Notez les films naphtas - Septembre 2011

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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hellrick
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par hellrick »

Bon allez je balance ma critique complète pour

INVADERS FROM MARS

Symptomatique de la peur des soucoupes volantes et, par extension, du « péril rouge » ayant saisi l’Amérique au début des années ’50, LES ENVAHISSEURS DE LA PLANETE ROUGE est une série B très datée en dépit de sa bonne réputation et de son statut de classique culte de la science-fiction.

Précédant de quelques années le nettement plus convaincant L’INVASION DES PROFANATEURS DE SEPULTURES, le film met en vedette un enfant, insupportable tête à claques « je sais tout » promus spectateur d’une invasion extraterrestre imminente. Assistant depuis sa chambre à l’atterrissage d’une soucoupe volante, le jeune David MacLean prévient ses parents. Aussitôt son père, George, part à la recherche du mystérieux objet avant de disparaître derrière une colline. Son épouse, Mary, prévient rapidement la police mais George ne tarde pas à rentrer à la maison. David remarque toutefois que le comportement de son paternel a radicalement changé et il le soupçonne d’être tombé sous l’emprise d’une intelligence extraterrestre. Devant le scepticisme des autorités, David trouve finalement refuge auprès d’une infirmière et d’un astronome fasciné par les phénomènes d’OVNI. Ayant réussi à les convaincre, David et ses nouveaux amis avertissent l’armée américaine afin de repousser l’invasion venue de la planète rouge.

Initialement envisagé en 3D (une option finalement abandonnée pour raisons budgétaires), le long métrage de William Cameron Menzies garde cependant des traces de ce procédé par certains cadrages dans lesquels les objets sont résolument dirigés vers le spectateur. Débutant de belle manière part des décors très artificiels saturés de couleurs et entretenant, durant une petite demi-heure, un intéressant climat de paranoïa, LES ENVAHISSEURS DE LA PLANETE ROUGE ne tient, hélas, pas la distance une fois la réalité de la menace extraterrestre avérée. L’enchaînement des situations sombre alors dans la facilité, le gamin réussissant à convaincre une jolie infirmière en quelques secondes avant d’être conduit auprès d’une sommité de l’astronomie absolument pas sceptique des révélations énoncées. S’ensuit un passage soporifique d’un bon quart d’heure durant lequel le scientifique annone des banalités ou des inepties complètes visant à persuader le public d’une possible invasion en provenance de Mars. Didactique, illustrée de croquis et autres peintures, voire même de maquettes de soucoupes volantes, la séquence ennuie et se noie dans les redites et les répétitions. Le film se poursuit ensuite par la vision rassurante d’une riposte militaire musclée immédiatement envisagée comme la seule solution possible face à la force d’invasion. L’armée en marche sera, hélas, constituée des mêmes images d’archives, bien usées, de tank en manœuvres roulant sans but vers la caméra. Des stock-shots placés au sein du film à intervalles (trop) réguliers afin de camoufler une misère budgétaire ne permettant qu’une poignée de figurants en costumes de troufion et un général braillant des ordres au téléphone.
La dernière partie de LES ENVAHISSEURS DE LA PLANETE ROUGE ne remonte malheureusement pas le niveau, entièrement occupée par un chassé croisé lassant entre les soldats et les aliens réfugiés dans des tunnels souterrains qui paraissent tapissés de ballons. Le look des martiens prête, lui aussi, à sourire : vêtus de sorte de pyjamas pelucheux aux fermetures éclairs clairement visibles, ils sont commandés par une tête privée de corps placée dans une bulle de verre. L’intrigue, linéaire, se termine par un twist purement gratuit voyant le jeune héros se réveiller (ouf !) juste à temps pour apercevoir une soucoupe volante se poser près de sa maison (non !). En dépit d’une durée restreinte (environ 80 minutes), le film parait en outre très longuet et le recyclage en boucle des mêmes images sape peu à peu tout intérêt pour l’intrigue, en particuliers durant la seconde partie, bien trop prévisible pour passionner.

