Sam Peckinpah (1925-1984)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

allen john
Assistant opérateur
Messages : 2008
Inscription : 17 mai 06, 19:00
Localisation : Une maison bleue
Contact :

Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par allen john »

The deadly companions (Sam Peckinpah, 1961)

Dans ce film tourné en Arizona, Peckinpah fait ses premières armes de réalisateur de long métrage. C'est un tout petit budget, le film est passé inaperçu et est quasi inconnu, et pourtant on voit déja un grand réalisateur à l'oeuvre, qui aura beau ensuite pester sur ce scénario qu'on lui avait imposé, il contient des idées qui reviendront...

Un mystérieux étranger qui répond au surnom de "Yellowleg" (Il porte un pantalon de l'armée, avec sa bande jaune sur le côté) sauve un malfrat d'un lynchage, et part avec lui, et le compagnon de ce dernier. Ils font escale dans une petite ville, ou on apprend que l'homme que "Yellowleg" a sauvé de la pendaison est un ancien soldat sudiste que le héros, ancien nordiste, recherche pour se venger de l'avoir à demi scalpé durant la guerre... Mais les évènements se précipitent, et alors qu'ils sont en ville, Yellowleg en manipulant son arme pour empêcher un cambriolage, tue accidentellement le jeune garçon d'une fille de saloon. Flanqué de ses deux compagnons d'infortune, il décide d'escorter la jeune femme en colère qui veut enterrer son fils au loin, à coté de son mari... La traversée incomfortable commence...

Les acteurs, à l'esception de Maureen O'Hara (Kit Tolden, la prostituée) ou de Chill Wills ("Turkey", le vieux malfrat sudiste) sont plutôt inconnus, et le héros est interprété par Brian Keith, qui s'était lui fait un nom, mais à la télévision. Le film est authentique de bout en bout, tourné quasi uniquement en extérieurs, et qui semble déja se concentrer non sur l'avancée de l'intrigue (qui avance toute seule, presque indépendamment du film) mais plutôt sur les digressions, les bivouacs, les pauses. On retrouvera ça dans la plupart des westerns de Peckinpah, et c'est déja ce qui fait le sel de ce film, avec ses alliances complètement inattendues, entre l'homme qui cherche à se venger et sa victime potentielle, et entre la mère d'un garçon mort et celui qui l'a tué... Le film sent le Sud-Ouest cher à Peckinpah, et c'est déja son univers... On jurerait d'ailleurs que certains décors, comme la ville-fantôme à la fin, seront réutilisés dans Major Dundee.

La dette de Peckinpah à Ford, représenté à fortiori par la présence de Maureen O'Hara, et prolongée par son style alors assez économique, se retrouve aussi dans le lyrisme qu'il sait trouver dans l'évocation des haltes et bivouacs, ou il nous montre chacun affairé à ses occupations à son rythme. il ya aussi une solide empreinte du passé, en chacun de ces personnages, et la présence de rites qui la encore atteste d'une influence fordienne; mais là ou les rites (Funéraires, religieux ou autres) sont pris par Ford au pied de la lettre, et traités avec un certain respect, chez Peckinpah, il se doublent d'un mauvais esprit gouailleur de mauvais élève; ici, c'est un saloon, qui se change une fois par semaine en église pour l'office, qui est la cible de l'ironie...

Avec sa vengeance qui peine à s'assouvir, sa lenteur et sa musique qui va à l'encontre de l'action, ce film très attachant est déja un western furieusment anti-confrmiste, un moyen idéal de venir à la rencontre de cette incorrigible fripouille qu'était Sam Peckinpah, avant qu'il ne devienne le champion du ralenti sur des jets de sang en gros plan...

http://allenjohn.over-blog.com/article- ... 82984.html
EddieBartlett
Assistant(e) machine à café
Messages : 229
Inscription : 20 mars 11, 16:09
Localisation : Le fourreau Nom de Dieu !!

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par EddieBartlett »

Revu « Pat Garrett et Billy The Kid » (1973) dans le nouveau montage à-priori se rapprochant le plus de ce que voulait Peckinpah (édition dvd en 2005 refait d’après ses notes).

L’occasion de découvrir encore à quel point ce film est un grand film malade. Comme on aurait aimé vibrer à cette belle histoire d’amitié de deux hors-la-loi dont l’un est devenu shérif et qui vont s’entretuer.
Le film se voudrait crépusculaire avec une réflexion sur le temps qui passe. Il y de effectivement quelques belles choses, mais globalement, l’histoire se traine, les personnages ne sont pas vraiment « cadrés » (à part James Coburn, royal comme toujours), les maladresses de casting sont manifestes avec Kris Kristofferson dans le rôle de Billy (L’acteur a du charisme, mais pas celui du personnage) ou encore Bob Dylan transparent dans son rôle. (Le grand Bob a ainsi rejoint le cimetière des chanteurs n’ayant pas passé la rampe du grand écran).
On cherche en vain les éclairs de violence, les fulgurances visuelles à la Peckinpah… Au contraire, certaines scènes de fusillade sont même poussives. Un comble.

La BO de Dylan est somptueuse (Tavernier et Coursodon la trouve, eux, carrément « Insupportable » :shock: :shock: ), mais certaines chansons ont tellement de personnalité qu’elles mangent la scène. On écoute plus qu’on ne regarde…

Même les costumes paraissent trop neufs, ils sont trop bien repassés, trop proprets comme dans les westerns d’Andrew Mac Laglen des années 60. Ca manque un peu de crasse, ça manque un peu de sueur…

Peckinpah a toujours accusé la MGM d’avoir dénaturé son film. Je crains malheureusement que le grand Sam se soit un peu perdu lui-même sur ce coup-là.
That's my steak, Valance...

Image
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99485
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Jeremy Fox »

Je trouve pourtant ce Pat Garrett presque aussi génial et attachant que son Coups de feu dans la Sierra ou que la Horde sauvage et je trouve aussi que Kris Kristofferson est le meilleur Billy le Kid que nous ayons jamais eu. J'apprécie de plus en plus ce western. Et concernant les fulgurances visuelles, il est loin d'en manquer.
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99485
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Jeremy Fox »

Image

Coups de feu dans la Sierra (Ride the High Country - 1962) de Sam Peckinpah
METRO GOLDWIN MAYER


Avec Randolph Scott, Joel McCrea, Mariette Hartley, James Drury
Scénario : N.B. Stone Jr
Musique : George Bassman
Photographie : Lucine Ballard (Metrocolor 2.35)
Un film produit par Richard E. Lyons pour la MGM


Sortie USA : 24 juin 1962


L’aube du XXème siècle. Steve Judd (Joel McCrea), la soixantaine bien tassée, ancien aventurier et ex-shérif, arrive dans la petite ville de Hornitos où la fête bat son plein. Il a accepté une dangereuse mission qui consiste à convoyer un chargement d’or de la petite ville minière de Coarse Gold située dans les "High Country" jusqu’à la banque de Hornitos ; il se rend justement chez son employeur pour signer le contrat et prendre les directives. D’abord réticent en raison de l’âge avancé de Steve Judd, le banquier finit par accepter ne trouvant personne d’autre pour mener à bien ce travail, les six essais précédents s’étant soldés par la volatilisation de l’argent et le trépas de ceux chargés de le transporter. A Hornitos, Steve retrouve Gil Westrum (Randolph Scott), un vieil ami avec qui il a bourlingué dans ses vertes années et qui s’est désormais reconverti en pitoyable forain attifé en Buffalo Bill d’opérette, tenancier d’un stand de tir. Steve lui propose de l’accompagner. Gil accepte, entraînant avec lui son partenaire, le jeune Heck Longtree (Ron Starr) ; végétant depuis des années dans une semi misère, ils ont tout deux l’intention de s’emparer de l’or pour pouvoir enfin vivre décemment. En cours de route, les trois hommes font halte dans la ferme de Joshua Knudsen (R.G. Armstrong), puritain répressif, tenant sous sa coupe stricte et sévère sa fille Elsa (Mariette Hartley). Heck n’est pas insensible au charme de cette dernière mais elle s’est promise à un mineur, Billy Hammond (James Drury). Elsa finit par fausser compagnie à son père et rejoindre nos trois aventuriers repartis pour le camp minier ; elle souhaite y retrouver Billy afin de l’épouser comme ils se l’étaient promis...

