Sam Peckinpah (1925-1984)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par bruce randylan »

Toujours dans les téléfilms d'à peu près 50 minutes.

Noon Wine (1966)

Produit cette fois pour ABC Stage 67, Noon Wine raconte l'histoire d'une famille de fermier qui embauche un jeune homme d'origine Suédoise mutique, mystérieux et parfois terriblement colérique.

Je n'ai absolument pas accroché à celui-ci que je trouve raté en grande partie à cause d'un scénario vraiment mal écrit et structuré. Peut-être qu'avec 20-30 minutes de plus, ça aurait mieux fonctionné mais sous cette forme, j'avais l'impression de regarder un brouillon grossier et incomplet où les réactions des personnages sont à la limite du compréhensibles.
L’interprétation est également problématique, surtout le jeune suédois et malheureusement aussi Olivia De Havilland qui ne parvient pas à faire vivre un personnage assez shématique il est vrai.

Le problème pour moi est qu'on sent vraiment un gouffre entre la première partie et le dernier tiers qui part dans une toute autre direction. Ce segment est autrement plus riche que ce qui précède mais comme il ne reste que 10-15 minutes pour finir, ça ne fonctionne qu'à moitié. Du coup, la conclusion qui devrait être poignante et tragique m'est surtout apparu artificielle et précipitée.
Grosse déception malgré la bonne prestation de Jason Robards.


That lady is mine (1967)

Cette fois, c'est Bob Hope presents qui produit ce téléfilm. Ce dernier annonce en introduction que c'est un film que le cinéma ne voulait pas. Et on peut le comprendre pourquoi... En se demandant au passage quel fut l'accueil réservé à cette oeuvre perverse et étrange qui avait de quoi faire dresser les cheveux des censeurs.

On y suit un couple sans argent, abandonné par leur diligence dans un sordide village. Un cowboy ayant fait fortune avec son élevage de chevaux pur sang est prêt à tout pour séduire la femme, sachant que son mari est particulièrement jaloux.

Le climat du téléfilm est vraiment atypique, tirant merveilleusement profit d'un budget restreint pour tendre vers un minimalisme (existentiel) et une abstraction décorative à la lisière du surréalisme. Ca donne ces rues fantômes, ces bars quasi vides qui sont un échos à des vies de misères, sans oublier une maison quasi uniquement meublé par un billard conçu pour être joué depuis un cheval :o
Il y a donc quelques chose de vicieux et pervers qui s'écoule des images qui recroisent évidement l'intrigue, bien dérangée elle aussi avec ce mari possessif et névrotique et un rival obsédé par la possession. Le personnage féminin est à la fois victime de ces tensions masculines tout en affirmant une réelle liberté à "jouir" de son propre corps... d'où également un érotisme tout aussi inhabituel pour la télévision américaine.

La réalisation de Peckinpah est truffée de petite idées simples mais excellentes pour décrire cet univers torturé et à l'agonie : outre une rime visuelle autour de deux conversationx prenant place devant un miroir (la femme et l'homme qui la désire... Mais qui véritablement ? elle ou son fantasme reflété ?), il y a une brève séquence qui m'a subjugué par sa concision. On y voit l'épouse lire les lignes de la main d'un mineur qui a trimé toute sa vie tandis que le mari joue au poker avec d'autres cowboys usés par d'autres épreuves. L'association des deux créent un impact saisissant d'une gravité mélancolique qu'on ne soupçonnait pas.

Sans être toujours au niveau de cette fulgurance, le découpage de Peckinpah est d'une justesse remarquable, venant toujours appuyer la complexité psychologique des personnages qui permettent au scénario d'éviter de nombreux clichés. La direction d'acteurs est tout autant exemplaire.

Une vraie réussite qui mériterait bien de figurer dans la filmographie officielle du cinéaste.
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par bruce randylan »

Dernière séance des œuvres plus confidentielles de Sam Peckinpah à la Cinémathèque :wink: :

Portrait of Madonna (1952)

Sacré rareté que voilà puisqu'il s'agit du film de fin d'études du Peckinpah à la sortie de son école d'art !
Chose amusante, en voyant la première scène avec une femme hébétée évoquant au téléphone des faits qui sous-entendent une sorte d'étrange agression sexuelle, je me suis dit "tiens, on dirait du Tennesse Williams"... Le générique de début se lance... Et bim, adaptation de Tennesse Williams.

A part ça, on dira que c'est avant tout une curiosité pour les complétistes car il faut bien avouer que ce moyen-métrage de 30 minutes ne présente presque aucun intérêt si ce n'est donc de voir que les marginaux et les comportements détraqués ont toujours intéressé le cinéaste.
Difficile sinon de s'extasier devant la réalisation statique, les acteurs guindés ou le décor sommaire. On est dans du théâtre platement filmé sans grande imagination. L'univers torturé de l'écrivain y apparaît donc dans ce qu'il y a de plus artificiel.


