Sam Peckinpah (1925-1984)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Kevin95
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Kevin95 »

bruce randylan a écrit :C'est assez mon point de vue aussi.
D'ailleurs Croix de fer, il y a une séquence qui me stupéfie à chaque fois ; celle où Steiner abandonne sans état d'âme un de ses hommes face à un groupe de femmes qui viennent de perdre l'une d'elle, violée et assassinée par dernier.
En leur disant "nous sommes quittes". Peckinpah survole cette question puisqu'il ne traite pas les femmes avec ce respect un peu condescendant des mâles sur la gente féminine mais comme des hommes donc comme des êtres méritants aussi bien de l'amour que des baffes selon les circonstances. Lorsqu'il y a trahison, peu importe le sexe le mal (sans e) est là.
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O'Malley
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par O'Malley »

Faire des femmes uniquement les victimes de la domination masculine dans le cinéma de Peckinpah est à mon sens aussi inexacte que considérer que le réalisateur en a une vision misogyne et méprisante. Aborder la thématique féminine uniquement par ce biais là, ce serait faire retomber Peckinpah dans une position uniquement morale alors qu'à l'instar de Sergio Leone, Stanley Kubrick ou Alfred Hitchcock, il est un réalisateur qui essaye de réfléchir au delà, en tant que bon moraliste. Le cinéma de Peckinpah sent le sulfure et c'est aussi ce qui en fait tout son épice.

Peckinpah n'a pas une vision optimiste de l'humanité...et les femmes tout comme les hommes, en sont les composantes et sont donc régis par les mêmes pulsions.
Pourquoi en donnerait-il une vision plus agréable? Elles ne sont pas plus victimes que les hommes entre eux.
Les femmes sont-elles meilleurs que les hommes? Peut-être pas répondrait Peckinpah puisqu'elle sont aussi des être humains.

Je précise que je n'ai toujours pas vu Un nommé Cable Hogue (tout comme Junio Bonner et Tueur d'Elite) donc cette carte me manque peut-être pour en apprécier d'autres composantes de son cinéma (même si j'en pressens la philosophie de vie).

Je pense nullement que Peckinpah a une vision méprisante des femmes (le mépris peut -être vu dans la grille de lecture morale personnelle du spectateur), pas même, à y réflechir, vis-à-vis du personnage de la petite amie d'Angel dans La horde sauvage
Spoiler (cliquez pour afficher)
(la séquence où Angel la tue ne doit sûrement pas être vu comme un châtiment mais plus comme une étape supplémentaire dans l'engrenage de la violence).

Par contre, la position de Peckinpah vis à vis du personnage de Fran Clinton, tel qu'il est écrit dans Guet-Apens, peut apparaître assez méprisante, surtout vis à vis du geste final de Steve McQueen.
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Jeremy Fox
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Jeremy Fox »

O'Malley a écrit : Je précise que je n'ai toujours pas vu Un nommé Cable Hogue .
Je te le conseille fortement. Peut-être son film le plus attachant avec Coups de feu dans la Sierra
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par O'Malley »

Jeremy Fox a écrit :
O'Malley a écrit : Je précise que je n'ai toujours pas vu Un nommé Cable Hogue .
Je te le conseille fortement. Peut-être son film le plus attachant avec Coups de feu dans la Sierra
C'est un film qui m'attire beaucoup mais je me le réserve précieusement pour l'avenir (comme beaucoup d'autres titres) . J'ai un peu mes petites marottes (comme notamment ne pas connaître toute la filmo d'un cinéaste et savoir qu'il me reste encore des choses à découvrir)... :wink:
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Frank N Furter
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Frank N Furter »

Présentation de Pat Garrett ce soir à Dijon en présence de François Causse, auteur d'un des rares livres sur Peckinpah en France, et il n'était pas au courant de l'existence du montage de 2005. :shock:
bruce randylan
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par bruce randylan »

