Allan Dwan (1885-1981)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Cathy
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

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Suez a été diffusé sur Classic il y a quelques années ! D'ailleurs je l'ai même gravé à l'époque
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Jeremy Fox
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

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La Reine de la prairie (Cattle Queen of Montana, 1954) de Allan Dwan
RKO


Avec Barbara Stanwyck, Ronald Reagan, Gene Evans, Lance Fuller, Anthony Caruso, Jack Elam, Yvette Duguay, Morris Ankrum, Chubby Johnson
Scénario : Robert Blees, Howard Estabrook, Thomas W. Blackburn
Musique : Louis Forbes
Photographie : John Alton (Technicolor 1.33)
Un film produit par Benedict Bogeaus pour la RKO


Sortie USA : 18 novembre 1954

Il se pourrait très bien que La Reine de la prairie fasse partie de ses quelques westerns m'ayant inoculé le virus du genre alors que j'avais à peine 8 ou 9 ans ; il fit en effet partie des premiers westerns que je découvrais émerveillé alors qu'ils étaient diffusés quasiment tous les mardis soir sur Fr3. Ce ne serait en tout cas pas étonnant vu que le film de Dwan est probablement l'un des meilleurs choix pour faire aborder le western à des enfants en bas âge. Le cinéaste semble avec ce film avoir voulu retourner aux sources de l'innocence perdue du cinéma, nous proposant un spectacle d'une ingénuité confondante, patchwork improbable mais réussi entre western urbain, western pro-indien, film d'aventure, film d'action et 'serial'. Suivant votre état d'esprit et (ou) vos goûts en matière de western, La reine de la prairie pourra être un enchantement ou au contraire, pour ceux qui ne jurent que par les westerns dits 'crépusculaires' ou disons plus réalistes ou modernes, un véritable calvaire à force de naïveté. En revanche, si vous avez gardé votre âme d'enfant, c'est quasiment gagné d'avance : le spectacle pourrait vous ravir comme il l'a fait pour moi cette semaine malgré ses défauts évidents, notamment son scénario.

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1954, année faste pour Allan Dwan ! Après Tornade sorti quelques semaines plus tôt, Allan Dwan propose encore aux spectateurs de l'époque La Reine de la prairie. On quitte ici les paysages souvent arides de Californie, et ses terres rouge et ocre, pour les plaines calmes et verdoyantes du Montana avec ses magnifiques forêts de bouleaux constamment balayées par les vents (rarement la manière de filmer la nature ne nous aura laissé une telle impression de plénitude). La palette de John Alton change de ce fait radicalement de ton tout en demeurant plastiquement toujours aussi remarquable, et ce dès les premières images montrant Barbara Stanwyck arriver dans ces plaines idylliques et reposantes ; elle dont on apprend qu’elle vient du Texas aux sites beaucoup plus secs et rugueux. On devine aisément le contraste et l'on se met comme son personnage à admirer la sereine beauté de ces perspectives splendides. Excepté dans les westerns de Delmer Daves, d'Anthony Mann, George Sherman ou de John Ford, on aura rarement autant contemplé des panoramas de l’Ouest américain avec un tel ravissement tellement ces extérieurs tournés dans le Glacier National Park sont somptueusement filmés et photographiés (malgré quelques hideuses transparences de studio qui viennent de temps en temps gâcher cette belle harmonie) ! Déjà rien que pour son aspect plastique, ce western d’Allan Dwan mérite d’être vu car sur le plan du scénario, en revanche, ça "pêche" certes un peu.

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Sierra Nevada Jones (Barbara Stanwyck) arrive enfin avec son père et leur troupeau d’un millier de têtes dans le Montana où ils souhaitent désormais s’installer. Mais ils sont attaqués le soir même par un groupe d’Indiens qui massacrent les cow-boys et font fuir les bovins. Quasi seule survivante après que son père se soit fait lui aussi tué, Sierra Nevada est emmenée et soignée par la tribu des Indiens Blackfoot dont font pourtant partie ses agresseurs. En fait, Colorados (Lance Fuller), le fils du chef, les a recueillis ne sachant rien des exactions de Natchakoa (Anthony Caruso) qui s’est acoquiné avec McCord (Gene Evans), un Rancher local souhaitant rester seul propriétaire de la vallée. Contre des armes et du whisky qu’il leur fournit en cachette, les vils Indiens doivent chasser tous les nouveaux venus. Peu découragée par ces évènements dramatiques, Sierra Nevada décide néanmoins de repartir à zéro. Mais McCord décide de s’en débarrasser, d’autant plus qu’elle pourrait avoir été témoin de son arrangement peu catholique avec Natchakoa. Pour cela, il charge Farrell (Ronald Reagan), qu’il vient d’embaucher comme garde du corps, d’assassiner la jeune femme entêtée. Ce que McCord ignore, c’est que le Gunfighter est en réalité un officier de l’armée américaine chargé d’infiltrer son "gang’" pour faire cesser le trafic d’armes, les Tuniques Bleues ayant de fortes présomptions sur le fait qu’il en soit l’instigateur. Sierra Nevada va avoir fort à faire, prise en étau entre des tentatives de meurtre sur sa personne et le déclenchement d’une guerre indienne qui semble plus proche que jamais…

