Le Western américain : Parcours chronologique III 1955-1959

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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someone1600
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par someone1600 »

ah ça fait du bien de voir ce parcours se continuer. et avec a nouveau un film que je ne connais pas.
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Jeremy Fox
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Ten Wanted Men

Message par Jeremy Fox »

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Dix hommes à abattre (Ten Wanted Men, 1955) de Bruce Humberstone
COLUMBIA


Avec Randolph Scott, Jocelyn Brando, Lee Van Cleef, Richard Boone, Alfonso Bedoya, Skip Homeier, Dennis Weaver
Scénario : Kenneth Gamet
Musique : Paul Sawtell
Photographie : Wilfred M. Cline (Technicolor 1.37)
Un film produit par Harry Joe Brown & Randolph Scott pour la Columbia


Sortie USA : 01 février 1955

Pour l’anecdote, le titre prévisionnel pour cette production Harry Joe Brown/Randolph Scott était "Violent Men". Sachant que The Violent Men (Le Souffle de la violence) de Rudolph Maté était sorti sur les écrans une semaine plus tôt, déjà sous l’égide de la Columbia, on comprend aisément pourquoi il fut modifié en dernière minute. Concernant le titre français cette fois, à ne pas confondre non plus, toujours avec Randolph Scott en tête d’affiche, avec le célèbre 7 hommes à abattre (Seven Men from now) qui fera son apparition en salles l’année suivante et qui sera un western d’une toute autre trempe : le premier de la fameuse collaboration entre le comédien et le réalisateur Budd Boetticher. Le film de Bruce Humberstone (dont la spécialité était plutôt le film noir et la comédie musicale) est un petit western de série sans grand intérêt et qui ne pourra raisonnablement plaire qu’à une petite poignée d’aficionados du genre. Un western à l’intrigue totalement convenue mais dont l’exécution s’avère néanmoins assez solide, ce qui nous donne au final un résultat loin d’être déplaisant !

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L’Arizona au milieu du 19ème siècle. John Stewart (Randolph Scott), le plus gros rancher de la région, accueille en grande pompe son grand frère Adam, juriste dans l’Est des USA. John souhaite que la paix et la loi règnent enfin dans la petite ville d’Ocatilla qu’il a contribué à édifier et à faire se développer malgré la sauvagerie qui régnait dans la contrée. John réussit à convaincre son aîné de rester à ses côtés pour exercer sa profession malgré les réticences d’Howie (Skip Homeier), le fils de l’avocat. Ce dernier tourne autour de Maria Segura, une jeune mexicaine qui semble être sous la coupe de l’autre important éleveur de la région, Wick Campbell (Richard Boone). En effet, ce dernier l’a autrefois sauvé et élevé puis en est tombé amoureux. Il souhaite s’en faire épouser mais la jeune fille n’éprouve aucune attirance pour son tuteur. Menacée par ce dernier, elle se réfugie chez John qui lui accorde sa protection. Ce qui n’est pas du goût de Wick qui décide d’en faire voir de toutes les couleurs à la famille de son principal rival. Pour se faire, il embauche une bande d’une dizaine de bandits commandée par l’inquiétant Frank Scavo (Léo Gordon). Dans les jours qui suivent, un vieil ami de John est abattu, une centaine de ses bêtes volées. John va avoir fort à faire pour lutter contre Wick d’autant que son neveu Howie vient d’être accusé de meurtre et que les autres habitants d’Ocatilla ne semblent pas très chaud pour lui apporter leur aide. Même le shérif Clyde Gibbons (Dennis Weaver) commence à être réticent quand les tueurs prennent son épouse en otage. Mais le courage et l’honnêteté de Corinne Michaels (Jocelyn Brando), jeune veuve pas insensible au charme de John, vont pousser les citoyens à avoir envie de ne plus se laisser faire…

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En Arizona, l’opposition de deux éleveurs : d’un côté John Stewart (Randolph Scott) ayant décidé de faire venir son frère avocat pour régler ses affaires légalement et l’aider à faire régner la paix et l’ordre dans la ville qu’il a contribué à faire se développer ; de l’autre Wick Campbell (Richard Boone) encourageant plutôt la loi des armes que celle des textes, allant même jusqu’à embaucher dix tueurs à gage pour faire place nette, se débarrasser des ‘gêneurs’ qui souhaiteraient se mettre en travers de son chemin… Rien de nouveau sous le soleil du western de série : un scénario ultra-conventionnel narrant une banale histoire de rivalité entre un rancher et des hors-la-loi voulant régner sur la région, mettant en scène des personnages monolithiques et nous proposant des situations stéréotypées vues et revues. Aucune réelles surprises si ce ne sont des batailles à la dynamite (que Randolph Scott avait pourtant déjà précédemment initié dans un western d’un tout autre calibre, le superbe Hangman’s Knot - Le Relais de l’or maudit, seul film du scénariste Roy Huggins) ainsi que le déclencheur du conflit entre Randolph Scott et Richard Boone qui s’avère être une femme et non la possession des terres (même si ce second motif de rivalité couvait depuis un bon moment). Le personnage interprété par Richard Bonne se révèle ainsi assez touchant par le fait de ne pouvoir se séparer de sa protégée, ne supportant pas qu’un autre homme la courtise puisqu’il a toujours cru qu’elle lui appartiendrait en tant qu’épouse après l’avoir élevée. Un ‘Bad Guy’ amoureux fou et capable d’entamer un combat sanglant par dépit d’avoir été abandonné ; une assez jolie idée que ce méchant malheureux et qui aurait pu être pathétique si le scénariste n’avait pas été aussi moyennement inspiré !

