Pietro Germi (1914-1974)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Jeremy Fox »

Watkinssien a écrit :
Nestor Almendros a écrit : Tu parles d'un contrechamp... :roll:
Jamais convaincant, en effet !
Peut-être juste jaloux (et donc aigri) de ne jamais avoir pu faire partie de ces réunions de pingouins.
Cosmo Vitelli
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Cosmo Vitelli »

Bravo au Camarade Ed pour sa chronique.

Quelques remarques en passant.

Ce qui est assez drôle (ou pas) c'est qu'en leur temps Monicelli, Risi ou Scola, ont pu être considéré eux aussi comme des cinéastes de deuxième ordre par une certaine partie de la critique française. La plupart de leurs films sont sortis en France au moment de la radicalisation idéologique de certaines revues (je pense à une revue en particulier, qui traversait sa période maoïste :mrgreen: ). A l'époque la comédie à l'italienne (dans laquelle œuvrent d'ailleurs pas mal de compagnons de route du PCI) était mal vu car on l'accusait de ridiculiser le peuple et d'utiliser les ressorts vulgaires de la farce. Cette critique fut plutôt clémente avec un Pietro Germi assimilé comme néo-réaliste dans un premier temps. Voir, à travers les quelques lignes mises en lien, cette tendance se retourner (Monicelli, Scola et Risi, considérés comme majeurs et Germi classé dans les tacherons :o ) me fait sourire.

A noter tout de même que Les Cahiers sont loin d'avoir réhabilité la comédie à l'italienne. Je me souviens d'un texte publié au moment de la mort de Comencini qui égratigne le réalisateur de L'Incompris (quel titre prophétique en l'occurrence :mrgreen: ) et, dommage collatéral sans doute, déglingue ses collègues, notamment (La Grande Guerre de Monicelli...mais il faudrait vraiment que je retrouve l'article en question, je ne l'ai pas relu depuis sa sortie).

Sinon concernant la belle chronique d'Ed. Il est vrai que Germi passait pour un caractériel. Je ne le crois pas entièrement misanthrope. Il était fidèle en amitié. Se sachant condamné, il a littéralement donné son projet Mes Chers Amis à Monicelli. Il aurait pu enterrer cette histoire avec lui, mais il a souhaité qu'elle survive entre les mains d'un cinéaste qu'il respectait. Monicelli lui rendra hommage au générique : "Un film de Pietro Germi, réalisé par Mario Monicelli".

Germi est un auteur important. Un jalon dans l'histoire de la comédie italienne. Un film comme Divorce à l'Italienne a déclenché un débat sur le divorce qui a conduit à une loi. Dans un pays Catholique comme l'Italie, ce n'est tout de même pas rien. Je suis sûr que Germi euh Jeremy Fox pardon :o trouvera son compte dans cette prolixe filmo.

Voilà, pardon pour les petites digressions :mrgreen:
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ed
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par ed »

