Stanley Kubrick (1928-1999)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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CrankyMemory
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par CrankyMemory »

Tape à l'oeilsur le fond ou sur la forme? Parce que sur le fond c'est du cinéma excentrique, et sur la forme nous avons un esthétisme qui est loin du tape à l'oeil. Et si le tape à l'oeil en question consiste à renier ce qu'est le cinéma c'est à dire un art visuel, il n'y a plus de cinéma mais du documentaire brut ou de la vidéo, ou encore une conférence sur la violence dans un amphitéatre. J'aimerais d'ailleurs savoir ce que Rivette ou Straub reprochent et j'aimerais bien mettre la main sur ces textes ou commentaires audio.
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Amarcord
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par Amarcord »

julien a écrit :au même titre d'ailleurs qu'Irréversible de Gaspard Noé.
S'il n'est pas certain du tout que Rivette goûte de se voir comparé à Kubrick, en revanche Gaspar Noé en serait fort aise, lui qui se rêve en Kubrick français... Je suis très d'accord avec cette histoire de tape à l'oeil (encore plus chez Noé et son nauséabond Irréversible que chez Kubrick)... D'ailleurs, je me suis fait vilipendé, sur un autre topic, pour avoir dit (entre autre...) qu'Orange mécanique était sans doute le film de Kubrick qui avait le plus mal vieilli, pour moi.
CrankyMemory a écrit :J'aimerais d'ailleurs savoir ce que Rivette ou Straub reprochent et j'aimerais bien mettre la main sur ces textes ou commentaires audio.
Pour Rivette, je sais qu'il s'était pas mal lâché sur certains cinéastes réputés intouchables, dans une longue interview aux Inrockuptibles, il y a une quinzaine d'années, je pense. Je me souviens qu'il s'en prenait précisément à Orange mécanique, dont il disait, en gros, qu'il le haïssait non pas pour des raisons "de cinéma" (désolé, je ne sais pas le dire mieux que ça :oops: ), mais pour des raisons morales (je crois même qu'il ajoutait que ce film avait fait pleurer Jacques Demy, pour ces mêmes raisons "morales"). Il en venait à parler de Kubrick, qu'il comparait à un mutant, ou en tout cas une machine, par conséquent (et par définition), donc, un homme totalement dépourvu de sentiments humains... Et sa conclusion (qui est exactement la mienne aussi), c'était que ça peut devenir génial quand la machine se met à filmer des machines (comme dans 2001).
Il venait, juste avant, de développer un argumentaire contre Funny Games, de Michael Haneke (jugé également détestable)... Il associait, dans le dégueulasse, Haneke et John Woo, avec cette sentence lapidaire : "Ces deux-là devraient se marier... mais je ne veux surtout pas voir leurs enfants !"... C'était très marrant, cette interview... si quelqu'un pouvait la poster ici ! :wink:

En attendant, et en corrélation avec le débat engagé, voici une table ronde des plus intéressantes (Straub + Glauber Rocha + Pierre Clémenti + Miklos Jancso)... Où l'on admirera à nouveau la clairvoyance de Straub, sans concession, à coups de fulgurances visionnaires qui résonnent d'une façon étrangement prémonitoire aujourd'hui (et dire qu'il a tenu ces propos en... 1970 !)
...par ici : http://www.derives.tv/spip.php?article219
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Jeremy Fox
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par Jeremy Fox »

julien a écrit :Ça dépend des films mais je pense qu'il y en a qui sont facilement attaquables . Surtout le dernier qui est quand même bien gratiné dans le genre poseur..
Pourquoi pas ; par contre j'attends d'en savoir un peu plus. Qu'entends tu par poseur dans ce cas précis ?
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Watkinssien
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par Watkinssien »

julien a écrit :
CrankyMemory a écrit :Mais Orange Mécanique c'est une comédie noire sur fond de violence
Juraj Herz avec l'Incinérateur de Cadavre, il avait fait un film un peu dans cet esprit là, en mélangeant l'humour et la noirceur mais j'avais trouvé ça beaucoup plus subtil. Orange Mécanique j'ai trouvé ça complètement con. C'est vraiment du cinéma tape à l'oeil, tout juste bon à impressioner les ados ;
Un film qui met en scène une violence individuelle puis une violence politique pour finalement finir en en alliant les deux, je trouve cela pour ma part très brillant...
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par someone1600 »

Beaucoup ne voit pas en Orange Mécanique ce qu'il est vraiment.

