Le Cinéma tchèque et slovaque

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bianca
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par bianca »

Pour faire un panel complet (de la loufoquerie de Vorlicek à des recherches formelles comme ce film de Nemes) en deux douzaines (environ) de films ,c'était obligé de restreindre sur chaque cinéaste, d'autant plus que la rétrospective se limitait à une courte période.
Pour en revenir au film d'hier, le début (la fuite dans la forêt avec la caméra au plus près des visages) m'a même fait penser qu'on irait vers une mise en scène à la façon du Fils de Saul, avec 50 ans d'avance...
bianca
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par bianca »

bruce randylan a écrit :Un nouveau cycle que j'attendais avec impatience depuis des années à la cinémathèque, dédié à la nouvelle vague même si la sélection est assez convenu pour qui possède déjà DVD de malavida.
Les Cueilleurs de houblon / Starci na chmelu (Ladislav Rychman - 1964)

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Plusieurs classes d'étudiants se retrouvent en été pour ramasser du houblon. Parmi eux, il y a Hanka qui a fuit les dortoirs communs pour s'aménager sa propre chambre dans le grenier. Le hasard y conduit Hanka dont il est amoureux.

Le film a marqué son temps pour être la première comédie musicale tchèque et s'inscrit davantage dans une veine à la West Side story ou Jacques Demy. Derrière la joie et l'insouciance des premières minutes, une dimension plus grave et sombre pointe occasionnellement entre un "choeur antique" (campé par 3 guitaristes habillés en noir) et une certaine violence au sein des camarades.
Celà dit, on reste dans une comédie romantique plutôt légère mais un peu inconsistante, du moins dans sa première partie dont les enjeux sont un peu faibles. Le dernier tiers s'enrichit finalement d'une touche plus amer et mélancolique, avec une aura politique plus prononcée comme si le cinéaste/scénariste était conscient que le moment que vivait son pays n'était qu'une parenthèse avant un début de désenchantement et de répression avec un retour à l'ordre (moral). Un ordre qui finit d'ailleurs par rapprocher le couple qui décide de vivre pleinement ce dont on les accuse et dont ils étaient jusque là innocents. Une émancipation qui passe aussi par un refus du collectivisme qui n'a rien d'anodin.
Alors que j'étais modérément sous le charme du film (avec des séquences musicales sympathiques mais jamais exceptionnelles), la tournure de la dernière demi-heure m'a autrement plus touché et ému avec des séquences dansées et chantées cette fois plus chargées de tension (comme celle avec les filtres colorés).

Le film a été restauré et est sorti localement en blu-ray avec sous-titres anglais :wink:
http://nfa.cz/shop/br-starci-na-chmelu/
Assez d'accord dans l'ensemble. Le film, qui semble au départ une comédie sentimentale assez anodine , tendance film musical yé-yé - un genre musical semble-t-il à la mode dans le pays à ce moment-là (même si le thème "l'ont-il fait ou pas ?" ajoute un pincée de piment à l'affaire), mais s'oriente (plus vite que tu ne le dis, vu l'indépendance d'esprit des deux héros) vers un sous-texte politique assez prononcé, bien dans le ton du cinéma tchèque de l'époque. La fin annnonce-t-elle à l'avance le désenchantement qui surviendra 4/5 ans plus tard ? Je ne pense pas, le mouvement était plutôt à son début, et la scène finale avec le couple fait plutôt "en route -peut-être- vers un futur heureux".
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par bruce randylan »

Le jeu de la pomme (Vera Chytilová - 1977)

Une sage-femme maladroite tombe amoureuse d'un chirurgien égoïste et séducteur qui a une liaison avec une femme mariée

Curieux film que voilà entre nouvelle vague, comédie romantique et dispositif documentaire avec plusieurs vrais accouchements et une actrice principale qui manipule des nouveaux-nés (y compris un veau !). C'est généralement inégal et on n'échappe pas aux tics parfois agaçants de la nouvelle vague (grands angles, montage syncopée, interprétation en roue libre, improvisation, rupture de tons, chansons, regards caméra, nudité gratuite etc...) avec un scénario finalement inconsistant pour des atermoiements sentimentaux qui tournent un peu en rond.
En revanche, son potentiel sympathique et attachant est indéniable grâce à la fraîcheur de sa comédienne Dagmar Bláhová, pétillante et naturelle même si on a du mal à croire qu'elle puisse craquer pour son supérieur qui est arrogant, méprisant et pas franchement séduisant (campé par le réalisateur Jiri Menzel). Leur duo fonctionne de manière alternative pour une évolution extrêmement balisée qui n'a rien à envier aux plus conventionnels rom com hollywoodienne (je t'aime moi non plus, et je te cours après une fois que la première s'est lassée de son immaturité).
L'arrière fond avec la maternité et le traitement formelle permettent d'apporter un peu de fraîcheur même si l'ancrage très "années 60" date irrémédiablement le film avec les défauts et les qualités de son époque. L'intérêt réside cela dit dans le portrait de son personnage féminin.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par bruce randylan »

