George Stevens (1904-1975)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par Profondo Rosso »

Frances a écrit :
Profondo Rosso a écrit :Mariage Incognito (1938)

...
Les seconds rôles déploient une belle énergie également et outre Charles Coburn génialement bougon, Beulah Bondi en maman pas si fragile (excellente scène de danse improvisée !) est parfaite, tout comme James Ellison en meilleur ami fêtard. Dommage que la conclusion (sans être ratée) soit si quelconque (on aurait aimé voir Charles Coburn en prendre un peu plus pour son grade) il y avait matière à une meilleure apothéose finale que ce poussif final larmoyant dans le train. Cela n'enlève en tout cas rien au charme et à l'attrait de cette piquante screwball comedy.4,5/6
Superbe chronique Profondo Rosso. Je l'ai vu dernièrement. Une superbe petite comédie qui mérite d'être vue rien que pour l'excellente scène du "crêpage de chignon" entre Ginger Rogers et Frances Mercer.

Ah Ginger Rogers se faisant piquer les fesses par une épingle, et cette posture finale énorme cette scène :mrgreen:

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Demi-Lune
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par Demi-Lune »

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Une place au soleil (1951)

Je crois que c'est Nikita, récemment, qui disait que Match Point entretenait des ressemblances avec Une place au soleil, en tout cas je l'en remercie parce que ça m'a décidé à découvrir ce film qui dormait depuis quelques temps dans les entrailles de mon disque dur.
J'ai trouvé l’œuvre assez remarquable.
C'est vrai que structurellement, on retrouve dans les grandes lignes des parallèles avec le film d'Allen (sans déprécier ses qualités propres qui sont pour moi immenses, et lequel film conserve d'ailleurs toujours ma préférence) même si les deux films empruntent chacun à la tradition romanesque de l'arrivisme à la Balzac. Dans les deux cas le héros est fringant mais sans le sou, il est plutôt moral mais aimerait comme chacun faire son trou, et les perspectives de confort matériel qui s'ouvrent progressivement à lui sont entravées par une femme problématique, aimée mais bientôt obstacle à son élévation sociale. Seulement dans le détail les enjeux entre les deux films ne sont pas tout à fait identiques.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Clift brûle d'une véritable passion pour la riche Elizabeth Taylor, là où la relation Rhys-Meyers/Mortimer, quoique tendre au départ, semble avant tout pragmatique et intéressée du point de vue de notre Rastignac britannique - ce qui conduit à l'élimination de Johansson dès lors qu'elle devient une menace. Pour le personnage masculin, le dilemme n'est donc pas le même. Clift est sincèrement amoureux et joue de malchance là où Rhys-Meyers est un parvenu qui veut à tout prix conserver sa place. L'amour de Clift pour Winters reste incertain - il s'agit plutôt d'une affection de substitution, ne pouvant alors accéder à la femme qu'il aime vraiment - là où celui de Rhys-Meyers pour Johansson est passionnel : il sacrifie une femme aimée éperdument sur l'autel de sa position sociale. Clift est un homme qui doute, assailli par sa conscience jusqu'à ne pouvoir se résoudre à passer à l'acte (la fatalité s'en charge ironiquement pour lui), là où Rhys-Meyers, quoique fébrile et ultérieurement visité par les fantômes de sa conscience, n'hésite pas à aller jusqu'au bout de son plan, quels que soient les dommages collatéraux.
De sorte que les finalités morales des deux films divergent. Match Point se termine sur un constat amoral et dérangeant là où Une place au soleil, bien qu'intrinsèquement noir, possède une résolution susceptible de ne pas trop épouvanter son temps. Clift paie, moins pour un homicide involontaire qui reste ambigu du point de vue des circonstances, que pour s'être écarté de la morale puritaine et dévote de sa mère, pour s'être laissé attirer par la roture, avoir cru pouvoir rêver mieux que son poste de prolo et pour avoir trompé deux femmes. C'est peut-être de ce point de vue qu'Une place au soleil est le plus passionnant : on le sent écartelé entre des exigences de Code, et une démarche foncièrement acide sur la société américaine des années 1950. J'ai un peu pensé à Sirk pour ce regard vicelard sur les WASP, les tabous de l'époque. On ne dit jamais "avortement" mais tout le monde comprend de quoi il s'agit par exemple. Clift veut son rêve américain typiquement 50's mais celui-ci s'effondre car ce n'est qu'une chimère. C'est un constat assez amer sur une époque. C'est d'ailleurs sans doute la première heure qui est la plus retorse, lorsque Clift est véritablement tiraillé entre les deux mondes.
La photo est splendide, la mise en scène efficace (même si certains effets de montage sursignifiants sont dispensables) et les acteurs s'acquittent très joliment de leur tâche. Fatalement, l'implacabilité du scénario perd un peu de sa prestance lorsqu'on entre dans la dernière partie (le procès) mais d'une manière générale, Une place au soleil est un grand film ; un grand film sur l'Amérique des années 1950. Beaucoup ont parlé dans ce topic d'un mélodrame ; curieux car j'y vois un film noir, très noir.
Dernière modification par Demi-Lune le 3 mars 13, 12:27, modifié 2 fois.
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Père Jules
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par Père Jules »