L'homme à la carabine (the Rifleman) : The Marshall - 1958

Deuxième série sur lequel Peckinpah a fait ses début comme réalisateur pour la télévision (après Broker Arrow non diffusé à la Cinémathèque). Cet épisode est moins convainquant que ceux du Zane Greg Theater à cause d'un univers plus familial où le cinéaste a l'air moins à l'aise. Il s'agit en effet d'une série où un père (redoutable dans l'utilisation d'une winchester encore peu répandu à l'époque) et son jeune fils tentent de trouver un terrain où bâtir leur ferme.
Contrairement à d'autres série du genre, celle-ci possède donc une continuité dans sa narration et ne se constitue pas d'histoires indépendantes.
Celà dit Peckinpah pervertit The rifleman en dépeignant un ouest peu reluisant entre un ancien Marshall en proie à l'alcoolisme et un duo de frères dégénérés et psychopathes. Ses différentes éléments ne sont pas juste des gimmick scénaristiques mais témoignent d'une certaine véracité comme ce Marshall dont la désintoxication lui donne des visions, des sueurs et des tremblements. Quant au duo, ils sont à la fois inquiétants, pathétiques et menaçants avec leur imprévisibilité destructives, fait de sadisme et de jeux d'enfants. Très étonnant d'autant que l'un deux est ni plus ni moins qu'interprète par Warren Oates déjà très impressionnant :o :D

La réalisation en revanche n'est pas forcément marquante, moins précise et percutante que dans les Zane Grey. Il faut aussi dire que le héros de la série (Chuck Connors) est loin d'avoir la présence nécessaire et se révèle un acteur limité.

Cet épisode est en cependant plus réussi que deux autres diffusés en complément de programme à cette séance et qui sont également écrits par Peckinpah et réalisés par Arnold Laven. Ceux_ci prennent place plutôt dans la série et demeurent assez convenus entre concours de tirs et riches propriétaires ayant la main-mise sur la ville ou la région. Rien de désagréable mais pas grand chose d'original à quelques détails près.
Dans The Sharpshooter, on retrouve un Dennis Hopper très jeune aussi (avec un jeu très actor's studio), une méthode plutôt inédite pour se débarrasser d'un rival (le faire dégainé pour un pari et l'abattre en justifiant la légitime défense) et un coup de feu à travers un verre de bière.
Home Ranch est plus attachant en mettant en avant le jeune fils livré à lui-même pour s'occuper des cheveux et qui doit passer la nuit seul dans une clairière. Il y a aussi un monologue assez réussi où Chuck Connors console son enfant en lui évoquant l'histoires de Job et des épreuves qu'il a connu quand Dieu (et Satan) ont voulu tester sa foi. Le ton y est chaleureux, tendre et complice, loin d'une lecture moralisatrice au pied de la lettre.

Peckinpah a réalisé 3 autres épisodes de la cette série (je devrais les voir dans 15 jours).
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Kevin95
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Kevin95 »

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THE BALLAD OF CABLE HOGUE (Sam Peckinpah, 1970) Révision

Après le coup de tonnerre The Wild Bunch (1969) Sammy se paye une récréation, un western à la fraiche, sans intrigue réellement forte où sur près de deux heures on suit le quotidien d'un cabotin laissé pour mort qui trouve une source d'eau dans le désert. Ça a l'air d'une blague et ça l'est (en partie), les traits sont marqués, les grimaces visibles et la caméra de Peckinpah se fait toute fofolle (accélérés, split-screen, zoom). Puis derrière la mise en boite du genre une romance, une mélancolie et un sens incroyable du faux-tempo cher à John Ford (de ces scènes qui cernent deux personnages jactant autours d'un point sans rapport avec l'intrigue). Il faut être de pierre pour ne pas fondre face à certains échanges entre Jason Robards et Stella Stevens ("personne ne t'a jamais regardé"). Tavernier et Coursodon trouve le film grossier, je le trouve touchant (et cette fin ironique... ma ma ma). 9/10

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STRAW DOGS (Sam Peckinpah, 1971) Révision

Malaimé sur le forum, je craignais profondément l'idée de revoir un de mes plus gros chocs cinématographiques (et humains si j'étais pompeux). Petit écran de la Tek (dommage), salle bondée et indisciplinée donc autant dire que ça sentait mauvais pour le film de Peckinpah. Générique de fin, ma mâchoire pend à quelques centimètres de mes chaussures, mes vêtements sont des éponges et mes mains sont sclérosées. Où est la pétition pour ceux qui considèrent ce film comme un des plus forts de son auteur (comme j'envie les novices ne connaissant rien du film) ? 10/10
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Jeremy Fox »

