Cinéma muet français

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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julien
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Re: Cinéma Muet Français

Message par julien »

J'avais entendu une fois François De Roubaix dire le plus grand bien de cette musique de Rabaud qui était en terme d'écriture aussi travaillée qu'une véritable symphonie.Je sais pas d'ailleurs comment il l'avait entendu. Peut-être qu'il ne connaissait que la partition. Ca serait bien qu'un éditeur se lance un jour dans l'enregistrement de cette pièce. Mais si jamais le film sort en dvd, avec une bande son, je crains fort que ça soit juste un simple accompagnement au piano. :mrgreen:
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"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
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Ann Harding
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Message par Ann Harding »

Je remets ici les différentes critiques sur les muets français de Pordenone:

Le Bonheur Conjugal (1923, R. Saidreau) avec Pierre Etchepare et Denise Legeay.

Jack est un noceur invétéré. Il souhaiterais continuer sa vie de patachon si son oncle ne le poussait à convoler en justes noces. Il se retrouve marié. Il s'ennuit...

Cette petite comédie issue des archives du CNC se révèle en tout point charmante. Le rôle principal de Jack est tenu par un acteur au visage poupin qui observe les femmes avec délectation. Mais, les chaînes conjugales sont trop lourdes pour lui. Lorsqu'il disparaît pour quelques jours avec sa maîtresse, on le croit mort. Il part assister à son enterrement incognito, découvrant ainsi que personne ne s'intéresse vraiment à lui à part son épouse qu'il a délaissé. Du point de vue cinématographique, le film est bien mené avec quelques idées intéressantes: on voit les pieds de Jack exprimant son dégoût à l'idée de se marier. Pour un film de 1923, on peut dire qu'il est vraiment bien réalisé. René Clair n'était même encore en activité à l'époque! La copie est superbe.
:!: Vous pouvez voir ce film à la Cinémathèque aujourd'hui même à 19h30 dans le cadre du cycle sur les 40 ans du CNC-AFF. :wink:

Ce Cochon de Morin (1925, V. Tourjansky) avec Nicolas Rimsky et Denise Legeay.

Morin, un commerçant de la Rochelle, est en visite à Paris où il fait la noce. Légèrement éméché lors de son retour, il tenche d'embrasser une jeune femme dans le train. L'histoire fait rapidement le tour de la ville. Il devient 'ce cochon de Morin'...

Cette excellente adaptation de la nouvelle de Maupassant offre un rôle en or à l'acteur russe, Nicolas Rimsky qui était l'une des stars de la compagnie Albatros de Montreuil. Il est parfaitement à sa place dans le rôle de Morin, le pauvre type harcelé par sa mégère de femme et complètement ecrasé par la rumeur publique. Le début du film offre une débauche visuelle alors que Morin se soule dans une boîte de nuit sur fond d'orchestre de jazz. Ce montage très rythmé rappelle le début du meilleur film de Tourjansky, Michel Strogoff. La seconde partie est plus lente, mais non moins intéressante alors que Morin essaye vainement d'arranger la situation avec son ami journaliste. Nous observons le manège du journaliste qui s'intéresse de près à la jeune femme sous la table avec des mouvements de jambes et de pieds sans équivoque. Le film a été accompagné excellement par Stephen Horne au piano. La copie de la Cinémathèque est correcte sans plus.
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Message par Ann Harding »

La Cousine Bette (1927) de Max de Rieux avec Alice Tissot, Germaine Rouer, Henri Baudin, Suzy Pierson et Andrée Branbant

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Alice Tissot (gauche) et Germaine Rouer (droite)