Cosmo Vitelli a écrit :Ce qui est assez drôle (ou pas) c'est qu'en leur temps Monicelli, Risi ou Scola, ont pu être considéré eux aussi comme des cinéastes de deuxième ordre par une certaine partie de la critique française. La plupart de leurs films sont sortis en France au moment de la radicalisation idéologique de certaines revues (je pense à une revue en particulier, qui traversait sa période maoïste :mrgreen: ). A l'époque la comédie à l'italienne (dans laquelle œuvrent d'ailleurs pas mal de compagnons de route du PCI) était mal vu car on l'accusait de ridiculiser le peuple et d'utiliser les ressorts vulgaires de la farce. Cette critique fut plutôt clémente avec un Pietro Germi assimilé comme néo-réaliste dans un premier temps. Voir, à travers les quelques lignes mises en lien, cette tendance se retourner (Monicelli, Scola et Risi, considérés comme majeurs et Germi classé dans les tacherons :o ) me fait sourire.
C'est vraiment intéressant ce que tu décris, et ça me conforte dans l'idée qu'il y a des cycles de la cinéphilie... Pour ce premier paragraphe, je me suis évidemment basé sur une littérature récente autour du cinéma italien de laquelle est quasiment exclu le nom de Germi ; et son évocation dans les dictionnaires des réalisateurs que j'ai pu consulter reste très sommaire.
Cosmo Vitelli a écrit : A noter tout de même que Les Cahiers sont loin d'avoir réhabilité la comédie à l'italienne. Je me souviens d'un texte publié au moment de la mort de Comencini qui égratigne le réalisateur de L'Incompris (quel titre prophétique en l'occurrence :mrgreen: ) et, dommage collatéral sans doute, déglingue ses collègues, notamment (La Grande Guerre de Monicelli...mais il faudrait vraiment que je retrouve l'article en question, je ne l'ai pas relu depuis sa sortie).
Je dois avouer ne pas faire figurer les Cahiers du Cinéma parmi mes lectures régulières... et ce que tu dis aurait tendance à me conforter :lol:
Cosmo Vitelli a écrit :Sinon concernant la belle chronique d'Ed. Il est vrai que Germi passait pour un caractériel. Je ne le crois pas entièrement misanthrope. Il était fidèle en amitié. Se sachant condamné, il a littéralement donné son projet Mes Chers Amis à Monicelli. Il aurait pu enterrer cette histoire avec lui, mais il a souhaité qu'elle survive entre les mains d'un cinéaste qu'il respectait. Monicelli lui rendra hommage au générique : "Un film de Pietro Germi, réalisé par Mario Monicelli".
Je trouve cette anecdote très belle, et elle est parfaitement conforme à l'image que je me suis fait de Germi au fil de mes lectures et de la vision de ses films ; j'espère ne pas l'avoir décrit comme un misanthrope, mais bien comme un caractère entier, dont la virulence ou la férocité ne cachaient pas entièrement la belle sensibilité.
Cosmo Vitelli a écrit : Germi est un auteur important. Un jalon dans l'histoire de la comédie italienne. Un film comme Divorce à l'Italienne a déclenché un débat sur le divorce qui a conduit à une loi. Dans un pays Catholique comme l'Italie, ce n'est tout de même pas rien. Je suis sûr que Germi euh Jeremy Fox pardon :o trouvera son compte dans cette prolixe filmo.
Pas mieux :D
Un texte assez conséquent sur Divorce à l'italienne devrait d'ailleurs apparaître sur ces pages d'ici peu :wink:
Merci pour tes éclairages, en tout cas...
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Jack Carter »

Jack Carter a écrit :Image

et celui-là, il est bien ? quelqu'un l'a vu ? Ed ?

petite parenthese : pour les lyonnais et ceux des alentours, l'Institut Lumiere dans le cadre de sa retrospective consacré au Cinema Italien proposera ces prochains jours Seduite et abandonnée :wink:
ed ? :D
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ed
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par ed »

Pas vu. Il me semble avoir croisé l'avis de Jean A. Gili qui n'en dit pas grand bien, mais j'ai vu qu'il figurait dans une offre sur je ne sais plus quel site (Cdiscount ?) et je vais probablement le commander.
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Nestor Almendros »

ed a écrit :Pas vu. Il me semble avoir croisé l'avis de Jean A. Gili qui n'en dit pas grand bien, mais j'ai vu qu'il figurait dans une offre sur je ne sais plus quel site (Cdiscount ?) et je vais probablement le commander.
Profondo en parle ici, quelques pages plus haut, et en plus grand bien. J'espère pouvoir le découvrir à la mi-juin...
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par ed »

Il parle de Séduite et abandonnée, non ? ou alors j'ai raté un message (ce qui est possible parce que ce matin, j'ai pas les oeils...)
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Jack Carter »

ed a écrit :Il parle de Séduite et abandonnée, non ? ou alors j'ai raté un message (ce qui est possible parce que ce matin, j'ai pas les oeils...)
j'allais poster le meme message :lol:

c'est Nestor qui n'a pas les oeils, je crois :mrgreen:
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Nestor Almendros »

Oops... :oops:
Ca m'apprendra à poster de trop bonne heure :fiou:
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Best »

Jeremy Fox a écrit :
ed a écrit : J'espère que cette chronique donnera envie à ceux qui n'ont pas encore franchi le pas de découvrir Pietro Germi
Dès que l'occasion s'en présentera car je t'avoue n'avoir jamais vu un seul de ses films. Bravo
:)
A mon avis, tu risques de tomber sous le charme de Il ferroviere. Du bonheur à l'état brut :D

Quand à Ces messieurs dames, là encore, le plaisir est immense. Me reste plus qu'à voir Meurtre à l'italienne.