Considéré comme un classique de la SF parano des années ’50 et « remaké » avec un certain bonheur par Tobe Hooper au milieu des eighties, LES ENVAHISSEURS DE LA PLANETE ROUGE s’avère, hélas, très décevant. A moins d’être un inconditionnel nostalgique de ce genre de cinéma on peut même trouver le métrage tout aussi nanar qu’un PLAN 9 FROM OUTER SPACE de sinistre mémoire. Notons, cependant, un certain charme suranné et un humour complètement involontaire mais aujourd’hui plutôt plaisant. C’est peu mais il faudra s’en contenter.
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Jeremy Fox
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par Jeremy Fox »

Bugsy Siegel a écrit :Non, même plus nanar que Plan 9 parce que le film d'Ed Wood est divertissant et le noir et blanc est assez beau.
Invaders From Mars ne doit sa notoriété qu'à son twist final.
:| Aille !!! J'avais demandé à tester le coffret surtout pour ce titre et en m'attendant à un film du niveau de Forbidden Planet ; bon maintenant je sais à quoi m'attendre :mrgreen:


Heureusement, Rocketship XM était plutôt sympathique contrairement au film de Selander.
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par Lord Henry »

Je n'ai pas vu l'original, mais le remake de Tobe Hooper aurait de quoi dissuader les extraterrestres de nous envahir.
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Jeremy Fox
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par Jeremy Fox »

Lord Henry a écrit :Je n'ai pas vu l'original, mais le remake de Tobe Hooper aurait de quoi dissuader les extraterrestres de nous envahir.
Oui, j'ai vu le remake de Tobe Hooper en salles le jour de sa sortie ; plus drôle (involontairement) qu'effrayant.
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cinephage
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par cinephage »

Lord Henry a écrit :Je n'ai pas vu l'original, mais le remake de Tobe Hooper aurait de quoi dissuader les extraterrestres de nous envahir.
Hellrick a signalé que le film avait été "remaké avec un certain bonheur". Je suis entièrement d'accord.
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par Lord Henry »

Jeremy Fox a écrit :
Lord Henry a écrit :Je n'ai pas vu l'original, mais le remake de Tobe Hooper aurait de quoi dissuader les extraterrestres de nous envahir.
Oui, j'ai vu le remake de Tobe Hooper en salles le jour de sa sortie.
Idem.
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par hellrick »

Je reste chez Hantik avec

THE DEATH KISS

Réalisé en 1933, THE DEATH KISS est un petit film policier sans grande originalité mais sauvé de l’oubli par la présence, dans un rôle secondaire, de la star de l’épouvante Bela Lugosi.

Sur le tournage d’un long-métrage, l’acteur principal, Myles Brent, est abattu conformément au scénario. Hélas, les balles à blanc ont été remplacées par de véritables munitions et Brent meurt réellement. L’enquête s’annonce délicate car l’acteur a entretenu des liaisons sentimentales avec une bonne partie des interprètes féminines présentes sur le tournage. Les suspects sont donc nombreux et seul un scénariste, improvisé détective, parait à même de démêler le vrai du faux…

Suite, probablement, au succès grandissant de la littérature policière de détection popularisée par des auteurs comme Agatha Christie ou John Dickson Carr, les studios hollywoodiens se lancent, dès les années ’30, dans la mode du film policier de type « whodunit ». Les conventions de ce genre sont rapidement codifiées (un héros séduisant ou original, un crime mystérieux, des suspects nombreux, un mystère épais et un coupable finalement désigné à l’issue d’une enquête riche en rebondissements) et, par la suite, reprises dans des kilos de séries télévisées. Ni pire ni meilleur que la moyenne du genre, THE DEATH KISS se laisse cependant suivre avec un minimum de plaisir. Si l’intrigue policière se révèle tout à fait conventionnelle, elle n’en reste pas moins bien menée et agréable. L’énigme prend en outre place sur le tournage d’un polar de série B, ce qui permet au spectateur de découvrir les coulisses d’une petite production du début du parlant. Cet atout supplémentaire rend THE DEATH KISS sympathique et change agréablement des manoirs et autres lieux habituellement utilisés pour ce type d’enquête.