Adelheid (František Vláčil - 1969)

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Après la fin de la seconde guerre mondiale, un résistant qui avait rejoint la RAF se voit attribuer par l'armée le vaste manoir d'un dignitaire nazi, arrêté et dans l'attente de son procès. La fille de ce dernier est contrainte d'être sa femme de ménage.

En attendant de découvrir la colombe blanche et Marketa Lazarová qui prennent la poussière chez moi, je découvre le cinéaste avec ce très beau drame sur l'impossible réconciliation entre deux pays, symbolisé par un homme et une femme, quand bien même ces deux protagonistes, usées par les événements et les épreuves, n'aspirent qu'à retrouver une paix (intérieure) et une retraite loin du monde.
Les pressions sociales, la barrière de la langue, l'inversion des rapports de classes ou la guerre des sexes sont autant de barrière - non volontaires - qui viennent empêcher toute tentative de compréhension et de rapprochement.
Les nombreux thèmes sont d'une formidable richesse et le cinéaste a l'intelligence de ne pas les expliciter dans une succession de scènes dialoguées et démonstratives mais de les mettre en scène par une formidable gestion de l'espace, de l'architecture, des teintes sombres et des non dits. Le film dégage immédiatement une pesanteur et une lassitude existentielle qui s'installe dans cette tentative d'apprivoisement vouée à l'échec. Il y a d'ailleurs plusieurs manières de décrypter les comportements au centre de plusieurs séquences, ce qui enrichit et complexifie les relations des deux protagonistes. Et nourrit une incompréhension douloureuse qui renforce leur solitude. Adelheid est l'histoire d'une rendez-vous manqué, d'un double isolement, condamné par avance.
Malgré sa dramaturgie très resserrée, un rythme lent et des enjeux à priori légers, Vláčil m'a passionné du début à la fin, avec une amer mélancolie et la hantise d'une beauté froide insondable.

Le vampire de Ferat (Juraj Herz - 1981)

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Un médecin se demande si une voiture de sport n'est pas un vampire, utilisant le sang de ses conducteurs comme carburant.

Après avoir adoré il y a quelques mois L'incinérateur de cadavres, je partais curieux et un peu sur la défensive avec ce film tardif, pour le cinéaste et le cinéma tchèque. A raison malheureusement puisque le film est vraiment moyen et à l'intérêt limité. Comme si le scénario cherchait à reproduire Christine en s'appropriant un autre mythe au passage mais sans savoir comment le faire et comment. Autant dire que ça ne mène nulle part et ne dépasse pas le postulat.
De la virtuosité, l'audace et la charge politique de l'Incinérateur, il ne reste pas grand chose ici : un peu de grand angle, quelques mouvements de caméra, un humour noir décalé (inabouti ici) et un climat fantastique inquiétant qui fonctionne relativement bien dans le premier tiers avant de se tasser fortement. Et à part une séquence de cauchemar que n'aurait pas renié Cronenberg, ce qu'il y a à se mettre sous la dent est plutôt léger avec des personnages inconsistants (malgré la présence de Jiri Menzel dans le premier rôle) et une évolution décevante du scénario.
Un dérapage dans l'eau.
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par bruce randylan »

Après avoir diffusé Sensualité/Erotikon l'an dernier, le festival Toute la mémoire du monde mettait une nouvelle fois en avant Machaty :

D'une nuit à l'autre (Gustav Machaty - 1931)

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Une secrétaire parvient à motiver une amie et collègue de la suivre dans un cabaret où deux hommes les attendent. Mais cette dernière n'apprécie par leurs intentions et repart seule dans les rues de Prague où elle rencontre bientôt un jeune homme au hasard d'un bar.

