André Cayatte (1909-1989)
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Re: André Cayatte (1909-1989)
Je voudrais aussi prendre la défense de Cayatte. Certes, il a réalisé certains films qui sont pesants et indigestes. Par contre Les Amants de Vérone se sont révélés absolument passionnants avec la mise en abîme du cinéma dans le cinéma. Bien sûr, le film doit beaucoup à Jacques Prévert et à Henri Alekan. Mais, regardez-le avant de démolir complètement Cayatte.
J'ai vu La fausse maîtresse il y a un certain temps, et c'était décevant. Mais, par contre son scénario pour Caprices (1942) était plein de surprises et de charme.
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Re: André Cayatte (1909-1989)
Oui, Les amants de Vérone m'a beaucoup surpris et intéressé, je l'ai découvert il y a quelques jours avec le Ciné-club.Ann Harding a écrit :Je voudrais aussi prendre la défense de Cayatte. Certes, il a réalisé certains films qui sont pesants et indigestes. Par contre Les Amants de Vérone se sont révélés absolument passionnants avec la mise en abîme du cinéma dans le cinéma. Bien sûr, le film doit beaucoup à Jacques Prévert et à Henri Alekan. Mais, regardez-le avant de démolir complètement Cayatte.
J'ai vu La fausse maîtresse il y a un certain temps, et c'était décevant. Mais, par contre son scénario pour Caprices (1942) était plein de surprises et de charme.
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Re: André Cayatte (1909-1989)
La raison d’État (1978)
J'ai beaucoup aimé. Un grand moment de cynisme et de realpolitik, qui n'édifie peut-être plus de la même façon qu'à l'époque de la sortie (ce n'est pas comme si les magouilles giscardiennes et les liens de la Françafrique étaient encore confidentiels pour l'opinion publique), mais qui témoigne quand même d'une véhémence qui laisse rêveur en ces temps où le cinéma politique français a disparu des écrans. Un film qu'on pourrait rapprocher, toutes proportions gardées bien sûr, du Dossier 51 sorti la même année, sur le plan de l'engrenage kafkaïen et des fins justifiant les méthodes de l'administration d’État. Voir Jean Yanne (excellent en pourri intégral) et la douce Monica Vitti réunis rajoute à l'étrangeté de la chose.
La raison d’État, c'est donc l'histoire d'un coup de projecteur sur le rôle de la France dans le commerce illégal d'armes de guerre. Leurs ventes sont l'apanage discrétionnaire d'un haut fonctionnaire, Leroi (Jean Yanne, donc), éminence grise du ministre de la Défense et vieux briscard désabusé des affaires. Celui qui fait le sale boulot sur place est Jobin (Michel Bouquet), présenté comme le chef de ce qui est implicitement entendu comme le SDECE, mais qui évoque bien plus un mix entre des gens comme Foccart et Bob Denard. Ce qui est excellent dans le fait de découvrir ça là maintenant, c'est la dimension supplémentaire que les faits exposés prennent à la lumière de la postérité du film. Dans le scénario, la France doit en effet passer un gros contrat de vente d'armes à la République imaginaire du Tongo, dictature africaine alliée ayant obtenu du général de Gaulle l'indépendance et qui sollicite l'appui de Paris face à la révolte et à la sécession de la région du nord (difficile de ne pas penser, par certains aspects, à l'actuelle situation du Mali). Leroi prépare le contrat mais est dissuadé par Jobin, qui estime que le régime central tombera quoi qu'il arrive, miné par la corruption, les clans et son despotisme : mieux vaut appuyer les rebelles et ainsi préparer de nouvelles relations diplomatiques françafricaines. La France expédie donc du coup ses armes à l'ennemi, en les vendant officiellement à l'Italie, puisque le nouvel État du nord n'est pas reconnu par la communauté internationale, et que la France ne peut légalement livrer des armes qu'à des pays alliés. Seulement là, c'est le drame : les armes qui ont été fournies par la France aux rebelles tongolais servent à abattre un avion civil avec à son bord près de 250 passagers (là, impossible de ne pas penser à la situation en Ukraine), essentiellement des enfants. Un intellectuel engagé (joué par François Périer), farouche opposant du gouvernement français, obtient de la part d'un contact italien les documents prouvant l'implication de la France dans ce drame, et veut faire exploser l'affaire au grand jour. "On" l'en empêchera mais sa collègue et amie (Monica Vitti), qui avait préalablement photocopié les preuves, est bien décidée à poursuivre le combat. Au nom de la raison d’État, la France va tout faire pour l'en dissuader.
Je n'en dis pas plus. C'est vraiment intéressant, il n'y a pas de graisse, les dialogues sont cinglants et questionnent in fine la valeur des préceptes de Machiavel ou Richelieu. Dans l'esprit, on n'est vraiment pas loin de ce que faisaient les Américains à la même époque avec des films comme Les 3 jours du condor (la qualité de la mise en scène en moins, quand même).