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Alors certes, ça remue beaucoup, les coups de théâtre et les séquences d’action sont légion mais, comme pour Tornade, le scénario manque de profondeur et de chair et les personnages d’âme. Avec son rythme trépidant (rares sont les scènes dépassant les 30 secondes), sa naïveté désarmante et son imagerie candide, La Reine de la prairie rappelle d’ailleurs beaucoup les serials de l’époque du muet, et pouvait sans doute se révéler sacrément anachronique au milieu des années 50 alors que le genre plongeait dans le 'sur-western' avec un regain de sérieux cherchant à le légitimer et une psychologie assez poussée. Mais justement, le film de Dwan a pu aussi apporter une sacrée bouffée d’air frais à ceux qui n’appréciaient guère ce tournant un peu solennel ou bifurquant parfois vers l'ironie dont le film de Dwan est d'ailleurs totalement dépourvu. Cependant personne ne doit être dupe, l’ingénuité de ce film est voulue et assumée ; comment un cinéaste ayant tourné peu de temps avant des chefs-d’œuvre aussi noirs que Iwo Jima ou Silver Lode aurait pu à ce point changer de ton sans en être conscient ? Malgré tout, Allan Dwan décide de filmer Cattle Queen of Montana au premier degré, retrouvant l’élan et l’innocence de ses premiers films. Ses personnages ont des noms de serials (Colorados, Pop, Sierra Nevada), les situations rocambolesques se révèlent souvent invraisemblables, les raccourcis narratifs ne font pas forcément preuve d’un sens aiguisé de l’ellipse mais ne servent qu’à faire avancer l’action plus vite, et la psychologie des personnages s’avère très sommaire. Bref, ceux qui désirent se retrouver devant un western adulte doivent être prévenus que cela ne sera pas le cas, l’honorable antiracisme du film étant lui aussi très schématique et loin d’être aussi subtil que dans les grands westerns pro-indiens de la décennie. Mais qu’importe puisque ce que recherche Dwan ici est le divertissement avant tout, sans vraiment tenter de faire passer un quelconque message !

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Par ailleurs, cette innocence dans le ton est tout de même ponctuée par quelques rudes éclairs de violence, dynamitée par une efficacité et une nervosité qui viennent constamment relancer l’intrigue et insuffler un réel souffle au film. On y trouve des personnages attachants dont celui, intrigant et ambigu de prime abord, interprété par un Ronald Reagan vraiment très à l’aise dans son rôle. Aux côtés de cet acteur un peu sous-estimé (il était parfait dans Kings Row, le chef-d’œuvre de Sam Wood, dans les films de série B qu'il tourna pour la Universal et il sera remarquable dans le western suivant de Dwan), une Barbara Stanwyck charismatique à qui l’on octroie le premier rôle et qui, après The Furies d’Anthony Mann, continue de construire son personnage de forte tête féminine déterminée et tenace, et qui prépare le terrain pour ses futurs protagonistes westerniens dont ceux de Quarante Tueurs (Forty Guns) de Samuel Fuller jusqu’à celui de Victoria Barkley dans la série télévisée The Big Valley. Lance Fuller est très peu crédible en Indien au contraire d’Anthony Caruso en peau-rouge renégat ; cependant les deux comédiens semblent s'être pris au jeu nous faisant oublier ce grimage qui pourra faire sourire. Le reste du casting est constitué de vétérans du genre comme Myron Healy, Jack Elam, Morris Ankrum et surtout un excellent Chubby Johnson.

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Comme je prévenais donc en préambule, selon l’état d’esprit dans lequel on se trouve et le degré d’affinité que l’on a pour le western, on pourra donc grandement ou non apprécier ce beau livre d’images qui se déroule à 100 à l’heure mais qui manque de subtilité et d’originalité. Ceux qui ne sont au départ guère attachés au genre risquent fort de s’ennuyer à la vision de ce western d’Allan Dwan, contrairement à celle de Silver Lode. Pourtant, au vu de l’avis de Jacques Lourcelles dans son remarquable dictionnaire du cinéma, on pourrait en douter ; malgré le fait de ne pas être entièrement d’accord avec sa dithyrambe qui ne va pas sans certaines exagérations (mais quelle passion n’en entraîne pas systématiquement ?), quitte est d’avouer que sa fougue et son amour pour le film donnent farouchement envie de le découvrir ou redécouvrir, de le réévaluer ou simplement de lui donner une seconde chance ; en ce qui me concerne, c'est ce qui vient de m'arriver : « Cattle Queen of Montana représente la quintessence du cinéma hollywoodien. Il engendre une sorte de ravissement, né en particulier de l’aisance avec laquelle le réalisateur réussit, avec un budget limité et en respectant les règles d’un genre assez strict, à s’exprimer de la manière la plus personnelle qui soit […] Les plans d’extérieurs précédant l’attaque indienne sont parmi les plus beaux qu’un cinéaste américain n’ait jamais filmés en couleurs[…] Un cinéma aussi abouti, qui puise sa substance dans les seules péripéties de l’action et dans la contemplation du monde, qui n’a nul besoin des facilités du 'discours' pour se faire entendre, semble aujourd’hui appartenir à un âge d’or totalement révolu. »

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Il m’a fallu quelques visions pour pleinement apprécier Cattle Queen of Montana qui me semble néanmoins rester en-deçà d'autres films de la série de westerns produits par Benedict Bogeaus. Mais rien que pour son fabuleux sens du cadre, sa réelle beauté plastique (malgré toutes les scènes nocturnes tournées en nuit américaine), ce plan en plongée du haut de la colline avec les personnages à contre-jour en premier plan ou celui qui clôture le film avec Barbara Stanwyck qui prend le bras des deux hommes qui l’aiment, il mérite de rester gravé dans nos mémoires. Rarement les paysages verdoyants du Montana, ses montagnes majestueuses, ses cours d'eau sereins ne nous auront paru aussi amoureusement filmés et photographiés ! Et rien que pour ce dépaysement rafraichissant, le voyage aura été un véritable plaisir !
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Cathy
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

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Suez (1938)

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La construction du Canal de Suez par Ferdinand de Lesseps ou l'histoire revue par les américains