PS : Superbe chronique Ed. Ceux qui hésitaient encore à se lancer ne vont bientôt plus tarder :D
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Roy Neary
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Roy Neary »

Chose prévue, chose due : voici aujourd'hui la chronique de Divorce à l'italienne, sorti en DVD chez SNC-M6. :)
:arrow: Divorce à l'italienne
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par paul_mtl »

Roy Neary a écrit :Chose prévue, chose due : voici aujourd'hui la chronique de Divorce à l'italienne, sorti en DVD chez SNC-M6. :)
:arrow: Divorce à l'italienne
Belle et longue chronique que j'indiquerai en lien sur mon site. +1 :)

Les extraits video you-tube sont parfois censurés pour des questions de droit d'auteur mais les images restes.

----

Pour en revenir aux 3 autres films.
Signore e Signori serait mon 2e choix après Divorzio all'Italiana

Un maledetto imbroglio si je l'avais pas vu en italien j'aurai pu croire que c'était un policier US de serie B. Pas grand interet surtout avec l'acteur qui incarne le commissaire. Je sais j'exagère un peu.

Quand à il ferroviere, il me semble l'avoir vu mais je n'ai pas de souvenir. Ce qui en général n'est pas bon signe.

@Cosmo Vitelli
L'appellation "comédie à l'italienne" a été crée par les critiques italiens avec une connotation péjorative qui agaçait Dino Risi. J'évite d'utiliser cette expression et parle de comédies italiennes bien qu'en France elle a plutôt une connotation positive de nos jours.
Comedie italienne - Top 250
C'est pour satisfaire les sens qu'on fait l'amour ; et c'est pour l'essence qu'on fait la guerre - R.Devos
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Nestor Almendros »

Roy Neary a écrit :Chose prévue, chose due : voici aujourd'hui la chronique de Divorce à l'italienne, sorti en DVD chez SNC-M6. :)
:arrow: Divorce à l'italienne
Bien belle chronique qui m'a donné envie de réévaluer le film dès que possible (dès qu'il y aura une promo, en fait :mrgreen: ). Beau travail, également, pour la chronique des 3 Germi parus chez Carlotta (même si ma préférence va immédiatement à CES MESSIEURS-DAMES :wink: )


IL FERROVIERE (LE DISQUE ROUGE) - 1956

PETITS SPOILERS
Voilà un nouvel exemple qui confirme le talent de Germi et qui n'explique pas le relatif oubli dont il est victime aujourd'hui. Le style du film rappelle sensiblement le néo-réalisme qui avait cours 10 ans plus tôt. Si Germi utilise assez bien le décor urbain et l'ancrage social de ses personnages, c'est peut-être cette relation entre un père et son petit garçon qui me rappellent surtout ceux du VOLEUR DE BICYCLETTE et qui me font faire ce parrallèle dès le départ. Cette relation qui ponctue régulièrement le film est réellement touchante, surtout par la naïveté et la malice du regard de l'enfant.
On est également pris dès les premières secondes par la proximité du style, par l'intimité immédiatement palpable, par la chaleur et l'empathie que dégagent les personnages. Comme le souligne l'analyste dans le (trop court) bonus, le film développe une humanité débordante. Sans y toucher, Germi dresse le portrait tout en sensiblité d'un personnage bourru, un roc tant à l'extérieur (masse imposante) qu'à l'intérieur, qui va peu à peu, par une succession de maladresses, s'ouvrir aux autres.