Kevin95 a écrit :Image

THE BALLAD OF CABLE HOGUE (Sam Peckinpah, 1970) Révision

Tavernier et Coursodon trouve le film grossier, je le trouve touchant (et cette fin ironique... ma ma ma). 9/10

Je rejoins ton camp Kevin :wink:
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par gnome »

Kevin95 a écrit : Image

STRAW DOGS (Sam Peckinpah, 1971) Révision

Malaimé sur le forum, je craignais profondément l'idée de revoir un de mes plus gros chocs cinématographiques (et humains si j'étais pompeux). Petit écran de la Tek (dommage), salle bondée et indisciplinée donc autant dire que ça sentait mauvais pour le film de Peckinpah. Générique de fin, ma mâchoire pend à quelques centimètres de mes chaussures, mes vêtements sont des éponges et mes mains sont sclérosées. Où est la pétition pour ceux qui considèrent ce film comme un des plus forts de son auteur (comme j'envie les novices ne connaissant rien du film) ? 10/10
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par locktal »

Kevin95 a écrit : STRAW DOGS (Sam Peckinpah, 1971) Révision

Malaimé sur le forum, je craignais profondément l'idée de revoir un de mes plus gros chocs cinématographiques (et humains si j'étais pompeux). Petit écran de la Tek (dommage), salle bondée et indisciplinée donc autant dire que ça sentait mauvais pour le film de Peckinpah. Générique de fin, ma mâchoire pend à quelques centimètres de mes chaussures, mes vêtements sont des éponges et mes mains sont sclérosées. Où est la pétition pour ceux qui considèrent ce film comme un des plus forts de son auteur (comme j'envie les novices ne connaissant rien du film) ? 10/10
Même si je préfère Pat Garrett et Billy the Kid, Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia, Coups de feu dans la sierra et bien évidemment La horde sauvage, Les chiens de paille / Straw dogs demeure encore un de mes 5 films préférés de Peckinpah. Je rejoins également le camp des conquis !
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par locktal »

Je colle également ici un texte que j'avais écrit il y a quelques années sur le très beau Un nommé Cable Hogue :
http://dejantesducine.canalblog.com/arc ... 01348.html

Je m'excuse de certains superlatifs utilisés :oops: !

Ce texte contient des spoilers : il est donc conseillé de visionner le film avant d'entreprendre la lecture de cet avis.

Ce western américain très étrange a été réalisé en 1970 par l'immense cinéaste Sam Peckinpah, juste après son chef d'oeuvre barbare et cultissime La horde sauvage en 1968 et juste après son non moins barbare et non moins culte Les chiens de paille en 1971.

Film existentialiste et humaniste au ton léger (mais dont le contenu est loin d'être léger), Un nommé Cable Hogue semble être une oeuvre où Peckinpah a voulu prendre le contrepied de son célèbre La horde sauvage. Le cinéaste, traitant comme à son habitude de la fin de l'Ouest et l'arrivée de la modernité, s'intéresse particulièrement au portrait d'un homme simple (voire naïf) nommé Cable Hogue, magistralement interprété par l'excellent Jason Robards (le Cheyenne de Il était une fois dans l'Ouest de Leone [1968], autre grand film sur la disparition de l'ouest), qui découvre un puits d'eau au milieu du désert et décide de s'y installer, refusant la vie urbaine.

N'hésitant pas à utiliser le burlesque (comme les plans en accéléré, antithèse de ses célèbres ralentis, ou encore l'utilisation presque cartoonesque du split-screen lors du générique de début) et la fantaisie, Peckinpah signe ici son film le plus drôle, mais aussi le plus tendre et le plus sensible et offre une fable morale légère mais désenchantée qui est aussi une métaphore de la construction de l'Amérique, entre capitalisme, esprit de propriété, solidarité et individualisme.

Le personnage de Cable Hogue est lui-même dual, égoïste et généreux à la fois, bourru et tendre, cynique et candide. Sa rencontre avec la belle prostituée Hildy (une affriolante Stella Stevens) va être le coeur du film, cette Hildy également double, moderne (alors que Hogue est plutôt passéiste), attirée par l'argent mais aussi capable d'être la plus charmante et généreuse des épouses.