Suez est typique de ces grandes productions américaines centrées autour d'un évènement historique important, mais remanié à la sauce Hollywood. C'est assez frappant de voir dès la première scène du film, une Eugenie de Montijo vêtue comme sur son fameux tableau de Winterhalter, dénotant totalement des autres dames présentent à un tournoi de tennis, alors que le tennis n'est né que plusieurs années plus tard ! Il est aussi plus intéressant de faire croire que Ferdinand de Lesseps était amoureux de Eugénie de Montijo, alors que ce n'était qu'une cousine. Naturellement le fond historique est là avec Mehemmet Ali, et son fils en Egypte, Disraeli qui permit la construction du canal de Suez. Mais comme les évènements historiques ne se suffisent pas à eux seuls, on rajoute une jeune fille française, nièce de militaire, pas instruite, pas farouche, mais qui n'est d'autre à la ville que Madame Tyrone Power à savoir Anabella. Passé toutes ces approximations historiques, il n'en reste pas moins, une belle reconstitution pleine de moyens, notamment le simoun. Le film repose aussi sur l'interprétation du trio principal interprété par Loretta Young dont la très voire trop grande sophistication s'oppose à la simplicité lumineuse d'Anabella. Tyrone Power est parfait en homme tiraillé entre son amour pour celle qui va devenir l'impératrice et sa cause. Un film distrayant, mais il ne faut comme d'habitude pas être trop regardant avec la vérité historique !
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Tornade (1954)

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Juan Obreon rentre chez lui après de longs mois à convoyer un troupeau. Il apprend qu'il a un fils, que tout le monde va bien, que la ranch tourne à merveille, sauf que... Un propriétaire terrien veut s'approprier les terres qu'il juge siennes ! Lors d'une tentative d'intimidation des bandits alors que Juan est absent, sa femme est tuée, ainsi que les grands-parents, son bébé a disparu, l'hacienda est brûlée. Il va alors, avec la soeur de sa femme, chercher à retrouver les coupables et à les tuer...

Très sympathique western de série B qui doit tout de même tout son intérêt à la maestria visuelle de Allan Dwan. Le scénario comporte pas mal d'élément assez étonnant dans du western hollywoodien: le cadre de la Californie encore espagnole, une violence assez prononcée (le massacre de la famille, le héros provoquant ses adversaires au poignard durant sa vendetta) et un récit de vengeance préfigurant le western spaghetti ou encore le "Josey Wales" de Eastwood. Quelques détour de récit étonnant également comme la traque finale dans les rocheuse et le héros frustré de sa vengeance face à un ultime ennemi mourant. La concision (1h20 à peine) est une qualité et un défaut au sein du film avec un début carrément emballant, personnages parfaitement brossés et action en place dès les 20 première minutes mais certaines sous intrigues sont assez baclés comme l'amitié entre Cornel Wilde et le sheriff joué par Raymond Burr, sa relation avec la soeur de sa compagne décédée et surtout la conclusion où l'instigateur des méfaits n'est pas puni à l'écran. Autre soucis, Cornell Wilde peu coutumier de ce genre de rôle n'est pas très convaincant en héros vengeur et semble bien lisse, aspect qui se marie bien au semblant de morale hollywoodienne de la conclusion apportant une forme d'aura positive et de rédemption au héros malgré les tueries qu'il a orchestré. Le gros point fort c'est donc Allan Dwan qui emballe le tout avec brio, un mano à mano hargneux entre Cornell Wilde et Lon Chaney au poignard, la photo au technicolor somptueux, du beau travail qui réhausse grandement l'intérêt. 4/6
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

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Deux Rouquines dans la bagarre (1956)

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Adapté d'un roman de James Cain à la réputation peu flatteuse, flamboyant et sulfureux film noir. Une intrigue typique de film de gangsters où un redoutable caïd tente de maintenir sa mainmise sur la ville face un candidat à la mairie vertueux. La mise en place des enjeux est classique et bien menée mais c'est les passion bien humaines qui vont prendre le pas sur le reste. Les deux soeurs Rhonda Fleming et Arlene Diehl vont se retrouvé mêler à ses luttes de pouvoir et de corruption, notamment par l'entremise du personnage ambigu et ambitieux campé par John Payne. Malgré les foudres de la censure l'ambiance sexuelle est palpable et assez inoubliable. La sage et prudente June incarnée par Rhonda Fleming est contrebalancée par des tenues sensuelle en diable mettant ses formes généreuse diablement en valeur tandis que Arlene Diehl campe un personnage kleptomane nevrosé rongé par la folie à l'attitude terriblement aguicheuse et provocante avec en point d'orgue la fameuse scène du canapé laissant voir à un intrus ses jambes lorsqu'il entre dans la pièce. Les postures suggestive et le regard de braise de l'actrice compensant largement ce que Dwan n'a pu se permettre d'inclure. Technicolor fabuleux de John Alton (les deux magnifique actrices sont plus rousse que rousse !) qui apporte une flamboyance peu coutumière au film noir, exacerbant les sentiments et la violence là aussi bien corsée par rapport au tout venant du genre tel le dérangeant face à face dans la maison de plage ou cet editeur voyant son cadavre défénestré. Belle découverte. 5/6
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

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Les Rubis du Prince Birman (1955)

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En Birmanie, un prince demande à la police britannique de retrouver le meurtrier de son fils. Un officier de la sécurité se lance à sa recherche et le retrouve chez la propriétaire d'un élevage d'éléphants. Cette dernière, amoureuse de lui, l'aide à s'évader...