Cette adaptation du roman de Balzac nous entraîne dans le Paris de 1830 où Bette (Alice Tissot) une vieille fille laide veut se venger de sa cousine qui a épousé l'homme qu'elle aimait. En fait, celui-ci s'est transformé en fêtard qui dilapide sa fortune en faisant la noce. Bette va utiliser une voisine à elle, Mme Marneffe (Germaine Rouer) qui devient une courtisane bien en vue pour se venger. Subjugués par Valérie Marneffe, il se ruine ainsi que son beau-fils...
Ce film rare a été projeté à la cinémathèque dimanche dernier dans une copie de belle allure, teintée et bien contrastée. Le seul hic était la vitesse de projection bien trop rapide qui faisait sautiller les danseurs et rendait certains gros plans quasiment subliminaux. Le metteur en scène est l'acteur Max de Rieux dont j'ai apprécié le talent il y a peu dans Le Petit Chose (1923) d'André Hugon. Il réussit plutôt bien sa transposition de l'atmosphère balzacienne, aidé par les décors élégants d'un certain Claude Franc-Nohain, alias Claude Dauphin. Eh oui, dans ce temps-là, il était encore décorateur. :wink: Alice Tissot, qui s'était fait une spécialité des rôles de vieille fille pincée, est une superbe Cousine Bette, encore enlaidie par un maquillage qui lui barre le front d'un long sourcil et lui donne l'ombre d'une moustache. Il faut la voir 'materner' son jeune protégé polonais qui va lui échapper. Quant à Germaine Rouer, qui était une pensionnaire de la Comédie Française et aussi l'interprète de Françoise dans La Terre (1921) d'André Antoine, elle déploit tout son charme sur ses nombreux soupirants, plutôt agés, mais au portefeuille bien garni. Elle a néanmoins un jeune amant qui va causer sa perte. Quand elle l'éconduit, il décide de l'empoisonner. La scène de la mort de Valérie Marneffe est digne de Stroheim. :mrgreen: Son amant vient observer les dégâts de l'empoisonnement. Valérie diminuée par la maladie, réalise qu'il est derrière ce mal mystérieux. Elle l'embrasse sauvagement pour lui inoculer le mal. En réponse, il lui donne de violents coups de cravache. Elle meurt dans un dernier soubressaut. Quant à Bette, elle retourne dans sa province pour y mourir... Le film n'offre pas de grands moments cinématographiques, mais, il est très bien distribué et interprété. Il vaut le détour. :wink:
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L'angoissante aventure (1920, Y. Protozanov) avec Ivan Mosjoukine et Natalie Lissenko

Octave de Granier (I. Mosjoukine) veut éloigner une actrice (N. Lissenko) que courtise son frère. Mais ce faisant, il tombe lui même dans les filets de la sirène. Il l'épouse et est répudié par son père. Commence une nouvelle existance pour Octave, en tant que mari d'une vedette venue d'un autre monde...

Ce film du catalogue Albatros (en fait Ermolieff) tient une place spéciale dans leur production. Il s'agit du premier film tourné par Mosjoukine en France. La troupe Ermolieff, fuyant la Révolution, a quitté Yalta pour prendre le bateau à Constantinople. Ils arriveront à Marseille où commencera le tournage du film. Le scénario du film est assez décousu, et on peut penser que le scénario a été plus ou moins improvisé en cours de route. On aperçoit des plans de Constantinople ainsi que de très belles scènes tournées à Marseille. Mosjoukine et Lissenko sont filmés sur le pont transbordeur au dessus du port de Marseille offrant une vue imprenable sur la ville. Mosjoukine tire son épingle du jeu grace à son charme et à son humour. Il se démène comme un beau diable avec cette actrice capricieuse et jalouse ; il est tour à tour timide, humilié et désespéré. Lissenko n'est pas en reste en reine du music hall, puis du grand écran. Les quelques scènes de tournage en studio (un film dans le film) sont d'ailleurs très réussies. On ne peut que regretter que le scénario soit aussi décousu. Et le final semble être là uniquement pour éviter au film une fin tragique: Octave se réveille chez lui et se rend compte qu'il a eu un cauchemar. Le metteur en scène Yakov Protozanov avait déjà tourné plusieurs films avec Mosjoukine avant la Révolution (Le Père Serge et La Dame de Pique tous deux disponibles chez Bach Films dans des versions accélérées). Il feront ensemble aussi Justice d'Abord (1921) dont il ne reste qu'une copie incomplète que j'ai pue voir à Pordenone (le film est un mélo bien mené et excellemment interprété par Mosjoukine qui en tant que procureur doit envoyer à la guillotine la femme qu'il aime). Mais contrairement aux autres metteurs en scène russes émigrés en France, Protozanov retournera en URSS où il tournera Aelita (qui a été chroniqué récemment sur le site). Cette angoissante aventure vaut surtout grace à la présence magnétique de Mosjoukine.
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Message par Ann Harding »

