Les Enfants d'Hiroshima (Kaneto Shindo - 1952)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Strum
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Re: Les enfants d'Hiroshima (Kaneto Shindo - 1952)

Message par Strum »

Je n'ai pas vu ce Shindo (ni le Sekigawa), mais Pluie Noire d'Imamura est un film fabuleux.
homerwell
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Re: Les enfants d'Hiroshima (Kaneto Shindo - 1952)

Message par homerwell »

Sur ce thème, il y a aussi Children of Nagasaki de Keisuke Kinoshita qui était disponible en dvd. Je n'en garde pas un grand souvenir mais je le cite parce que je ne sais pas si finalement, il y a tant de cinéastes Japonais qui ont abordé le drame des attaques nucléaires et de leur conséquence.
Imamura avait quant à lui remis le couvert de façon moins allégorique avec Kanzo sensei (Dr Akagi) qui est par contre un film que j'affectionne particulièrement. Ici, la bombe n'est pas le début du film mais sa conclusion.
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monk
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Re: Les enfants d'Hiroshima (Kaneto Shindo - 1952)

Message par monk »

Il n'y a pas eu tant de films que ça sur le sujet finalement.
Le Kinoshita est un peu pesant et centré sur la communauté chrétienne. Il m'avait beaucoup moins emballé que le Shindo, qui m'avait beaucoup plu.
On peut aussi ajouter à la liste des films qui traite du sujet moins directement Femmes en miroir de Kiju Yoshida.
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Demi-Lune
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Re: Les enfants d'Hiroshima (Kaneto Shindo - 1952)

Message par Demi-Lune »

Je suis tombé sur un texte de gnome sur ce film de Shindo, je me permets de le poster.
gnome a écrit :Belle découverte que ce petit film poignant que bruce radylan avait moyennement apprécié. Le film suit une jeune institutrice vivant chez un oncle loin d'Hiroshima et qui va effectuer une sorte de "pélerinage / retour au sources" dans sa ville natale quelques années après l'explosion de Little Boy. Elle y rencontrera au gré de ses pérégrinations dans une ville qui renait à peine de ses cendres, les fantômes de sa vie passée (avant la bombe) au travers de flash-backs sobres et efficaces, mais aussi par les rencontres émouvantes avec une ancienne collègue, le serviteur de ses parents ou les trois enfants survivants de sa classe.

La première demi-heure, depuis son départ de l'île où elle s'est "exilée" chez sa tante, jusqu'à son arrivée à Hiroshima et sa redécouverte d'une ville qui tente de revivre malgré le malheur qui s'est abattu est clairement traitée par Shindo de manière quasi documentaire. La voix off de l'héroïne déclamant un commentaire émouvant, mais que certains peut-être trouveront trop didactique, trop "documentaire" justement, sur de images de la ville qui se reconstruit et des ruines de sa vie passée (l'endroit où elle travaillait, vivait etc).

Puis vient l'explosion précédée de séquences de vie entrecoupées par les vues d'une horloge qui décompte les secondes avant le drame. Comme le souligne bruce, le traitement des ravages directs de l'explosion est pour le moins... étonnant, Shindo filmant sous des angles assez incongrus des actrices topless en guenilles brulées se contorsionnant dans des poses théâtrales. Je ne dirais pas que ça désamorce un peu l'effet escompté, mais le moins qu'on puisse dire, c'est que.... Disons qu'on ne s'attendait pas à ça... :mrgreen:
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La dernière partie suit la jeune institutrice allant à la rencontre des survivants et là, on est clairement dans le mélodrame. Je ne suis pas particulièrement fan de ce genre en particulier, mais là, je trouve contrairement à bruce que ça fonctionne assez bien, parce que le sujet s'y prête bien et que le malheur qui s'abat sur les protagoniste est n'a rien d'un artifice tire-larme, il s'inspire des malheurs d'un peuple.
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Même le sacrifice final du grand père m'a paru logique.
Un bon 8.5/10 donc... :D