Excellente série B d'aventures. Un nouvelle fois Allan Dwan fait des miracle avec des bouts de ficelles, donnant une facture visuelle très impressionnante à son film doté d'un budget dérisoire. Ici en recyclant une partie des décors du film "Le Conquérant" de Dick Powell, par sa meilleure utilisation il rend paradoxalement son film bien plus aboutit que la superproduction qui valu son cancer à John Wayne. Compositions de plan grandiose (l'assaut nocturne sur le temple boudhiste est fabuleux) photo de toute beauté de John Alton, jungle de studio foisonnante et décor luxuriant, même l'utilisation de stock shot est faite avec maestria pour un affrontement avec un tigre très efficace. Le bas blesse plus au niveau des scènes d'action finalement peu nombreuses et pas très impressionnante même si réalisé avec efficacité et savoir faire notamment l'assaut final sur la ferme de Barbara Stanwick. Le scénario remarquable rattrape ce petit défaut avec un Robert Ryan ambigu (son passif filmiqueen héros et en ordure joue bien dessus) traqué pour un meurtre dont il ne se défendra jamais, le début du film le montrant sous un jour sombre avec foule d'actes violent et répréhensible. La suite montre pourtant la vraie noblesse du personnage lorsqu'il aide le policier venu l'arrêter (campé par David Farrar) face à des assassins, les sentiments qu'il montre à l'égard de Barbara Stanwick notamment le final où il se rend pour l'épargner. La conclusion apportera bien un sûr une explication habile et bien trouvé à la situation de départ. 4,5/6
Nestor Almendros
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par Nestor Almendros »

Moi qui n'était pas intéressé par le coffret Alan Dwan jusqu'à présent, ces quelques avis commencent à m'intriguer sérieusement...
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
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Profondo Rosso
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par Profondo Rosso »

Je continue à explorer le très sympthique coffret Allan Dwan

La Perle du Pacifique Sud (1955)

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Deux ramasseurs d'épaves possésseurs d'un yacht se joignent à Rita au lourd passé, dans une quête aux perles noires sur une île secrète...

Un des Allan Dwan qui se traîne une piètre réputation mais finalement c'est assez sympathique. Une chasse au trésor qui amène un trio de filou composé de David Farrar (méconnaissable en marin avide au visage buriné), Dennis Morgan et son ex campé par la divine Virginia Mayo à investir une île caché et paradisiaque pour mettre la main sur des perles gardé jalousement par les indigène. Dès le premier plan tout est dit avec Dennis Morgan se réveillant les yeux flou sur la paires de jambes somptueuses de Virginia Mayo, on aura d'yeux que pour elle. Se faisant passer pour une missionnaire elle est chargée d'infiltrer l'île et d'amadouer les habitants afin de trouver la cachette des perles. Pourtant bien vite elle est gagné par la quiétude et la beauté des lieux, ainsi que la nature simple et paisible de ses habitants au point de ne plus être sûre de vouloir commettre son forfait avec ses complices. Ca parait simpliste mais c'est vraiment bien traité, en tout cas durant une bonne moitié de film avecc une belle prestation assez nuancé de Virginia Mayo qui passe de la quasi traînée du début de film à une jeune femme découvrant les plaisir d'une vie simple. Allan Dwan lui donne une aura érotique des plus vénéneuse, la filmant sous les angles et dans les situations les plus érotiques possible comme cet instant où elle se fait voler ses vêtements et est obligée de dormir nue sous sa couverture. La très courte durée du film (1h20 à peine) sert bien le début percutant qui démarre au quart de tour (on est sur l'île au bout de 15 minutes à peine) mais gâche un peu la dernière partie pleine de raccourcis laborieux alors que le développement était excellent, avec un happy end qui tombe comme un cheveux sur la soupe. Visuellement une nouvelle fois c'est l'hallu, tourné pour un budget minable sur une plage de Palm Springs où on a planté des palmiers en plastique (et quelques stocl shot de la 2e équipe filmé à Tahiti) c'est filmé, photographié (John Alton a encore fait des miracles) et cadré avec une telle maestria que l'illusion est complète on ne doute pas un seul instant que l'on est dans un coin reculé et sauvage du pacifique sud, miraculeux. 4/6

And now tribute to Virginia Mayo

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Cette femme est missionnaire

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Jeremy Fox
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

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Profondo Rosso a écrit :Les Rubis du Prince Birman (1955)


Excellente série B d'aventures. Un nouvelle fois Allan Dwan fait des miracle avec des bouts de ficelles, donnant une facture visuelle très impressionnante à son film doté d'un budget dérisoire. Ici en recyclant une partie des décors du film "Le Conquérant" de Dick Powell, par sa meilleure utilisation il rend paradoxalement son film bien plus aboutit que la superproduction qui valu son cancer à John Wayne. Compositions de plan grandiose (l'assaut nocturne sur le temple boudhiste est fabuleux) photo de toute beauté de John Alton, jungle de studio foisonnante et décor luxuriant,
Pas vraiment d'accord ; contrairement à ce qui est répété ici ou là, je trouve le film de Dick Powell plus réussi même s'ils n'ont pas de raison d'être comparé hormis pour leurs décors communs (mais comme Bogdanovich a commencé à le faire avec un bel aplomb, pourquoi ne pas lui rétorquer le contraire). J'ai trouvé le film de Dwan paresseux et mal rythmé, à l'intrigue loin d'être passionnante et plastiquement assez pauvre ; alors qu'il avait réussi avec maestria dans ses westerns à cacher la misère, ici tout s'avère assez 'cheap' à commencer par ses décors de jungle. Grosse déception mais à revoir pour confirmer.