L'enfant de Paris (1913) de Léonce Perret

Suite à la disparition de ses deux parents, la petite Marie-Laure de Valen, maintenant orpheline, est envoyé dans un pensionnat. Elle se sauve une nuit et elle est trouvée dans la rue par un malfrat, Edmond le bachelier. Réalisant que la gamine vient d'un beau quartier, il la place chez un cordonnier en attendant d'en tirer de l'argent...
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Je n'avais vu jusqu'à présent qu'un seul film de Léonce Perret (Les Etoiles de la gloire de 1919) et je viens de découvrir ce film long métrage de 1913 qui est absolument remarquable. Il n'a pas pris une ride et montre l'avance du cinéma européen par rapport au cinéma américain avant la 1ère guerre mondiale. Il s'agit d'un film de long métrage de 2h avec une cinématographie remarquable, un vrai sens du montage et du récit. Léonce Perret était avec Feuillade le cinéaste vedette de la firme Gaumont. Quand Feuillade réalisait des sérials à multiples personnages et rebondissements, Perret lui se concentre sur le long métrage. Il y a peu de personnages dans ce film, essentiellement la petite Marie-Laure (Suzanne Privat), le gentil Bosco (Maurice Lagrenée), Edmond le bachelier (Louis Lebas qui apparaitra dans Les Vampires dans le rôle de Satanas). Mais, ce qui frappe c'est la véritable poésie que se dégage des images de ce film. Perret sait choisir ses cadrages et les éclairages sont déjà incroyablement sophistiqués que ce soit pour les intérieurs et les extérieurs. On suit les aventures de la petite Marie-Laure kidnappée par Edmond qui attérit dans l'échoppe d'un poivrot, le savetier Tiron. Le Bosco, un bossu qui aide Tiron, se prend d'affection pour l'enfant. Quand Edmond vient la reprendre, il va les poursuivre jusqu'à Nice pour retrouver l'enfant. Le film utilise merveilleusement les extérieurs dans les rues de Paris et de Nice. Mais, jamais au dépents de la narration. Il utilise la profondeur de champ, les plans en plongée et les cadrages sont vraiment formidables. Les acteurs sont tous excellents et ont déjà une vraie technique de cinéma. Aucune trace de théâtralité chez eux. Avec Sjöström, Perret est vraiment un des pères du cinéma moderne. Dommage que la copie proposée par Gaumont dans leur coffret soit aussi décevante. Elle paraît avoir été réalisée à partir d'un contretype et manque de contraste et de luminosité. Leur Fantômas était d'une bien meilleure qualité....
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Message par Ann Harding »

Quelques précisions sur la qualité de la copie de L'Enfant de Paris. Il est vraiment bizarre que Gaumont offre une image aussi médiocre niveau contraste alors qu'un extrait du film dans le documentaire Cinema Europe montre une toute autre qualité! :shock: :o
ImageImage (g. Cinema Europe/d. DVD KINO US)
Image version Gaumont DVD

C'est vraiment rageant!!! :x

Edit: j'ajoute une capture de la version DVD Gaumont qui est légèrement différente de celle de KINO US, mais toujours inférieure au transfert de Cinema Europe.
Dernière modification par Ann Harding le 29 janv. 10, 11:38, modifié 2 fois.
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Le Mystère des Roches de Kador (1912, Léonce Perret) avec Suzanne Grandais et Léonce Perret

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Suzanne (S. Grandais) suite à la mort de son oncle hérite d'une grande fortune. Son cousin Fernand de Kéranic (L. Perret) - qui voudrait l'épouser pour renflouer ses finances - découvre qu'elle est amoureuse d'un autre. Il décide de se débarrasser d'elle et de son amant pour récupérer ses millions...