Image
"Quand on dirait encore tout le charme que dégage ce film, dans lequel les amis du western lisent à livre ouvert, l’on n’aurait rien dit qui puisse dispenser de revoir dix fois Coups de feu dans la Sierra" écrivait Jean-Louis Rieupeyrout en 1964 dans son passionnant ouvrage La Grande aventure du western. Mais que cela ne nous empêche pas d’ajouter néanmoins une modeste pierre à cet édifice déjà bien élevé ! En effet, dès la fin du générique, nous sommes déjà acquis à la cause de ce joyau qui marque - en même temps que cet autre grand film qu’est L’Homme qui tua Liberty Valance de John Ford - la véritable frontière temporelle entre la fin du western classique et l’avènement du western moderne. Après que le lion de la MGM ait rugi, s’élèvent les premières notes du très beau thème musical serein et émouvant de George Bassman alors que la caméra de Peckinpah effectue d’amples et majestueux mouvements nous faisant découvrir avec lenteur de grandioses paysages automnaux, ceux que traverseront à l’aller et au retour les personnages principaux du film. Un générique où la nature immuable et apaisée tient la première place.

Image
Mais avant de parcourir ces somptueux paysages des 'High Country' magnifiés par le chef opérateur Lucien Ballard, nous voici dans une petite ville typique du Vieil Ouest telle que nous en avons déjà vu des milliers dans les innombrables westerns qui ont précédé celui-ci. De prime abord, rien n’a changé sous le soleil du Far West. Et pourtant de nombreux détails commencent, par touches successives, à nous rendre Hornitos plutôt 'exotique' ou dépaysante pour le genre. Un policier en uniforme, bâton de circulation en main ; des bicyclettes appuyées là où l’on attache habituellement les chevaux ; une automobile (symbole récurrent de la modernité dans ce qu’elle a de moins glorieux pour Peckinpah, Cable Hogue en faisant les frais dans ce très beau film que sera dix ans plus tard Un nommé Cable Hogue, cinquième western du réalisateur) coupant la route à des piétons ; et voici que déboulent dans la rue principale quelques chevaux que précède un chameau, tous lancés dans une course échevelée. Puis ce seront un marchand de glace avec son chariot roulant ou des paravents chinois au milieu du Saloon. Tavernier et Coursodon ont parfaitement bien exprimé ce qu’un aficionado du western a pu ressentir à la vision 'insolite' quoique réaliste de ce prologue tendant à montrer le modernisme pointant le bout de son nez dans cette ville de l’Ouest, l’esquisse du portrait sensible de la fin d’une époque : "Peu importe que ce baroquisme soit en fait d’un réalisme extrême ; l’univers évoqué, même s’il correspond à une réalité historique, reste insolite parce que cette réalité ne nous est pas familière et le dépaysement que nous éprouvons est bien l’effet recherché".

Image
Car si le western, hollywoodien et plutôt 'propre sur lui' d’avant les 60’s, nous était cher c’était, pour une bonne part, justement dû à son manque de réalisme dans la description des lieux et des protagonistes, élément typique de l’usine à rêves et sans quoi beaucoup de films nous auraient paru beaucoup moins agréables et inoubliables, le cinéma étant autant un vecteur de divertissement et de rêve que de réalisme et de réflexion (bien évidemment, quand tous ces paramètres se trouvent regroupés dans une même œuvre, nous atteignons une sorte d’idéal) ; bref, la légende nous était alors plus importante que la réalité ! Les cow-boys tirés à quatre épingles, rasés de près et bien peignés malgré toutes les péripéties endurées, les petites villes au charme certain, les rues et saloons grouillant de belles femmes plantureuses, nous y étions habitués et si, peu dupes, nous savions très bien que tout cela n’était que façade et poudre aux yeux, nous nous y complaisions avec délectation ; les artifices et le Technicolor flamboyant faisaient partie de la règle du jeu. Sur ces entrefaites, Sam Peckinpah débarque et signe avec son deuxième film une œuvre charnière, le premier vrai western dit 'crépusculaire', adjectif grandement galvaudé depuis. Mais que les amoureux du classicisme cinématographique ne prennent pas leurs jambes à leur cou, Ride the High Country en est encore un magnifique exemple et n’a que peu à voir stylistiquement avec son autre chef-d’œuvre que sera en 1969 le jusqu’au-boutiste La Horde sauvage (The Wild Bunch).

Image
Tourné en seulement vingt-six jours, Coups de feu dans la Sierra est le deuxième film de cinéma de Sam Peckinpah, alors surtout connu comme réalisateur de séries TV parmi lesquelles quasiment que des westerns : Gunsmoke, Broken Arrow ou The Rifleman. D’abord assistant de Don Siegel sur Invasion of the Body Snatchers (1956), il réalise en 1961 son premier long métrage, The Deadly Companions qu’il renie aussitôt s’étant très mal entendu avec l'actrice 'tyrannique' Maureen O’Hara et le frère de cette dernière alors producteur du film. Le réalisateur novice ne parvient pas à mener son projet comme il l’entend et déjà, on lui 'massacre' son premier-né au montage. Peckinpah eut beaucoup plus de chance avec le film qui nous intéresse ici grâce à l’indifférence du studio qui ne vit que convention dans le scénario et qui du coup ne se sentit pas la nécessité de le surveiller de trop près pour le faire entrer dans le moule et les standards MGM. La relative indifférence des producteurs lui permit donc de boucler son montage comme il le souhaitait sans qu’aucune coupure ne lui soit imposée même s’il n’obtint pas de pouvoir effectuer le travail de post-production lui-même ; ses techniciens s’efforcèrent de respecter ses vœux et le résultat convint parfaitement au réalisateur. Bien leur en a pris puisque ce sera un succès critique et public mondial qui aboutira à de multiples récompenses comme un prix au Festival de Cannes, le grand prix au Festival de Bruxelles, le prix du meilleur film étranger au Festival de Mexico…

Image
Sam Peckinpah pouvait être fier de lui surtout quant on sait à quel point il s’est investi dans son film, n’ayant pas seulement été un 'yes man' du studio sur ce projet mais prenant en charge plusieurs éléments autres que la pure mise en scène ; mais le mieux est de le laisser s’exprimer. "C’est le succès de mes séries TV qui a fait que la Metro m’a proposé ce film. Randolph Scott et Joel McCrea étaient déjà engagés -le second grâce au premier qui voulait absolument l’avoir pour partenaire- Cette fois j’ai pu écrire le scénario à ma guise car l’histoire était tout à fait conventionnelle, sans authenticité aucune, et je l’ai tirée vers quelque chose de plus baroque tout en apportant ces éléments réalistes dont j’avais eu connaissance dans ma jeunesse soit par les récits qui m’avaient été faits, soit par l’observation directe ; c’est ainsi que le camp de mineurs a été reconstitué à partir de choses vues. J’ai également rendu le dialogue plus nerveux, développé certaines scènes, interverti les rôles de Scott et McCrea et surtout, je crois, approfondi ce thème de la vieillesse qui me hante véritablement. Mais mon nom ne figure pas au générique pour ce travail sur le scénario. Les deux interprètes ont été d’une grande coopération, entrant de plain-pied dans l’histoire telle que je la voulais, étant parfaitement conscients et acceptant de démystifier l’Ouest, à corriger l’image fausse qu’en donnait souvent le cinéma" expliquera le cinéaste lors d’un entretien donné à Guy Braucourt pour la revue Cinéma 69 N°141.