Mais il faut dire que la terne copie proposée par Carlotta (qui s'en excuse d'ailleurs) n'est pas idéale pour permettre de s'en rendre compte d'autant qu'avec la présentation en 1.77 d'un film tourné en 1.37 et projeté en superscope (2.0) n'est pas très bienvenue ; le manque d'image en haut et en bas se voit sacrément. Après avoir aussi regardé Tennesse's Partner en 2.0 (perte sèche de définition et délavement des couleurs), je me met finalement à regretter les copies 1.37 ; mais bon, on ne va quand même pas faire les éternels insatisfaits. Merci à Carlotta pour ce coffret :wink:
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par Profondo Rosso »

Jeremy Fox a écrit :
Profondo Rosso a écrit :Les Rubis du Prince Birman (1955)


Excellente série B d'aventures. Un nouvelle fois Allan Dwan fait des miracle avec des bouts de ficelles, donnant une facture visuelle très impressionnante à son film doté d'un budget dérisoire. Ici en recyclant une partie des décors du film "Le Conquérant" de Dick Powell, par sa meilleure utilisation il rend paradoxalement son film bien plus aboutit que la superproduction qui valu son cancer à John Wayne. Compositions de plan grandiose (l'assaut nocturne sur le temple boudhiste est fabuleux) photo de toute beauté de John Alton, jungle de studio foisonnante et décor luxuriant,
Pas vraiment d'accord ; contrairement à ce qui est répété ici ou là, je trouve le film de Dick Powell plus réussi même s'ils n'ont pas de raison d'être comparé hormis pour leurs décors communs (mais comme Bogdanovich a commencé à le faire avec un bel aplomb, pourquoi ne pas lui rétorquer le contraire). J'ai trouvé le film de Dwan paresseux et mal rythmé, à l'intrigue loin d'être passionnante et plastiquement assez pauvre ; alors qu'il avait réussi avec maestria dans ses westerns à cacher la misère, ici tout s'avère assez 'cheap' à commencer par ses décors de jungle. Grosse déception mais à revoir pour confirmer.

Mais il faut dire que la terne copie proposée par Carlotta (qui s'en excuse d'ailleurs) n'est pas idéale pour permettre de s'en rendre compte d'autant qu'avec la présentation en 1.77 d'un film tourné en 1.37 et projeté en superscope (2.0) n'est pas très bienvenue ; le manque d'image sur les bords haut et bas se voit sacrément. Après avoir aussi regardé Tennesse's Partner en 2.0 (perte sèche de définition et délavement des couleurs), je me met finalement à regretter les copies 1.37 ; mais bon, on ne va quand même pas faire les éternels insatisfaits. Merci à Carlotta pour ce coffret :wink:
Pas un très grand souvenir du film de Powell d'où ma remarque (peut être une chance à lui redonner pas revu depuis longtemps) mais par contre si ce n'étais le manque de séquences spectaculaire de grande ampleur qui finissent par trahirent le budget je suis assez épaté pour le moment par ses petits films d'aventure qui arrivent à en mettre plein la vue visuellement avec trois fois rien. C'est vraiment ce genre d'artisan qui manque à Hollywood aujourdui, où on a soit les génies soit les tâcherons et pas grand chose au milieu.
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

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Le Mariage est pour Demain (Tennessee’s Partner - 1955) de Allan Dwan
RKO


Avec John Payne, Rhonda Fleming, Ronald Reagan, Coleen Gray, Anthony Caruso, Morris Ankrum, Leo Gordon
Scénario : D.D. Beauchamps, Milton Krims, C. Graham Baker & Teddi Sherman
Musique : Louis Forbes
Photographie : John Alton (Technicolor 2.00)
Un film produit par Benedict Bogeaus pour la Benedict Bogeaus Production


Sortie USA : 21 septembre 1955

Juste après que se soit bouclée la sublime collaboration westernienne entre Anthony Mann et James Stewart avec L’Homme de la Plaine (The Man from Laramie), voici qu’à son tour prenait fin non pas le corpus de westerns d’Allan Dwan dans son intégralité (puisqu’il en réalisera encore un en 1957, The Restless Breed) mais la très bonne série de westerns qu’il signa sous l’égide du producteur Benedict Bogeaus. Ce que le prolifique cinéaste avait jusqu’à présent réalisé dans le genre depuis le début des années 50 se sera révélé aussi discret que dispensateur de bonheur et de réjouissance. Aujourd’hui, tous ces films restent pour la plupart encore assez méconnus à l’exception de Silver Lode ; probablement à cause de leur trop grand classicisme et à leur absence totale d'ironie qui ne cadre plus bien avec l'époque actuelle. Il y eut tout d’abord sa série RKO/Républic qui ne manquait pas de charmes avec les plaisants La Belle du Montana (Belle Le grand), Montana Belle et, pour point d’orgue, l’excellent La Femme qui faillit être lynchée (Woman they almost Lynched) ; puis ce fut le début de sa collaboration avec le producteur sus-cité et le superbe et puissant Quatre Etranges Cavaliers (Silver Lode) suivi par Tornade (Passion), curieux mais pas totalement abouti, et enfin le séduisant et naïf La Reine de la Prairie (Cattle Queen of Montana). Rien ne nous préparait cependant à ce qui allait être son chef-d’œuvre, ce doux et splendide Tennessee’s Partner, d’autant plus qu’il faisait suite à deux films exotiques guère enthousiasmants : Les Rubis du Prince Birman (Escape to Burma) et La Perle du Pacifique (Pearl of the South Pacific). Un western unique dans son ton et d'autant plus précieux qu'il peut sembler anecdotique à la première vision tellement il se fait discret y compris dans sa mise en scène !