Peckinpah démontre toute sa sensibilité à travers cette relation improbable mais poignante entre deux êtres opposés et pourtant si proches et fait taire toutes les accusations de misogynie dont il a souvent fait l'objet, alternant avec une incroyable fraîcheur scènes de comédie pure et scènes plus retenues (comme cette fabuleuse séquence où Hildy vient rejoindre Cable dans son oasis, dans laquelle Peckinpah filme ses deux protagonistes dans une lumière en demi-teinte en train de se préparer et de se déshabiller chacun de leur côté, avant de se rejoindre dans la chambre, comme un couple profondément amoureux, qui est assurément l'une des plus belle scènes tournées par le cinéaste). Car ce qu'il filme avant tout, avant même la disparition de l'Ouest, c'est l'histoire d'amour qui naît et qui dure entre deux doux rêveurs, en dépit du changement de la société.

Un troisième personnage mérite également l'attention : celui du pasteur obsédé sexuel interprété tout en finesse par l'excellent David Warner. Malgré ses défauts, sa maladresse et son érotomanie (il faut le voir consoler une jeune femme, dont le frère vient de mourir, en lui malaxant les seins !), ce personnage paillard qui ne demande qu'à profiter pleinement de la vie est foncièrement attachant. Peckinpah en profite pour donner une image résolument anticléricale de l'Eglise, tout en admettant qu'il a lui-même la foi (il suffit de penser à la scène d'ouverture du film, où on voit Cable Hogue, abandonné sans eau en plein désert par ses deux associés, invoquer Dieu, qui le sauvera en le faisant tomber par hasard sur une source d'eau).

Cela dit, Un nommé Cable Hogue, malgré un ton qui semble insouciant, est empreint de la mélancolie chère à Peckinpah, même si cette mélancolie est moins marquée que dans La horde sauvage (1968) ou son magnifique Pat Garrett et Billy the Kid (1973), peut-être le plus beau film de Peckinpah (c'est mon préféré). Tout au long du film plane ce désenchantement tempéré par un humour omniprésent, et la sublime scène finale voit Cable Hogue se faire renverser par la voiture de Hildy (objet qui représente le venue du progrès) et mourir dans la joie et la bonne humeur par une ellipse d'une grande audace.

Comme souvent chez Peckinpah, la société actuelle n'a plus de place pour des hommes tels que Cable Hogue, mais aussi Pat Garrett, Billy the kid (dans Pat Garrett et Billy the Kid ou Pike Bishop et ses compagnons (dans La horde sauvage), et ceux-ci doivent alors disparaître à jamais du cadre, dans un immense bras d'honneur, pour laisser la place au règne du capitalisme et du profit.

Un nommé Cable Hogue fait donc bien partie des films crépusculaires de Peckinpah, mais le style du film, tout en ruptures de ton, marqué par l'humour, voire le grotesque de certaines situations, est tout à fait inhabituel dans le cadre du western, tout comme dans les autres films du cinéaste.

Ce film est d'ailleurs un western quasiment sans coups de feu, sans méchants non plus, qui ne se concentre que sur les rapports entre des gens remplis de qualités et de défauts. Tous les poncifs des codes du western sont bannis, et même la vengeance de Cable Hogue contre ses associés tourne court.

Au contraire, ce qui ressort est cet oasis de paix, utopique et quasi-miraculeux, loin de la ville et de ses notables antipathiques qui ne jurent que par l’argent, que s'est créé Cable Hogue, où tout est possible et où les gens peuvent être libres, être tout simplement eux-mêmes et jouir pleinement de la vie, du sexe, du bonheur, que cela soit Cable, Hildy ou le pasteur. Cette liberté à tout prix est une autre thématique essentielle de l'oeuvre de Peckinpah, qui s'exprime ici de manière malicieuse mais néanmoins frontale.

Une nommé Cable Hogue est sans conteste une des oeuvres majeures de Peckinpah, qui demeure encore largement méconnue. C'est fort dommage, car loin de se limiter à des explosions de violence barbare ou à de la misogynie, Peckinpah est aussi un cinéaste doté d'une grande sensibilité et d'une ironie particulièrement mordante, tout à fait capable de filmer une histoire d'amour dénuée de dérision et de cynisme.