Image
"C’est, en quelques mots, un film sur le rachat et la solitude. La solitude de ces deux légendaires officiers de paix oubliés par le pays qu’ils avaient pacifié et qui grandissait désormais sans eux" dira encore Peckinpah. Il est extrêmement émouvant pour un passionné du genre de voir deux des plus grandes icônes de la mythologie westernienne en bout de course se retrouver vieillissants, fatigués, les semelles de leurs bottes trouées pour une ultime et poignante chevauchée vers le crépuscule. Steve Judd et Gil Westrum ont fait les quatre cents coups ensemble, ont été tour à tour du bon et du mauvais côté de la loi et les aléas de la vie les ont séparés. Ils se redécouvrent le temps d’un voyage et, même si leurs buts sont totalement opposés, ils profitent cependant des quelques moments de répit qui les séparent de la fin de leur mission pour évoquer le 'bon vieux temps'. Ces scènes dialoguées sont admirables car d’une grande simplicité et surtout semblent improvisées tellement les deux acteurs sont en parfaite symbiose : leurs rires lors de la première halte à la belle étoile paraissent avoir été volés par le cinéaste hors tournage ; l’idée de les voir tous deux en pyjama évoquant une femme dont ils ont tous deux été amoureux est splendide. Steve, pour retrouver un peu de 'self respect', devient shérif et développe ensuite un sens de l’honneur et de l’honnêteté irréprochable. Il veut mourir sans honte et "la chose qui m’importe le plus est de pouvoir pénétrer dans ma maison la tête haute" (phrase écrite par Peckinpah lui-même se souvenant l’avoir entendue à maintes reprises de la bouche même de son paternel). Intègre jusqu’au bout des ongles, il se fond pourtant assez mal avec l’époque ; il semble démodé dans sa façon de s’habiller au tout début du film, est gêné de se sentir physiquement vieilli et amoindri (il se cache pour lire le contrat car, pour ce faire, il doit enfiler une paire de lunettes) et paraît constamment étonné du modernisme galopant. Au contraire, Gil, s’il a été autrefois son adjoint du temps ou son coéquipier était homme de loi, souhaite trouver enfin une certaine aisance matérielle qu’il n’a jamais connue, n’ayant jamais réussi à faire l’effort d’accepter un travail trop contraignant. Pour cela, avec l’appât de l’argent facile à portée de main qui le dédommagerait de toutes ces années de vaches maigres, il est prêt à trahir la confiance et l’amitié de Steve à la fin de leur mission. Et si l’on pouvait douter que Peckinpah fut un moraliste avant de sombrer dans le nihilisme, le rachat final de l’ami égaré finirait de nous détromper, l’honnêteté triomphant d’une admirable manière, aucunement mièvre rassurez-vous car, si la morale est certes positive, il aura fallu pour cela la mort de celui qui la délivre.

Image
Ces deux 'Old Timers' sont confrontés à la jeunesse en la personne du 'couple' constitué par Elsa et Heck. La naïveté d’Elsa est confondante mais totalement compréhensible puisque sa vie durant, elle a été coupée de presque tout contact humain, séquestrée par son puritain de père (premier fanatique religieux dans l’univers de Peckinpah, remarquable R.G.Armstrong) terrifié à l’idée qu’elle ne trouve pas un garçon aussi pur et honnête qu’il pense l’être lui-même. Il est donc logique qu’elle s’amourache du premier venu et la désillusion n’en sera que plus grande, vivant ce qu’elle pensait être le point d’orgue de sa vie de femme (son mariage) comme un véritable calvaire. Peckinpah réalise la séquence de la cérémonie nuptiale comme un cauchemar baroque, la première scène de sa filmographie absolument tétanisante dont on peut s’étonner qu’elle n’ait pas été censurée par les responsables du studio le plus pudibond d’Hollywood et qui annonce la révolution que le réalisateur va amener dans la description de la violence au cinéma. En dix minutes, le cinéaste filme le Saloon comme un véritable enfer, la bacchanale se terminant quasiment en orgie et viol collectif de la jeune vierge. "Père disait qu’il n’y avait sur terre que deux choses, le bien et le mal et rien d’autre entre les deux" dira Elsa à Steve après avoir échappé à l’emprise destructrice de son 'mari'. "Oui, ça paraît simple mais ça l’est beaucoup moins en réalité" lui rétorquera Steve, l’homme qui a vécu et qui est désormais un modèle d’éthique pour cette jeunesse inexpérimentée. Ces deux phrases paraissent conventionnelles au possible hors contexte mais résument assez bien le parcours de la jeune Elsa qui, après des années en couveuse fait enfin concrètement l’expérience de la vie en société et commence à voir s’écarquiller ses yeux innocents devant la complexité des hommes. C’est donc aussi à un parcours initiatique que nous assistons, non pas seulement pour Elsa mais aussi pour Heck, le jeune partenaire de Gil. Fougueux et inconscient, il est prêt à se battre pour des broutilles et à foncer tête baissée dans les problèmes sans se soucier pour sa vie. C’est d’ailleurs grâce à ce feu sacré de la jeunesse et, contradictoirement, avec l’aide du personnage à priori négatif du film (celui de Gil) qu’Elsa se verra tirée d’affaire. Mais avant cela, pour son comportement trop vigoureux envers sa compagne de voyage, il aura reçu des leçons de la part de ses deux aînés, ces derniers le remettant à sa place de la manière la plus frustre possible, un bon coup de poing dans la figure. Heck est étonné de la vigueur de ces 'vieux briscards' et apprend alors à les respecter. C’est l’éveil à la conscience d’un homme devant ses aînés.

Image
Avant d’affûter un style beaucoup plus radical, Sam Peckinpah nous dévoile donc ici une sensibilité qu’on ne lui soupçonnait pas, même si Serge Kaganski a très justement parlé du cinéaste comme étant un grand romantique (à l’instar d’un James Ellroy dans le domaine de la littérature si on arrive à passer outre les clichés colportés et à estimer que de la noirceur totale peut naître le romantisme le plus fou). Dès ce film, il entame sa saga des losers et se fait le chantre des désenchantés, des las et des vaincus. Leur description juste et poignante ne va pas sans une certaine ironie mais malgré ça, Peckinpah respecte et aime infiniment ses quatre héros, tour à tour extrêmement touchants. Le cinéaste mène son film avec une réelle maestria et une efficacité redoutable jusqu’à cet extraordinaire final, un gunfight d’anthologie, véritable baroud d’honneur orchestré avec génie pour ces deux immenses acteurs qu’étaient Randolph Scott et Joel McCrea, tous deux magnifiques dans ce film. Un gunfight 'Bigger than Life' filmé aussi bien en plongée du haut d’une grue en un immense plan d’ensemble qu’en contre-plongée serrant de très près nos deux acteurs se dirigeant vers l’ultime séquence de leur carrière (au moins en ce qui concerne Randolph Scott) : inoubliable et à marquer d’une pierre blanche. Face à ces deux routiers du genre, les trognes patibulaires consacrées des frères Hammond, personnages totalement dépravés, interprétés pour les plus connus par L.Q. Jones, Warren Oates (qui fait beaucoup d’effet avec son corbeau posé sur l’épaule) et James 'Le Virginien' Drury. Notons aussi une remarquable apparition d’Edgar Buchanan dans la peau du juge imbibé d’alcool et le très grand talent des deux jeunes recrues que sont Ron Starr et la jolie Mariette Hartley qui trouvait ici son premier rôle.