Il faut noter que cette histoire aborde plusieurs thématiques dans un ensemble cohérent, riche et bien imbriqué: il y a l'approche sensible (notamment avec le regard du petit garçon ou la présence rassurante de l'épouse dévouée), l'aspect économique (le travail des cheminots, les grèves) et l'aspect social. On sent que Germi en est à ses balbutiements par rapport au ton grinçant de ses futures comédies mais il pointe déjà quelques critiques concernant, notamment, le mariage: il le montre d'abord comme une pression sociale, car choisi par la famille et non par le couple (à cause de la jeune fille enceinte). On remarque immédiatement les regards sans émotion de la mère et de la fille pendant la cérémonie: c'est une société où les femmes n'ont d'autre choix que d'obéir. C'est une société conduite par les hommes qui, eux, ont tous les droits: pas étonnant, alors, de voir un Germi fêter Noël au bistrot avec ses collègues plutôt que passer sa soirée en famille, chez lui. Son entourage connait ces faiblesses et n'insiste presque plus pour le déloger du comptoir. Et toujours dans cette démarche critique du mariage, institution inébranlable et indiscutable de la société italienne, on note aussi que bien avant DIVORCE A L'ITALIENNE Pietri montrait déjà la honte et le rejet d'une séparation (lorsque le mari de Giulia parle d'un avocat).
Mais dans l'élan humaniste du film, Germi tempère pourtant ces propos. Il suffit d'observer de près le couple Marcocci: par des regards et des allusions on sent que Sara, sa femme (Luisa Della Noce) a également subi le mariage "forcé" et qu'elle n'a certainement pas eu d'autre choix (peut-être même à cause d'une grossesse imprévue, comme sa fille). Pourtant, leur couple fonctionne, dure, déborde d'amour et de cohésion: le temps semble avoir changé la donne, pour elle. Elle s'est habituée, s'est fait une raison, et a accepté cette vie de famille désormais nombreuse (3 enfants) qui lui vaut, dans les moments de joie, une certaine plénitude. Il en va de même pour le couple de Giulia qui démarre sur de mauvaises bases mais que l'obstination amoureuse du mari et le temps passé vont améliorer. De même, avec le temps, Andrea (Germi) va adoucir son caractère jusqu'à revenir sur ses comportement dans une très émouvante scène (quand il retrouve ses amis au bar).

Bon master Carlotta, malheureusement toujours victime d'une définition moyenne (toujours ce défaut "électronique" vu dans MEURTRE A L'ITALIENNE) mais sauvé par des bons contrastes. Le niveau sonore est particulièrement bas, il faut monter le volume assez haut...
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
Nestor Almendros
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Nestor Almendros »

SEDUITE ET ABANDONNEE (1964)

SPOILERS
J'aurai finalement découvert ce quinté Germi dans le désordre le plus complet, pour terminer (momentanément, j'espère) par SEDUITE ET ABANDONNEE, nouvelle charge contre les moeurs et coutûmes de la société italienne des années 60. Je l'ai découvert "sur place", Germi a donc bel et bien tourné un triptique évident où il ne lésine pas sur les critiques de ses contemporains. Le tableau est assez semblable, facilitant aisément le rapprochement avec DIVORCE A L'ITALIENNE et CES MESSIEURS-DAMES, mais l'on peut nettement distinguer une évolution sensible dans l'écriture.

Le film a beaucoup de points communs avec DIVORCE A L'ITALIENNE qui le précède de deux ans. Déjà, par le lieu de l'action: la Sicile. Germi, après avoir sérieusement critiqué la mentalité de la région en remet une bonne couche ici. On retrouve le machisme ambient et la place déterminée et étriquée de la femme. La Sicile est montrée comme une enclave refermée sur elle-même avec ses propres codes et ses accords tacites. On se souviendra peut-être de ce policier, devant la carte de l'Italie,cache l'île de sa main, comme s'il voulait l'effacer. Après deux films sur cette région, on pourra noter que Germi s'attaquera par la suite (dans CES MESSIEURS-DAMES) à une autre partie de l'Italie beaucoup moins "isolée" mais toute aussi rétrograde: preuve qu'il voulait mettre un pied dans la fourmilière et pas seulement s'attaquer à une région en particulier. Mais il se trouve que la Sicile, probablement par un fonctionnement autarcique et un mode de vie un peu éloigné de l'Italie, était finalement assez bénéfique à caricaturer. Cette population offrait probablement des angles d'attaque trop beaux pour ne pas s'en servir.

