujours à la cinémathèque)
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Re: Phil Karlson (1908-1985)

Message par bruce randylan »

L'épée de Monte-Christo (mask of the avenger - 1951)

Lors de la guerre contre l'autriche, un soldat apprend que son père se serait suicider par peur qu'on découvre sa trahison envers son pays. Refusant d'y croire, il découvre que si un félon existe existe, il n'est pas celui qu'on croit.

Co-réalisé par Irving Pichel, ce film de cape et d'épée n'est pas sans rappeler Lorna Doone, justement tourné la même année dont on retrouve certains aspects (notamment le fils militaire qui cherche à venger son père). Comme ce même titre, c'est très routinier et Karlson peine a trouver une motivation réelle pour s'impliquer dans cette histoire banale et peu crédible. Donc une nouvelle, le film n'a rien de honteux, c'est un divertissement tout à fait honnête mais où l'originalité est quasi totalement absente (encore que la guerre Autricho-italienne n'est pas souvent évoquée dans le cinéma). Quelques points quand même s'avèrent très plaisants à commencer par le bras droit d'Anthony Quinn à la repartie cinglante et dont l'intelligence raffiné se retournera contre lui. Le combat final possède aussi une idée assez réjouissante avec la fiancée du héros qui se substitue au héros lors d'une passe d'arme le temps que celui-ci retrouve ces esprits. Dommage d'ailleurs que son personnage soit sous-exploitée (mais on pourrait en dire tout autant des autres).
Je préfére Lorna Doone, plus rigoureux dans sa mise en scène qui offrait aussi (un peu) plus de personnalité et de suspens.
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Re: Phil Karlson (1908-1985)

Message par kiemavel »

bruce randylan a écrit :L'épée de Monte-Christo (mask of the avenger - 1951)
Dans Mask of the Avenger, il y a tout de même une (gentillette) satire politique. La naïveté et l'immaturité politique du peuple sont raillés par le scénariste et le dialoguiste qui insistent sur la grande popularité du gouverneur, pourtant un apprenti tyran redoutable mais dont le bagout impressionne et dont les discours démagogiques rassurent, séduisent et endorment une population que les "bons" auront d'ailleurs un mal de chien a convaincre de leur sincérité…
bruce randylan a écrit :Je peux pas tout voir en salle donc je me focalise surtout sur les raretés. J'aurais voulu tous les voir mais ça ne sera pas possible pour cause de vie sociale (car oui, j'arrive à en avoir une :mrgreen: ). Je vais en rater 3-4 je crois (son 2ème Matt Helm ; The Brigand et sans doute Iroquois Trail et Lady of the Chorus :( )
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Ah c'est sûr, ça fait courir pas mal quand je dois enchaîner la cinémathèque et la MCJP en une trentaine de minutes. Mais ça reste jouable.
Par contre, c'est sûr je mange pas souvent chez moi. Je commence à en avoir marre des sandwich. Heureusement il reste quelques traiteurs chinois. :mrgreen:
La semaine prochaine : je vais devoir jongler entre la cinémathèque et le festival de Films Coréen. Par chance, le festival de film chinois commencera plus tard en Novembre mais là, j'irais pas voir grand chose (les muets et les classiques). D'autant que ça va tomber pendant la fin des Karlson et le début de la rétro incroyable sur- 14-18 toujours à la cinémathèque)
Pour la focalisation sur les raretés, je comprends bien...surtout avec ce programme très chargé. Je n'ai pas ce problème moi môssieur avec mes 7 salles à 30 km à la ronde :mrgreen: (le 1er qui se fout de ma gueule va morfler :wink: ). Pour rester sur le programme Karlson, il y a une grosse rareté qui m'intrigue même si le sujet peut faire peur, c'est Les blouses blanches avec un vieux médecin incarné par Fredric March et un jeune qui l'est par Ben Gazzara. Bon, à priori ça saigne moins que 7 morts sur ordonnance !
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Re: Phil Karlson (1908-1985)

Message par bruce randylan »

kiemavel a écrit :
bruce randylan a écrit :L'épée de Monte-Christo (mask of the avenger - 1951)
Dans Mask of the Avenger, il y a tout de même une (gentillette) satire politique. La naïveté et l'immaturité politique du peuple sont raillés par le scénariste et le dialoguiste qui insistent sur la grande popularité du gouverneur, pourtant un apprenti tyran redoutable mais dont le bagout impressionne et dont les discours démagogiques rassurent, séduisent et endorment une population que les "bons" auront d'ailleurs un mal de chien a convaincre de leur sincérité…
Ouais, le propos du film est tellement naïf que ça me parait bien léger quand même. J'ai plus pris ça pour un artifice de scénario pour mieux isoler les héros dans leur lutte. Mais en effet, connaissant l'engagement de Karlson, c'est peut-être plus qu'une simple ficelle.

A part ça
Saïpan (Hell to eternity - 1960)

Au milieu des années 1930, un américain est élevé par une famille de japonais. Mais quand survient l'attaque de Pearl Harbor, sa famille adoptive est envoyé dans un camp tandis qu'incorporé dans l'armée, sa maîtrise de la langue japonaise lui donne l'occasion d'être un soldat différent des autres, y compris dans sa sensibilité.