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Une coproduction Harry Joe Brown qui ne saurait donc, loin s’en faut, se mesurer, au sein de la série B westernienne, au superbe septuor que Budd Boetticher tournera peu après avec Randolph Scott ni aux très bons westerns précédemment sortis d’André de Toth avec le même acteur/producteur, notamment Le Cavalier de la mort (Tall in the Saddle) ni à d'autres titres moins connus de la fin des années 40 mais néanmoins excellents tel par exemple Face au châtiment (The Doolins of Oklahoma) de Gordon Douglas. Comme dans tous les autres domaines, la série B a accouché de quelques génies mais à côté de ça d’un nombre bien plus importants d’artisans plus ou moins chevronnés, plus ou moins efficaces. Bruce Humberstone ne fait pas partie des tâcherons et n’a abordé le western qu’à trois reprises (Ten Wanted Men étant son dernier essai dans le genre) sans cependant jamais rien y révolutionner (son Massacre à Furnace Creek avec Victor mature était néanmoins bien plus original) ; il était surtout connu pour ses comédies musicales à la 20th Century Fox (de l’agréable Sun Vallley Serenade au médiocre Pin Up Girl en passant par le coloré Hello Frisco, Hello) et ses films noirs dont le plus célèbre est certainement I Wake Up Screaming. Même si sa mise en scène ne brille pas par son originalité ni par sa nervosité, elle s’avère d’une belle solidité et se permet même quelques agréables balades à travers des paysages arides très bien photographiés. C’est pour cette raison que, malgré la banalité de son intrigue (pourtant tirée d’une histoire des futurs scénaristes attitrés de Martin Ritt : Hombre, Hud - Le Plus sauvage d'entre tous…) et une nouvelle fois son final tellement bâclée qu’il frôle le ridicule, Ten Wanted Men se laissera probablement visionner par les amateurs de séries B avec énormément de plaisir surtout qu’ici a été déployée toute la panoplie de l’imagerie traditionnelle du genre.

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Un western remuant, bruyant et mené tambour battant, véritable montagne russe de fusillades, morts violentes, duels et chevauchées en tout genre et ne s’embarrassant pas de psychologie. Niveau interprétation, on ne peut pas dire que ce soit le rôle le plus marquant de Randolph Scott, son temps de présence étant de plus finalement assez faible ; nous n’avions cependant pas l’habitude de le voir dans la peau d’un gros éleveur bien installé. Et puis, quant on se retrouve avoir en face de soi des seconds couteaux aux trognes comme, ‘du côté obscur’, celles de Lee Van Cleef, Denver Pyle, Richard Boone et surtout Leo Gordon (et ses inquiétants petits yeux bleus), qui vole souvent la vedette à ses partenaires dans le rôle du chef des tueurs, on a effectivement de temps en temps du mal à faire le poids. Quant à Alfonso Bedoya, il est fidèle à sa réputation, toujours aussi insupportable : heureusement que sa présence à l’écran a lieu à dose homéopathique ! En revanche on regrette de ne pas plus longtemps côtoyer Jocelyn Brando (soeur de Marlon), non seulement bonne actrice mais s’étant fait offrir un personnage assez attachant : si le film ne consacre que peu de temps à la romance, il nous délivre une très belle déclaration d’amour entre la comédienne et Randolph Scott alors qu’ils sont tous deux assiégés et qu’ils se demandent s’ils en ont encore pour longtemps à vivre. La séquence du siège est d’ailleurs probablement la plus réussie du film, toute en intensité dramatique, ce qui par ailleurs manque cruellement au reste de ce western.

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En résumé, une série B convenue, pleine de clichés et de stéréotypes mais néanmoins plutôt bien torchée, que l’on regarde sans enthousiasme excessif tout en se révélant pourtant bien plaisante ; mais comme nous le prévenions en tout début, à ne conseiller cependant qu’aux amateurs purs et durs qui eux aussi l’auront oublié instantanément une fois vu. La musique de Paul Sawtell risque en revanche d'être un peu plus entêtante, son orchestration étant d'une sobriété qui lui sied assez bien, la faisant paradoxalement bien ressortir.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par someone1600 »

et un de plus a ajouter a la longue liste de films a visionner. lol
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

someone1600 a écrit :et un de plus a ajouter a la longue liste de films a visionner. lol
... ou non ; car les deux premiers films de ce topic sont tout à fait dispensables. Le suivant aussi d'ailleurs. Après, on reviendra aux choses sérieuses :wink:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par someone1600 »

Bah, vu que je les ai tous les deux dans mes enregistrements TCM, un jour je les regarderai. :wink:
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Jeremy Fox
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Many Rivers to Cross

Message par Jeremy Fox »

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L'Aventure fantastique (Many Rivers to Cross, 1955) de Roy Rowland
MGM