Personnelement quand j'ai vu le film la premiere fois, je suis arrivé chez mon ami au moment ou le "hero" defoncait le crane de la femme avec le phallus... je pensais qu il regardait un film porno... lol

Puis il m'a passé la VHS et j'ai adoré le film.
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par O'Malley »

bon les critiques de Rivette ou de Demy me semblent plus d'ordre politique que esthétique ou artistique... ce qui peut se comprendre vu que Kubrick est loin d'être un cinéaste aimable, à la manière d'un Peckinpah... Et c'est plutôt flatteur pour sa mémoire d'autant diviser...et j'espère qu'il divisera toujours (ceci-dit, depuis sa mort, j'ai l'impression qu'on lui érige de plus en plus une figure d'icône).
Je suis curieux de connaître les arguments des époux Straub pour rire un peu justement (mais je ne suis aps sûr que ce sera forcément au détriment de Kubrick).

Sinon, Orange Mécanique est très loin d'être un film con. C'est même un chef d'oeuvre! Certes, le trait peut-être grossier: le procédé le veut et c'est un choix conscient de Kubrick qui y joue avec maestria: après tout, le film est une satire doublée d'une fable. Et comme toute fable et toute satire, sous l'artifice, le trait forcé, il y a une vision très subtile qui pose cette question (et y répond): l'homme peut-il échapper à la violence? Et si la réponse ne plait pas à certains (qu'il la jugeront destestable, cynique, froide) et bien tant pis. Le film a tout autant de légitimité qu'un autre qui en démontrerait le contraire.
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par Jordan White »

Amarcord a écrit :Je suis très d'accord avec cette histoire de tape à l'oeil (encore plus chez Noé et son nauséabond Irréversible que chez Kubrick)...
En quoi Irréversible est-il nauséabond ?
D'ailleurs, je me suis fait vilipendé, sur un autre topic, pour avoir dit (entre autre...) qu'Orange mécanique était sans doute le film de Kubrick qui avait le plus mal vieilli, pour moi.
On ne se fait pas vilipender, déjà que le verbe est je trouve très fort voire inapproprié (le débat peut être enflammé certes, mais de là à parler de dénigrement, de diffamation...), parce que l'on pense qu' Orange Mécanique a pu vieillir visuellement.
Dernière modification par Jordan White le 29 août 11, 21:31, modifié 1 fois.
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Jeremy Fox
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par Jeremy Fox »

Orange Mécanique est selon moi aussi le film de Kubrick qui a le moins bien vieilli ; ceci dit, il reste néanmoins excellent et des films cons de cet acabit, je veux bien ne voir plus que ça.
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par bronski »

Jordan White a écrit :
Amarcord a écrit :Je suis très d'accord avec cette histoire de tape à l'oeil (encore plus chez Noé et son nauséabond Irréversible que chez Kubrick)...
En quoi Irréversible est-il nauséabond ?
Irréversible est probablement le film qui se rapproche le plus d'un film de Kubrick. Tout y est brillant, millimétré, profond. Je crois qu'il parle de la fameuse scène du viol. Il n'y a rien de nauséabond dans cette scène, c'est la vie même que Noé décrit dans toute son horreur et son absurdité.
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Jeremy Fox
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par Jeremy Fox »

bronski a écrit :Irréversible est probablement le film qui se rapproche le plus d'un film de Kubrick.
Ce n'est pas faux et ça montre aussi en quoi le film de Kubrick a, je trouve, un peu vieilli dans sa représentation de la violence ; alors que je ne reverrais jamais Irréversible car vraiment trop viscéral et brutal pour moi (aussi bien la scène de la boite de nuit qui débute-termine le film que le viol), en comparaison le film de Kubrick fait aujourd'hui un peu "gentillet" (remarquez quand même la présence de guillemets)
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par Watkinssien »