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Re: André Cayatte (1909-1989)
Tu l'as vu comment?
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Re: André Cayatte (1909-1989)
Il est dispo en intégralité sur Youtube, en qualité d'image très moyenne malheureusement.AtCloseRange a écrit :Tu l'as vu comment?
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Re: André Cayatte (1909-1989)
C'est marrant, ça a l'air de ressembler (un peu) à Une Affaire d'Etatd'Eric Valette que je viens de revoir.
ça m'a l'air intéressant en tout cas. Je crois qu'il a du grain à moudre dans la filmo de Cayatte au-delà de son image de réalisateur à "thèse", le Stanley Kramer français.
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Re: André Cayatte (1909-1989)
Le film est passé récemment sur TV5 monde il me semble. En tout cas il vaut vraiment le coup.
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Re: André Cayatte (1909-1989)
Philippe Paul chronique aujourd’hui Le dossier noir, sorti chez Gaumont en Bluray.
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Re: André Cayatte (1909-1989)
Le glaive et la balance (1962) : Beaucoup apprécié ce film de procès ( mais pas que ) d'André Cayatte au très beau casting : A. Perkins ( qui s'exprime dans un excellent français ), J.C. Brialy et aussi une panoplie de second rôle qu'on a plaisir à revoir. L'intrigue tourne sur une idée originale : trois hommes arrêtés, deux coupables et un innocent. Comment trouver qui dit vrai et qui dit faux ? Peut-être sont-ils tous innocents, ou alors tous coupables ?.
Après un début de film qui présente les circonstances du crime ( un enlèvement qui tourne au meurtre d'enfant ), on suit, par flashbacks, le parcours des trois protagonistes qui remet constamment en doute nos certitudes sur leur culpabilité.
Le scénario profite également pour dépeindre une société pré-mai 68 et montrer quelques aspects d'une jeunesse en révolte contre un monde bourgeois qui parfois les exploite ( avec beaucoup de liberté de ton pour un film des années 60 ).
Enfin, l'épilogue du film est particulièrement brutal, et nous laisse longuement réfléchir.
Dommage que la réputation faites à Cayatte d'un cinéma trop didactique et manquant de style laisse un peu dans l'oubli ce genre de film qui se fait assez rare dans le cinéma contemporain.
Après un début de film qui présente les circonstances du crime ( un enlèvement qui tourne au meurtre d'enfant ), on suit, par flashbacks, le parcours des trois protagonistes qui remet constamment en doute nos certitudes sur leur culpabilité.
Le scénario profite également pour dépeindre une société pré-mai 68 et montrer quelques aspects d'une jeunesse en révolte contre un monde bourgeois qui parfois les exploite ( avec beaucoup de liberté de ton pour un film des années 60 ).
Enfin, l'épilogue du film est particulièrement brutal, et nous laisse longuement réfléchir.
Dommage que la réputation faites à Cayatte d'un cinéma trop didactique et manquant de style laisse un peu dans l'oubli ce genre de film qui se fait assez rare dans le cinéma contemporain.
- Kevin95
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Re: André Cayatte (1909-1989)
LES AMANTS DE VÉRONE - André Cayatte (1949) découverte
Agréable surprise à plus d'un titre. D'abord parce qu'André Cayette se fait ici plus cinéaste que dealer de sujets de société, ensuite parce qu'autours du thème de Roméo et Juliette - soit le thème le plus usé de la fiction contemporaine - le film tisse quelque chose d'original. L'intrigue de William Shakespeare est respectée mais Cayatte et Jacques Prévert passent par Limoges pour rejoindre le cœur du récit, utilise la mise en abyme pour mieux calquer l'auteur anglais et n'hésitent pas trois secondes à utiliser l'humour pour décaler leur romance, noir de préférence. La famille de Juliette/Anouk Aimée est une farandole de dégénérés, aussi cocasses que malsains tandis qu'ici ou là, les auteurs glissent deux trois détails étonnement acides : les comédiens cabots, les deux tueurs comme sortis d'un film de Jean-Pierre Mocky qui discutent du beau temps pendant qu'ils essayent de noyer Romeo/Serge Reggiani. Les Amants de Vérone est donc un drôle de film, tantôt ironique à souhait, tantôt fébrile comme une donzelle. Comme si le lyrisme de Shakespeare était à craindre ou qu'il fallait passer par un détachement pour atteindre l'émotion. La guerre vient de passer et le mélodrame passe pour suspect, Prévert et son cinéaste y vont sur la pointe des pieds et réalisent une œuvre curieuse, par moment sur la ligne mais au final estimable.