Entre la première scène de rencontre entre Hildy et Cable, où le cinéaste ne cesse de zoomer sur la superbe poitrine de Stella Stevens, et la scène finale, où Hildy, devenue une dame respectable, dans une tenue noire d'une sobriété exemplaire, très loin des vêtements sexy qu'elle a portés durant tout le film, avec les yeux voilés, se recueille sur la tombe de Cable, le cinéma est passé par là, transformant l'insouciance et la gaieté du début du film en profonde mélancolie, même si cette mélancolie est dénuée de tragique par l'attitude de Cable sur le point de disparaître. Car c'est aussi le monde qui a changé et vu inexorablement disparaître le mythique temps des pionniers. Un monde où Hogue n'a plus sa place.

Peckinpah a souvent dit que ce film était son préféré, car le plus proche de lui. En effet, il semblerait que Cable Hogue et Sam Peckinpah ne fassent qu'un. C'est en tout cas l'un de ses films les plus personnels et l'un de ses plus beaux, l'un des plus étranges aussi, qui mérite absolument d'être redécouvert.
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Kevin95 »

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MAJOR DUNDEE (Sam Peckinpah, 1965) Révision

Il serait inutile de prétendre le contraire ou pire de fantasmer une version autre car Major Dundee porte bel et bien les cicatrices de sa production bordélique entre sérieux conflits réalisateur/producteurs et un (des ?) montage dynamitant les ambitions de Sam Peckinpah. Un tableau brisé en mille morceaux mais où chacun d'entre eux est d'une force cinématographique indéniable. On se rattache à ce que l'on peut et on jouit du film par bouts : mise en scène à tomber, personnages typés Peckinpah (héro obsessionnel ou seconds couteaux hauts en couleur), batailles chaotiques et violentes pour un objectif qui devient indéfinissable à mesure que le film avance (est-ce pour attraper l'indien assassin ? les enfants kidnappés ? récolter la gloire ?) rendant Dundee presque fou. Un grand film malade comme dirait l'ami François. 8,5/10
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par bruce randylan »

Suite et fin des épisodes de la série télé The rifleman / l'homme à la carabine réalisé par Sam Peckinpah en 1958.

Ceux-ci confirme qu'il s'agit d'une série plaisante, à la qualité inégale qui dépend avant tout des scripts. Chuck Connors qui connaît désormais mieux le personnage a l'air plus à l'aise et moins guindé. Dans certaines scènes, il est même plus que convaincant.

Boarding house est le plus anecdotique malgré une ouverture à l'ambiance assez oppressante (où un mouvement de grue présente différents personnages peu avenant dans un saloon sordide) et une interprétation touchante de Katy Jurado. Le scénario n'est pas assez crédible à mon goût avec des méchants dont les motivations ne fonctionnent jamais. Soit, ils sont dans l'excès, soit ils abandonnent trop vite (ou font tout pour être en déroute).
Et puis le traitement est un peu trop "gentillet" avec un humour pas toujours heureux ou bien intégré au récit, notamment via l'impertinence du fils de Chuck Connors.
Ça manque donc de rigueur dans l'écriture des personnages qui sont vraiment trop arbitraires.

The money gun était en revanche le petit bijou de la séance. Pour le coup, il s'agit d'un excellent scénario qui rappelle un peu Une balle signée X de Jack Arnold avec un tueur précédé d'une forte réputation qui vient calmement s'installer dans une petite ville sans tout de suite expliqué les raisons de sa venue (et donc sa cible).
L'épisode surprend par son refus des facilités, des formules et du manichéisme. Quelques échanges sont d'ailleurs surprenant comme ce court dialogue où le fils se réjouit de découvrir qui sera la future victime, ce qui lui vaut une remontrance de son père... avant que le jeune garçon rajoute gêné qu'il n'a rien contre cette personne (au contraire) mais qu'il préfère celui-ci plutôt que son papa...
Le traitement de l'usurier est également vraiment inhabituel, à la fois sans scrupule à pousser ses débiteurs dans la ruine mais jamais être diaboliser, il est même sympathique par plusieurs aspect, notamment sa dimension bourru et sans détour.
Évidement la figure du tueur à gage est la plus marquante et le règlement de compte finale (sa chute et sa conséquence) est également originale et imprévisible, avec une réelle dimension pathétique, humaine et morale (sans être moralisante).
Vraiment un coup de maître avec une réalisation précise, dense et bien ramassée.