Image
Sam Peckinpah, à seulement 36 ans, possède déjà une belle maturité pour parler de la sorte de la difficulté de vieillir et de s’adapter à une époque rapidement changeante. Très attentif à la psychologie des personnages, truffé d’ellipses stupéfiantes (après l’épisode du mariage), de quelques détails pittoresques bien observés, doté d’un certain humour (le repas chez Joshua Knudsen) et même, déjà à l’époque, d’une réflexion sur l’écologie (Steve sermonnant Heck après que celui-ci ait jeté un papier à terre), Coups de feu dans la Sierra n’a pas fini de nous dévoiler toutes ses richesses. Point d’achèvement d’un genre parvenu aux cimes de son expression classique à la fin des années 50, il est aussi le point de départ d’une nouvelle forme voulant substituer à la vision mythique de l’Ouest une vision plus réaliste. Un chant du cygne de l’Old West, un western à la fois automnal et violent, nostalgique et tragique que traduisait bien son autre titre d’exploitation de l’époque : Guns in the Afternoon.

Image
"Faire un western sur la mort de l’Ouest, de ses mythes et de ses héros, signifie par là que le genre est devenu impossible, mais lui rendre vie par cette affirmation même, tel est le propos remarquablement moderne de Peckinpah dans Ride the High Country…Le modernisme de Peckinpah nous séduit, avec ses antihéros un peu gâteux, et ses dégénérés vaguement 'faulknérien', ses courses de chameaux et ses chinoiseries, ses Gunfighters devenus attractions foraines tandis que des automobiles déjà descendent la rue principale." Tavernier & Coursodon dans 50 ans de cinéma américain.


***********************************************************************

Image

Major Dundee (1965) de Sam Peckinpah
COLUMBIA


Avec Charlton Heston, Richard Harris, James Coburn, Senta Berger
Scénario : Harry Julian Fink, Sam Peckinpah & Oscar Saul
Musique : Daniele Amfitheatrof
Photographie : Sam Leavitt (Eastmancolor 2.35)
Un film produit par Jerry Bresler pour la Columbia


Sortie USA : 16 mars 1965


La Guerre de Sécession tire à sa fin. Le Major Dundee (Charlton Heston) ne participe plus aux combats, ayant été muté pour insubordination à Fort Benlin qui sert de camp d’internement pour des centaines de prisonniers confédérés. Sa mission de ‘gardien de prison’ lui étant pénible, il trouve une occasion de reprendre les armes le jour où Sierra Charriba (Michael Pate) et sa bande d’Apaches belliqueux attaquent un détachement de cavalerie du Nouveau-Mexique, massacrent tous ses occupants, militaires comme civils, et capturent les enfants qu’ils conduisent dans leur campement au Mexique. Sans se soucier des conséquences et malgré les avis contraires de ses supérieurs, Dundee décide de sa propre initiative de traquer et d’anéantir les ravisseurs. En manque d’hommes, il est contraint d’enrôler des volontaires de toutes sortes, des têtes brûlées, des voleurs de la pire espèce et même certains de ses prisonniers sudistes dont leur chef, Benjamin Tyreen (Richard Harris), qui accepte de le suivre en faisant néanmoins le serment de tuer Dundee une fois la mission achevée. Car en effet, Tyreen et Dundee se connaissent de longue date et se vouent une haine tenace ; d’autres tensions ne manquent pas au sein de cette escouade de fortune dans laquelle se côtoient cavaliers ‘de couleurs’, éclaireurs indiens, soldats ennemis de la présente guerre civile... Les nerfs sont mis à rude épreuve pour tout le monde, surtout ceux du chef de la troupe qui en oublie au fur et à mesure de son avancée sa mission première, ramener les enfants kidnappés, étant obligé dans le même temps, pour mener à bien son expédition punitive, de combattre également le corps expéditionnaire français sur le territoire mexicain…

Image
A le lire, le pitch possède un potentiel énorme et semble s'avérer d’une incroyable richesse. Bien trop riche pour ce que l'on en a fait ! Mais nous y reviendrons. Trois films, trois westerns pour un début de carrière en dent de scie qui se sera néanmoins au final révélée passionnante avec quelques chefs-d’œuvre à la clé, celle de Sam Peckinpah ! Après le catastrophique New Mexico puis le sublime Coups de feu dans la Sierra (Ride the High Country), Major Dundee vient se situer entre ces deux extrémités. Autant dire qu’il s’avèrera décevant pour tous ceux (dont moi) ayant considéré son précédent opus pas moins que comme l’un des plus majestueux sommets du genre. Suite au succès public et critique de ce dernier, le réalisateur se voit donc confier le projet Major Dundee qui constituera son premier tournage mouvementé et le début des violents conflits qui l’opposeront constamment aux producteurs et monteurs. Il faut cependant remettre les pendules à l’heure et ne pas se voiler la face quant au fait que Peckinpah lui-même est en partie responsable dans le déclenchement de ces antagonismes ; il n’était effectivement pas tout blanc dans l’affaire puisque ses frasques extra-cinématographiques sur le tournage contribuèrent largement à plomber le budget alloué au film. Les raisons quant au charcutage de son troisième long métrage (quasiment la moitié de la version voulue par Peckinpah est partie à la poubelle) s’expliquent donc avant tout par les puissantes rivalités qui régnèrent entre les principaux contributeurs. En dépit du soutien de Charlton Heston qui, légende ou réalité, accepta de ne pas toucher son salaire pour aider son metteur en scène à terminer son film selon ses désirs, le massacre ne put être empêché et le montage final s’est avéré malheureusement assez calamiteux faisant de Major Dundee un film bien trop bancal et de ce fait inabouti. Hasard ou coïncidence, ce qui s’est passé sur les plateaux s’est quelque peu reflété dans l’intrigue du film, les relations larvées au sein du groupe commandé par Dundee ayant concouru à des faits peu glorieux et parfois tragiques.