A noter que le sujet "Hiroshima" est un sujet sensible pour Shindo qui est originaire de la ville et qui a vécu de près la tragédie. Il réalisera au moins deux autres films touchant de près ou de loin le fameux 6 août : La troupe Sakura-tai, un très beau documentaire que je n'ai pas encore terminé sur une troupe de théâtre qui se trouvait en représentation en ville le jour du lâcher de Little Boy et La tragédie de Lucky Dragon Nr5 (que je n'ai malheureusement pas vu et que bruce a aussi assez moyennement pour ne pas dire pas du tout aimé).
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Beule
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Re: Les enfants d'Hiroshima (Kaneto Shindo - 1952)

Message par Beule »

Je viens de découvrir coup sur coup le Shindô et le Sekigawa, le second grâce au beau BR que vient d'éditer Carlotta. En parcourant les avis ici et là, j'ai relevé que beaucoup favorisaient le Sekigawa, plus polémique et surtout moins ouvertement mélodramatique que son prédécesseur. Plus polémique, assurément. Moins mélodramatique ? Je ne trouve pas. Autant le dire tout de suite, ma préférence va assez nettement aux Enfants d'Hiroshima, même si les deux films me semblent l'un comme l'autre essentiels au devoir de mémoire.

À mon sens, Demi-Lune avait parfaitement synthétisé dans son texte la démarche de Shindô : le choix d’un état des lieux en forme d’odyssée intime, filmé donc à hauteur d’homme (de femme), pour creuser au plus profond du traumatisme du 6 juin 1945. Recenser, panser les plaies physiques et psychologiques, sans doute même évacuer la honte inhérente à un formatage socio-idéologique séculaire, avant enfin de pouvoir envisager, sans jamais oblitérer l’inacceptable, les conditions d’un renouveau, via la jeunesse. Somme toute et nonobstant les drames intimes que déclenchera la quête de l’héroïne, il ne s’agit rien de moins que d’embrasser une vitalité nouvelle qui semblait pourtant compromise dès le déclenchement du feu de l’enfer si l’on s’en réfère à cet étrange tableau morbide de femmes saisies dans une agonie très sexuée figurant peut-être la désolation de la stérilité ( ?). Une démarche limpide qui se fond avec toute une tradition de mélodrames japonais en demi-teinte régulièrement fondés sur la notion de sacrifice (ici celui du grand-père interprété par Osamu Takizawa) que Shindô rénove respectueusement en en élargissant le propos et la portée.

Le Sekigawa mis en chantier en réaction par le Syndicat des enseignants parcourt plus ou moins les mêmes sillons. Mais ce parcours me semble nettement moins maîtrisé : plus chaotique et, parfois même aussi, idéologiquement plus contestable quand en sous-texte affleure la nostalgie d’une époque pré Little Boy, ou quand la position du « plus jamais ça » est étayée avant tout par une paranoïa très autocentrée (de grâce plus de guerre sinon le Japon en serait une nouvelle fois la victime expiatoire). Ces petits dérapages, au demeurant contrebalancés ailleurs par la volonté de stigmatiser également le nationalisme à tout crin et le sacrifice inconditionnel à l’Empereur, s’entendent au regard du caractère de l’œuvre. Il s’agissait après tout d’une commémoration encore presque à chaud dans la mesure où la censure américaine avait occulté toute représentation du drame jusqu’en 1952. Il n’empêche que le caractère polémique du film réside en partie dans ces aspects que Shindô – communiste et donc étranger à toute nostalgie passéiste, même larvée – avait parfaitement su évacuer de son propos l’année précédente. Pour autant c’est justement l’option des leviers mélodramatiques qui me pose davantage problème ici. Ce sont ceux auxquels les auteurs recourent avec ostentation en isolant deux destins particuliers dans les longues séquences dévolues à l’impressionnante recréation de l’enfer post bombardement. Même s’ils assurent un pont entre les trois parties, puisqu’on y suit les parents (Yoshi Katô et Yumeji Tsukioka) de deux élèves d’Eiji Okada, ils amoindrissent la portée documentaire de ces séquences. Et une fois n’est pas coutume, les vagues funèbres du score pléonastique d’Akira Ikufube, qui officiait plus subtilement sur Les Enfants d’Hirosima, ajoutent encore à cette exacerbation mélodramatique. À tel point que, pour moi, l’émotion ne surgit réellement que quand cet habillage musical sait se taire pour capter la litanie des appels de détresse éperdue ("Okaasan ! Oniisan !") émanant de gamins déguenillés dans l’indescriptible enchevêtrement de dépouilles et de ruines. Cela pourra paraître étrange, mais je trouve qu’en quelques inserts (les femmes, les tournesols qui se flétrissent instantanément au moment du bombardement puis la pétrification chargée de réminiscence de Nobuko Otowa lorsque se fait entendre le bruit d’un moteur d’avion) Shindô témoignait avec plus de force et d’à-propos du traumatisme irréversible apporté par l’Enola Gay. D’autant que malgré la débauche de moyens et de bonnes volontés mis à l’œuvre en studio, cette reconstitution, ô combien louable, pâtit forcément de la confrontation aux accablantes images d’archives aujourd’hui passées dans l’inconscient collectif.

