L'espionnage au féminin

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
Avatar de l’utilisateur
Beule
Réalisateur de seconde équipe
Messages : 5742
Inscription : 12 avr. 03, 22:11

L'espionnage au féminin

Message par Beule »

« Mata Hari... She makes love for the papers » constatait Alicia Hubermann (Ingrid Bergman) mi-médusée, mi-ironique après que son amant Devlin (Cary Grant) lui eut révélé la teneur de la mission qui lui était assignée.

S'il est un sous-genre cinématographique qui aura apporté son lot de perles troublantes et sensuelles, c'est bien le filon de l'espionnage décliné au féminin. Le plus souvent une fille perdue y est récupérée par la patrie prompte à exploiter ses talents de séductrice et sa prétendue duplicité naturelle. Sous-genre volontiers sexiste donc, mais qui dans le meilleur des cas sait aussi transcender cette image forcément réductrice et transformer son héroïne en figure pudique et volontairement sacrifiée, la hissant au rang de l'icône : ainsi de l'agent X27 immortalisé par Marlene Dietrich dans l'extravagant film éponyme de Sternberg, le plus jusqu'au boutiste de tous puisque le personnage de Marlene n'y est qu'une fille sans nom de petite vertu remarquée par un talent scout en espionnage pour son patriotisme ostentatoire. Un joyau plus baroque que tous les Ophüls réunis (photo à tomber de Lee Garmes), qui élevait la joute amoureuse au rang des beaux arts, et qui comme Ophüls savait faire poindre la gravité sous le vernis ludique et faussement superficiel.

X27 devançait la Mata-Hari (tiens donc) de George Fitzmaurice de quelques mois. Oeuvre techniquement assez plate et dépourvue d'imagination dans la conduite de l'intrigue (très mélodramatique) mais qui contient surement l'une des apparitions les plus troublantes de Garbo en déshabillé très très ajouré, sans oublier une lascive danse de bastringue par la Divine nimbée d'un bikini pailleté. La France à son tour livrait ses variations autour de l'espionne aux atours de démon séducteur : Marthe Richard au service de la France, oeuvre épurée de Raymond Bernard. Cette fois c'est la vengeance personnelle qui motivait le comportement patriotique de l'accorte héroïne. Le film vaut pour les affrontements subtils, entre haine et fascination, auxquels se livrent les deux monstres sacrés Edwige Feuillère et Erich von Stroheim (dans le rôle qui le fit remarquer de Renoir pour son emploi de La Grande Illusion un an plus tard). Malheureusement, l'unité et le charme sont souvent rompus par un recours envahissant aux images d'archives. Mais si la sublime séquence finale de Dishonored voyant Marlene se remaquiller tranquillement avant d'être passée par les armes reste d'une beauté inégalée, celle de la mort de Stroheim sur son piano, tandis que se détachent les pétales d'une rose n'en dégage pas moins une indicible émotion.

Les années 30 furent très prolixes pour le genre car je pourrais encore évoquer l'alerte Dita Parlo dans le plaisant mais daté Mademoiselle docteur / Salonique nid d'espions de Pabst, à l'extraordinaire distribution (Fresnay, Blanchar, Dullin, Jouvet, Barrault, Viviane Romance...) ou Matricule 33 de Karl Anton avec Feuillère encore, cette fois transformée en espionne vamp maléfique (une robe à lamé qui reste en mémoire). Dans les années 40 il semble que la barbouze dut souvent oeuvrer en couple, ce qui édulcora souvent son pouvoir de séduction :signalons malgré tout le brillantissime Une espionne à bord de Powell, au couple de vedettes de très haut vol (Conrad Veidt et Valerie Hobson enlacés prisonniers dos à dos dans une séquence d'un suprême érotisme), Les enchaînés donc ou encore Above Suspicion de Thorpe avec Joan Crawford et Fred Mac Murray.

Puis les années soixante nous offrirent leur cortège d'héroïnes plus sexy les unes que les autres, de Modesty Blaise de Losey (Monica Vitti) à l'agent Fathom incarné par la sculpturale Raquel Welch en passant par la voleuse transformée en espionne du très culte Maroc 7 (Elsa Martinelli) affrontant pour l'occasion la mythique Cyd Charisse. En quelque sorte des pendants féminins aux espions ironiques et machos alors à la mode (007, Flint, Matt Helm) mais qui diluaient leur pouvoir de séduction dans trop d'excès kitsch.