Encore une petite merveille signée Perret! Le film a été tourné dans le Finistère, dans la presqu'île de Crozon. L'héroïne du film est Suzanne Grandais qui fut une des plus grandes stars du cinéma de l'époque jusqu'à sa mort tragique (à l'âge de 27 ans) en 1920 dans un accident de voiture. Un livre lui a été consacré récemment (Un amour sans parole de Didier Blonde, Ed Gallimard, 2009). Perret nous concocte ici un petit film criminel avec juste ce qu'il faut de suspense et poésie. La science du cadrage est absolument remarquable pour un film de 1912. Et l'intrigue prend un tour étonnement moderne lorsque l'héroïne amnésique (qui a survécu miraculeusement) revit le drame lors d'une projection de cinéma. En effet, un docteur aux méthodes révolutionnaires fait un film des événements pour le projeter à sa patiente. Voici un film qui ne décevra pas les amateurs de Feuillade car Perret reprend ici les histoires criminelles typiques des sérials mais sur une durée de seulement 45 min. La copie proposée est vraiment bonne (contrairement à celle de L'enfant de Paris). A voir! :)
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Message par Ann Harding »

La Madone des Sleepings (1927) de Maurice Gleize avec Claude France, Olaf Fjord et Boris de Fast

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Lady Wynham (C. France) une aristocrate anglaise excentrique engage comme secrétaire le Prince Séliman (O. Fjord). Elle lui confie une mission pour recouvrer des champs pétrolifères en Russie soviétique. Il faut pour cela qu'elle se donne à Varishkine (B. de Fast). Mais, elle déclanche la jalousie de la commissaire Irina Mouravieff (Mary Serta)...

Cette adaptation du roman populaire de Maurice Dekobra est une déception quant à la construction et à la mise en scène. Le film a été commencé par Marco de Gastyne, qui partit après seulement qq semaines de tournage et a été remplacé par un faiseur sans imagination, Maurice Gleize. Si la distribution est dans l'ensemble plutôt bonne, avec Claude France dans le rôle de la Lady scandaleuse, le russe Boris de Fast en délégué soviétique libidineux (il aime arracher la robe des filles avant de les arroser de champagne! :mrgreen: ), Mary Serta est une commissaire très masculine (cheveux courts, vêtements stricts), Olaf Fjord (qui apparaît aussi dans Tarakanova de R. Bernard) est lui assez insipide en Prince Séliman. Mais, le problème principal du film vient de son découpage. Après une première partie, tournée entièrement en studios, nous nous retrouvons pour quelques scènes à Constantinople avant de retomber dans des scènes de prisons interminables. Les relations entre les personnages sont assez mal tissées. On a du mal à comprendre ce qui relie Lady Wynham à son secrétaire bénévole et qui n'est même pas son amant. Il est fort possible qu'une partie du film ait disparu ce qui pourrait expliquer ces manques. La mise en scène est très plate et statique. Le film manque d'air: des scènes en extérieurs lui aurait donné un tout autre souffle. Sinon, on peut quand même sauver la belle prestation de Boris de Fast, les décors Art Déco et les quelques scènes à Constantinople. Dommage que le film n'ait pas été réalisé entièrement par Marco de Gastyne!
Dernière modification par Ann Harding le 29 janv. 10, 11:11, modifié 1 fois.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Le Roman d'un mousse (1913, Léonce Perret) avec Lucien Lebas, Maurice Luguet, Adrien Petit

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Le marquis de Luscky (L. Lebas) est ruiné et doit une énorme somme d'argent à l'usurier Werb (M. Luguet). Werb lui conseille d'épouser la riche comtesse de Ker-Armor. Il lui suffira ensuite de la supprimer ainsi que son fils Charles-Henri (A. Petit) pour hériter de sa fortune. Werb se faisant passer pour un précepteur fait embarquer l'enfant sur un Terre-Neuva en donnant des instructions pour qu'il ne revienne pas...

Je continue mon exploration de Léonce Perret au sein de la boîte 'Gaumont Le Cinéma Premier vol. 1'. Pour ce troisième long métrage, Perret combine une intrigue policière avec le roman d'aventure. Le petit Charles-Henri se retrouve bien malgré lui entraîné dans de dangereuses aventures sur un de ces bateaux qui partaient pêcher en Islande toutes voiles dehors. Perret offre à nouveau de merveilleux extérieurs à Biarritz, Saint-Malo et Le Havre. Il est dommage que le début du film soit assez lent et bavard. Puis, tout s'enchaîne plus rapidement au moment au Charles-Henri se retrouve à bord de la 'Marie-Jeanne'. Le brave père Paimpol le prend sous son aile et ils s'enfuient dans une chaloupe. Comme toujours, Perret est un maître pour raconter une histoire et créer une atmosphère. Il réussit à introduire de la poésie dans ses images par leur cadrage et leur composition. Même si ce film-là est moins réussi que L'Enfant de Paris, il est néanmoins remarquable pour un film de 1913. Dommage que la copie ne soit qu'un vilain contretype d'une copie belge (avec des intertitres doubles français/flamand).