Je pense que la séquence du saccage de l'appartement de l'écrivain et le viol de sa femme est toujours très violente, et ce qui est encore choquant aujourd'hui c'est que le cinéaste ait osé mettre en place une distanciation par rapport à la reprise d'une chanson évoquant le bonheur :"Singin'in the Rain".

Il y a une ironie voltairienne, oserais-je dire, qui en fait toujours un film terrible, et le fait que l'on puisse rigoler de cela (ce qui est largement possible) rend encore le film plus dur encore...
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par Amarcord »

Jordan White a écrit :
Amarcord a écrit :Je suis très d'accord avec cette histoire de tape à l'oeil (encore plus chez Noé et son nauséabond Irréversible que chez Kubrick)...
En quoi Irréversible est-il nauséabond ?
Tu m'excuseras (rien contre toi, promis), mais pas question pour moi de rouvrir ici un vieux débat qui ne m'a, de toute façon, jamais intéressé (impression trop grande de perdre vraiment du temps inutilement) : pas le temps et, surtout, aucune envie de le faire (sans compter que ce n'est pas le lieu pour ça, ce topic).
Je dirais simplement qu'Irréversible est l'une des choses les plus laides et vulgaires qu'il m'ait été donné de voir (en plus d'être nauséabonde)...
bronski a écrit :Tout y est brillant, millimétré, profond.
Question de goût, toujours... Mais pitié : pas le coup de la "brillance" ou de la "profondeur", là... Pas ici, pas quand on parle d'un film qui démarre dans une boîte gay qui s'appelle "Le Rectum"... Pitié, de grâce : "ça", "profond" ??? (sans mauvais jeu de mot, promis !)
bronski a écrit :Je crois qu'il parle de la fameuse scène du viol.
La "fameuse", oui, comme tu dis si bien... et pour cause ! (j'y reviens ci-dessous)... Mais la scène dans la boîte gay, c'est pas mal non plus, dans le genre...
bronski a écrit :Il n'y a rien de nauséabond dans cette scène, c'est la vie même que Noé décrit dans toute son horreur et son absurdité.
Ah non, ça c'est pas la vie du tout... La vie, comme tu dis, c'est pas Monica Bellucci qui se fait violer dans le métro (a-t-elle d'ailleurs déjà pris le métro ? Faut que je pense à lui poser la question, à l'occasion). Tu crois vraiment que c'est anodin, le fait que Noé fasse jouer "ça" à Monica Bellucci ? Tu crois que c'est pour que le spectateur se dise "putain, ouais, c'est ça, la vie !"... Non : ce qui importe à Noé, ici, c'est le bon coup qu'il croit avoir flairé, en filmant Monica Bellucci qui se fait violer en plan fixe pendant 20 minutes... Voilà. Alors ça, pour moi, c'est tout, sauf (comment tu dis, déjà ?...) "la vie même".
Tout au plus, ça, c'est le trip d'un cinéaste qui se rêve en Kubrick français (je me répète, mais ça me paraît tellement vrai), du genre, donc : "Alors voilà, coco, j't'explique : nous, on va faire "pire" que Kubrick qui filme le couple Cruise/Kidman dans son intimité : nous, on va prendre Cassel/Bellucci et ça va être hard, coco ! Tu verras coco : ça va buzzer un max, à Cannes !" (...ah ? on me dit qu'à l'époque, "buzzer" ne s'employait pas encore ? Dont acte.)
D'ailleurs, Noé a l'air d'avoir retenu la leçon de l'incroyable vulgarité de son film, puisque, pour Enter the Void, il n'a pas fait appel à des stars (pourtant, Julia Roberts dans le rôle de la soeur, ça aurait été d'une classe folle...)
Bref, fin de la digression Noé, en ce qui me concerne... Sinon, je persiste à penser qu'Orange mécanique est le film de Kubrick qui a le plus mal vieilli (et tant pis si on se sent insulté par ça)... mais là, pour le coup, d'avoir repensé au machin de Noé (et d'en avoir reparlé), ça me rend ce bon vieux Clockwork Orange méchamment sympathique, soudain ! Presque envie de le revoir séance tenante, dis donc !
Dernière modification par Amarcord le 29 août 11, 22:45, modifié 2 fois.
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par Amarcord »