Il y a notamment ces lois fabriquées par les hommes qui permettaient à ces vieilles habitudes machistes de perdurer par un contournement habile, car légal. De ce point de vue, SEDUITE ET ABANDONNEE est parfois un remake de DIVORCE A L'ITALIENNE, usant en tout cas des mêmes recettes: la question est toujours d'éviter la prison après un délit grave. Cette fois, ce n'est plus le meurtre d'une femme encombrante qui mais des actes sexuels illicites (mais tolérés en silence) qui sont soudain mis au grand jour. Le film met en lumière le traitement dégradant des femmes soumises au bon vouloir des hommes, cloisonnant leurs filles mais reluquant sans vergogne la prostituée de passage (excellente scène). Derrière ces tristes habitudes se cache encore la puissante Eglise Catholique, garante d'une société apaisée en apparence où la femme est maintenue à sa place mais où les hommes, pendant ce temps, continuent d'exprimer leurs bas instincts. Si CES MESSIEURS-DAMES embrassera encore plus frontalement le problème, Germi utilise ici la démesure pour dévoiler les penchants, les personnalités. L'humour permet une surenchère réjouissante de mauvaise foi et de machisme: par exemple, Peppino ne voudra pas épouser Agnese parce qu'elle n'est plus vierge alors que c'est lui-même qui l'a déflorée . Coup double (voire triple, etc.) pour Germi qui, en utilisant une contradiction réaliste, englobe finalement bien d'autres sujets.

Car ces questions légales ne sont en fait qu'accessoires, en toile de fond d'un angle plus général sur cette Sicile d'un autre temps: la question de l'honneur est la thématique principale du film. On vend beaucoup Stefania Sandrelli (charmante au demeurant) alors que le personnage principal n'est autre que le père de famille (interprété par Saro Urzì qu'on recroisera souvent chez Germi) prêt à tout pour conserver son honneur.
Lancé comme une caricature, cet honneur sicilien prête ici autant à sourire qu'à un constat amer (comme dans tout bon film de Germi). Ce père de famille est ainsi capable de tout pour ne pas subir le ridicule car sa fille non mariée n'est plus vierge. Qu'importe les parcours individuels de ses enfants tant que l'honneur de la famille (et surtout de son nom, donc de lui-même) est sauf. Le respectable bourgeois voit plus d'importance dans le regard de la population que dans celui de son entourage proche. La comédie grinçante ne lésine devant aucun moyen pour démontrer l'égoisme du patriarche et l'absurdité de la situation par l'humour, tout comme Ascalone n'hésitera à aucune bassesse pour régler la situation, quitte à corrompre ses propres enfants. Jusqu'à une fin presque hystérique où il se laissera mourir en cachette pour ne pas empêcher le mariage tant désiré, ce père aura manigancé bien des choses: du kidnapping à la séquestration en passant par l'assassinat. Des moyens surdimensionnés pour une cause qui n'en vaut pas tant, telle est la méthode utilisée par Germi pour finalement ridiculiser tout ce petit monde.

Germi est toujours aussi à l'aise pour caractériser ses personnages, leur donner une humanité derrière des actes pas toujours reluisants. Surtout il y a l'humour omniprésent, un rythme ininterrompu, une efficacité sans faille. Quelques bémols (comme Profondo) sur la dernière partie, peut-être un peu longue. On peut même noter un savoir faire certains quant aux techniques de narration cinématographique, avec par exemple ce flashback minutieux et très bien fait quand Ascalone, dans le train, lance la bouteille et se souvient de la nuit où sa fille a "fauté", devinant l'identité du coupable.

Il me reste à voir le réputé mais rare MES CHERS AMIS réalisé par Monicelli d'après un scénario de Germi.

EDIT: SEDUITE ET ABANDONNEE est distribué en salle par Les Acacias... et StudioCanal. Sortie dvd possible mais pas certaine, donc.
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par AtCloseRange »

Watkinssien a écrit :
Nestor Almendros a écrit : Tu parles d'un contrechamp... :roll:
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