Au rayon du casting, THE DEATH KISS mise sur trois acteurs alors en vogue puisqu’ils venaient d’apparaître dans le DRACULA de Tod Browning: David Manners, Edward Van Sloan et, bien sûr, Bela Lugosi. Ce-dernier doit malheureusement se contenter d’un rôle secondaire mais son air inquiétant le rend immédiatement suspects, une impression accentuée par les rôles coutumiers de l’acteur, souvent fort à l’aise dans les emplois de « méchants ».

La mise en scène, pour sa part, échoit à Edwin L. Marin, lequel signait là le premier des cinquante huit films qu’il réalisa entre 1932 et 1951. Marin se spécialisa un temps dans les adaptations (lointaines) de classiques du roman policier (il livre un A STUDY IN SCARLET d’après Conan Doyle l’année suivante puis plusieurs versions des œuvres de S.S. Van Dine) et, plus tard, dans le western avec quelques titres à la bonne réputation comme COLT 45.
Une des curiosités de THE DEATH KISS consiste enfin dans la manière dont certains éléments du film (tourné en noir et blanc) sont teintés lors des scènes clés, en particuliers les éclairs de lumière ou les coups de feu. Un procédé digne du comic-book qui anticipe de 80 ans les expérimentations similaires de SIN CITY. Cette trouvaille sympathique accroit le manque de réalisme, sans doute volontaire, de ce divertissement sans prétention mais, en échange, lui confère un style plus intéressant que la moyenne des productions du même style sorties durant les années ‘30.

Dans l’ensemble, THE DEATH KISS apparaît comme une honnête série B policière qui se suit sans déplaisir et dont la courte durée (environ 70 minutes) permet de maintenir un rythme soutenu. Loin d’un classique méconnu, THE DEATH KISS reste un plaisir agréable et une plaisante manière d’occuper un peu plus d’une heure de son temps, en particuliers pour les inconditionnels du « whodunit » à l’ancienne. Anecdotique, certes, mais finalement sympathique.
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par bruce randylan »

Black Legion (Archi Mayo - 1937)
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Dans l’Amérique des années 30, un modeste ouvrier qui pensait se voir attribuer une promotion découvre que le poste est donné à un immigré. Aigri et influencé par des collègues nationalistes, il rejoint un groupe armé de pro-américains qui rappelle forcément le KKK.

Une très bonne surprise que ce drame très réaliste dont l’ancrage social est vraiment très marqué. Les personnages sont de vrais personnages de chair et de sang avec leurs défauts et leurs qualités qui demeurent tous crédibles. L’introduction par exemple possède une tonalité à la limite du documentaire. J’ai rarement vu des séquences d’usine sentant à ce point le vécu.
La description des militants racistes est également tout aussi réussi en faisant des membres de la Black Legion, des individus influençables et manipulé par des discours populistes qui reposent sur les clichés que tout le monde aime entendre.
La aussi, le film n’a pas du tout vieilli et demeure toujours d’actualité.

On peut regretter bien-sûr quelques facilités et une dramaturgie par moment factice (l’espèce d’ancienne prostituée venant s’introduire dans la vie de Bogart) ainsi qu’une mise en scène qui manque de force et d’impact même si c’est solidement mené (Curtiz aurait tourné plusieurs scènes).

En tout cas, le film est très courageux et audacieux, surtout pour son époque et on imagine que le tournage comme sa sortie à dû donner lieu à de nombreuses pressions. Black Legion parvient en tout cas à conserver son intégrité et sa charge anti-raciste du début à la fin grâce à une conclusion stupéfiante, amer au possible qui banni tout happy-end.
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par Sybille »

bruce randylan a écrit :Black Legion (Archi Mayo - 1937)
Bon film effectivement (découvert le mois dernier).

C'est tout à fait juste que le vérisme qui se dégage des scènes à l'usine est assez remarquable. Très bons interprètes et script qui parvient à éveiller colère et dégoût sans pour autant totalement tomber dans l'exagération. La manière dont le personnage principal entend - par hasard - parler des idées de la 'black legion', via la radio, est excellente.
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par Rick Blaine »

Je n'ai pas encore vu ce Black Legion, mais vos avis font envie.

Ces notions de réalisme et d'engagement me rappellent l'excellent Mayor of Hell du même Archie Mayo (qui appartient au même coffret Gangsters Vol. 3 si ma mémoire et bonne)
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par bruce randylan »

Rick Blaine a écrit :Je n'ai pas encore vu ce Black Legion, mais vos avis font envie.