Clairement un film noir pour moi.
Un bon film dominé par la prestation de Montgomery Clift qui n'aura sans doute jamais été aussi beau (hormis dans Red River peut-être).
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Frances
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par Frances »

Un de mes films de chevet depuis longtemps. En revanche j'ai eu beaucoup de mal avec Match point dont il émane une sensation de malaise très forte au point qu'il m'a longtemps hanté après sa vision.
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Profondo Rosso
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par Profondo Rosso »

Annie Oakley, La Gloire du cirque (1935)

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Ce film raconte la biographie romancée d'Annie Oakley, la plus adroite des femmes de l'ouest au maniement des armes à feu. Elle rencontre Buffalo Bill et entre au Wild West Show.

Georges Stevens nous offre un divertissement des plus agréables avec cette biographie romancée d'Annie Oakley, légende de l'Ouest passé à la postérité pour sa dextérité au tir. L'intrigue suit très fidèlement le parcours de la tireuse en dramatisant un peu plus et en accélérant certains évènements : son enfance pauvre où elle apprend à tirer pour nourrir sans famille après le décès de son père, le défi lancé à un autre virtuose du tir qui va lui amener la notoriété et la faire engager dans le Buffalo Bill Wild West Show, le succès et les tournées à travers le monde dont un fameux numéro testé sur le Guillaume II d'Allemagne... Tout cela serait très linéaire et mécanique sans une interprétation épatante et des enjeux sentimentaux bien mené. Dans la réalité, Annie Oakley tomba amoureuse et épousa celui qui fut son premier adversaire, Frank E. Butler vaincu lors de son premier concours de tir. Le scénario le transforme ici en Toby Walker (Preston Foster) et retarde l'union qui sera donc tout l'enjeu du film. Annie Oakley innocente et énamouré de Walker ira jusqu'à lui laisser remporter leur première confrontation (au contraire de la réalité donc) mais ce dernier présenter comme arrogant et macho va pourtant la prendre sous son aile pour lui apporter ce qui lui manque, l'art de l'entertainment avec des numéros de plus en plus virtuose. Ce revirement est superbement amené par un excellent Preston Foster dont les poses de coq dissimulent un personnage très attachant qui se dévoile au fur et à mesure qu'il devient faillible. Barbara Stanwyck dans le rôle-titre croise avec brio candeur et détermination, l'allure séduisante de ses tenues de scènes n'ayant d'égal que sa précision infaillible au tir et forme un très joli couple avec Foster.