The baby sitter est d'un assez bon niveau aussi grâce à un mélange des genres qui fonctionnent cette fois beaucoup mieux, alternant habilement du décalage de voir Chuck Connors s'occuper un bébé à la menace campée par un inquiétant prédicateur (adepte du fouet !) recherchant son épouse pour la torturer psychologiquement et lui reprendre son enfant.
Ce religieux à moitié fou donne lieu à un caractère qui met immédiatement mal à l'aise même si son maquillage est un peu trop factice. Ça donne une nouvelle fois, une ambiance un peu perverse qui sort des sentiers battus traditionnels du genre même si la fin est un peu trop expédié : l'homme de foi baisse rapidement les bras tandis qu'on ne comprend pas pourquoi l'héroïne cherche toujours à changer de ville.
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par bruce randylan »

En 1960, Après plusieurs programmes écrits ou réalisés pour la télévision, Sam Peckinpah a l'opportunité de devenir producteur d'une nouvelle série.
Il crée ainsi The westerner avec Brian Keith (qui était déjà au cœur d'une épisode du Zane Grey Theater) pour une série qui se voulait (initialement) plus mature.
Son premier épisode, Jeff, est à ce titre un joyau noir et pessimiste. On a même du mal à concevoir qu'un tel épisode fut diffusé à la télévision tant son climat y est dépressif, pour ne pas dire glauque. On y découvre un "Ouest" malsain et dérangeant prenant place dans une sordide "cantina" avec une bande de poivrots qui s'amusent à malmener une "hôtesse" vivant sous le joug du patron. Les cadrages comme la photographie crée immédiatement une atmosphère étouffante et pesante, renforcée par les rires malades d'un alcoolique campé par Warren Oates à peine reconnaissable.

Au milieu de ça, Brian Keith, qui interprète le personnage de David Blassingame, tente de venir sauver cette serveuse nommée Jeff avec qui il a eu une liaison il y a plusieurs année. Une possible échappatoire ? Pas si simple quand on a connut la déchéance.
En moins de 30 minutes Peckinpah dresse une œuvre complexe, riche et dense d'une profondeur psychologique inhabituelle tout en étant chargée de tension érotique et de décharges de violence.
Pour achever de dresser un constat incisif et désabusé d'un ouest à l'agonie, le cinéaste/auteur conclut sur un dialogue finale qui vient enfoncer le clou avec une vieille femme venant évoquer la rédemption qu'elle dit avoir trouvée… Sauf qu'à son allure et son visage marquée on devine qu'il s'agit d'une ancienne prostituée à moitié folle, ayant sombré dans l'alcool ou l'opium. On a connut rédemption plus glamour.

Le second épisode, School Day, toujours écrit par Peckinpah, est cette fois réalisée par André de Tôt :D .
Son style cherche un peu moins à montrer ce qu'il a dans le ventre comme l'avait fait Peckinpah avec ses contrastes violents et ses cadrages torturés ; De Toth se recentre sur une réalisation plus directe et sans artifice qui correspond bien à la noirceur de cet épisode où l'on découvre que Brian Keith est un analphabète cherchant à s'éduquer au près d'une institutrice. Celle-ci sera assassinée par un voisin qui cherchait à la violer avant d'être abattu à son tour par Brian Keith... ce qui fait de lui comme le coupable idéale par le veuf.
Si l'humour fait une petite incursion au travers du chien, fidèle compagnon du héros, le ton reste assez violent et dénué du romantisme habituel qu'on a de l'ouest : loi du talion, fratrie dégénéré, justice expéditive, méfiance des étrangers… D'une manière générale, la noblesse d'âme n'est pas vraiment une valeur répandue dans le monde dépeint par Peckinpah… Même pas de pardon accordée et le geste de Keith envers son ancien bourreau est assez éloquent.
Un bon épisode, moins original et lyrique que le précédent mais qui témoigne d'un caractère rageur et personnel.