Agréable surprise à plus d'un titre. D'abord parce qu'André Cayette se fait ici plus cinéaste que dealer de sujets de société, ensuite parce qu'autours du thème de Roméo et Juliette - soit le thème le plus usé de la fiction contemporaine - le film tisse quelque chose d'original. L'intrigue de William Shakespeare est respectée mais Cayatte et Jacques Prévert passent par Limoges pour rejoindre le cœur du récit, utilise la mise en abyme pour mieux calquer l'auteur anglais et n'hésitent pas trois secondes à utiliser l'humour pour décaler leur romance, noir de préférence. La famille de Juliette/Anouk Aimée est une farandole de dégénérés, aussi cocasses que malsains tandis qu'ici ou là, les auteurs glissent deux trois détails étonnement acides : les comédiens cabots, les deux tueurs comme sortis d'un film de Jean-Pierre Mocky qui discutent du beau temps pendant qu'ils essayent de noyer Romeo/Serge Reggiani. Les Amants de Vérone est donc un drôle de film, tantôt ironique à souhait, tantôt fébrile comme une donzelle. Comme si le lyrisme de Shakespeare était à craindre ou qu'il fallait passer par un détachement pour atteindre l'émotion. La guerre vient de passer et le mélodrame passe pour suspect, Prévert et son cinéaste y vont sur la pointe des pieds et réalisent une œuvre curieuse, par moment sur la ligne mais au final estimable.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Re: André Cayatte (1909-1989)
Ce film recel l'image de cinéma la plus profondément enfoui dans mes souvenirs d'enfance, quand les deux amants meurent enlacés, je l'ai redécouvert cette semaine, et je suis bien d'accord avec ton commentaire élogieux.
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Re: André Cayatte (1909-1989)
Ne pas oublier aussi LE PASSAGE DU RHIN , film ayant eu un beau succès à sa sortie ( dont un prix à Venise ) mais totalement ( et injustement ) oublié depuis .....
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Re: André Cayatte (1909-1989)
Florian Bezaud nous parle de l'amour en question, sorti en DVD chez Gaumont.
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Re: André Cayatte (1909-1989)
Vu hier soir et beaucoup apprécié.villag a écrit :Ne pas oublier aussi LE PASSAGE DU RHIN , film ayant eu un beau succès à sa sortie ( dont un prix à Venise ) mais totalement ( et injustement ) oublié depuis .....
Aznavour est formidable. Ce petit français qui finit par conquérir la confiance et l’amitié d’une famille paysanne allemande fait écho au récent Frantz de François Ozon.
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Re: André Cayatte (1909-1989)
Oeil pour oeil (1957).
Visionné hier soir le DVD Gaumont à la demande. Techniquement, ça passe, copie assez propre mais un effet de "pulsation" assez désagréable quasiment tout au long du film : le costume de Jurgens passe du bleu au gris puis redevient bleu etc... L'oeil finit par s'habituer mais c'est un peu dommage.
Le film proprement dit est étonnant. Après une première demi-heure un peu poussive (Curd Jürgens en chirurgien fatigué, la chaleur de Beyrouth, les whisky secs descendus au bar), le film bascule dans une autre dimension, celle d'une sorte de road-movie en mode survival. Aussi incongru que cela puisse paraître, j'ai pensé au "Gerry" de Gus Van Sant, on est aussi parfois à la limite du cinéma de genre. Et il y a réellement quelque chose d'épuisant et d'angoissant dans cette lente perdition des deux personnages dans les étendues désertiques du Liban (le film a été tourné à Almeria, en fait). Utilisation magistrale de ces décors grandioses par Cayatte et son chef-opérateur Christian Matras, excellente interprétation de Falco Lulli, tout en silences butés.
Ce n'est pas un chef-d'oeuvre, mais le film est profondément original dans son jusqu'au-boutisme, et démontre encore une fois que Cayatte mérite mieux que sa réputation d'auteur de "films-dossiers" ennuyeux.
Visionné hier soir le DVD Gaumont à la demande. Techniquement, ça passe, copie assez propre mais un effet de "pulsation" assez désagréable quasiment tout au long du film : le costume de Jurgens passe du bleu au gris puis redevient bleu etc... L'oeil finit par s'habituer mais c'est un peu dommage.
Le film proprement dit est étonnant. Après une première demi-heure un peu poussive (Curd Jürgens en chirurgien fatigué, la chaleur de Beyrouth, les whisky secs descendus au bar), le film bascule dans une autre dimension, celle d'une sorte de road-movie en mode survival. Aussi incongru que cela puisse paraître, j'ai pensé au "Gerry" de Gus Van Sant, on est aussi parfois à la limite du cinéma de genre. Et il y a réellement quelque chose d'épuisant et d'angoissant dans cette lente perdition des deux personnages dans les étendues désertiques du Liban (le film a été tourné à Almeria, en fait). Utilisation magistrale de ces décors grandioses par Cayatte et son chef-opérateur Christian Matras, excellente interprétation de Falco Lulli, tout en silences butés.
Ce n'est pas un chef-d'oeuvre, mais le film est profondément original dans son jusqu'au-boutisme, et démontre encore une fois que Cayatte mérite mieux que sa réputation d'auteur de "films-dossiers" ennuyeux.