Dans cette bonne humeur ambiante le film ne fait que survoler les quelques pistes lancées au départ notamment la facette féministe et la fermeture aux femmes d'espaces masculins que ce soit le scandale de voir une femme dans un bar ou pire se mesurer aux hommes en tir. Ici passé l'incrédulité et la méfiance de départ, aucun obstacle ne se pose plus une fois qu'Annie a fait montre de ses capacités. De même le triangle amoureux un peu plus conflictuel au départ entre Annie, Toby Walker et le manager joué par Melvyn Douglas n'est guère exploité non plus, tout comme le questionnement amorcé mais vite éteint des relectures des mythes de l'Ouest dans cette troupe avec les personnages farfelus de Sitting Bull et Buffalo Bill. Un bon moment tout de même. 4/6
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par kiemavel »

Plus on est de fous (The more the merrier) 1943

Avec dans les principaux rôles Jean Arthur, Joel McCrea et Charles Coburn

Un film tourné au cours de la seconde guerre mondiale et qui se sert du contexte difficile de la période pour en faire un motif de comédie. Ici, en mettant en avant les problèmes de logement. Jean Arthur loue un appartement à Washington et accepte d'en louer une partie à un vieil homme ( Charles Coburn) de passage dans la capitale...qui a son tour le sous-loue à un jeune militaire désespérément a la recherche d'un logement...

La mise en présence de personnages très dissemblables sert de toile de fond aux éléments de comédie avec en vedette en dehors du jeune couple en devenir, un Charles Coburn dans le rôle du vieux grincheux sans gêne et cupidon maladroit.

Une très bonne comédie loufoque doublée assez classiquement mais pas automatiquement d'une très bonne comédie sentimentale, qui bénéficie d'un très bon script, qui multiplie les situations comiques très bien écrites, des dialogues brillants...qui est joué par 3 très bons comédiens...Mais, Il a manqué un grand metteur en scène (de comédies) pour en faire un chef d'oeuvre. Je crois que Stevens a raté un peu son coup et ce n'est pas la seule comédie ou l'on peut se plaindre (un peu, c'est loin d'être une catastrophe) de son apport.

Le film prend son temps entre les scènes de comédies et les scènes de romance, mais il manque de justesse et de rythme dans les scènes comiques, or le sens du tempo pour un metteur en scène de screwball est essentiel. Ici, je trouve le tempo des gags, des dialogues défaillants et défaut suprême et qui m'agace d'autant plus que le film était formidablement écrit, Stevens (Je le rend responsable car c'est bien à la mise en scène que çà s'est produit, ainsi qu'au montage) il étire le fil de ses situations comiques, étirant démesurément les meilleurs gags...jusqu'à ce que pour moi le fil casse. Dans ce film on pourrait presque dénoncer la capacité de nuisances d'un cinéaste sur un scénario de chef d'oeuvre.

Un mot sur la spécificité de jean Arthur en général et dans ce type de comédies . Elle n'était pas la plus jolie des actrices Hollywoodiennes et on peut être troublé par le décalage entre son physique et sa voix fluette. Elle n'avait pas la classe, le glamour et la précision de métronome d'Irene Dunne, la modernité et l'habilité (voir la rouerie) de Katharine Hepburn, l'abatage et la saine vitalité d'une Carole Lombard ou le coté intemporel, classique et assurance tous risques de Claudette Colbert. Jean Arthur, c'est presque la Girl Next Door. Elle garde toujours un certain aplomb dans les situations les plus absurdes, dans les échanges de dialogues les plus drôles et ne surjoue jamais. Son seul truc qu'on peut vraiment identifier c'est cet étonnement, son air sinon ahuri mais au moins surpris par toutes ces extravagances qui se produisent. Cette relative discrétion des moyens comiques est largement rattrapé et contrebalancé dans le film de Stevens par le jeu de Charles Coburn (qui y gagna l'Oscar du meilleur second rôle) qui donne l'impression de vouloir voler la vedette à ses 2 plus jeunes partenaires mais c'était pour la bonne cause.

Un film a voir assurément mais qui aurait du être encore meilleur qu'il n'est. Pour la comédie, je préfèrerais presque le plus modeste "Mariage incognito" et en dehors de la comédie surtout le très beau "I remember mama" et le presque parfait "Une place au soleil" .