Watkinssien a écrit :Je pense que la séquence du saccage de l'appartement de l'écrivain et le viol de sa femme est toujours très violente, et ce qui est encore choquant aujourd'hui c'est que le cinéaste ait osé mettre en place une distanciation par rapport à la reprise d'une chanson évoquant le bonheur :"Singin'in the Rain".
Il y a une ironie voltairienne, oserais-je dire, qui en fait toujours un film terrible, et le fait que l'on puisse rigoler de cela (ce qui est largement possible) rend encore le film plus dur encore...
Oui, assez d'accord sur ça... C'est pourquoi il me paraît érroné (et insultant pour Monsieur K) de comparer le Noé d'Irréversible au Kubrick d'Orange mécanique... C'est plus du côté de Eyes Wide Shut que Noé me paraît (fort mal) loucher. Cette distanciation et cette ironie présente chez Kubrick (et qui a un effet glaçant sur le spectateur), on la cherche en vain chez l'autre...
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par Federico »

Jeremy Fox a écrit :Orange Mécanique est selon moi aussi le film de Kubrick qui a le moins bien vieilli ; ceci dit, il reste néanmoins excellent et des films cons de cet acabit, je veux bien ne voir plus que ça.
:D :D
Ce qui peut donner cette sensation un peu datée vient à mon avis de ce que de nombreux éléments de ce film qui se déroule dans un futur proche garde une profonde esthétique 60's (éléments décoratifs, look des Droogs, utilisation de très grands angulaires...). 2001, antérieur de 4 ans et qui montre lui aussi le futur proche a beau porter également ces marques (pulls à cols roulés, design etc.), eh ben, si on fait abstraction du discours philosophique, il franchit mieux la barrière du temps. Je m'en suis rendu compte il y a deux semaines en tombant sur un magnifique docu sur les débuts de l'assemblage de la Station Spatiale Internationale qui, malgré les 30 ans d'écart, semblait presque des rushes oubliés de 2001.
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Re: Stanley Kubrick (1928-1999)

Message par Amarcord »

Federico a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Orange Mécanique est selon moi aussi le film de Kubrick qui a le moins bien vieilli ; ceci dit, il reste néanmoins excellent et des films cons de cet acabit, je veux bien ne voir plus que ça.
:D :D
Ce qui peut donner cette sensation un peu datée vient à mon avis de ce que de nombreux éléments de ce film qui se déroule dans un futur proche garde une profonde esthétique 60's (éléments décoratifs, look des Droogs, utilisation de très grands angulaires...). 2001, antérieur de 4 ans et qui montre lui aussi le futur proche a beau porter également ces marques (pulls à cols roulés, design etc.), eh ben, si on fait abstraction du discours philosophique, il franchit mieux la barrière du temps. Je m'en suis rendu compte il y a deux semaines en tombant sur un magnifique docu sur les débuts de l'assemblage de la Station Spatiale Internationale qui, malgré les 30 ans d'écart, semblait presque des rushes oubliés de 2001.
Il y a donc bien un vrai "problème" avec Orange mécanique, si les deux films comportent peu ou prou ces mêmes éléments estampillés 60's et si ça ne pose pas plus de problème que ça avec 2001 ? Le problème de la difficulté qu'a Orange mécanique à passer l'épreuve du temps se situe donc ailleurs... L'enquête suit son cours... :wink:
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