Voilà ce que j'en avais donc dit à l'époquePhilip Marlowe a écrit :C'est fait.Philip Marlowe a écrit :Le Ford que j'ai le plus envie de découvrir.
Et je désespère
Pourtant le prologue m'a complètement emballé, surtout la magnifique scène où Vera Miles va voir la cabane...
Mais après, même si je ne peux nier les qualités évidentes du film, ça ne m'a pas captivé, ou alors à de trop rares reprises. En effet, Ford est grand(quelle science du cadrage!), mais maintenant que j'ai vu pas mal de ses films connus, je pense que dans l'ensemble, son style ne m'intéresse pas. De même que sa vision du monde qui me semble complètement étrangère à la mienne. Son fameux humanisme, son talent poétique etc... me passent complètement au-dessus de la tête, je n'arrive pas à éprouver de l'empathie pour ses personnages. Bref, c'est pas trop pour moi. Pour l'instant que 2 films de lui m'ont vraiment emballé(My Darling Clementine et dans une moindre mesure Les Raisins de la colère). Si bien que je me demande si ça vaut le coup que je poursuive ma découverte de Ford maintenant...ou si je ferais mieux d'attendre le jour où je comprendrai mieux son cinéma.
Après donc 8 ans je lui ai redonné sa chance, et grand bien m'en a pris. Pourtant, quand je relis mon avis d'alors, je me rends compte que ma perception n'a pas tellement changé. Cette fois encore, l'introduction m'a scotché par son rythme solennel et ses détails poétiques (le vent qui souffle sur les ruines de la maison de Tom, qui m'a rappelé Mizoguchi). Cette fois encore, pendant le film, je me suis dit plusieurs fois que, décidément, hormis My Darling Clementine et Les Raisins de la Colère (grâce à Henry Fonda?), j'avais du mal à éprouver de l'empathie pour les personnages de Ford. Mais pourtant, quelque chose a changé dans ma perception. Comme si le film cette fois m'avait recaptivé plus tôt, comme si la grandeur évidente de l'oeuvre rattrapait mon manque de sensibilité. Je me suis régalé des face à face Liberty/Tom, des face à face Ransom/Tom, d'une grande humanité qui nous donne envie de respecter profondément les protagonistes.
Quelques spoilers...
La vision de l'Histoire de Ford aussi m'a plus captivé car cette fois, j'ai ressenti plus d'ambiguité de la part du grand cinéaste. L'Ouest n'est ni un enfer barbare, ni un el dorado. C'est un territoire encore à faire, qui appartient à des hommes comme Tom Doniphom ou Liberty Valance. Ce ne sont finalement que les deux faces d'une même pièce: les deux ne croient qu'au pouvoir par la force des armes. L'un se sert de son pouvoir pour protéger les faibles et l'autre pour semer la terreur, mais cela reste une utilisation arbitraire de la force. La mort de Liberty est une nécessité pour le passage à la modernité. Sa mort par le représentant de l'ordre nouveau est une nécessité symbolique. Si la vie de politicien qui suit est basée sur un mensonge, Ford ne fait pas de Stewart un imposteur: il laisse supposer qu'il a été un bon représentant du peuple, intègre et dévoué. Mieux que ne l'aurait été Tom si le peuple avait su la vérité. Mais ce secret qui unit les deux héros, le monde ancien et le nouveau, est comme une sorte de cadeau, de message pour dire que l'Américain moderne ne doit pas oublier d'où il vient ("that's where my roots are" dit Vera Miles). Que le succès de l'Amérique pour imposer sa démocratie sur tout son territoire n'aurait pas été possible sans ces pionniers peut-être méprisés mais courageux. Que le succès a été possible parce que l'élite intellectuelle de l'Est et les pionniers de l'Ouest ont su former un même peuple.
Dernier détail: on a déjà dit qu'il s'agissait du western par lequel Ford enterrait le genre. Il n'est sûrement pas un hasard qu'au moment où James Stewart commence son récit, il dépoussière une diligence/stagecoach