J'ai ensuite exploré les courts-métrages de Léonce Perret. Ils contiennent de petites perles qui valent la peine d'être découvertes. Dans Molière (1909) on découvre un jeune acteur, également scénariste du film, nommé Abel Gance en Jean-Baptiste Poquelin (à droite).
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En 20 min, on suit la carrière de Molière de sa jeunesse à sa mort. C'est évidemment un sérieux raccourci; mais, en même temps, Perret exploite au mieux les scènes en extérieurs à Versailles ou en studio pour la mort de Molière sur scène vue des coulisses.
Parmi, les autres courts-métrages, j'ai bien aimé L'Express Matrimonial (1912) où Léonce Perret tente de séduire une dame dans le train avec à nouveau des plans forts intéressants. Les Dents de Fer (1913) réussit à créer l'effroi quand un médecin trébuche dans un bois et se prend la main dans un piège à loups. Devant se rendre rapidement au chevet d'un enfant, il s'ampute les doigts lui-même pour échapper aux dents de fer....brrrr!

Il me reste encore un certain nombre de courts-métrages à regarder. Mais, je peux dire dès maintenant que je suis une vraie fan de Perret. 8)

Edit: Pour ce qui est de la qualité de l'image de L'Enfant de Paris, j'ai rajouté ci-dessus une capture pour comparer la copie Gaumont avec celle de Kino. Elles sont toutes les deux inférieures au transfert de Cinema Europe. (La copie Kino étant la pire.)
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Message par allen john »

J'ai découvert avec intérêt Perret l'an dernier à la faveur de ce coffret; je te signale (mais je suis sur que tu le sais déja!) que le deuxième coffret comporte un certain nombre de films qui ne lui sont qu'attribués.
Ann Harding a écrit : Il me reste encore un certain nombre de courts-métrages à regarder. Mais, je peux dire dès maintenant que je suis une vraie fan de Perret.
Ayant été happé par les Feuillade, je n'ai pas encore, contrairement à toi, succombé aux charmes des deux longs métrages, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de les revoir, contrairement à Kador, une merveille en effet. et bien sur, certains courts métrages sont d'une force remarquable. Devine quoi? tu m'as donné envie d'y replonger...
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Message par bruce randylan »

Moi, j'ai fini les court-métrages du Perret et ils sont dans l'ensemble vraiment excellent notamment
Ann Harding a écrit :Le Mystère des Roches de Kador (1912, Léonce Perret) avec Suzanne Grandais et Léonce Perret
Il y a dans celui-là une vraie science du cadrage et du découpage qui d'une grande précision et d'une grande beauté.
C'est avec celui-là et quelques autres comme ça où la réalisation même devient enfin narrative. On est plus dans la simple illustration. La mise en scène fait l'émotion au même titre que le scénario ou l'interprétation.
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Message par Ann Harding »

Pêcheur d'Islande (1924, J. de Baroncelli) avec Charles Vanel & Sandra Milowanoff