Image
Quoiqu’il en soit, les innombrables coupures, la modification à 180° du final souhaité, le remontage de certaines séquences et les rumeurs sur la mauvaise ambiance ayant régnée durant le tournage aboutirent à ce que Major Dundee fut un fiasco commercial ; Sam Peckinpah ne s’en relèvera que quatre ans plus tard avec un western d’une toute autre trempe, l’étonnement violent La Horde sauvage (The Wild Bunch) qui, malgré qu’il ait lui aussi été un peu mutilé, se révèlera bien plus fluide, équilibré et harmonieux, aussi bien sur le fond que sur la forme. Pour en revenir à Major Dundee, il faut pour pouvoir l'apprécier être conscient au départ de l’impression de confusion qui perdurera tout du long. Certains indécrottables aficionados du cinéaste rétorqueront vraisemblablement que tout ceci reflète le désordre qui règne au sein du groupe et dans l’esprit de tous les personnages. Mais à mon humble avis, si par respect du spectateur, un artiste se doit pour traiter de l’ennui de ne pas l’ennuyer, il se doit tout autant de ne pas être confus lorsqu’il s’agit de traiter de la confusion. Le film de Peckinpah tombe malheureusement un peu trop souvent dans ce travers ; faute en incombant certes principalement aux producteurs ou (et) aux monteurs, mais le résultat est là et c’est seulement lui que l’on est amené à juger ici. Quant à ceux qui auraient cru que la version longue sortie en 2005 (de 12 minutes supplémentaires avec une nouvelle bande originale, pas désagréable, signée Christopher Caliendo) arrangerait les choses, il me faut immédiatement les détromper ; elle a beau être un poil meilleure, elle n'empêche pas le film d'être toujours aussi déséquilibré et tout aussi obscur dans ses enchainements et motivations. Néanmoins, Peckinpah prouvait une fois encore qu’il était plus que jamais un talentueux portraitiste au travers la description passionnante de ses deux principaux protagonistes.

Image
Avant de revenir sur la caractérisation des personnages, pour comprendre d’emblée un peu mieux les réelles intentions du cinéaste quant à son film et sa finalité, rien de mieux que de laisser s’exprimer Sam Peckinpah en personne qui, dans un numéro de cinéma 69 (le 141), disait avec fort mécontentement ne pas reconnaitre le Major Dundee qu'il avait souhaité (ne se souciant guère de dévoiler d’éventuels spoilers pour ceux que ça pourrait gêner) : "Major Dundee est un film tellement massacré au montage que je suis surpris quand on me dit y trouver quelque chose de construit et de personnel (...) La séquence d'ouverture fut coupée, ainsi que la fin du film où tous devaient trouver la mort sans trouver Charriba. Le rôle de Warren Oates a été le plus sacrifié de la distribution ; il ne subsiste pratiquement que sa mort ; un combat au couteau entre Coburn et Mario Adorf, ainsi qu'un plan où un soldat voulant boire dans le fleuve recueille une eau rouge de sang ont également disparu (...) c'était très important pour la signification du film que Dundee ne rattrape pas Charriba, car je voulais montrer que cette quête était un but en elle-même, qu'il s'agissait d'une poursuite mythique sans fin. Je suis obsédé par les êtres dont l'action constitue une fin en soi. Teresa exprimait la morale en disant à Dundee : "Pour vous, major, la guerre durera toujours." D’une durée initiale de 278 minutes, elle fut rabaissée avec l’accord du cinéaste à 156 minutes, puis à 136 suite à sa désastreuse avant-première, cette fois sans que le réalisateur ait donné son aval. Il est donc aisé de comprendre la colère de ce dernier qui, dans l’état final où il le vit, ne reconnut absolument plus son rejeton.

Image
Et pourtant, dans ce qu’il reste, on trouve encore beaucoup de très bonnes choses. A commencer par la première séquence d’une grande puissance d’évocation qui démontre d’emblée que l’époque du western classique était en 1965 bel et bien révolue même si certains réalisateurs aimeront encore à le faire perdurer quelques années. Des scènes de désolation d’un village incendié se déroulent sous nos yeux en même temps que le générique, une certaine vision de l’enfer engendré par les massacres commis par les indiens, images d’une crudité encore assez inhabituelle pour l’époque. La demi-heure qui s’ensuit est tout aussi remarquable et constitue une sorte de préambule à la poursuite qui va se mettre en place, celle totalement illégale de Charriba par Dundee. Il s’est agit pour les auteurs lors de cette introduction de nous présenter les protagonistes qui feront partie de cette expédition punitive et c’est là que Peckinpah nous fera nous souvenir que déjà dans son opus précédent, il avait été un fabuleux portraitiste. Car il s’agit bien de la qualité première de ce western que la description de ses deux personnages principaux, ceux interprétés avec une très grande classe par Charlton Heston et Richard Harris. Dundee, c’est Charlton Heston qui le personnifie avec une remarquable prestance. Un personnage trouble dont le modèle pour Peckinpah devait être le Capitaine Achab, le célèbre antihéros du formidable roman d’Hermann Melville, Moby Dick, homme obnubilé par une idée fixe et dont la quête sera autodestructrice, ses hommes d’équipage en faisant également les frais. Dundee est un goujat rigide et bourru, avare de compliments mais possédant néanmoins un immense ascendant sur ses hommes (même s’ils lui sont pour la plupart hostiles) grâce à son charisme et sa franchise ("je ne vous promets rien, que des douleurs dues à la selle, de petites rations, et peut-être une balle dans le ventre... Mais de l'air libre à respirer, du tabac presque frais, un quart de solde... ") ; il est cependant faillible et capable de les envoyer à la boucherie faute à son égocentrisme, son impulsivité, son opiniâtreté aveugle et son inconséquence notoire : le prétexte donné par le Major à l'expédition étant de ramener les enfants kidnappés, le fait que ceux-ci soient très vite retrouvés et sauvés ne l'empêche pas de continuer sur sa lancée sa poursuite vengeresse. Malgré tous ses défauts et ses motivations à priori pas vraiment nobles, l’empathie arrive à fonctionner. La splendide séquence au bord de la rivière avec Senta Berger et la vision de sa déchéance suite à sa blessure dans un lupanar mexicain arrivent à nous le rendre très humain, presque sympathique. Et c’est bien là que réside la grande réussite de Peckinpah.

Image
Tyreen, son compagnon de fortune (et d'infortune puisqu'il ne s'agit pas moins que de son ennemi mortel), est joué par un tout aussi excellent Richard Harris. Avant la Guerre de Sécession, Dundee avait siégé dans une cour martiale ayant exclu Tyreen de West Point ; depuis, ce dernier lui porte une éternelle rancune et jure même de le tuer une fois leur mission terminée. En effet, prisonnier de guerre, il accepte de suivre Dundee dans sa ‘chasse aux indiens’ pour ne pas se faire pendre suite au meurtre d’une sentinelle lors de sa tentative d’évasion. Malgré ses méfaits commis en début de film, on s'aperçoit vite que Tyreen est un digne représentant des gentlemen sudistes, toujours élégamment vêtu, noble et flamboyant en toutes occasions, raffiné avec les dames. Comme Dundee c’est un grand meneur d’hommes, capable de les convaincre de rester fidèles à l’Union le temps d’avoir capturé Charriba, de canaliser leur violence malgré les injustices que Dundee leur fait subir lorsque par exemple, lors de la séquence la plus tendue et mémorable du film, [Spoilers] il fait exécuter sans sommation un de leurs membres (Warren Oates) pour désertion malgré les explications de ce dernier le démentant. Même si Tyreen est efficacement caractérisé, parfait modèle de droiture, on ne peut s’empêcher de penser que son personnage est un peu manichéen d’autant plus lorsque l’on découvre la séquence finale (probablement imposée par les producteurs et absolument pas convaincante) au cours de laquelle, mortellement blessé, il sauve la bannière étoilée avant de se jeter dans la mêlée avec gloriole. On ne reconnait pas vraiment le ton Peckinpah à ce moment, pas plus que lors de ce Happy End complètement en décalage. Les idées initiales de Peckinpah auraient sans aucun doute eu plus de force, celle de faire mourir Dundee ou celle de laisser la poursuite en suspens, Dundee repartant sur les traces de Charriba, probablement condamné à vivre avec ce premier échec, celui d’avoir laissé filer son ennemi juré, de ne pas avoir pu accomplir sa vengeance.[fin des spoilers]