Sans doute effrayé par ce noirceur et cette dureté, les financeurs (et les annonceurs) ont vraisemblablement demandé quelque chose de plus léger.
Brown, le troisième épisode sera donc une comédie uniquement écrit par Bruce Geller en place du duo Peckinpah-Robert Heverly. Geller (le créateur de la série Mission : impossible) avait déjà collaboré sur l'excellent épisode The money Gun de l'homme à la carabine l'année précédente. Il écrit une histoire légère et inoffensive où Brian Keith fait le rencontre de Burgundy Smith, un escroc gouailleur, adepte de l'ironie et de bons mots nommé. Ce dernier désire à tout prix acquérir Brown, le chien de Blassingame qui se prend d'ailleurs rapidement d'affection pour Smith.
Peckinpah décide d'aller à fond dans ce scénario bon enfant, tirant la série vers l'esprit des amitiés viriles et bagarreuses à la façon d'un Ford ou d'un Hawks. Il en fait aussi un exercice de style pour accoucher de sa réalisation la plus formaliste avec notamment un plan séquence à la grue vraiment habile (interrompue cependant par un plan de coupe).
Mais le principal, c'est surtout qu'on s'amuse beaucoup dans cette épisode qui tranche totalement avec les deux précédents. Le duo formé par Brian Keith et John Dehner est irrésistible et fait des étincelles entre le tempérament impulsif de Blassingame et le flegme littéraire de Smith. Les deux acteurs comme le cinéaste semblent s'être vraiment bien amuser et on est parfois dans le pure burlesque quasi parodique (la grosse beuverie est remplie de gags savoureux comme le piano criblé de balles).
Surprenant à première vue mais un épisode bigrement rafraîchissant.

Mrs Kennedy
est seulement écrit par Peckinpah (et John Dunkel) qui délaisse la réalisation à Bernard Kowalski. On peut le regretter car cet épisode ne manque pas de potentiel en renouant avec la noirceur de Jeff. On aurait pu y retrouver l'association entre une sexualité torride et une violence crue : Blassingame accompagne un homme qui se rend chez sa nièce pour lui apporter un peu de sa fulgurante fortune. Mais cette réussite attise la jalousie de son mari tandis que la nièce séduit Blassingame, peu farouche.
Si la réalisation de Kowalski est tout à fait honnête et même réussie, elle ne possède pas le petit supplément qu'avait su apporter Peckinpah avec sa mélancolie grave et sa peinture quasi anarchiste de l'ouest. Ici, le script est filmé tel quel pourrait-on dire, surlignant les quelques faiblesses du script mais incapable de réellement en sublimer le contenu.

Pour le 6ème épisode, The Courting of Libby marque non seulement le retour Peckinpah mais aussi celui de Geller et du duo Blassingame/Burgundy Smith pour cette histoire où les deux hommes tentent chacun de séduire une ravissante jeune femme faisant partie d'une ligue de vertue. Cette fois la réalisation de Peckinpah est moins inspirée pour ne pas dire bâclé dans plusieurs moments "comiques" (les destructions causées par le chien et les chats sont vraiment filmées platement où les acteurs se content de sauter partout pour réduire le décor à néant). Mais les deux acteurs assurent encore le plaisir du spectateur entre mauvaise foi, jeux de dupes, coups fourrés… le tout avec une complicité évidente.
Souvent amusant mais on peut regretter que le cinéaste ne maîtrise pas mieux ses mélanges de genre (on sent qu'il essaye d'injecter une violence un peu plus brute).

A partir de là, Peckinpah délaisse la série pour plusieurs épisodes et revient pour le 12ème (et avant dernier) toujours avec Geller au scénario pour Hand on the gun, un très bon cru dans cette une tragédie annoncée, presque une malédiction inéluctable où Blassingame accepte dans son équipe de dresseur de chevaux un jeune homme trop obsédé par son pistolet.
Les 25 minutes du show sont parfaitement exploitées et la construction dramatique est exemplaire grâce à une économie de moyen (et de paroles) qui donne beaucoup de force au récit, sorte de variation sombre sur le thème de la quête initiatrice.
Les acteurs sont excellents, surtout l'associé de Brian Keith, Michael Ansara au regard pénétrant et lourd de sens.
Les dernières minutes sont assez magistrales et achèvent de faire de cette épisode une allégorie morale que n'aurez pas renié Henry King (on pense là encore beaucoup à la cible humaine, mais en plus sec et terre à terre).