Le film de Sekigawa constitue néanmoins une expérience très forte, qui particulièrement dans sa dernière partie – celle qui à la manière du Shindô ausculte les stigmates du trauma avec plus de recul - regorge de témoignages humains inestimables et d'idées de mise en scène magnifiques. Si je ne devais en retenir qu’une, ce serait celle de ce petit carré de radis qu’on a planté dans la cour de l’hôpital (ou de ce qu’il en reste) vers lequel convergent les regards des patients mutilés et/ou irradiés dont l’espoir perdu bourgeonnera à nouveau avec le succès inespéré de l’entreprise. Sublime allégorie poétique qui ouvre le film vers un horizon plus résilient et prometteur.
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Arn
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Re: Les enfants d'Hiroshima (Kaneto Shindo - 1952)

Message par Arn »

Beule a écrit : 25 avr. 21, 20:34 Le film de Sekigawa constitue néanmoins une expérience très forte, qui particulièrement dans sa dernière partie – celle qui à la manière du Shindô ausculte les stigmates du trauma avec plus de recul - regorge de témoignages humains inestimables et d'idées de mise en scène magnifiques. Si je ne devais en retenir qu’une, ce serait celle de ce petit carré de radis qu’on a planté dans la cour de l’hôpital (ou de ce qu’il en reste) vers lequel convergent les regards des patients mutilés et/ou irradiés dont l’espoir perdu bourgeonnera à nouveau avec le succès inespéré de l’entreprise. Sublime allégorie poétique qui ouvre le film vers un horizon plus résilient et prometteur.
Elle est superbe cette scène avec les pousses de radis, très forte.

J'ai vu les deux films hier, et j'ai comme Bruce une préférence pour le Sekigawa. Certes sûrement moins maîtrisé dans sa mise en scène ou dans sa narration parfois un peu maladroite mais qui a réussi malgré tout à plus m'impacter.
Le Shindo a aussi des scènes assez fortes, notamment dans sa mise en scène de l'explosion, son personnage principal est beau mais ça reste souvent du mélodrame qui ne me touche pas trop et me paraît un peu artificiel (comme la fin). A choisir je préfère donc le côté plus brut et parfois expressionniste de Sekigawa.
D'ailleurs dans le Shindo un personnage dit "Je sais maintenant que la guerre c'est ce qu'il y a de pire. La guerre c'est l'enfer". Dans le Sekigawa toute la première partie après l'introduction dépeint cet enfer. En tout cas ce à quoi cela pourrait ressembler si ça exister : ville détruite et en proie aux flammes, défilé sans fin de corps brûlés, mutilés, avançant tant bien que mal au milieu des cadavres vers on ne sait quoi, dans un brouhaha de cri et d'un râle de douleur. C'est une image qui va me rester (comme celle des fleurs fanés du Shindo).

En tout cas deux films très intéressants à voir ensemble et deux approches que je trouve assez complémentaire et importante pour le devoir de mémoire et à l'époque pour aborder des sujets relativement tabous ou passer sous silence.

Ce sujet des conséquences ultérieurs des radiations (et de l'impact sur la vie social des survivants) est au cœur de Pluie Noire d'Imamura que j'ai revu dans la foulée. Magnifique film, entre son environnement paisible et doux de la campagne, son personnage centrale de Yoshiko Tanaka et sa relation avec l'ancien militaire, j'ai été tout autant bouleversé que lors de sa découverte en salle il y a 2 ans environ.
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