Ces notions de réalisme et d'engagement me rappellent l'excellent Mayor of Hell du même Archie Mayo (qui appartient au même coffret Gangsters Vol. 3 si ma mémoire et bonne)
D'ailleurs je regrette vraiment que des cinéastes comme Mayo ou Wesley Ruggles ne soit pas dans 50 ans de cinéma américains.
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par Rick Blaine »

bruce randylan a écrit :
Rick Blaine a écrit :Je n'ai pas encore vu ce Black Legion, mais vos avis font envie.

Ces notions de réalisme et d'engagement me rappellent l'excellent Mayor of Hell du même Archie Mayo (qui appartient au même coffret Gangsters Vol. 3 si ma mémoire et bonne)
D'ailleurs je regrette vraiment que des cinéastes comme Mayo ou Wesley Ruggles ne soit pas dans 50 ans de cinéma américains.
Moi aussi, même si la logique éditoriale de 50 ans, comme son titre l'indique, c'est de couvrir la période 1940-1990, et Ruggles et Mayo ont surtout œuvré avant, et finissait leur carrière au début des années 40.
D'ailleurs je ne suis pas sur qu'un réalisateur comme Mayo aurait été encensé dans le bouquin, je préjuge certainement (surtout pour des auteurs qui sont capables de réviser leurs jugements comme eux), mais ils ont généralement la dent dur pour ce type d'auteur qui sont les rouages formidables d'un studio (ici la Warner), mais qui n'ont pas un style extrêmement marqué. Je pense à la notule sur Keighley par exemple.
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par Flavia »

Le Charlatan (Nightmare Alley) - Edmund Goulding - 1947

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Bonimenteur de fête foraine, Stan Carlisle (Tyrone Power) entre en possession du secret d'un numéro truqué de lecture des esprits. Grâce à ce secret, il devient le médium à succès de Chicago secondé par son épouse Molly (Coleen Gray).

Ce film est un mélodrame cynique aux accents de film noir, et de façon très réaliste, il dresse le portrait d'un petit charlatan qui fait partie d'une troupe de forains et qui va être confronté à encore plus machiavélique que lui. Les thèmes tels que le pouvoir de l'illusion, la religion, la psychanalyse y sont évoqués.

Le film, dont les maîtres-mots sont la manipulation et la quête du pouvoir, repose avant tout sur l'interprétation de Tyrone Power, parfait dans ce rôle à contre-emploi, sans doute le plus sombre de sa carrière. Il est entouré de trois excellentes actrices : Joan Blondell dans le rôle de la liseuse de cartes, Coleen Gray l'épouse complice et Helen Walker dans le rôle d'une psychologue.

Film fascinant et déroutant, au très beau N&B et parfaitement maîtrisé par Edmund Goulding.
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par Ender »

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L'Île au trésor, Victor Fleming (1934)