Le film a été refait par Charles Walters sous le titre Rien ne sert de courir ( Walk, don't run ) mais çà fait des années que le DVD paru chez Columbia m'attend sur son étagère et je ne l'ai toujours pas regardé :oops:

Vu en vost (sous-titrage amateur)
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Commissaire Juve
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par Commissaire Juve »

Tiens ! L'homme des vallées perdues passe en format large, là, sur ARTE ! :o

Syndrome "France 3" ? Eh bien, non, a priori...
1.37 : 1 (negative ratio)
1.66 : 1 (theatrical ratio)
EDIT : sinon, c'est vrai que le gamin a une jolie tête à claques.
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par bogart »

Commissaire Juve a écrit :Tiens ! L'homme des vallées perdues passe en format large, là, sur ARTE ! :o

Syndrome "France 3" ? Eh bien, non, a priori...
1.37 : 1 (negative ratio)
1.66 : 1 (theatrical ratio)
EDIT : sinon, c'est vrai que le gamin a une jolie tête à claques.
Un des plus beau westerns... Jack Palance est mémorable dans son interprétation du tueur sans état d'âme.
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par Commissaire Juve »

Tiens ! Dans la VF, il me semble avoir reconnu la voix de Fufu ! :uhuh:
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par Federico »

bogart a écrit :
Commissaire Juve a écrit :Tiens ! L'homme des vallées perdues passe en format large, là, sur ARTE ! :o

EDIT : sinon, c'est vrai que le gamin a une jolie tête à claques.
Un des plus beau westerns... Jack Palance est mémorable dans son interprétation du tueur sans état d'âme.
Une redécouverte pour moi. Une belle sobriété (jusqu'au jeu de Palance qui a rarement été aussi économe) dans de superbes décors naturels. Et si Ladd et Heflin sont impeccables, dommage que Jean Arthur soit trop dans l'ombre. Superbe séquence de bagarre, plus réaliste que la moyenne. Belle séquence, sobre elle aussi, de l'enterrement d'Elisha Cook Jr.
Je n'irai pas jusqu'à le placer dans les sommets du western mais c'est clair qu'Eastwood s'y référera plus qu'un peu pour son superbe Pale rider qui en semble carrément le remake (vérification faite, ça va, j'ai pas trop merdé sur le coup :wink: ).
Et contrairement à Juve, je trouve le jeune Brandon deWilde bien plus supportable et surtout meilleur acteur que les mouflets habituels.
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par Commissaire Juve »

Federico a écrit :...
Et contrairement à Juve, je trouve le jeune Brandon deWilde bien plus supportable et surtout meilleur acteur que les mouflets habituels.
Je l'ai regardé en VF et... j'ai eu des envies de meurtre. :mrgreen: (cela dit, même physiquement, euh... gggniiii !)
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par Federico »

Commissaire Juve a écrit :
Federico a écrit :...
Et contrairement à Juve, je trouve le jeune Brandon deWilde bien plus supportable et surtout meilleur acteur que les mouflets habituels.
Je l'ai regardé en VF et... j'ai eu des envies de meurtre. :mrgreen: (cela dit, même physiquement, euh... gggniiii !)
Ah ben évidemment. Mais quelle idée aussi ! Tu es sûr de te farcir à tout coup la voix de Colargol ou de Caliméro... :mrgreen:
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par Bcar »