Image
Les seconds couteaux (qui pour la plupart étaient déjà au générique de son western précédent et qui deviendront des habitués de l’univers de Peckinpah) ont tous en revanche plus ou moins été sacrifiés (sur la table de montage ou déjà dans le scénario de départ ?) Que ce soit James Coburn dans le rôle de l’éclaireur manchot au cœur noble refusant de poursuivre le déserteur pour ne pas "être payé pour courir après un homme ayant le mal du pays", Michael Anderson Jr dans celui du narrateur naïf et imberbe, Jim Hutton quelque peu caricatural, R.G. Armstrong en révérend ‘peu catholique’, Warren Oates, Ben Johnson, L.Q. Jones ou même les personnages féminins qui apportent cependant une touche de douceur bienvenue. Celui de Teresa, progressiste et humaniste, joué par la charmante Senta Berger n’est pas assez développé mais est à l’origine de quelques-unes des séquences les plus belles du film. Dommage également que les dissensions entre les différents groupes à l’intérieur de la troupe ne soient pas assez mises en avant car lorsque c’est le cas, Peckinpah arrive à instaurer une réelle tension, la cohésion qui devrait régner au sein du groupe afin que la mission soit menée à bien étant prête à craquer de partout faute d'une part à un chef qui ne pense qu’au résultat de sa quête vengeresse, de l'autre à la haine qui s’installe parmi ses hommes. Quant à la forme, on aura bien du mal à la juger au vu de ce que les monteurs ont trafiqué par derrière. Ainsi les séquences de batailles semblent non seulement aussi confuses que les transitions de l’intrigue mais paraissent également totalement manquer d’ampleur. La musique martiale de Daniele Amfitheatrof arrive parfois cependant à les rehausser.

Image
Tel que le film se présente à nous dans sa version mal équilibrée de 130 minutes, il n’est il faut bien l’avouer que moyennement satisfaisant, l'une des œuvres les plus faibles du cinéaste, l’intérêt retombant bien trop souvent faute à des étirements et des longueurs injustifiés. Son scénario aurait mérité d’être réécrit, son intrigue plus resserrée tout en étant moins obscure. Ceci étant dit, il reste assez de moments intéressants pour se permettre néanmoins de le conseiller ; à commencer par le ton désabusé de son réalisateur qui court presque tout du long, le dynamitage en règle du western traditionnel et la confrontation dantesque entre deux grands acteurs hollywoodiens.
Avatar de l’utilisateur
Watkinssien
Etanche
Messages : 17062
Inscription : 6 mai 06, 12:53
Localisation : Xanadu

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Watkinssien »

Jeremy Fox a écrit :Je trouve pourtant ce Pat Garrett presque aussi génial et attachant que son Coups de feu dans la Sierra ou que la Horde sauvage et je trouve aussi que Kris Kristofferson est le meilleur Billy le Kid que nous ayons jamais eu. J'apprécie de plus en plus ce western. Et concernant les fulgurances visuelles, il est loin d'en manquer.
Je souscris à cet avis. La horde sauvage est un pur chef-d'oeuvre et c'est mon préféré du cinéaste, mais les deux autres titres cités viennent derrière...
Image

Mother, I miss you :(
George Kaplan
David O. Selznick
Messages : 12066
Inscription : 14 avr. 03, 11:32
Localisation : Une poche pour la chocolatine ?

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par George Kaplan »

A mes yeux, Pat Garrett est l'un des plus beaux westerns du cinéma et, avec Alfredo Garcia, mon Peckinpah préféré !

Pour rappel, l'oeuvre du grand Sam a fait l'objet de longues chroniques passionnées sur le site :wink:
Avatar de l’utilisateur
Demi-Lune
Bronco Boulet
Messages : 14957
Inscription : 20 août 09, 16:50
Localisation : Retraité de DvdClassik.

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Demi-Lune »

J'ai, pour ma part, trouvé qu'il manquait à Pat Garrett et Billy The Kid une tension dramatique similaire à celle qui anime La Horde Sauvage. Ce sentiment d'extrême fatalité, d'inéluctabilité morbide, d'épuisement. Cette force spectrale qui faisait du film de 1969 ce chef-d'oeuvre nihiliste et désespéré, sorte d'oraison funèbre entonnée à l'adresse de l'Ouest américain classique. Pat Garrett se situe dans cette même mouvance crépusculaire - l'affrontement quasi fratricide qui anime les deux légendaires protagonistes, la métaphore est évidente - mais je suis resté sur ma faim. Les destinées funestes des pourchassés dans La Horde Sauvage sont prégnantes au point de suinter continuellement, permettant ainsi l'instauration d'une émotion durable. On les accompagne dans leur ultime baroud, on s'est attaché à eux. Peckinpah tente un peu la même chose sur Pat Garrett mais à mon sens ne transforme pas totalement l'essai. Il y a beaucoup de longueurs (je m'interroge d'ailleurs encore sur l'utilité de Bob Dylan dans le film), et il manque pour moi quelque chose dans la présentation de la relation des deux hommes, qui, incidemment, ne me permet pas un véritable attachement à leur trajectoire.

C'est un peu comme l'amitié entre Kristofferson et Walken dans La Porte du Paradis, elle reste relativement obscure d'un point de vue narratif. Dès le départ, Coburn et Kristofferson communiquent en regards mais il y a dans ce minimalisme l'empêchement, en tout cas à mon niveau, d'un intérêt pour leur amitié, qui est établie comme un fait scénaristique (d'autant plus qu'il s'agit de la clé-de-voûte du film) mais semble peu illustrée d'un point de vue émotionnel. En d'autres termes, ils sont potes, l'un passe du côté de la Loi, l'autre est traqué par son ancien meilleur ami, mais cela n'est pas franchement illustré, ni exploité, sur le champ émotionnel. Au contraire, le film baigne dans un étrange flottement, une indécision qui rend l'expérience assez longuette. L'impression qu'ils s'en foutent un peu, des deux côtés, alors que la situation est très dramatique, pleine de possibilités. Mais je dois dire, pour ma défense, que je m'attendais à trouver en Pat Garrett quelque chose de léonien (les amitiés d'Il était une fois la révolution et Il était une fois en Amérique), ce qui n'est évidemment pas le cas.
J'aime en revanche beaucoup le montage final (je ne sais plus dans quelle version c'est), où le découpage fait en sorte que ce soit le souvenir de Billy the Kid qui abatte visuellement Pat Garrett. J'ai trouvé ça très fort d'un point de vue visuel.
Avatar de l’utilisateur
Beule
Réalisateur de seconde équipe
Messages : 5717
Inscription : 12 avr. 03, 22:11

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Beule »

allen john a écrit :The deadly companions (Sam Peckinpah, 1961)
(...)
Que vaut le DVD paru dans la Collection Western parue en kiosque?
Copyright PlayOn, anamorphique 2.35.
Image
Merci d'avance.
Federico
Producteur
Messages : 9462
Inscription : 9 mai 09, 12:14
Localisation : Comme Mary Henry : au fond du lac

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Federico »

Rétrospective Peckinpah à l'Institut Lumière du 7 mai au 7 juillet.
Pas encore de programmation détaillée.
Sur la même période et au même endroit : rétrospective Demy, comme ça, il y en aura pour tous les goûts... :wink:
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
Joseph L. Mankiewicz
Bcar
Assistant(e) machine à café
Messages : 108
Inscription : 29 mars 11, 20:53

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Bcar »