Mon coeur balançait au moment de mettre une note au film... 4, 5 ou 6/10 ? Le petit débat intérieur a duré, au gré de telle qualité ou tel défaut que je prenais le plus en compte, successivement. Voir un film juste après avoir lu le roman dont il est issu, à moins que ce soit un livre moyen ou un vrai grand film, ce n'est peut-être pas une démarche idéale. C'est intéressant bien sûr d'avoir le livre bien frais en tête et pouvoir étudier le travail d'adaptation, mais au final la proximité se retourne contre le film dans des proportions peut-être injustes. Ici, outre la "standardisation" de l'histoire de Stevenson, le film peine à donner son plein relief à la plupart des péripéties conservées, à l'exception de l'attaque du fortin par les pirates, où ça crépite bien, c'est tendu, c'est sauvage... Pour le reste, malgré la solidité d'un scenario bien cousu, les moments forts tombent un peu à plat (l'escapade maritime en solo de Jim Hawkins est presque une croisière de plaisance ; la tension au moment où les pirates constatent que le trésor est volatilisé escamotée par une scène vite torchée), parfois aussi à cause d'un Jim absolument tête à claques. Et ceci pas du tout dans le même sens que dans le roman, et c'est peut-être le plus grave quand on a le livre en tête : chez Stevenson, le jeune Hawkins n'en fait qu'à sa tête, il fausse compagnie aux "gentils" sur des coups de tête pour mener ses propres aventures en solo, ce qui les exaspère au plus haut point mais a pour résultat de les sauver ou de leur apporter un important bénéfice à chaque fois. Ici, quand Jim file dans la nature, c'est soit sur les instructions des adultes soit en anticipant leurs besoins ; l'esprit d'insoumission du récit en prend un coup et le cadre "raisonnable" fourni par le plan des adultes demeure le gardien de la réussite. C'est la loi des adultes qui gagne ici. Sauf à la toute fin quand Jim aide Long John, le pirate, à s'évader. C'est ce qu'il y a de plus réussi dans le film, la relation entre le pirate et l'enfant. Elle ne va pas sans quelques maladresses larmoyantes très... hollywoodo-hollywoodiennes, n'empêche que Long John reste dans le film une crapule tout à fait criminelle, et que Jim ne perd jamais sa fascination ni son amitié pour lui (dommage à ce titre que le dernier projet de trahison de Long John passe à la trappe, et même que son ralliement stratégique aux gentils au milieu de l'histoire ne soit pas tout à fait exposé : il faut bien des coupes, mais dans le sens où le film insiste sur la relation Jim-John, il aurait fallu la déployer dans toutes ses subtilités). C'est presque une histoire d'amour avec un dupe et un mufle, les deux le demeurant jusqu'au bout, mais où le mufle aime autant que le dupe. Quand Jim découvre émerveillé la nature luxuriante de l'île et quand il écoute les récits sanglants de Long John, c'est la même chose : il est envoûté, et aucune morale encombrante ne vient récupérer cette fascination. A ce niveau, le film est audacieux, alors qu'il est trop sage ailleurs. Fleming n'est pas pervers comme DeMille, il ne nous montre pas ce qu'on désire pour mieux le condamner pour mieux le montrer pour le condamner pour etc. Surement grâce à ça, le film est plaisant d'un bout à l'autre malgré ses nombreux et gros défauts : il ne met aucun frein moral au pur principe d'aventure, ses seules limites sont celles d'un scenario qui manque un peu d'ambition, alors on embarque avec pour ce que ça vaut.

5,5/10
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Flavia
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Re: Notez les films naphtas - Septembre 2011

Message par Flavia »

Forever Darling (Son ange gardien) - Alexander Hall - 1956

Le mariage de Susan (Lucille Ball) et de Lorenzo (Desi Arnaz) est menacé par le train-train quotidien : Susan reste à la maison pendant que son mari travaille comme chimiste spécialisé dans les pesticides.
Un soir elle aperçoit une silhouette qui marche sur les toits et pénètre dans sa chambre. Croyant devenir folle, elle va consulter son médecin qui trouve normal qu'elle ait des visions de ce genre.
N'osant pas en parler à son mari, de peur de paraitre ridicule, elle va établir une relation amicale avec son ange gardien qui a les traits de son acteur préféré James Mason :uhuh:

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Forever darling est une délicieuse petite comédie pleine de quiproquos. La relation entre Susan et son ange gardien offre des passages vraiment drôles et des situations cocasses : étant la seule à pouvoir échanger avec lui, Susan surprend son entourage à parler dans le vide, à tenir des conversations en parallèle avec son mari et son ange gardien :mrgreen: Lucille Ball est une fois de plus très à l'aise dans ce rôle comique (naturelle, drôle, grimaçante) où elle doit jongler entre un mari pris par le travail et un ange gardien qui fait son possible pour sauver leur couple. Si Desi Arnaz (Monsieur Lucille Ball dans la vie), qui campe un mari amoureux mais occupé par ses activités, est bien dans son rôle, James Mason est ici plus à contre-courant de ses rôles habituels avec un personnage qui lui sied bien. Son jeu sobre, son élégance et surtout son timbre de voix si particulier en font un ange gardien "so british" :mrgreen: Le duo qu'il forme avec Lucille Ball est des plus agréables et permet à cette comédie de nous faire passer un très bon moment :wink:


Film disponible dans le coffret US TCM Collection: Lucille Ball (DVD lisible en zone 2 avec VOSTF) avec une copie de bonne qualité.
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