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A l’époque de la ruée vers l’or dans une petite ville californienne, on fréquente assidument l’accueillant saloon tenu par la sculpturale ‘Duchesse’ (Rhonda Fleming), elle-même entourée d’une kyrielle d’autres belles jeunes filles à marier. La maîtresse de maison est amoureuse de l’élégant Tennessee (John Payne), un joueur professionnel cynique qui ne veut pour l’instant pas entendre parler de mariage. Arrive Cowpoke (Ronald Reagan), un honnête cow-boy de passage venu attendre sa promise, qui sauve la vie de Tennessee en abattant un tueur à gage payé par un joueur rival pour l’assassiner. Une belle amitié se noue entre les deux hommes. Tennessee, en apprenant l’identité de la fiancée de son nouvel ami, Goldie (Coleen Gray), une aventurière cupide de sa connaissance, se doutant qu’elle n’en veut en fait qu’à son argent, fait tout son possible pour la faire repartir. Goldie s'étant exécutée, grassement payée pour le faire, les habitants de la ville ne se gênent plus pour accueillir Cowpoke avec moqueries et sarcasme. Ce dernier, se sentant ridiculisé, frappe violemment Tennessee avant de comprendre qu’il n’a agi que dans son intérêt. Mais leur amitié ainsi renforcée va buter contre la folie furieuse des mineurs quand ils apprennent que l'un d'entre eux, le vieux Grubstake (Chubby Johnson), a trouvé un filon dont il ne tient pas à révéler l'emplacement ; les conséquences seront dramatiques…

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Après deux incursions dans l'exostisme, avec Tennessee’s Partner Allan Dwan fait son retour dans l’Ouest américain du 19ème siècle réalisant du même coup peut-être son plus beau film, en tout cas également le préféré du cinéaste, un western tendre et mélancolique, plus préoccupé de s’appesantir sur les personnages et les relations qu’ils entretiennent entre eux que par l’intrigue, même si cette dernière est loin d’être inintéressante. En tout cas, le scénario est remarquablement bien construit et mené de main de maître. Nous sommes à l’époque de la ruée vers l’or dans une petite ville californienne dans laquelle l’établissement le plus assidument fréquenté est l’accueillant ‘Marriage Market’ tenu par ‘The Duchess’ (Rhonda Fleming), une rousse sculpturale entourée d’une kyrielle d’autres belles jeunes filles à marier. La maîtresse de maison est amoureuse de l’élégant Tennessee (John Payne), un joueur professionnel cynique possédant une bien piètre opinion de l’âme humaine. The Duchess et Tennessee, partenaires en amour mais aussi professionnellement, puisque non seulement le charme des filles aide à remplir les caisses mais en plus les gains récoltés grâce aux cartes viennent s’y ajouter. Une telle manne financière vient à faire naître des jalousies et beaucoup de joueurs cherchent ainsi à provoquer l’inébranlable Tennessee, le traitant de tricheur pour pouvoir s’en débarrasser en état de ‘légitime défense’. Mais intelligemment, ce dernier ne préfère pas faire attention aux provocations, au grand dam de ses adversaires qui repartent bredouilles. Certains notables détestant le joueur tentent alors d’employer les grands moyens en embauchant des tueurs à gage. Pas de chance pour ces derniers ; justement le jour où Tennessee est sur le point d’être abattu par l’un d’entre eux, entre en jeu Cowpoke (Ronald Reagan), un cow-boy de passage qui lui sauve la vie en abattant le tueur. C’est le début d’une grande amitié entre deux hommes de caractères, de moralités et de tempéraments totalement différents.

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Cowpoke est un homme foncièrement honnête, d’une naïveté confondante, ne disant jamais le moindre mal de quiconque et prêt à défendre le premier venu. Pour l’interpréter, nous trouvons un Ronald Reagan inattendu, certainement dans l’un des ses plus beaux rôles, celui d’un homme très attachant par sa candeur et sa gentillesse, un personnage qui tranche avec les héros habituels du western. Cowpoke est venu en ville attendre sa promise qui doit arriver par le River Boat. Tennessee, en apprenant l’identité de la fiancée de son nouvel ami, une aventurière cupide de sa connaissance (l'une de ses nombreuses anciennes amantes), se doutant qu’elle n’en veut en fait qu’à son argent (son prénom, Goldie, est loin d’être innocemment choisi), fait tout son possible pour la faire repartir. Il y réussit mais Cowpoke, se sentant ridiculisé, le maltraite violemment avant de se rendre compte que Tennessee n’a agit de la sorte que pour lui venir en aide. Le final sera tragique mais nous n’en dévoilerons pas ici la teneur ; il est là pour nous rappeler que, contrairement à ce que son titre français avait pu nous le faire croire, il ne s’agit pas d’un western humoristique même si le film possède beaucoup de caractéristiques de la comédie américaine au travers surtout de savoureux dialogues et de certaines situations. D'ailleurs le début du film aurait pu aussi nous induire en erreur : le générique se déroulait sur une chanson entraînante, la première séquence voyant Chubby Johnson tenter de faire se lever sa mule couchée au milieu de la rue se révélait cocasse tout comme la suivante montrant Rhonda Fleming donner des conseils de bienséance à ses filles (dont l’une d’elle, si vous faites très attention, n’est autre qu'Angie Dickinson), toutes légèrement vêtues de tenues affriolantes.

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Ce qui a immédiatement plu au réalisateur à la lecture de l’histoire originale de Bret Harte (auteur dont il collectionnait les livres) étaient les relations entre les deux hommes et l’atmosphère de mélancolie qui s’en dégageait, le tout au milieu d’un tableau brossant les effets de la fièvre de l’or en Californie. Ayant collaboré pour la première fois de très près à l’écriture, avec les nombreux scénaristes qui ont participé à son élaboration, Dwan a remarquablement bien retranscrit ces éléments et l’on peut dire qu’il a réussi un western au ton unique, à la fois doux et grave, léger et tragique. C’est aussi à partir de ce film qu’on a pu admirer la perfection plastique du travail de John Alton et de Van Nest Polglase ; si leur travail était déjà superbe au travers de quelques séquences dans les films précédents, il est ici constamment splendide et il aboutira à une sorte de perfection esthétique dans le suivant, Slightly Scarlet (Deux Rouquines dans la Bagarre). Le placement de bouquets de fleurs colorés au milieu des plans, l’harmonie des couleurs primaires et (ou) pastels dans les intérieurs, la profondeur des noirs, la douceur des travellings, la magnificence de la contre-plongée sur la table de jeu enfumé à côté de laquelle tranche la robe rose de Rhonda Fleming, la beauté des ombres et des clairs obscurs… tout cela donne une patine et une splendeur visuelle unique à cet intimiste Tennessee’s Partner qui culmine, esthétiquement parlant, dans ce plan final de sépulture crépusculaire en haut d’une colline.