Avec Robert Taylor, Eleanor Parker, Victor McLaglen, Jeff Richards, Russ Tamblyn, James Arness, Alan Hale Jr, Morris Ankrum
Scénario : Harry Brown & Guy Trosper
Musique : Cyril J. Mockridge
Photographie : John F. Seitz (Technicolor 2.55)
Un film produit par Jack Cummings pour la MGM


Sortie USA : 04 février 1955

A quelques exceptions (dont le savoureux Le Grand Bill – Along Came Jones avec Gary Cooper), la comédie westernienne (sans parler des pures parodies du style Chercheurs d'or avec les Marx Brothers) s’était plutôt jusqu’à présent déclinée sous la forme de comédie musicale. Le Background de la dernière comédie musicale westernienne en date, la célèbre Les Sept Femmes de Barbe Rousse (Seven Women for Seven Brothers), sortie quelques mois plus tôt (avec déjà Russ Tamblyn et Jeff Richards), était d’ailleurs à peu près similaire à celui du film de Roy Rowland : paysages du Kentucky et de l’Oregon assez ressemblants malgré leurs situations respectives d'un côté et de l'autre des USA (surtout du fait que ce sont pour les deux films des décors de studio pour la majeure partie), cabanes en forêt occupées par des familles nombreuses, mœurs assez frustres, hommes machos, femmes au fort caractère ne souhaitant pas se laisser faire, bagarres homériques… Mais s’il y a un autre ‘Musical’ qui s’apparente aussi beaucoup à L’Aventure fantastique, c’est le Calamity Jane (La Blonde du Far-West) de David Butler, Doris Day interprétant avec une fougue hallucinante le rôle titre. Eleanor Parker tente de faire la même chose mais s’avère néanmoins un peu moins à l’aise dans la comédie ; cependant son dynamisme, sa santé, son énergie et son grand sens de l'autodérision (sa façon de prononcer le nom de son ‘amoureux forcé’ est inénarrable), etc., n’en sont pas moins réjouissants. Le fait qu’elle fasse partie du casting se révèle malheureusement presque la seule raison de pouvoir prendre plaisir à ce film par ailleurs très laborieux !

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Kentucky ; vers la fin du XVIIIème siècle. Le trappeur Bushrod Gentry (Robert Taylor) ne demande qu’à continuer de mener sa vie aventureuse et solitaire qui ne consiste qu’à chasser et revendre ses peaux. Les femmes, il les apprécie grandement mais uniquement le temps d’une nuit. A la suite d'un combat contre des indiens Shawnee, il est sauvé par la téméraire Mary Stuart Cherne (Eleanor Parker) qui tombe immédiatement sous son charme et l’emmène faire soigner son bras dans la maison familiale. Elle décide sans plus tarder et sans lui demander son avis que ce sera l'homme de sa vie. Elle va désormais se mettre en quatre pour le contraindre à l'épouser, allant même jusqu'à prétendre à son écossais de père (Victor McLaglen) qu'il l'a déshonoré. Bushrod, préférant se frotter aux dangers de la nature qu’à une mégère non encore apprivoisée, s’enfuit. Il est vite rattrapé et ramené sous le toit de la famille Cherne. Sous la menace, les quatre frères de Mary (Jeff Richards, Russ Tamblyn, John Hudson et Russell Johnson) obligent Bushrod à passer l’alliance au doigt de leur sœur. Une fois marié, il fuit à nouveau le foyer conjugal ; mais Mary est à ses trousses !

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L’aventure fantastique fait partie des comédies westerniennes les plus connues, ou plutôt de celles ayant été les plus souvent diffusées à la télévision en France durant les années 70 et 80, l’un des premiers westerns qu’il m’ait d’ailleurs été de voir à l’époque ou FR3 en diffusait un tous les mardis soirs. Malheureusement notoriété ne rime pas forcément avec qualité, la preuve ! Si le postulat de départ était amusant (une jeune fille n'a de cesse que de se faire épouser de force par le trappeur qu’elle a tiré des griffes des Indiens, ce dernier ne voulant à aucun prix s'encombrer d'une femme), le résultat est pour le moins pénible ! Retour arrière sur deux avis à propos des westerns précédents du cinéaste :

« Même si la mise en scène de Rowland pour Le Convoi Maudit (The Outriders) manque de souffle et d’idées, c’est celle d’un homme respectueux de son public ; nous nous étonnons même de pouvoir contempler dans ce western mineur des plans aussi beaux que celui des quatre cavaliers en contre jour en haut d’une colline. »

Ce n’est malheureusement pas le cas en ce qui concerne Many Rivers to Cross. La mise en scène est cette fois totalement indigente et l’on en vient même parfois à se poser la question quant à savoir s’il se trouve bien quelqu’un derrière la caméra tellement l’ensemble s’avère terne et statique ; cette impression est renforcée par l’incapacité du cinéaste à profiter des quelques décors naturels à sa disposition (les 9/10ème du film étant néanmoins tournés en studio) et par le fait que le cadreur semble totalement démuni face au format très large du 2.55 ; rarement le cinémascope aura été encore aussi mal utilisé ! Et ce n’est pas non plus à la vision de ce film que nous pourrons nous extasier devant certains plans tellement l’esthétique y est hideuse et bâclée, le montage en dépit du bon sens avec faux raccords en pagaille lors des séquences mouvementées n’arrangeant guère les choses !