L'homme des vallées perdues - George Stevens
C’est loin d’être un film parfait. Jean Arthur est une belle erreur de casting, le gamin est une sacré tête à claque, le pitch est classique de chez classique, certaines scènes sont plus que dispensables (l’abatage de la souche notamment d’une niaiserie sans nom), la mise en scène et le montage sont parfois hasardeux, Alan Ladd sort tout droit des beach boys et il y a une baisse de rythme au 2/3 du métrage assez handicapante. Bon ça fait beaucoup, mais ça n’explique pas le traitement que subit ce film en France de puis sa sortie, car des qualités ce western en a, et beaucoup plus que les défauts que j’ai cité.
Esthétiquement il est tombé par terre, la photo est lumineuse, les paysages sont magnifiques et filmés de très belle manière, à cet égard le premier plan du film est l’un des plus beaux que ‘ai pu voir, on se croirait dans La porte du paradis. Pour ce qui est de l’histoire, bien qu’elle soit en apparence convenue elle est plus compliquée qu’il n’y parait, Stevens ne tombe pas dans le manichéisme facile, il donne la parole à la figure du méchant pour qu’il explique ses choix.
C’est aussi un film audacieux, Shane est présenté dès le sublime premier plan du film comme une gâchette, un homme d’action pourtant il se baladera pendant les 3/4 du film sans armes et ne fera usage de celle-ci qu’a deux reprises. D’ailleurs la première fois qu’il se présente au saloon, il se fait humilier, la pression monte, on attend qu’il explose, on sent, on sait même qu’il va y avoir du sport pourtant Shane s’en va sans faire de vague, une leçon de suspense. Mais à son retour c’est tout l’inverse, il prend le taureau par les cornes et cogne le premier provoquant une bagarre homérique de plusieurs minutes sans musiques, ni artifices, un grand moment de cinéma. Quand en plus les seconds rôles sont géniaux (ah la trogne impayable de Palance), que la violence est sèche, qu’il y a de la boue, des hommes descendus de sang froid et que le film a influencé beaucoup de grands cinéastes Eastwood en premier lieu mais aussi Peckinpah et bien d’autre. Il faut redécouvrir ce western qui ne mérite d’être mis au banc.
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par Jeremy Fox »

Bcar a écrit :
L'homme des vallées perdues - George Stevens
. Il faut redécouvrir ce western qui ne mérite d’être mis au banc.
En France peut-être ; et encore, plus maintenant. Mais c'est toujours le western préféré des américains. Alors un ban comme ça... :wink:
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Profondo Rosso
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Re: George Stevens (1904-1975)

Message par Profondo Rosso »

La Justice des hommes (1942)

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Lorsque le Holmes Woolen Mill se retrouve ravagé par un incendie, son directeur, Andrew Holmes, accuse l'un des employés, Leopold Dilg, contestataire notoire. Un homme ayant été tué dans le désastre, Dilg, qui clame son innocence, se retrouve inculpé de meurtre au milieu d'une campagne de presse savamment orchestrée par Holmes. Ayant réussi à s'évader, et décidé à obtenir un jugement équitable, il trouve refuge chez Nora Shelley, une ancienne camarade de classe. Mais cette dernière loue justement sa maison à Michael Lightcap, un important juriste de Boston venu au calme pour écrire un livre...

George Stevens réussi avec un brillant mélange de comédie romantique et de réflexion sociale avec ce surprenant The Talk of the Town. Les ruptures seront de mise tout au long du récit avec notamment une ouverture saisissante et digne d'un film noir qui nous fait découvrir la situation dramatique de Leopold Dilg (Cary Grant). En quelques vignettes nous découvrons le parcours ayant mené le personnage en prison où après avoir été accusé de l'incendie de l'usine de son patron Andrew Holmes et provoqué la mort d'un gardien. Cette entrée en matière choc nous laisse dans l'expectative, d'autant que Stevens use très bien de l'allure inquiétante que peut avoir Cary Grant sous les airs joviaux (et surtout exploité avec brio par Hitchcock dans Soupçons ou Les Enchaînés ) lors de son évasion et de la traque qui s'ensuit. La thématique du film est déjà posée avec le regard sur Dilg qui est biaisé par l'introduction tapageuse et en fait une figure menaçante, le scénario questionnant constamment sur ce qui définit réellement un être derrière ce qu'une campagne médiatique peut en faire. C'est d'abord ce que saura voir Nora Shelley (Jean Arthur), amie d'enfance de Dilg chez laquelle il se réfugie, où plutôt la pension qu'elle loue. Ne sachant que faire d'un Dilg blessé et repu de fatigue et ne pouvant se résoudre à le dénoncer, Nora sera bientôt prise de cours lorsque son premier locataire arrive en avance. Il s'agit en plus de la personne la moins indiquée vu la situation, le très austère et acariâtre Michael Lightcap (Ronald Colman), juriste prestigieux de Boston venu au calme pour écrire un livre.