Depuis à priori, pas grand chose à signaler, si on excepte les inévitables séries Z. Rien en tout cas qui me fasse oublier ma Marlene. Peut être faut-il y voir les conséquences du féminisme. Quoi qu'il en soit il existe surement encore bien d'autres titres dignes d'intérêt, que je ne connaitrais pas ou que j'aurai oubliés. Vers où vont vos préférences personnelles et quel est votre avis sur ce sous-genre (essentiel :wink: ) ?

Image

Image[/url]
Image
Cosmo Vitelli
Pipeaulogue
Messages : 7754
Inscription : 13 avr. 03, 00:48
Localisation : Sur le forum DVDCLASSIK

Message par Cosmo Vitelli »

Je ne connais pas du tout :oops: mais bravo à toi pour ce dépoussiérage.

J'ai toujours eu envie de découvrir Modesty Blaise, mais généralement l'estampille Losey a des effets dissuasifs sur moi. Cela dit le film a l'air bien barré et kitsch, alors pourquoi pas...et puis il y a Monica Vitti et Terence Stamp.
Avatar de l’utilisateur
Geoffrey Firmin
Howard Hughes
Messages : 16879
Inscription : 20 mai 03, 19:08
Localisation : au fond de la Barranca

Message par Geoffrey Firmin »

J'ai vu "Above suspicion" au cinema de minuit dans un des nombreux cycles consacrés à Thorpe. C'est loin d'etre impérissable, je me souviens m'etre beaucoup ennuyer.Sinon l'espionnage au féminin ne m'inspire pas plus que ça.
Avatar de l’utilisateur
Roy Neary
Once upon a time...
Messages : 51384
Inscription : 12 avr. 03, 01:42
Liste DVD

Message par Roy Neary »

Je ne suis pas très friand de ce genre particulier même s'il est difficile de résister au talent visionnaire d'un Von Sternberg. J'y vois une théâtralité excessive, aussi bien dans le decorum que dans la caractérisation des personnages. Un affêterie que sauront éviter plus tard Hitchcock et Mankiewicz avec Five Fingers.
Par contre, les délires sixties m'amusent beaucoup. :wink:
Image
Avatar de l’utilisateur
Beule
Réalisateur de seconde équipe
Messages : 5742
Inscription : 12 avr. 03, 22:11

Message par Beule »

Roy Neary a écrit :Je ne suis pas très friand de ce genre particulier même s'il est difficile de résister au talent visionnaire d'un Von Sternberg. J'y vois une théâtralité excessive, aussi bien dans le decorum que dans la caractérisation des personnages. Un affêterie que sauront éviter plus tard Hitchcock et Mankiewicz avec Five Fingers.
Par contre, les délires sixties m'amusent beaucoup. :wink:
Cette théâtralité que tu dénonces, je la trouve dans l'Ange bleu, je décèle ici ou là de la pose dans un récit d'aventures comme Shanghaï Express, ce qui peut en affecter le rythme et la fluidité naturelle, à l'occasion je te concèderai une tendance à la sacralisation dans ce mélo exotique d'une naïveté sublime qu'est Morocco, mais dans X27, ah non, ah non, ah non! L'art de Sternberg s'apparente ici à celui de la litote, il ne surligne rien, ne vise même pas la flamboyance et évite de ce fait toute affectation, que ce soit dans le decorum ou dans la caractérisation des personnages, comme tu le dis. Au contraire, ces arabesques moelleuses et aériennes s'agrémentent d'une légère distanciation ironique , qui en soi, ne me paraissent pas si éloignées de celles élégantes et irrévérentieuses d'un Five Fingers. J'adoore :wink:
Image
Avatar de l’utilisateur
Roy Neary
Once upon a time...
Messages : 51384
Inscription : 12 avr. 03, 01:42
Liste DVD

Message par Roy Neary »

OK, j'admet que X-27 est bien moins poseur et guindé que ses contemporains. Mais mon goût se porte plutôt vers les sternbergiens Impératrice rouge et Shanghaï Gesture.
Comment ça, je me contredis ? :lol:
Image
Avatar de l’utilisateur
Beule
Réalisateur de seconde équipe
Messages : 5742
Inscription : 12 avr. 03, 22:11

Message par Beule »

Tu te contredis là :mrgreen:
Image
Répondre