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« Non pas que The Moonlighter soit désagréable mais on pouvait s’attendre à beaucoup mieux au vu des noms prestigieux qui se trouvaient réunis à l’affiche. Je vous vois venir ; si vous pensiez en votre for intérieur que ce semi-ratage était dû au réalisateur Roy Rowland, vous auriez eu tort car sa mise en scène se révèle tout à fait correcte. Non, la faute en incombe bel et bien avant tout à un scénario totalement absurde et incohérent, d’autant plus incompréhensible que Niven Busch est également auteur de l’histoire […] Grâce à la mise en scène et au choix du réalisateur de ne pas utiliser de transparences, le film est loin d’être désagréable à visionner d’autant que Rowland arrive à bien mettre en valeur les superbes décors naturels qu’il a à sa disposition »

Cette fois les persifleurs peuvent s'y mettre et jeter l'opprobre sur Roy Rowland ! Non seulement le casting était tout aussi illustre mais les moyens mis en place par la MGM semblaient être conséquents. Il est d’ailleurs assez scandaleux de constater que les pontes du prestigieux studio du lion ait pu laisser passer un film aussi pauvre et mal fichu à tous les points de vue, les techniciens semblant, tout comme le réalisateur, avoir jeté l’éponge dès le début du tournage à commencer par le chef-opérateur : pour les scènes de nuit, il fait se suivre indifféremment des plans nocturnes et diurnes sans même utiliser la nuit américaine en ayant l'air de s'en fiche comme d'une guigne. Quant au scénario, ce n’est plus Niven Busch qui office mais Guy Trosper, tout de même l’auteur du superbe script de La Porte du diable (Deevil’s Doorway) ; de quoi y perdre son latin ! Comment peut-on accoucher d’un scénario aussi magnifique puis ensuite d’un autre d’une telle effarante idiotie ? Car difficile de juger autrement cette histoire qui semblait devoir être amusante mais qui échoue tout du long, non seulement presque jamais drôle mais aussi d’une lourdeur pachydermique à l’image de l’hommage préliminaire : "We respectfully dedicate our story to the frontier women of America, who helped their men settle the Kentucky wilderness. They were gallant and courageous, and without their aggressive cooperation-few of us would be around to see this picture." On aurait aimé en rire mais l’ensemble est tellement affligeant que c’est l’ennui qui l’emporte très vite. Et que dire de cette digression avec James Arness qui voit durant dix minutes Robert Taylor essayer de sauver un enfant atteint de la pneumonie ; comme si au milieu d’une comédie avec Louis de Funès, on venait greffer une séquence mélodramatique ! Ce changement de ton est assez ahurissant, une preuve supplémentaire du manque total de rigueur de l’ensemble.

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Tous les éléments semblaient pourtant être bien couchés sur le papier pour nous faire penser que nous allions nous trouver devant une comédie réjouissante ou tout du moins bien sympathique, y compris la présence de Victor McLaglen dans un des derniers rôles de sa carrière, un personnage d’ailleurs très ‘fordien’ qui fait penser à celui qu’il tenait dans le superbe L’Homme tranquille (The Quiet Man) qui peut par certains points s’apparenter au film de Roy Rowland. Je n’ai donc rien vu de tel mais plutôt un mauvais vaudeville ! Mais sinon, grâce à l'abattage, au piquant et à la beauté d'Eleanor Parker, à l'amusante composition pince sans rire de Robert Taylor en homme dépassé par les évènements, à la sympathique partition de Cyril J. Mockridge, on s'amuse quand même un tout petit peu notamment lors de la séquence finale de l'attaque indienne dans une grotte, plutôt cocasse et bien menée. Mais c'est tout juste et c'est bien dommage. C’aurait pu être loufoque et parodique ; ça tente de l’être mais sans résultat. Un beau gâchis ! Souvenons nous plutôt de Roy Rowland comme réalisateur du fameux 5000 doigts du Dr T et qui nous gâtera l’année suivant la sortie de Many Rivers to Cross en nous proposant un film fort divertissant cette fois, la comédie musicale La Fille de l’amiral (Hit the Deck). Pour balancer mon ressenti très négatif, il est bon de savoir qu’en lisant les commentaires sur imdb, on se rend compte que beaucoup ont ri à gorge déployée tout du long. A vous de juger ! Il faut également savoir que la VF donne aux personnages un accent marseillais : ‘bonne mère’, peut-être y aurait plus d’occasion de rire (même involontairement) en en passant par là, en suivant les aventures de Brutus Gentil au lieu de Bushrod Gentry ?
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par someone1600 »

j attend ta prochaine chronique avec impatience car il s agit de mon préfère de la quinte.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Tu ne seras donc pas déçu someone :wink: Sans surprise, Anthony Mann vient squatter une nouvelle place dans le top ten. Reste plus qu'à pondre mon avis maintenant : fin de semaine prochaine.


