
When The Daltons Rode (1940) de George Marshall
UNIVERSAL
Sortie USA : 23 août 1940
Tod Jackson (Randolph Scott) se rend à Guthrie pour y exercer son métier de juriste. En cours de route, il s’arrête à Coffeyville pour rendre visite à ses amis d’enfance, les Dalton. Ici, au Kansas, Rigby (Harvey Stephens) et ses géomètres, exproprient les petits paysans pour le compte d’une compagnie ferroviaire. Encouragé par les Dalton, Tod décide de rester un temps sur place pour plaider la cause des fermiers spoliés et expulsés. Il ne lui faut pas longtemps pour tomber amoureux de Julie (Kay Francis), la fiancée de son ami Bob Dalton (Broderick Crawford). Afin de ne pas provoquer d’embrouilles ou de rancœurs, il prend la décision de poursuivre sa route mais il devra ajourner une nouvelle fois son départ pour se faire l’avocat de Ben Dalton (Stuart Erwin) qui, en voulant chasser les géomètres arrivés sur ses terres, en tue un accidentellement. Ben est jugé mais le procès se termine par un second mort et la fuite des Dalton qui deviennent alors des hors-la-loi blâmés pour tous les crimes commis alentour. C’est le début d’un engrenage de fuites, de désolation et de violence… Tandis que de son côté, Tod ne sait plus trop sur quel pied danser, pris entre son désir d’aider ses ex-amis désormais recherché dans tout le pays, son amour pour Julie et son attachement à la loi…

En 1939, Henry King réalise Jesse James narrant la biographie romancée du brigand bien aimé. L’immense succès obtenu par le film exhorte les producteurs à chercher l’inspiration de leurs futurs scénarios de westerns dans un des éléments les plus importants de la mythologie de l’Ouest : les bandits de grand chemin. Et Hollywood arrive presque toujours à enjoliver les choses et à trouver des excuses à ces "hors-la-loi malgré eux". La faute en incombe souvent à des financiers ou patrons de compagnies sans scrupules qui, en les poussant à bout, les mènent au crime, tout ceci dégénérant en une spirale de violence sans fin.

Il en va de même pour ce When the Daltons Rode. Le scénariste Harold Shumate n’a reculé devant aucun compromis pour prendre lui aussi de nombreuses licences avec la vérité. Une anecdote amusante, le scénariste a été jusqu’à oser faire mourir Emmett Dalton alors que son scénario s’inspire du livre même du rescapé de la famille, Emmett en personne !!! Pour en rester dans les éléments constitutifs de ce genre de "biographies" mis en place par Henry King, les frères Dalton sont tous au départ d’honnêtes ranchers qui, par malchance et colère, arrivent à fracasser le crâne d’un géomètre et à tuer un autre homme pendant le procès d’un des leurs. "Pourquoi devrait-on obéir à des lois faites pour des menteurs et des voleurs" dira l’un des frères. A partir de ce moment là, tous les crimes, même quand ils n’y seront pour rien, leurs seront imputés. Voulant attaquer et piller la diligence transportant la paie des hommes de la compagnie ayant voulu les exproprier, ils subiront les représailles par l’incendie volontaire de la maison de leur mère, ce qui les fera commettre un nouveau crime par pure vengeance. L’engrenage est lancé et ne pourra que mal se terminer. La fin tragique de ces héros participe de l’aura de romantisme dont le scénariste et les producteurs ont voulu entourer ces personnages afin de renforcer l’empathie que ressentiront les spectateurs à leur égard.

Alors que je l'avais trouvé laborieux à la première vision, le film s'est bonifié aux deux suivantes au point de l'avoir grandement apprécié ce matin. L'humour du premier tiers qui m'avait semblé lourd au départ ne venait en fait que de la présence un peu pénible et hors contexte du personnage joué par un Andy devine cabotinant à outrance ; pour le reste, c'est au contraire bon enfant et plutôt frais et agréable comme ces cinq délicieuses premières minutes, petit raccourci rapide de l'histoire récente des USA par le narrateur Edgar Buchanan et le duo savoureux qui s'ensuit avec un Randolph Scott de plus en plus à l'aise dans le genre après sa magnifique interprétation dans le Virginia City de Michael Curtiz quelque mois auparavant ; Il n'a pourtant ici pas spécialement le beau rôle puisqu’il n’est d’aucunes scènes d’action. Bref, alors que Randolph Scott et Kay Francis sont en tête d’affiches, ce sont plutôt Grat et Bo Dalton, joués respectivement par Brian Donlevy et un excellent Broderick Crawford, qui retiennent l’attention. Après une longue présentation des personnages et une tendre romance entre Randolph Scott et Kay Francis, le drame se met en place. La dernière demi-heure, suite ininterrompue d’action et de coups de feu, convient parfaitement à George Marshall qui fait preuve alors d’un solide métier, aidé en cela par le souffle épique (parfois quasi-wagnérien) de la partition de Frank Skinner mais surtout par d'ahurissantes cascades de l’inimitable Yakima Canutt, ce dernier n’hésitant pas à se laisser glisser sous une diligence, à sauter avec son cheval d’un wagon dans une rivière, à courir sur le toit d’un train lancé à vitesse raisonnable…

Au final, une série B solide, mouvementée et plaisante même si elle n'est pas aussi réussie que le western précédent du cinéaste, le délicieux et émouvant Femme ou démon (Destry Ride Again) avec le couple James Stewart / Marlène Dietrich. Mais ne serait-ce que pour la poursuite des Daltons à la suite de l'attaque d'une banque ou la tuerie finale assez impressionnante, ce western ne mérite pas de tomber dans l'oubli. Universal commençait dès lors à devenir le studio le plus prolifique dans la production de série B westernienne de qualité. When The Daltons Rode en était presque le premier fleuron.