Premier film parlant du cinéaste, d'une nuit à l'autre fait parti de ses rares films du début du parlant qui essaie de perpétuer les recherches plastiques du cinéma muet. Et c'est justement grâce à son travail sonore que Machaty peut approfondir ce travail sous nette influence du mouvement photographique de la "Nouvelle vision". Il utilise ainsi fréquemment soit la musique soit les dialogues "off" pour se permettre de multiplier les compositions graphiques mettant en avant des perspectives, des objets ou des lignes, sans aucun humain à l'image. Au cinéma muet, ce genre d'enchaînement de plans aurait été totalement abstrait mais ils sont ici liés et personnifiés grâce au son qui crée une troisième dimension. D'un pur point de vue visuel, le film rengorge de cadrages audacieux et inédits parfaitement éclairés. Les 10-15 premières minutes sont particulièrement inspirées et virtuoses et constituent un vrai aboutissement de l'esthétique du cinéma muet.
En revanche, ce travail dessert un peu trop l'émotion puisque les acteurs sont régulièrement relégués en hors-champ et que Machaty semble avoir consacré plus d'attention à son cameraman qu'à ses comédiens qui sont bien trop rigides. C'est plutôt dommage d'autant que le film rejoint les intrigues sentimentales d'un Borzage avec une histoire d'amour touchante et simple qui n'a nul besoin d'une dramaturgie prononcée pour une narration sans artifice (excepté lors du dernier acte). La moitié du film se déroule avec un homme et une femme apprenant à se connaître, se faire confiance et s'apprécier tout en respectant une unité de temps (la "nuit" du titre) et dans un nombre de décor limité. Sauf que ces procédés filmiques annihilent souvent la spontanéité et empêche de vibrer en unisson des émois du couple. Pourtant quand le cinéaste les oublie, on retrouve tension érotique palpable de Sensualité.

P'tit exemple du style visuel en mouvement
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par Jeremy Fox »

Malavida ressort ce jour en salles Drôles de cigognes de Hermina Tirlova : chronique signée Anne Sivan
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par moonfleet »

Jeremy Fox a écrit :Malavida ressort ce jour en salles Drôles de cigognes de Hermina Tirlova : chronique signée Anne Sivan
Bienvenue à Anne Sivan, qui je crois est une nouvelle chroniqueuse :)
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par Addis-Abeba »

Pour les spécialistes je voulais savoir si quelqu'un connait le compositeur de la musique du film Tchécoslovaque pour enfant Vive les fantômes de Oldrich LIPSKY ?

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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par Jack Carter »

d'apres imdb : Jaroslav Uhlír
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par Addis-Abeba »

Jack Carter a écrit :d'apres imdb : Jaroslav Uhlír
Ah je suis naze, IMDB j'ai même pas regardé sur ce site :roll: Merci Jack, le générique est extrêmement entrainant , le meilleur d'un film qui hormis quelques scènes étonnantes avec des lutins,reste très (trop) enfantin.
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Jeremy Fox
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Re: Le Cinéma tchèque et slovaque

Message par Jeremy Fox »

Un jour en chat, présenté cette année dans la sélection Cannes Classics, ressort dans les salles et dans une copie splendide grâce à Malavida Film. La chronique est signée Antoine Royer
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Re: Le Cinéma tchèque et slovaque

Message par Alba »

Loin de moi l'idée de remettre une pièce dans la machine, mais... Au vu des captures et de certaines, hum, "prédominances chromatiques", l'Immagine Ritrovata ne serait-elle pas impliquée dans cette restauration ? :fiou:
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Re: Le Cinéma tchèque et slovaque

Message par ed »

Je confirme : restauration début 2021, sous la direction des Archives nationales du film tchèque.
Et de mon point de vue, c'est plutôt un gage de qualité.
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Re: Le Cinéma tchèque et slovaque

Message par Alba »

C'est effectivement de très belles restaurations, au moins d'un point de vue purement technique. Mais si j'ai aussi longtemps défendu le labo, ça me gêne quand même énormément cette signature qui me semble de plus en plus marquée.
Franchement, sur plusieurs captures d'Un Jour un Chat, j'ai l'impression de voir exactement le même étalonnage que L'Echiquier du Vent par exemple. Ca pose quand même question à un moment. :?

Bref, encore une fois, je ne veux pas forcément relancer cet éternel débat, mais ça m'a sauté aux yeux encore plus que d'habitude sur ce coup ci.
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Jeremy Fox
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Re: Le Cinéma tchèque et slovaque

Message par Jeremy Fox »

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