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Cette adaptation du roman de Pierre Loti suit la destiné de Yann Goas (C. Vanel) un pêcheur de morue de Paimpol. Il part chaque année pour de longues campagnes de pêche en Islande. Gaud (S. Milowanoff) est amoureuse de lui ; mais, il refuse de l'épouser. Il se considère comme 'marié avec la mer'...
Voilà un film que je voulais voir depuis plusieurs années et je n'ai pas été déçue. Le film a presque entièrement été tourné à Paimpol et à Ploubazlanec sur les lieux mêmes décrits par Loti. Charles Vanel (qui déjà à cette époque était spécialisé dans les rôles de méchants) est ici le héros Yann Goas, un pêcheur breton bourru et trapu. Il dit dans un livre d'entretien qu'il avait toujours rêvé d'être pêcheur et son rêve est exaucé dans ce film. Il forme un couple parfait avec la fragile Sandra Milowanoff, une actrice d'origine russe avec laquelle il a tourné pas moins de quatre films, y compris son unique réalisation Dans la nuit (1929). Il avait beaucoup d'admiration pour elle et on sent une vraie alchimie entre les deux acteurs. L'évocation de la vie rude des pêcheurs de morue est illustrée par des images d'archives qui les montrent en train de pêcher la morue au filet ou la ligne. On suit aussi la vie des femmes restées à terre qui attendent pendant de longs mois le retour de leur mari, père ou frère. Le départ pour une campagne de pêche est un moment de déchirement où toutes les femmes se rassemblent sur le quai pour dire adieu à leur époux. Yann embrasse une dernière fois Gaud qu'il a finalement épousée. Elle le suit le long de la côte jusqu'à ce que le navire disparaisse à l'horizon. On ne peut que louer le jeu des deux acteurs qui sont tous deux très sobres, mais réussissent à faire passer la violence de la séparation. Puis commencent les longs mois d'attentes et les femmes se rassemblent au pied de la Croix des Veuves pour attendre le retour des bateaux. Tout près de là, il y a, dans le cimetière de Ploubazlanec, 'le mur des disparus en mer' qui resence les noms de tous les pêcheurs et les bateaux disparus lors de la pêche en Islande. La région a payé un lourd tribu pour cette pêche dangereuse. Yann fait partie de ceux qui ne reviendront pas; il rejoindra les disparus en mer comme il en avait le pressentiment. Baroncelli utilise les surimpressions avec intelligence et son film échappe au syndrome de la couleur locale artificielle. Il a utilisé les habitants de Paimpol pour la figuration; mais ils s'intègrent merveilleusement avec les acteurs. Vanel se souvient que durant le tournage les gens l'interpellaient dans la rue: "Hé Yann!" comme si il était le personnage de Loti!
La copie que j'ai vue était de toute beauté et probablement issue du négatif original. Le film a été projeté au Magic Cinéma de Bobigny malheureusement trop rapidement (on devait être proche de 24 im/sec). La musique électronique qui l'accompagnait était dans l'ensemble pas mal, en tous cas, elle suivait l'atmosphère de chaque scène (ce qui est loin d'être toujours le cas!). Une très bonne soirée. :)
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Finis Terrae (1929, Jean Epstein)

Je me suis replongée pour la deuxième fois dans ce film de Jean Epstein qui vient d'être rediffusé par Arte. J'ai retrouvé avec plaisir les paysages sauvages de petites îles qui entourent Ouessant. Epstein a utilisé un parti pris documentaire tout à fait recommandable, utilisant des pêcheurs et les habitants d'Ouessant pour son film. Mais, comme la première fois, je reste dubitative en ce qui concerne le jeu des 'acteurs'. Il faut dire que l'intrigue reste terriblement mince avec ce pêcheur de goëmon qui s'est blessé à la main. Il reste fort longtemps à contempler son pouce blessé avant de faire quoi que ce soit... On peut regretter qu'Epstein ait voulu absolument faire une fiction de ce qui aurait pu être un formidable documentaire sur la vie dans ces îles du Ponant. Le résultat est une intrigue qui provoque l'ennui, surtout dans la deuxième partie du film. On a l'impression de voir un film de 120 au lieu de 80 min! La musique à base d'instruments à vents ne fait qu'ajouter à l'ennui ressenti avec ses tonalités sombres.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

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Parisette (1922, L. Feuillade) en 12 épisodes avec Sandra Milowanoff, Georges Biscot, René Clair et Fernand Hermann
Image(S. Milowanoff & R. Clair)

(Episodes 1 à 5)
Au Portugal, le vieux Marquis de Costabella (Bernard Derigal) est ruiné. Mais miraculeusement, il met la main sur une fortune en lingots d'or. Sa petite fille Manoëla (S. Milowanoff) le soupçonne de vol et de meurtre. Désespérée, elle part prendre le voile des carmélites. Elle meurt au couvent. Quelques années plus tard à Paris, Parisette (S. Milowanoff) une jeune danseuse du corps de ballet de l'Opéra de Paris ressemble comme deux gouttes d'eau à la défunte Manoëla. Elle vit avec son oncle Cogolin (G. Biscot) en ignorant les manigances de leurs voisins de palier qui dérobent son uniforme de receveur pour s'attaquer à une rentière de Neuilly...