Sa petite réputation ne mentait pas, voilà un excellent film de guerre à tendance pacifiste et engagée. Une nouvelle fois, Karlson utilise un genre cinématographique (tel le western ou le policier) pour aborder des problèmes raciaux loin de tout paternalisme, film à thèse et formule commerciale (façon Devine qui vient dîner ?). Il a d'ailleurs l'intelligence et la sobriété de ne pas en faire véritablement le cœur du film ; encore que le traitement évasif de plusieurs points vient peut-être aussi de la censure. Toujours est-il qu'il traite sans détour de la mise au ban de toute la population japonaise américaine quand bien même, celle-ci est parfaitement intégrée.
Cette partie aux USA occupe le premier tiers du film. La deuxième se consacre à l'entraînement et à l'attente des combats. C'est la partie la plus déstabilisante avec une très longue séquence de double strip-tease (enrichit de beuverie). La durée inhabituelle de la séquence n'est pas sans crée un malaise et gêne chez le spectateur. On peut se demander si avec ce genre de passage, le cinéaste ne voulait brisé une imagerie d'Epinal du soldat : ici, ils picolent sans retenue, fréquentent des prostituées, sortent avec des étrangères (y compris plus âgée qu'eux), échangent leur conquête en cours de soirée etc... Cette volonté de jouer avec les tabous est assez culottée mais se retourne tout de même contre son cinéaste qui n'arrivent pas à évacuer tous les clichés (certains comportements restent très stéréotypés, les dialogues sont peu inspirés). Une séquence audacieuse mais qui brise la dynamique du film qui repart tambour battant lors de l'arrivée sur l'île de Saipan devenant dès lors un film de guerre d'une incroyable intensité où Karlson délivre quelques passages musclés et sauvages. Même si on devine les stock-shots à plusieurs reprises, la bataille aux corps aux corps ne manquent pas de puissance et de chaos pour se finir dans un paysage apocalyptique composé de cadavres enchevêtrés où il est impossible d'identifier les différentes troupes.
L'autre moment marquant est une fugace et époustouflante course contre la montre pour sauver un GI bloqué dans un trou formé par la chute d'un obus, cerné par les troupes japonaises sur le point de mener l'assaut. La tension s’accélère pour laisser le souffle couper tandis que la vitalité de la mise en scène (impressionnant travelling suivant la charge désespéré du héros) nous mène au bord de l'arrête cardiaque.
Ces deux morceaux de bravoures ne sont pas seulement spectaculaires mais participent à l'évolution psychologique du héros dont les convictions sont malmenés entre sa compréhension pour les civils et son dégoût de la férocité des soldats et généraux japonais. Une schizophrénie qui le pousse au bord de la démence, là aussi appuyée par des effets de réalisation qui n'éludent pas la violence (il semble que le film fut le premier à montrer dans le même plan le tir et les impacts sanglants sur les victimes).
Il faudra une troisième épreuve marquante pour achever ce tragique parcours initiatique et là aussi, Karlson va loin dans sa représentation crue et directe de la mort avec le suicide d'une famille qui se jette d'une falaise (le trucage est visible mais livre un mini plan-séquence vraiment choquant).
Tout ça pour arriver au dernier acte où
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Le héros persuade un général de ne pas se livrer à un ultime assaut qui conduirait à un inévitable carnage dans les rangs japonais déjà bien amochés. Le soldat américain rentre donc seul avec plusieurs centaines de prisonniers vers son campement
On se dit alors que le film en fait beaucoup trop et perd une crédibilité durement acquise... Et pourtant, cette conclusion a bel et bien eut lieu (certes ici romancé) mais cet américain a bel et bien existé : il s'appelle Guy Gabaldon et a sauvé près de 1500 personnes en les convainquant de se rendre plutôt que de se suicider ou risquer de se faire tuer par les troupes américaines.

Ca accentue considérablement l'émotion du film même si ça ne fait pas toujours oublier les lacunes de l'écriture et les problèmes de structure.
Toujours est-il qu'on tient là une très belle histoire (véridique de surcroît) à la fois humaniste et furieuse avec une approche sincère, respectueuse, intelligente (j'aime beaucoup les évocation subtiles des "frères" de Gabaldon sur le front européen) et qui n'essaie pas de masquer l'horreur des situations ; y compris quand elles sont commises par le personnage principal.
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Re: Phil Karlson (1908-1985)

Message par Supfiction »

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Les blouses blanches / The Young Doctors (1961) est une sorte de mélodrame hospitalier sur fond de rivalité générationnelle entre un jeune médecin incarné par un très convaincant Ben Gazzara et son responsable, le vieux et plutôt rigide Frédéric March, attaché aux anciennes méthodes.

La romance entre Ben Gazzara et la charmante Ina Balin (jeune infirmière) est assez réussie et donne un peu d'air à ce film dont la mise en scène est assez statique le reste du temps. En effet, la partie hospitalière, sans rythme, son jargon spécifique et ses choix cornéliens (tumeur bénigne ou maligne ? Opérer ou ne pas opérer ?..) n'est pas très prenante à moins d'être particulièrement amateur de ce type de productions, un sous-genre en soi dont les héritiers sont les séries Urgences ou Docteur House (il y a un peu de ça ici), ce qui n'a jamais été mon cas. Dans le même genre, il y a eu précédemment Arrowsmith (1931, John Ford) avec Ronald Colman et Helen Hayes.

Ce film est dédié à la profession médicale pour son dévouement.
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