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Stevens tiens alors avec un équilibre délicat comédie enlevée, triangle amoureux et trame policière toujours en poursuivant cette idée de ce qui se révèle derrière l'idée qu'on veut nous donner d'un personnage. Leopold Dilg s'avère ainsi un activiste dont son patron a voulu se débarrasser tout en touchant les assurances de son usine déclinante, aura monté toute la petite ville contre lui et acheté juges et journaux locaux pour parvenir à ses fins. Lightcap s'avère tout à la fois la pire et la meilleure compagnie possible car sa rigueur et sens de la justice pour faire changer les opinions et sauver Dilg. Seulement, le jugement de Lightcap est surtout théorique et représente une application froide et sans âme de la loi en laquelle il a toute confiance. Nora et Dilg devront amadouer le glacial juriste pour le convaincre et le scénario joue sur plusieurs registres pour le pousser dans ses derniers retranchements. D'abord la grosse comédie où une délicieuse et maladroite Jean Arthur titille sévèrement les nerfs d'un Ronald Colman raide comme la justice justement, au phrasé précieux et susceptible même s'il ne tardera pas à être sous le charme. L'autre angle d'approche est la réflexion avec une vraie respiration entre l'urgence du début et la fin du film où Dilg se faisant passer pour le jardinier bouscule Lightcap dans son idée de loi et qui pour lui doit prendre l'humain avant de poser son verdict aveugle et implacable, ce déséquilibre étant la cause de cet engagement qui lui a causé tant de problème. Lightcap rarement aussi bousculé revoit ainsi progressivement son jugement d'autant qu'il est exposé à la corruption locale et à la campagne contre Dilg téléguidée par sa "victime". Stevens ose une sorte d'aparté philosophique qui n'ennuie jamais et met en valeur les deux héros masculins dont la rivalité hors écran (Cary Grant ayant demandé le changement du titre initial Mr Twilight mettant en avant le personnage de Colman plus riche selon lui et le film constituant à l'époque une rareté avec deux lead stars masculine partageant ainsi l'affiche sur un pied d'égalité) se prolonge dans le film pour les faveurs de Jean Arthur.

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Les deux héros sont d'ailleurs si bien caractérisé et attachants que l'indécision du triangle amoureux se maintient jusqu'à la dernière minute, Stevens tournant les deux options possibles et ne faisant son choix qu'après les retours de projection-test. Cary Grant et Ronald Colman sont en fait les deux revers d'une même pièce formant la justice idéale, le premier sous ses airs légers incarnant un personnage engagé et déterminé devant parfois apprendre à rentrer dans le rang et faire confiance aux institutions. A l'inverse Colman doit aller au-delà des textes et décrets pour plonger parmi ceux sur lesquels ils seront appliqués, savoir se dérider et s'adapter au défaillances bien humaine qui rendent le jugement parfait impossible sans une proximité et clairvoyance. L'idée de fendre l'armure de notable distant en se rasant la barbe est brillante, mettant le personnage sur les bons rails dès qu'il arbore une moustache bien plus séduisante. Jean Arthur est au centre de ses idéologies, représentant justement ce peuple dans ce qu'il a de plus sincère en voyant l'innocent derrière l'accusé idéal désigné par les journaux pour Dilg, et l'homme compatissant et sympathique derrière le juriste glacial pour Lightcap.

La dernière partie en forme de trépidante enquête policière inverse donc les rôles pour une issue attendue mais très bien amenée. On adhère à l'idéalisme de Stevens porté par un trio d'acteurs épatant et porté par un propos passionnant dans ce très beau film. 5/6

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