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Attention cependant, cette beauté (toujours discrète) ne vient jamais perturber le spectateur qui continue à suivre l’intrigue et à s’attacher aux personnages avec la plus grande passion. Car outre Ronald Reagan (comédien pas si mauvais qu’on a voulu le faire croire), Rhonda Fleming et John Payne forment un duo absolument inoubliable. La rousse pulpeuse tient son rôle de femme de tête avec une belle détermination sans jamais pour autant nous la rendre froide ; son apparition de dos dans la baignoire est à l’origine de l'une des séquences les plus puissamment érotiques que l’on ait pu trouver dans un western de l’époque (si ce n’est celle équivalente avec Jeanne Crain dans la même situation dans L’homme qui n’a pas d’Etoiles de King Vidor). Son partenaire est interprété par un John Payne au sommet de son talent. Après avoir été le sympathique héros d’innombrables comédies musicales de la Fox dans les années 40 aux côtés de Betty Grable ou d'Alice Faye, il entre ici dans la peau de Tennessee avec une classe, un flegme et une élégance que rehausse sa fine moustache. Tout en finesse, sans jamais en faire de trop (de l’underplaying avant l’heure) Payne nous donne une interprétation de tout premier ordre. Par un simple regard, sa prise de conscience finale qu’une réelle amitié pouvait bel et bien exister dans un monde qu’il jugeait trop sévèrement est tout simplement déchirante : "Et dire que je ne connaissais même pas son nom !". Encore un comédien bien sous-estimée ! On peut regretter en revanche que les personnages secondaires soient un peu laissés de côté surtout quand ils sont interprétés par des habitués du genre comme Coleen Gray, Morris Ankrum, Leo Gordon ou Anthony Caruso. En voilà un western dont on aurait aimé que sa durée soit double afin de pallier à ces manques.

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Tennessee’s Partner est un western d’une poignante simplicité (à l’exemple des patronymes des protagonistes, tous appelés par leurs surnoms), d’une formidable élégance dans sa mise en scène, d’une belle originalité dans la description des rapports entre les personnages ; "une tragédie optimiste" comme l’a décrit Jacques Lourcelles. Peut-être aviez-vous découvert ce western à la télévision dans les années 70 puisqu’il a été diffusé sous le titre Le Mariage est pour demain mais aussi sous celui du Bagarreur du Tennessee, des titres qui n’entretiennent pas plus de rapport l’un que l’autre avec le film, et qui le font même passer pour ce qu’il n’est pas par leur total contresens. Laissons conclure Patrick Brion qui, dans son ouvrage sur le western, en écrivait une véritable déclaration d’amour : "Dire que Tennessee’s Partner est le plus chatoyant et le plus séduisant des westerns hollywoodiens est une évidence. La beauté des couleurs de la photographie de John Alton, le soin apporté aux décors et aux costumes et la présence de la voluptueuse Rhonda Fleming, dont les épaules sont déjà un enchantement, suffisent à rendre le film incomparable…" Un Far West qui aura rarement été aussi séduisant !
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Profondo Rosso
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par Profondo Rosso »

Sinon effectivement hormis le petit problème de format les copies sont vraiment très belles sur ce que j'ai vu je trouve, notamment "Tornade" le film ne m'a pas emballé plus que ça mais la photo est assez extraordinaire.
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Jeremy Fox
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par Jeremy Fox »

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June Lyons (Rhonda Fleming) vient chercher sa sœur Dorothy (Arlene Dahl) à la sortie de prison où elle purgeait une peine pour vol. Un homme mystérieux est là pour les photographier en cachette. June se trouve être la secrétaire et maîtresse de Jansen, le futur candidat à la mairie de la ville. Ce dernier souhaite, s’il est élu, lutter contre la corruption et faire cesser les activités criminelles de Caspar (Ted de Corsia). Le photographe n’est autre que Ben Grace (John Payne), un petit truand travaillant pour le compte du redoutable gangster qu’il espère supplanter. En manipulant tout son monde, à commencer par June dont il tombe amoureux, il réussit à faire élire Jansen, faire partir Caspar et prendre la tête du gang tout en se mettant dans la poche le nouveau préfet de police. Mais en voulant aider la sœur de sa fiancée, qui vient de se faire à nouveau prendre en flagrant délit de vol, il va scier la branche lucrative sur laquelle il s’était installé...

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A 70 ans, Allan Dwan n’avait encore quasiment jamais frayé avec le film noir, et Slighty Scarlet sera le dernier distribué par la compagnie RKO qui allait péricliter peu de temps après à cause de la mauvaise gestion de Howard Hughes. Slightly Scarlet est tiré de Love's Lovely Counterfeit, un roman de James Cain paru en 1942, unanimement conspué, l’un de ses plus gros ratages selon les admirateurs de l’auteur de séries noires à l’origine de films aussi célèbres que Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder, les différentes versions du Facteur sonne toujours deux fois (The Postman Always Rings Twice) ou Le Roman de Mildred Pierce (Mildred Pierce) de Michael Curtiz. De ce mauvais livre, Allan Dwan et son scénariste Robert Blees réussissent à nous donner un superbe et sulfureux film noir en couleurs ; il y eut donc un précédent célèbre au Traquenard de Nicholas Ray dans le domaine du film noir transfiguré par le Technicolor, même si on l’aborde malheureusement beaucoup moins dans les écrits sur le genre.