Tom tit tot (Co-réalisé avec Flora Mock - 1959)
Alors là, je sais pas d'où ça sort ce truc ! Il n'est d'ailleurs pas référencé sur imdb ou Wikipédia.
C'est un court-métrage d'une dizaine de minutes, filmé dans des couleurs resplendissantes avec des personnages apparaissant en contre-jour pour créer une impression d'ombre chinoises du meilleure effet correspondant bien à l'imagerie de ce conte de fée que je ne connaissais pas non plus.
Le résultat est vraiment très agréable à regarder pour son aspect visuelle somptueux. J'imagine que Peckinpah était surtout assistant ou conseillé artistique.
Pas désagréable en tout cas même si le conte en lui-même n'est pas d'un intérêt mémorable.


Mon Petit chou (1961)
Un épisode de la série télé Route 66 d'une durée de 50 minutes qui s'intéresse à la relation orageuse entre un pianiste/imprésario et sa jeune protégée, une chanteuse française dont il règle la vie sans considération ni état d'âme.

J'avoue avoir été un peu déçu par celui-ci que j'ai trouvé plutôt impersonnel et anecdotique à quelques passages près.
Malgré un étonnant casting où Lee Marvin donne la réplique à une jeune Macha Méril (dans l'un de ses tout premier rôle), ce téléfilm demeure assez plat et schématique à cause principalement de la figure du jeune marin qui cherche à retrouver la vedette internationale après l'avoir sorti de l'eau.

Il y manque le dépouillement et l'aridité de ses meilleurs travaux pour la télévision. Mon petit chou est trop aéré, trop parasite de figurants, prend place dans trop de lieux différent. Il se serait restreint à la relation entre Marvin et Méril, Peckinpah aurait gagné en force et en puissance dramatique. Au lieu de ça, très peu de tension et on a du mal à croire à l'alchimie de ce ménage à trois à cause des différents facteurs extérieurs.
Reste donc le dernier quart où les choses se mettent en place avec un éclatement de violence et une psychologie qui devient plus fouillée et complexe. Ces 10-15 dernières minutes viennent considérablement augmenter les qualités de cette production qui demeurait jusque là bien superficielle... mais pas suffisamment pour y injecter la mélancolie existentielle et la richesse des rapports humains qu'on était en droit d'attendre.

Du coup, je suis un peu frustré de voir que JF Rauger l'a sélectionné avec Jeff pour accompagner sa conférence sur la période télévisuelle du réalisateur. That Lady is m'y wife, The losers ou Hand of the gun m'aurait paru plus judicieux.
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Kevin95 »

bruce randylan a écrit :That Lady is m'y wife
De toutes mes découvertes du Peckinpah télévisuel, celui-ci tient le haut du panier. :D
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par bruce randylan »

Il a vraiment une ambiance unique celui-là.
Et j'aimerais vraiment le revoir dans de bonnes conditions car on sent qu'il y aussi de vrai travail sur la couleur aussi qui ne ressortait pas vraiment dans la copie projetée. :(
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Kevin95 »

Le traitement des personnages est aussi impressionnant. Caractérisés d'un trait fort dans les premières minutes (voleuse, tricheur, violent etc.), le film prend un malin plaisir à retourner les cartes et à les présenter comme bien plus complexes, bien plus profonds (le duel final en devient ultra émouvant).

Arrivé au générique de fin, on se retrouve à tous les aimer. :D
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Flol »

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Junior Bonner (Sam Peckinpah - 1972)

Ayé je peux enfin le dire : j'ai vu tous les Peckinpah. J'ai longtemps attendu avant de me lancer dans celui-là, sans doute la crainte de me retrouver face à un film dont la toile de fond ne m'intéresse que très peu (bof bof le rodéo), couplé au fait que McQueen, hormis dans The Getaway et Papillon, n'est pas franchement le comédien qui me passionne le plus.

Eh bien je n'avais pas de raison de freiner autant, parce que c'est extrêmement sympathique. Peckinpah sortait à peine The Ballad of Cable Hogue, et on y retrouve exactement les mêmes aspects de portrait tranquille, plein de quiétude, de personnages rigolards malgré les multiples difficultés de la vie, qui se foutent sur la gueule dans une bagarre de bar absolument homérique mais où tout le monde se marre. Le tout étant teinté d'une légère mélancolie (les quelques inserts en flashbacks qui évoquent un passé douloureux sans pour autant être trop démonstratifs).

C'est donc typiquement le genre de films que l'on traverse tout du long avec un sourire collé au visage. Et je ne dis pas seulement parce que j'éprouve une espèce de joie sadique à voir ces mecs tous plus virils les uns que les autres, avec leurs gros chapeaux de cowboys et leurs grosses moustaches, se casser la gueule comme des merdes, balancés par terre tels des pantins désarticulés par des chevaux bien plus forts qu'eux (ce que Peckinpah met parfaitement en valeur via ces fameux ralentis et ce sens du montage dont il avait le secret).
Et puis quel plaisir d'être face à un film qui réunit des trognes telles que Ben Johnson, Ida Lupino, Joe Don Baker, Bill McKinney...sans oublier la sublimissime Barbara Leigh.

Et c'est que ça m'aurait presque donné le goût du rodéo, tout ça. :o
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