* 1- La Charge Héroïque (John Ford)
* 2- Le Passage du Canyon (Jacques Tourneur)
* 3- Les Affameurs (Anthony Mann)


* 4- Johnny Guitar (Nicholas Ray)
* 5- Je suis un aventurier (Anthony Mann)
* 6- La Porte du Diable (Anthony Mann)
* 7- Le Massacre de Fort Apache (John Ford)
* 8- Au-Delà du Missouri (William Wellman)
* 9- Smith le Taciturne (Leslie Fenton)
* 10- Convoi de Femmes (William Wellman)
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par pak »

Jeremy Fox a écrit :
someone1600 a écrit :et un de plus a ajouter a la longue liste de films a visionner. lol
... ou non ; car les deux premiers films de ce topic sont tout à fait dispensables. Le suivant aussi d'ailleurs. Après, on reviendra aux choses sérieuses :wink:
Il devient de plus en plus difficile le Jeremy... :wink:

Le Souffle de la violence et Dix hommes à abattre, j'aime bien, du moins dans mes souvenirs. J'ai les DVDs, alors je les reverrai forcément...
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

http://www.notrecinema.com/
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

pak a écrit :
Le Souffle de la violence et Dix hommes à abattre, j'aime bien, du moins dans mes souvenirs.
Ben oui ; moi aussi. J'ai juste estimé qu'ils étaient dispensables :wink:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par pak »

Ah ça, face au prochain, Je suis un aventurier, je suis bien d'accord !
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

http://www.notrecinema.com/
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par someone1600 »

Jeremy Fox a écrit :Tu ne seras donc pas déçu someone :wink: Sans surprise, Anthony Mann vient squatter une nouvelle place dans le top ten. Reste plus qu'à pondre mon avis maintenant : fin de semaine prochaine.


* 1- La Charge Héroïque (John Ford)
* 2- Le Passage du Canyon (Jacques Tourneur)
* 3- Les Affameurs (Anthony Mann)


* 4- Johnny Guitar (Nicholas Ray)
* 5- Je suis un aventurier (Anthony Mann)
* 6- La Porte du Diable (Anthony Mann)
* 7- Le Massacre de Fort Apache (John Ford)
* 8- Au-Delà du Missouri (William Wellman)
* 9- Smith le Taciturne (Leslie Fenton)
* 10- Convoi de Femmes (William Wellman)
Ca me donne juste encore plus hate de te lire. :D Et en plus, je crois bien que je vais me faire un petit visionnemment de la quinté tiens. :D Il y a un bon bout de temps que je n'ai pas regarder un western. :wink:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par onvaalapub »

someone1600 a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Tu ne seras donc pas déçu someone :wink: Sans surprise, Anthony Mann vient squatter une nouvelle place dans le top ten. Reste plus qu'à pondre mon avis maintenant : fin de semaine prochaine.


* 1- La Charge Héroïque (John Ford)
* 2- Le Passage du Canyon (Jacques Tourneur)
* 3- Les Affameurs (Anthony Mann)


* 4- Johnny Guitar (Nicholas Ray)
* 5- Je suis un aventurier (Anthony Mann)
* 6- La Porte du Diable (Anthony Mann)
* 7- Le Massacre de Fort Apache (John Ford)
* 8- Au-Delà du Missouri (William Wellman)
* 9- Smith le Taciturne (Leslie Fenton)
* 10- Convoi de Femmes (William Wellman)
Ca me donne juste encore plus hate de te lire. :D Et en plus, je crois bien que je vais me faire un petit visionnemment de la quinté tiens. :D Il y a un bon bout de temps que je n'ai pas regarder un western. :wink:
Et quel quinté ! Quel claque j'ai prise pour ma part et particulièrement avec les Affameurs !
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Jeremy Fox
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The Far Country

Message par Jeremy Fox »

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Je suis un aventurier (The Far Country, 1955) de Anthony Mann
UNIVERSAL


Avec James Stewart, Walter Brennan, Ruth Roman, Corinne Calvet, John McIntire, Jay C. Flippen, Harry Morgan, Steve Brodie
Scénario : Borden Chase
Musique : Henry Mancini, Hans J. Salter, Frank Skinner & Herman Stein
Photographie : William H. Daniels (Technicolor 1.37)
Un film produit par Aaron Rosenberg pour la Universal


Sortie USA : 12 février 1955

Après un début d’année 1955 qui se trainait un peu, Anthony Mann vient à nouveau nous sortir de notre relative léthargie. Après Winchester 73, La Porte du diable, The Furies, Les Affameurs et L’Appât, le réalisateur vient nous rappeler qu’il était encore à l’époque le maître en matière de western, nous faisant même nous demander à la vision de ces films si le genre n’aurait pas été inventé spécialement pour lui. Il vient aussi remettre les pendules à l’heure quant au western justement, rappelant aux sceptiques que les ‘films de genre’ pouvaient accoucher eux aussi d’immenses chefs-d’œuvre. "C’est le plus complet, le plus synthétique, le plus riche de sens de la série, tout simplement le western le plus beau du cinéma américain" disait à propos de The Far Country, Jacques Lourcelles dans son dictionnaire du cinéma. Pas moins ! Comme de bien entendu, ce jugement peut tout à fait se concevoir et l’aurait pu tout autant, accolé à n’importe quel autre film de la série des westerns d’Anthony Mann avec James Stewart. Car on l’a constaté depuis longtemps, chacun a son western de préférence à l’intérieur de ce fabuleux quintet et ça ne viendrait à l’esprit de personne de s’en étonner tellement ce corpus demeure homogène niveau excellence, l’ensemble atteignant des sommets rarement égalés. Bref, vous l’aurez compris d’emblée, si ma préférence se porte de peu sur Les Affameurs, Je suis un aventurier, comme les précédents, fait partie des incontournables, de ces films que l’on peut revoir sans cesse, découvrant à chacune de leurs visions de nouvelles et formidables richesses.