Pour The painting, dernier épisode, on ne change pas une équipe qui gagne : Peckinpah à la réalisation, Geller au scénario (il n'aura écrit que ceux du grand Sam) et le duo David Blassingame / Burgundy Smith pour une histoire de tableau représentant une femme nue qui attise bien des convoitises.
Episode mineur et décontracté, parfois vraiment drôle (la marseillaise :lol: !) mais qui repose essentiellement sur les acteurs toujours autant cabotins et attachant.
On sent que Peckinpah les aime bien ces là et qu'il prend un malin plaisir à mettre en scène leur facétie, leur complémentarité (un brin individualiste quand même) et leur irrévérence.
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bruce randylan
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Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par bruce randylan »

Pericles on 31st street (1962)

Produite pour le Dick Powell Show, ce téléfilm d'une cinquantaine de minutes traîte de problèmes socio-politique où un vieux grec, vendeur de cacahuète, est décidé à ne pas rentrer dans le jeu d'un élu populiste et corrompu.

Ramené à une rue simple ruelle et à une petite poignée d'habitants, le traitement permet de rester à une échelle plus humaine et concrète même si en contre-partie le traitement est un peu évasif en manquant de profondeur, sans pouvoir embrasser les différents aspects d'un problème si vaste ; encore que cette modestie lui confèrent plus de chaleur et que ça n'empêche pas le scénario d'aborder de nombreux thèmes : l'immigration, la corruption ou la mixité sociale.
Il y a quelque chose de l'idéalisme d'un Frank Capra dans cette croyance indécrottable envers les valeurs démocratiques. Et c'est presque dommage que le film n'aille pas plus loin dans cette critique des électeurs et de leurs responsabilités à continuer de voter pour des escrocs avérer. En l'état, ça reste une petite chronique sociale sans grande surprise mais assez prenant entre naïveté, gros sabot, dignité et lucidité (un peu comme l'interprétation de Theodore Bikel tour à tour agaçant de gimmicks et touchant par son intégrité)


The losers (1963)

Toujours produit pour le Dick Powell show, cet épisode est autrement plus marquant et personnel. Non seulement le style burlesque annonce clairement Un nommé Cable Hogue mais on retrouve surtout un certain Bruce Geller au scénario dont les personnages principaux s'appellent Dave Blassingame et Burgundy Smith :D
Si les caractéristiques des 2 compères sont les mêmes que dans The westerner, ils sont cette fois interprétés respectivement par Lee Marvin et Keenan Wynn pour un plaisir encore plus présent. Le duo, plongé à l'époque contemporaine, est un nouveau régal et la durée de 50 minutes permet de mieux développer leurs relations et leurs péripéties. Sam Peckinpah se sent d'ailleurs suffisamment en confiance pour essayer une mise en scène plus originale avec accélérées, ralenti et surtout 2-3 séquences savoureuses composées d'arrêts sur image, montée en rythme sur le très sympathique thème musical. C'est peut-être un cache-misère économique (la chasse au raton laveur est cruellement fauchée) mais ça marche très bien.
On s'amuse beaucoup de leur tribulations malchanceuses et leurs petites combines au poker. Dans ces moments là, the Loser est drôle, rythmée, impertinent et irrésistible.
Sauf que la deuxième moitié est considérablement alourdi par une sous-intrigue envahissante gnan-gnan entre un musicien religieux aveugle et une fille de la campagne étouffé par son un père rude et sans considération. Ca inclut plusieurs chansons religieuses dégoulinantes, très répétitives de surcroît. Concession commerciale pour montrer les deux crapules sous un meilleur jour et satisfaire la chaîne de télévision ?
Il va sans dire qu'on prend alors beaucoup l'esprit iconoclaste de la première moitié.

Dommage que Dave Blassingame et Burgundy Smith n'aient pas eu droit à un véritable long métrage en tout cas.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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