Pat Garret et Billy the Kid – Sam Peckinpah

Ce que j’aime tant chez Peckinpah c’est l’ambiguïté qui ressort de ces films, chez lui on ne sait jamais à quoi l’on assiste. Contrairement à sa mise en scène faite de saccade et de rupture il y a dans l’écriture de Péckinpah d’étrange cohabitation, on peut dans la même scène avoir le droit à des évènements d’une grande brutalité et d’une infime poésie, parfois cela se confond en un seul moment, c’est assez extraordinaire.
Pour en revenir plus précisément sur Pat Garret et Billy le Kid, je pense que c’est l’apothéose du style Peckinpah, peut être pas son film le plus jusqu’au boutiste mais son film le plus équilibré. Il y a dans Pat Garret tout ce qui fait le cinéma de Peckinpah et même un peu plus, déjà c’est son dernier western dans lequel il termine la déconstruction du mythe qu’il avait entamé avec Coups de feu dans la sierra. Il le fait avec une subtilité et une intelligence renversante, il ne se contente pas de dire « ces mecs là n’était pas des héros », ils les humanisent, enlevant les masques pour enfin montrer les visages (souvent abimé, épuisé), ce sont des hommes, juste des hommes. De la part d’un mec qui fut longtemps qualifié de misanthrope et de cynique c’est d’autant plus fort, il faut dire aussi qu’il ne l’a pas complètement usurpée cette réputation, car à un aucun moment Peckinpah ne perd son ton iconoclaste, sa verve d’ado rebelle, continuant à prendre un malin plaisir à enfoncer les hommes plus bas que terre, qu’ils se tirent dans le dos, ne respectent pas les règles d’un duel ou pire, vendent leurs âmes au diable, le monde selon Sam c’est pas les bisounours. Pourtant c’est au moment ou l’on pense que tout est perdu, que les hommes sont définitivement tous des salauds que Peckinpah sort sa botte secrète, la nuance.

A Partir d’ici SPOILER !
Quoi de mieux qu’un exemple pour illustrer le génie de Bloody Sam.
Je prends la scène qui est pour moi la plus belle de tout le cinéma de Peckinpah (du moins de ce que j’en ai vu), c’est celle ou Pat Garret attaque avec l’aide d’un vieillissant sheriff et de sa femme la maison de Black Harris, un truand bien connu de Pat qui pourrait détenir des infos sur le Kid. Les trois représentants de la loi se pointe et tire sur tout ce qui bouge, dans le chaos le bedonnant sheriff est mortellement touché. C’est alors qu’il part balbutiant et s’assoit sur un rocher peu plus loin le regard vide, sa femme après que tout les hors-la-loi soit à terre s’en aperçoit et va le rejoindre, elle s’étend à ses cotés les larmes aux yeux, elle le regarde contempler sa mort, c’est son ultime regard. Peckinpah filme l’agonie de deux amoureux qui aurait bien troqué le fusil contre les charentaises, je ne m’explique toujours pas comment cette mort peut être si bouleversante alors qu’on ne connait ces personnages que depuis quelques instants. Peckinpah reviendra un instant sur Pat, le visage hagard, pensif, il vient de descendre l’un des ses anciens compères pour une raison qu’il à lui-même bien du mal s’expliquer.
Là tient le génie du grand Sam, réussir au milieu du sang et de la fureur à faire ressortir une émotion pure, c’est prodigieux.
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99485
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Jeremy Fox »

Image

New Mexico (The Deadly Companions - 1961) de Sam Peckinpah
CAROUSEL PRODUCTIONS


Avec Maureen O'Hara, Brian Keith, Steve Cochran, Chill Wills, Strother Martin
Scénario : Albert Sidney Fleischamnn d'après son roman
Musique : Marlin Skiles
Photographie : William H. Clothier (Pathecolor 2.35)
Un film produit par Charles B. Fitzsimons pour la Carousel Productions



Sortie USA : 06 juin 1961


Un ex-soldat de l’Union surnommé Yellowleg (Brian Keith) sauve la vie de Turk (Chill Wills) sur le point d’être lynché pour avoir triché aux cartes. Mais, si Yellowleg a risqué sa peau pour Turk, c’est pour mieux le tuer ensuite de ses propres mains ; en effet, il a reconnu en lui le Confédéré qu’il poursuit depuis maintenant cinq ans, celui qui durant la Guerre de Sécession l’avait laissé pour mort à moitié scalpé. Alors en état d’ivresse, Turk ne se souvient pas de Yellowleg. Avec une idée derrière la tête, Yellowleg propose à Turk et à son associé Billy (Steve Cochran) d’aller cambrioler la banque d’une ville voisine. Au moment de passer à l’attaque, les trois hommes sont pris dans une fusillade provoquée par une bande déjà en train de piller l’établissement bancaire. Au cours de cette échauffourée, Yellowleg tue accidentellement le jeune fils de Kit Tilden (Maureen O’Hara), une prostituée. Rongé par le remords, il propose à cette dernière de l'accompagner jusqu'au cimetière où repose son mari afin que son fils soit enterré à ses côtés, en territoire Apache. Malgré le refus de Kit qui veut y aller seul, les trois hommes la suivent jusqu'au moment où elle est obligée d'accepter leur aide, la traversée du territoire indien s’avérant vraiment trop dangereuse...

Image
Rares sont les grands cinéastes qui ont eu la chance d’un John Huston de pouvoir débuter par un film maitrisé de bout en bout. On peut même dire qu’ils n’ont pas tous nécessairement entamé leur carrière cinématographique et fait leurs premières armes dans le long métrage avec de bons films ; Sam Peckinpah en est malheureusement un exemple éclatant, si tant qu’il soit très cohérent d’accoler cet adjectif à cet état de fait. Un ratage quasi-total qui, hormis quelques éléments récurrents, ne préfigure en rien la suite de son parcours ; pas plus tard que l’année suivante le réalisateur va même accoucher d’un des plus bel opus du western avec Coups de feu dans la Sierra (Ride the High Country), après que Budd Boetticher se soit retiré malgré lui du projet suite à des problèmes qu’il eut avec la justice au Mexique et qui conduisirent à son arrestation. Mais nous n’en sommes pas encore là et quoiqu'il en soit Sam Peckinpah avait déjà prouvé les années précédentes posséder du talent, parvenant à se faire un nom et une très bonne réputation en tant que réalisateur de série télévisée westernienne, genre alors très en vogue sur le petit écran inondé à cette époque de chevauchées et fusillades en tout genres. Il sera même à l’origine de The Westerner, série de 13 épisodes dont chacun possède la durée d’un long métrage et dont le protagoniste principal était déjà interprété par Brian Keith. Peckinpah père était d’ailleurs très fier de son fils, estimant que la vie quotidienne des hommes de l’Ouest avait été parfaitement retranscrite dans cette série plus réaliste que la moyenne. Content de sa collaboration avec Peckinpah, Brian Keith propose son nom aux producteurs de son prochain long métrage, un western écrit par Albert Sidney Fleischmann d’après son propre roman, The Deadly Companions. Difficile de trouver un financement conséquent au vu du sujet, le convoyage d’un cercueil contenant un enfant : en conséquence, le budget sera donc revu à la baisse.