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1896. Parti du Wyoming, Jeff Webster (James Stewart), à la tête de son troupeau de bovins, arrive à Seattle où il rejoint son protégé, le vieux Ben Tatem (Walter Brennan). Ils espèrent tous deux vendre à bon prix leurs bêtes en Alaska, région commençant seulement à être colonisée et où le bœuf se fait encore rare. Leur but est de faire fortune pour ensuite s’acheter un petit ranch dans l’Utah. Ben, étonné de ne voir que deux convoyeurs l’accompagnant, Jeff lui raconte qu’en cours de route, il a du abattre les deux autres qui avaient voulu l’abandonner en dérobant son cheptel. Après avoir chargé le troupeau sur le bateau à vapeur, on vient donc l’arrêter pour meurtre. Il réussit à ne pas se faire prendre grâce à l’aide d’une passagère, la jolie Ronda Castle (Ruth Roman) qui le cache dans sa cabine tout au long du voyage, ‘ayant besoin d’amis’. Le calme étant revenu, le bateau accoste à Skagway où Jeff fait descendre ses bêtes. Traversant la ville, il perturbe une pendaison, ce qui déplait fortement au despote local, Gannon (John McIntire), tout à la foi shérif et juge. Jeff est ainsi obligé de passer devant un tribunal, jugé à la fois pour les meurtres de ses deux associés et surtout pour avoir troublé l’exécution capitale en cours. Gannon le gracie mais en revanche lui confisque son troupeau. Ronda, qui se révèle être en fait la tenancière du saloon de Skagway et qui souhaite désormais en ouvrir un autre dans la petite ville minière de Dawson (au Canada), embauche Jeff et Ben comme guides. Le convoi entame donc son voyage aux travers des dangereuses montagnes du Yukon mais, à la nuit tombée, Jeff, Ben et leur ami Rube (Jay C. Flippen), profitent de la halte pour revenir sur leurs pas, aller récupérer en douce leurs bovins. Gannon et ses hommes se lancent à leur poursuite mais Jeff réussit à faire franchir la frontière à son troupeau avant qu’ils ne soient rejoints. Gannon jure cependant de faire pendre Jeff dès qu’il remettra les pieds à Skagway, seul voie d’accès vers les USA. “Have a nice trip! I'll hang you when you come back!”

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Cet avant dernier western de l’association Anthony Mann/James Stewart produit par Aaron Rosenberg narre donc les tribulations en 1896 de Jeff Webster et de son associé Ben Tatem (l’inénarrable Walter Brennan, le futur Stumpy édenté de Rio Bravo, qui possède déjà toutes les caractéristiques de ce célèbre personnage dans ce film de Mann) pour convoyer leur troupeau qu’ils finiront, après mille embûches, par vendre à Dawson en Alaska pour s’acheter une concession aurifère. Ils ne sont pour autant pas au bout de leurs peines puisque Gannon, le potentat local (excellent John McIntire en ordure intégrale), fait régner sa loi en s’appropriant de manière peu catholique les concessions les plus juteuses... Outre cette histoire assez traditionnelle, The Far Country évoque dans le même temps l’accession d’un homme solitaire à la prise de conscience du sens constructif de la communauté (mais nous y reviendrons dès le paragraphe suivant). En tout cas, quelle que soit l'intrigue, il est étonnant de voir à quel point, au sein de mêmes conditions de production, les westerns d’Anthony Mann à la Universal dominent les autres ; ce qui ne fait que renforcer mon opinion comme quoi, le cinéma a beau être un art qui ne saurait reposer que sur le seul dos du réalisateur, ce dernier possède une importance primordiale car par ailleurs l’équipe technique et artistique est la même pour Je suis un aventurier que pour d’innombrables autres westerns produits par le studio qui régnait alors en maître dans le genre. Autrement dit, la controversée politique des auteurs, pas toujours convaincante, n’en est pas pour autant totalement à rejeter ; le maître d’œuvre reste bel et bien le metteur en scène même si le fait de savoir bien s’entourer reste fondamental.