En 1922, Feuillade a perdu certains de ses acteurs favoris comme Marcel Levesque (inoubliale Cocantin et Mazamette) et Musidora. Il délaisse sa veine criminelle commencé avec Fantômas, Les Vampires et Judex pour le roman feuilleton dans le style des mélodrames populaires avec également des éléments criminels et comiques. On est proche de Roger La Honte ou de Sans Famille avec ses histoires de banquiers véreux, d'enfants illégitimes cachés et ses innocents accusés injustement. Feuillade a recruté en 1920 une jeune danseuse russe nommé Sandra Milowanoff. Elle est déjà apparu dans deux films de Feuillade et là elle joue un double rôle, la religieuse portugaise et la jeune danseuse parisienne. On peut admirer également son talent de danseuse quand elle interprète 'La Mort du Cygne' lors d'une soirée chez un banquier. Son visage triangulaire expressif en font la parfaite héroine de mélodrame, mais sans excès de sentimentalisme. Levesque est remplacé pour le rôle comique par Georges Biscot. Bien que n'étant pas aussi bon que son prédécesseur, il réussit néanmoins à égayer le film avec ses mimiques et ses faux-pas. Le début du film au Portugal offre une image avec des clairs obscurs qui renforce le mystère du Marquis de Costabella. Le film comporte quelques cascades dangereuses comme lorsqu'un malfrat escalade la façade d'un immeuble pour pénêtrer par la fenêtre. Le plan général ne laisse aucun doute sur le fait que la cascade a réellement été réalisée. Certes, le film a moins de mouvements et d'actions que les sérials précédents de Feuillade. Mais, les épisodes de 30-35 min sont bien remplis et tiennent en haleine. Il me reste encore 7 épisodes à voir. A très bientôt! :wink:
[Ce sérial est visible dans la salle des collections du Forum des Images]
Dernière modification par Ann Harding le 28 févr. 10, 14:52, modifié 1 fois.
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Message par Ann Harding »

Parisette (1922, L. Feuillade) Episodes 6 à 12 (Fin)

Cogolin (G. Biscot) s'est réfugié à Nice pour échapper à la police qui le soupçonne du meutre de la rentière de Neuilly. Déguisé en clergyman, il fait de son mieux pour passer inaperçu. Parisette (S. Milowanoff) a retrouvé son grand-père en la personne du Marquis de Costabella (Bernard Derigal). Malade, elle part pour Nice avec lui. Leur ancien voisin, le père Lapusse se cache lui aussi à Nice...

Dans cette deuxième partie, l'action se passe entièrement dans le sud de la France (Nice, Beaulieu). Il faut dire que Gaumont a des studios sur place et peut également utiliser la villa de Léon Gaumont. L'action patine quelques peu dans certains épisodes. L'intrigue se recentre sur le comique Georges Biscot qui fait un numéro fort amusant déguisé en faux clergyman ou en vieille femme. Reste quelques séquences de meurtre qui montrent que Feuillade n'a perdu son talent dans ce domaine. Le père Lapusse est expédié dans un monde meilleur par Cogolin d'une manière inattendue. Il le jette par-dessus le parapet au bord d'une corniche qui surplombe la méditerrannée. Il tombe sur les rochers en contrebas. Et, il n'est en aucune façon inquiété pour ce meurtre! :o Au contraire, il devient le héros du moment, salué par tous les corps constitués, pour avoir sauvegardé l'honneur d'un dame au mépris de sa propre sécurité. Les autres personnages restent relativement passifs durant ces épisodes. Parisette et son fiancé Jean (un tout jeune René Clair) n'ont pas grand'chose à faire. Pour conclure, il ne s'agit pas d'un Feuillade majeur. Il n'y a pas l'élan et le rythme de Judex. Il y manque peut-être un peu d'atmosphère. Seul le premier épisode offrait du mystère et du clair-obscur. Quand il filme un pur mélo, Feuillade est moins à l'aise que dans l'intrigue criminelle. Néanmoins, ce sérial avec une bonne musique et une projection sur grand écran pourrait certainement gagner en ampleur.
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