Image
Outre les producteurs, les autres participants au projet n’eurent guère plus de chance puisque le tournage se déroula assez mal, Charles B. Fitzsimons s’avérant beaucoup trop présent sur le plateau au goût de Peckinpah, imposant ses visions de l’œuvre à un cinéaste qui ne le supportait pas. Fitzsimons était le frère de Maureen O’Hara et New Mexico était le film destiné à relancer la carrière de l’actrice fordienne qui commençait dangereusement à s’essouffler. L’actrice et le réalisateur s’entendirent très mal et Sam Peckinpah renia son film pour en avoir perdu tout le contrôle, ne pas du tout avoir apprécié la tournure que prit le scénario et se l’être fait imposer ainsi que son interprète féminine principale. "Je n'ai rien pu mettre de personnel dans ce premier film : les thèmes (disons rapidement que c'est une histoire de vengeance tout ce qu'il y a de plus banale) et l'intrigue me sont étrangers". Et au vu du résultat, on ne peut que lui donner raison. Le scénario est effectivement très mal construit et parfois illisible faute de lignes directrices rigoureuses : on ne comprend jamais vraiment les motivations, les intentions ou les comportements des différents protagonistes, étant même parfois perdus quant à certains rebondissements absurdes et face à une intrigue pourtant à priori très simple ; on se demande à plusieurs reprises pourquoi tel personnage se trouve là, est parti ou revenu ; ce qui dénote un flagrant manque de fluidité dans l’écriture. Le film est dans le même temps assez déséquilibré par le fait que, pour sauver les meubles, Peckinpah semble malgré tout avoir essayé d’insuffler un semblant de style à une intrigue qui ne lui plaisait guère : on ne peut pas dire que ce soit une réussite et je pense sincèrement que le film aurait été légèrement meilleur si Peckinpah s’était en l’occurrence contenté de filmer le scénario d'une manière très classique voire basique, d'être en sorte un 'Yes Man' sur ce projet. Car si par exemple il s’avérait que ce soit lui qui ait choisi le compositeur Marlin Skiles (pourtant auteur d’un beau score pour Fort Osage de Lesley Selander par exemple) afin que son western ait un air plus moderne, c’est complètement raté. Rarement une ‘partition’ aura été aussi à côté de la plaque, comme si le compositeur, à l’aide d’un harmonium et d’une guitare sèche, avait improvisé sa musique sans même savoir de quoi il en retournait niveau intrigue. Le résultat est bien plus ridicule que moderniste, en tout cas très fortement agaçant voire, à la longue, insupportable !

Image
La mise en scène de Peckinpah n’est guère plus enthousiasmante, peu aidée il faut bien le dire par un montage calamiteux, véritable festival de faux raccords. Nous ne trouvons dans ce film que très peu d’action ; il ne s'agit évidemment pas d'un défaut mais le contraire aurait peut-être pu nous démontrer le savoir-faire du futur auteur de La Horde Sauvage (The Wild Bunch). A la place, une succession de fausses pistes artificielles et de situations ennuyeuses au possible faute à un scénario trop décousu, rempli d’incongruités et de trous béants rendant le tout parfois totalement obscur. Sur le papier, les situations et relations décrites étaient pourtant du genre à partir desquelles Budd Boetticher aurait facilement pu nous livrer un chef-d’œuvre tellement les caractères et les rapports entre les différents protagonistes semblaient pouvoir posséder de nombreux éléments captivants. Au final, il n’en reste plus grand-chose d’intéressant ni de crédible : une femme qui tombe amoureuse du meurtrier de son fils ? Trois hors-la-loi qui se détestent cordialement mais qui continuent à vaquer ensemble ? Aucun des personnages n’est attachant faute aussi à des motivations trop floues ; et du coup aucun des acteurs ne se révèle convaincant, pas plus un Brian Keith sans charisme qu’une Maureen O’Hara semblant ne pas savoir sur quel pied danser, n’appréciant guère ni son rôle ni le film en son ensemble (mais qui malgré tout aura également accepté de chanter sur les génériques de début et de fin), pas plus un pénible Steve Cochran qu’un Chill Wills très peu inquiétant.

Image
Et pourtant, malgré un faible budget, le premier quart d’heure laissait augurer un bon western avec notamment quelques détails assez cocasses comme la messe se déroulant à l’intérieur du bistrot, le barman voilant ses tableaux représentant des femmes nues avant chaque office, ou encore ces brusques accès de violence tel la mort inattendue de l’enfant. L’idée amorale du rêve de grandeur de Turk, imaginant vouloir créer sa propre ‘République dictatoriale’ à l’aide de l’argent qu’il déroberait et en utilisant les indiens comme esclave, était assez culottée mais sans suite. Les westerns de Boetticher se contentaient eux aussi de bien plus se concentrer sur les digressions que sur l’action ; mais il disposait pour se faire de scénarios extrêmement rigoureux. Ce qui n’est absolument pas le cas ici ; le film se délite ainsi très vite, devenant mou et languissant sans plus rien qui ne vienne nous sortir de la torpeur dans laquelle nous sommes tombés. Même le grotesque de certaines séquences ne nous choque plus : je citerais par exemple celle où Brian Keith se rend paisiblement en plein camp d'indiens belliqueux, de nuit, sans jamais être inquiété et sans réveiller personne, pas même le moindre cheval !!! On a beau également sentir se manifester une pointe de mélancolie, la description de héros meurtris et blessés par la vie, la critique de l’hypocrisie religieuse, contempler beaucoup de soleils couchants, etc., autant d’éléments qui annoncent les films de Peckinpah à venir, à moins d’être un fervent admirateur du réalisateur au point d’être complétiste, on se désintéressera rapidement de ce brouillon pas du tout maitrisé, de ce petit western mal ficelé et peu crédible où l'on chercherait en vain les plus belles caractéristiques des futurs films du grand cinéaste.

Image
Pas grand-chose à sauver de ce triste naufrage regorgeant de fausses bonnes idées, si ce n’est la cinégénie du visage de Maureen O’Hara qui illumine le film à plusieurs reprises, ou encore la très belle photographie de William H. Clothier utilisant avec un certain talent les paysages naturels de l’Arizona. Et si nous faisions comme le réalisateur qui aimait à dire que Ride the High Country marquait ses véritables débuts au cinéma ?!
Federico
Producteur
Messages : 9462
Inscription : 9 mai 09, 12:14
Localisation : Comme Mary Henry : au fond du lac

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Federico »

Jeremy Fox a écrit :
Bcar a écrit :Là tient le génie du grand Sam, réussir au milieu du sang et de la fureur à faire ressortir une émotion pure, c’est prodigieux.
Tout à fait d'accord. :wink:
Faut que je le revois, je ne me souviens plus de cette séquence... :?
Mais sa description me rappelle celle qui m'émeut le plus dans Il était une fois dans l'Ouest : la mort du Cheyenne (avec le "stop" du banjo de ce diable de Morricone). :oops:
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
Joseph L. Mankiewicz
Bcar
Assistant(e) machine à café
Messages : 108
Inscription : 29 mars 11, 20:53

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Bcar »

Merci bien tout les deux ! :D

Et non ça n'a pas grand chose à voir avec la scène d'Il était une fois dans l'ouest que tu évoque. :mrgreen:
Léo Pard
Machino
Messages : 1134
Inscription : 29 sept. 10, 18:33

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Léo Pard »

Amateurs de Peckinpah, la soirée de demain est pour vous :

Ciné+ Classic :
20h45 Croix de fer
22h55 Le Convoi
0h40 Un nommé Cable Hogue

Action :
20h50 La Horde sauvage
23h05 Pat Garrett et Billy the Kid
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99485
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Sam Peckinpah (1925-1984)

Message par Jeremy Fox »

New Mecico est le western du Week end. Il existe un très beau DVD Sidonis du film.
Répondre