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Cet aparté étant terminé, signalons une cuvée 1955 qui débute avec des antihéros comme il n’aurait pas pu y en avoir quelques années plus tôt sans risquer le rejet pur et simple du film par le public et la critique ; après Glenn Ford dans Le Souffle de la violence (The Violent Men), c’est au tour de James Stewart d’endosser la défroque d’un personnage oh combien égoïste et misanthrope, dénué de presque toutes les qualités habituelles des héros du western classique, la notion d’entraide lui étant apparemment inconnue pour la bonne et simple raison qu’il ne semble même pas avoir un brin d’estime pour ses semblables (il ne lève pas un doigt lorsque qu’on tue froidement un homme à côté de lui mais il fait en revanche part de son admiration pour les loups, leur solitude et leur indépendance) ! Son leitmotiv tout au long du film se résume à peu près à cette phrase : “I don't need other people. I don't need help. I can take care of me.” Mais, car c’était loin d’être gagné d’avance, grâce aux talents conjugués de Borden Chase et de l’immense comédien, le peu aimable Jeff Webster demeure néanmoins constamment attachant pour sa franchise directe, son étonnement devant la bonté d’autrui (notamment face au personnage de Corinne Calvet) ou encore pour les quelques gestes d’amitié qu’il peut avoir pour son vieil ami (sa manière de lui mettre la pipe à la bouche et de la lui allumer), le seul capable de lui faire ressortir une part d’humanité, aussi minime soit-elle ; un protagoniste d’une richesse inouïe qui vient rejoindre au panthéon des plus beaux personnages de westerns les Lin McAdam, Glyn McLintock, Howard Kemp (et plus tard Will Lockhart), bref les autres interprétés par ce même James Stewart au sein de cet irremplaçable quinté westernien d’Anthony Mann.

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The Far Country fait interagir la destinée individuelle de ce personnage au passé obscur avec celle de la communauté des honnêtes citoyens de Dawson souhaitant bâtir une ville aux institutions solides, gérée avec justice et équité. Que ce soit Jeff ou les habitants de Dawson, il faudra qu’ils se débarrassent des éléments perturbateurs pour arriver à vivre en paix. Jeff pour quitter le Canada sans se faire lyncher ; les habitants pour ne pas vivre sous la tutelle d’un tyran et être constamment confrontés à la barbarie qui règne en maître. Et ça ne se fera pas sans casse de part et d’autres, les morts violentes allant être légions, les hommes de Gannon se révélant impitoyables et sans scrupules. Je vous laisse juge de l’ambigüité,de l’ampleur et de la richesse du propos principal délivré par le film : l’itinéraire moral qui conduira Jeff du pragmatisme à la prise de conscience de l’importance de la solidarité aura du en passer par la vengeance, l’un des thèmes récurrents des westerns de Mann. C’est une action répréhensible (même si au vu de la cruauté des Bad Guy, on peut la comprendre) qui révèlera à Jeff son sens des responsabilités et les valeurs universelles prônées par ‘les honnêtes gens’. La vengeance est cette fois presque adoubée par la morale puisque si Jeff était resté l’invétéré individualiste qu’il était depuis le début, il serait parti en faisant table rase à la fois de son meilleur ami ainsi que des habitants de Dawson qui ont tous fait les frais de l’absence de ‘Law and Order’ dans la contrée. En effet, s’il disait peu de temps auparavant à la jeune française rencontrée sur sa route (la délicieusement pittoresque Corinne Calvet), "il n’y a aucune raison qu’un homme se fasse tuer quand il peut l’éviter", il prendra enfin des risques après la disparition de son seul véritable ami. La vengeance sera donc le déclencheur de sa prise de conscience morale comme quoi l’égoïsme ne peut pas aboutir à grand-chose. Un superbe parcours initiatique que celui de Jeff Webster au sein de ce western d’une beauté qui ne réside pas seulement dans le fond.

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Mais pour le plaisir de s’y appesantir encore un peu (sur le fond), contrairement à un autre western remarquable qu’était La Porte du diable (Deevil’s Doorway) qui avançait en droite ligne sans jamais dévier ni s’attarder sur quelconques digressions, ce sont justement ces dernières qui font tout le prix de Je suis un aventurier. Non pas que la narration ne soit pas d’une parfaite linéarité mais Borden Chase en profite néanmoins pour l’émailler de multiples et savoureuses parenthèses, prenant son temps de croquer toute une galerie de personnages pittoresques et attachants, nous proposant une multitude de saynètes chaleureuses et de petits détails qui finissent de rendre ce western encore plus riche qu’il ne semblait devoir l’être, l’intrigue de départ étant finalement assez banale. Par exemple, je n’avais encore jamais fait attention à la petite séquence au poste frontière au cours de laquelle on se rend compte de la tache difficile incombé à l’homme qui doit sans cesse patrouiller sur des milles autour de son logis alors que son épouse et son jeune fils sont condamnés à rester seuls des semaines durant, isolés du monde. Quelques secondes à peine mais un exemple parmi tant d’autres des petits détails réalistes ou historiques qui n’ont l’air de rien mais qui rendent le film encore plus intéressant. Tout comme la vision du grouillement de la ville de Skagway, du campement de fortune à l’entrée du glacier, du surgissement du bétail de l’intérieur du bateau à aube, du travail des chercheurs d’or…

