Un nouveau monde (1966)

Deux adolescents se rencontrent lors d'une soirée costumée à Paris qui débouchent sur une aventure puis l'envie de vivre ensemble.
Un projet atypique pour De Sica qui tourne ce film en France (et en français a priori) avec une influence assez évidente de la nouvelle vague : noir et blanc, caméra légère, évocation de la jeunesse et ses problèmes actuels (sexualité, avortement).
Et bigre, De Sica qui avait 65 ans lors du tournage pourrait en apprendre à ces nouveaux confères. A aucun moment, on sent un cinéaste décalé face à son sujet, moralisateur ou se reposant sur une réalisation académique. Sa mise en scène est vive, moderne, spontanée, vivante sans être précipité ni brouillonne. De Sica a l'air tout à fait à l'aise dans les quartiers étudiants parisiens et on dirait que les contraintes du tournage lui donne une seconde jeunesse, proche il est vrai de l'esprit du néo-réalisme.
Mais c'est surtout dans sa direction d'acteurs et le traitement de ses personnages que le cinéaste frappe juste, encore une fois sans jugement dans leur description. Il faut d'ailleurs souligner les qualités d'écriture de son fidèle comparse le scénariste Cesare Zavattini qui parvient lui aussi à se renouveler et à prendre des risques dans ses choix de sujets. Ils font preuve tout deux d'une ouverture d'esprit et d'une compréhension qui ne s'accompagnent d'aucune leçon envers les générations plus jeunes.
Et ce film semble ouvrir d'ailleurs la voie aux films à venir de De Sica où vont prédominer la fragilité, l'incertitude et l'équilibre précaire entre espoir et pessimisme. On trouve à ce titre une fin admirable qui annonce celle ouverte du Temps des amants qui fonctionne presque comme un écho à celle-ci.
J'espère sincèrement qu'un jour des éditeurs se pencheront sur ces films obscurs. Peut-être y a-t-il des problèmes de droits ?
La porte du ciel (La porta del cielo - 1945)

Plusieurs personnes prennent le train pour faire un pèlerinage à Lorette en espérant qu'un miracle se produise pour leur infirmité.
Drôle de projet que celui-ci, assez schizophrène sur les bords, avec un sujet à la fois hyper catho (parfois édifiant), tout en ayant des personnages nuancés, parfois complexes et un style visuel qui oscille entre classicisme en studio et des moments proche du documentaires, annonçant directement le néo-réalisme avec quelques touches sociales bien senties.
Zavattini propose une galerie de personnages assez variée, qui fait forcément penser à un film à sketch : un ingénieur qui se sent coupable de l'accident d'un ami, un enfant handicapé, un pianiste paralysé, une infirmière... Pour le coup, c'est très inégal, à l'instar du style et la direction artistique. A ce titre, on a presque l'impression de basculer dans un autre film pour la conclusion qui se déroule dans l'immense cathédrale où les croyants se regroupent et qui possède un éclairage presque expressionniste dans sa théâtralité. Il s'y déroule bien-sûr un miracle - convention oblige - mais il touche une personne moins mise en avant comme les auteurs ne voulaient pas en faire non plus.
Un film assez curieux, certes bancal mais loin d'être déplaisant.
En fait, la porte du ciel gagne encore plus en intérêt quand on connaît les conditions de tournage. De Sica fit en effet exprès de ralentir la progression des prises en vue en changeant à plusieurs reprises de style visuel pour justifier de rester à Rome, permettant à l'équipe technique de rester en zone "libre" plutôt que d'être envoyer à Venise, alors sous contrôle nazi. De Sica avait d'ailleurs engagé beaucoup de juifs ou d'opposants politiques pour leur éviter d'être déporté. Il risqua lui-même l'arrestation à plusieurs reprises.
Tout cela est expliqué dans un stupéfiant documentaire qu'on trouve en bonus du Jardin des Finzi-Contini, à la mise en scène originale.
Nous l'appellerons André (Lo chiameremo Andrea - 1972)

Un couple d'instituteurs essaie en vain d'avoir un enfant. Cela finit par peser sur leur relation.
Comme quoi la fin de carrière ne comporte pas que des bonnes surprises. Cette comédie est assez faible pour le coup : personnages trop caricaturaux, humour le plus souvent raté et pas hyper fin, un duo Nino Manfredi / Mariangela Melato qui peine à faire exister une réelle alchimie. Comme le film n'essaie pas uniquement d'être drôle mais aussi touchant, on peut pas dire que le résultat soit probant.
On a un peu l'impression de ne pas savoir quelles pistes les auteurs veulent suivre d'où un sentiment de dispersion voire d'improvisation (l’élixir aphrodisiaque ?).
Il y a pourtant quelques scènes réussies comme les envies soudaines de Melato à l'école ou tout ce qui touche à cette pollution de l'air causée par une usine voisine et qui confère régulièrement une absurdité angoissante à la Kafka dans le quotidien de l'école.