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Il faut dire que son scénario est d’une banalité confondante. June Lyons (Rhonda Fleming) vient chercher sa sœur Dorothy (Arlene Dahl) à la sortie de prison où elle purgeait une peine pour vol. Un homme mystérieux (John Payne) est là pour les photographier en cachette. June se trouve être la secrétaire et maîtresse de Jansen, le futur candidat à la mairie de la ville. Ce dernier souhaite, s’il est élu, lutter contre la corruption et faire cesser les activités criminelles de Caspar (Ted de Corsia). Le photographe n’est autre que Ben Grace, un petit truand travaillant pour le compte du redoutable gangster qu’il espère supplanter. En manipulant tout son monde, à commencer par June dont il tombe amoureux, il réussi à faire élire Jansen, faire partir Caspar et prendre la tête du gang tout en se mettant dans la poche le nouveau préfet de police. Mais en voulant aider la sœur de sa fiancée qui vient de se faire à nouveau prendre en flagrant délit de vol, il va scier la branche lucrative sur laquelle il s’était installé... Bref, l’habituelle description de la lutte de pouvoir que se livrent les notables, la corruption qui règne en maître, la mainmise qu’à eue l’empire du crime sur une ville américaine, des sujets déjà à l’ordre du jour dans des titres plus anciens dont les intrigues s'avéraient plus tendues et ambitieuses tels que les superbe et nerveux La Femme à abattre (The Enforcer) de Raoul Walsh, The Big Combo de Joseph H. Lewis ou encore le très bon The Racket de John Cromwell.

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Mais Allan Dwan et Robert Blees semblent se ficher comme d’une guigne des péripéties et d’une quelconque montée dramatique, préférant se concentrer une fois encore sur leurs personnages et les décors opulents dans lesquels ils évoluent. Sans moyens financiers ni beaucoup de suspense, ils arrivent néanmoins à nous offrir une œuvre baroque et visuellement somptueuse. John Alton atteint ici des sommets à l’égale de ses plus belles participations aux films de Vincente Minnelli (Thé et sympathie ainsi que La Femme modèle), son utilisation du noir profond pour rehausser encore les couleurs flamboyantes ou rendre encore plus contrastés les clairs-obscurs est tout simplement prodigieuse. Bref, un film noir un peu filmé à la manière d’un mélodrame flamboyant ! Comme dans la plupart de ses derniers films, Dwan met encore en scène un trio, ici mené par un antihéros interprété avec toujours autant de classe par John Payne. Le gangster qu’il a réussi à évincer de la ville pour prendre sa place le décrivait ainsi : « Genius you're just a chiseler out for a soft spot. You're not crooked and you're not straight. You take what you can get where you can get it but you don't want any trouble. You'll die at age 66 with three grand in the bank but you'll never be an operator. » Les amateurs des frères Coen lui trouveront peut-être une similitude avec le Tom Reagan interprété par Gabriel Byrne dans Miller’s Crossing.

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Ce personnage remarquablement écrit est accompagné ici des deux merveilleuses rousses du titres français, aussi photogéniques et cinégéniques l’une que l’autre, rivalisant de beauté et d’érotisme : Arlene Dahl (la compagne de James Mason dans le célèbre Voyage au centre de la Terre de Henry Levin) et Rhonda Fleming, surtout connue pour son interprétation de Laura Denbow dans Règlement de compte à O.K. Corral de John Sturges. Rien que de les voir tous trois participer à ce jeu de dupes et de manipulation est une véritable délectation. Quand en plus on les admire évoluer dans de somptueux costumes, plus ou moins habillées (plutôt moins que plus pour les femmes qui rivalisent de sensualité dans des rôles assez ambigus, l’une étant une nymphomane avérée, l’autre attachée à sa sœur par un amour presque incestueux) à l’intérieur de brillants appartements confinés ou de luxueux bureaux, au milieu d’une cité balnéaire constamment ensoleillée, le régal pour les yeux est constant.

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Dommage que le film fut dès le début connoté "série Z" (à cause de l’insuffisance de moyens et d’un casting a priori manquant de prestige) et que, de ce fait, il ne fut quasiment projeté que dans les drive-in. Mais c’est peut-être aussi grâce à ce départ peu reluisant que le retournement de situation l’a fait devenir un film culte. Ce statut provient avant tout du fait de la causticité des dialogues, de l’immoralité doublée de cupidité de l’ensemble des protagonistes et de la violente sensualité qui se dégage de l'ensemble, un érotisme troublant que la censure n’a étonnamment pas cru bon de punir pour notre plus grand bonheur ! Il faut avoir vu l’aguichante Arlene Dahl brûler la main de John Payne avec un briquet avant de lui susurrer qu’elle serait aussi capable de lui faire des choses bien plus douces ; il faut l’avoir vu se vautrer lascivement sur un canapé jouant avec ses bas, pas farouche pour deux ronds à l’arrivée d’un homme qu’elle n’a encore jamais vu et qu’elle invite pourtant immédiatement à venir se joindre à elle ; il faut avoir vu les shorts courts et moulants ainsi que les nuisettes plus que légères et suggestives élégamment portées par la capiteuse Rhonda Fleming... Les séquences de violence dispensées avec parcimonie n’en acquièrent que plus d’impact et finissent par faire de cette superbe série B un film noir unique et non dénué de lyrisme de par son esthétisme mélodramatique génialement outrancier !
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Sybille
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par Sybille »

Pardon tout le monde, je suis complètement à la ramasse ces derniers temps mais... le coffret Allan Dwan est déjà sorti ? :shock:
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Profondo Rosso
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par Profondo Rosso »

Sybille a écrit :Pardon tout le monde, je suis complètement à la ramasse ces derniers temps mais... le coffret Allan Dwan est déjà sorti ? :shock:
Non pas encore sorti mais j'ai pu avoir un exemplaire en avance et je suppose que Jeremy Fox aussi :wink:
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