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Dans le même ordre d’idées, Anthony Mann et Borden Chase nous présentent donc toute une galerie de personnages secondaires fortement caractérisés et possédant tous un relief assez conséquent y compris ceux n’ayant qu’un faible temps de présence à l’écran. Il suffit de penser au docteur amassant quelques grammes d’or pour pouvoir partir à Vienne enseigner la stomatologie ; sa fille, garçon manqué n’ayant pas la langue dans sa poche, d’une probité qui vient faire oublier sa trop grande naïveté et qui, d’agaçante au départ, la fait vite devenir extrêmement touchante ; les trois femmes de tête menant la révolte contre les ‘dictateurs’ locaux, entonnant une chanson entrainante sans avoir peur du ridicule malgré leur manque de talent évident dans cette discipline ; le vieil alcoolique nommé shérif et qui prendra sa nouvelle fonction tellement à cœur qu’il y succombera ; le diabolique et faussement affable tyran local qui profite de l’absence de loi pour s’en mettre plein les poches, un méchant ‘Bigger than life’ savoureusement campé par un John McIntire inoubliable avec son chapeau haut de forme, presque habillé en croque-morts, sorte de Roy Bean nordique… Il faut dire aussi que le film est superbement dialogué, sans trop en faire, sans mots d’auteurs à la pelle. C’est ce qui fait d’ailleurs avant tout le prix de ce film parfaitement équilibré : rien à redire sur chacun de ses éléments sans pour autant que ces derniers ne soient jamais tape à l’œil (ou à l’oreille), la virtuosité d’Anthony Mann résidant elle aussi avant tout dans sa discrétion. La juste mesure en somme !

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Il en va donc de même concernant la mise en scène d’Anthony Mann, d'une perfection constante sans jamais chercher à nous en mettre plein la vue. On ne saluera jamais assez son impressionnante appréhension de l’espace : plastiquement parlant, Anthony Mann nous prouve qu’il n’a pas nécessairement besoin du scope pour mettre en valeur des paysages singuliers, aussi impressionnants que variés (le périple se déroule au sein de splendides paysages tour à tour neigeux, rocailleux ou verdoyants, montagnards ou portuaires, l’Alaska étant filmé ici en décors naturels au Canada). C’est un ravissement pour les yeux grâce aussi à la superbe photographie de William Daniels qui avait déjà signé celle, somptueuse en noir et blanc, de Winchester 73. Des séquences inoubliables, difficile d’en faire ressortir l’une plus que l’autre, le film n’étant constitué que d’une succession de tels moments. On se souviendra néanmoins longtemps du traquenard dans la plaine marécageuse avec le massacre qui s’ensuit vu subjectivement par les yeux de nos héros qui ne peuvent rien faire pour l’arrêter, de la montée sur les glaciers du Yukon juste avant l’avalanche, de la traversée de Skagway par le troupeau s’achevant par la première rencontre avec le truculent John McIntire, de la poursuite de James Stewart dans le bateau et son entrée dans la cabine de Ruth Roman, du meurtre de sang froid dans le saloon de certains citoyens de Dawson par les hommes de Gannon, de la mort violente et tragique de Walter Brennan alors qu’on ne s’y attendait pas, du visage de James Stewart marqué par une rage impuissante devant sa main blessée et enfin de la splendide séquence de gunfigh final dans les rues boueuses et nocturnes de Dawson qui montre, bien avant Sam Peckinpah, qu’il était difficile de toucher son adversaire d’un coup, qu’il fallait des coups de feu répétés avant de blesser ou tuer celui d’en face même s’il se situait très proche de vous. Et cette clochette qui n’arrête pas de tinter jusqu’à se trouver en gros plan sur l’image finale…

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Je suis un aventurier est un western réalisé avec une maestria sans pareille tout en n’oubliant pas de nous divertir intelligemment. A la fois épique, picaresque, dépaysant, mouvementé (avalanche, Stampede, fusillades, Gunfights…), coloré, parfois grave et extrêmement violent (l’étonnante séquence du guet-apens au milieu d’une grande plaine dégagée), il est magnifiquement écrit par un Borden Chase qui décrit toute une galerie de personnages d’une grande richesse psychologique, une communauté solidaire auquel il semble s’être grandement attachée. Tour à tour chaleureux, détendu, généreux puis très âpre (l’un des personnages principaux fait d’ailleurs les frais de la violence qui régnait à la fin du 19 siècle pendant la ruée vers l’or), The Far Country est un western plein de vie, constamment jubilatoire par ses changements de ton et qui procure un indicible plaisir, certainement le plus serein et lumineux du quinté ‘mannien’. Le seul point qui m’empêche de le mettre au même niveau que Bend of the River est sa musique qui, bien que très belle, n’atteint jamais le lyrisme et la beauté sereine de celle de Hans J. Salter.

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Mais laissons la conclusion à Otis B. Driftwood, qui, sur DVDclassik, a, je trouve, certainement écrit le plus beau papier sur un film d’Anthony Mann à propos justement de The Far Country : "Pour tous les amateurs d’Anthony Mann, The Far Country est un film somme, une œuvre prodigieuse et si synthétique qu’elle dilapide généreusement en à peine plus d’une heure trente de projection la substance de tous les thèmes chers au cinéaste, dans une profusion de péripéties jamais frénétiques mais hautement jubilatoires. Il n’est pas de récit cinématographique d’une fibre plus aventureuse que celui ci. Il n’est pas de récit moral plus satisfaisant non plus. Voilà pourquoi The far country est assurément l’un des plus beaux westerns de l’histoire du cinéma. Peut-être même le plus beau de tous..."
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Rick Blaine
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Re: The Far Country

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit : Le film est sorti en zone 2 mais matté en 1.85. Mieux vaut prendre le DVD américain, le 1.37 étant visiblement le meilleur format pour ce film, le plus satisfaisant à regarder.
Tiens, je ne connaissais pas cette problématique de format, et je ne l'ai vu qu'en 1.85. Je vais m'empresser de le trouver en 1.37!
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