Cinéma muet français

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Music Man
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Music Man »

Ann Harding a écrit : Il faut savoir que cette chère Claudia Victrix était la femme du producteur: ça aide pour faire carrière. :wink: Son tombeau en tous cas, à l'air de valoir le déplacement :o (peut-être plus que son jeu dans le film!)
Apparemment son producteur de mari était également directeur de presse. Il dirigeait le journal Le matin et le petit parisien où il pouvait faire toute la pub qu'il voulait à sa bien-aimée.
« Sa sensibilité terriblement moderne » était célébrée dans la presse : « La belle artiste a apporté au service de l’art muet le même sens artistique d’humanité, de vérité et de lyrisme qu’elle réservait jusqu’alors à l’art du chant » et Sapène avait fait construire à Joinville une loge invraisemblable : une suite comme on n’en voyait pas chez Ritz…

On songe à l'énergie qu'Hearst déploya pour imposer sa maîtresse Marion Davies, à la différence que cette dernière était vraiment talentueuse!
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Les Nouveaux Messieurs (1928) de Jacques Feyder avec Gaby Morlay, Albert Préjean et Henry Roussell
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[sublime décor de Lazare Meerson: l'appartement de Suzanne Verrier (G. Morlay)]

Suzanne Verrier (G. Morlay) est danseuse à l'opéra. Elle est entretenue de façon somptuaire par le comte de Grandpré-Montoire (H. Roussell), un aristocrate nettement plus âgé qu'elle qui siège à la chambre des députés. Mais, à l'Opéra, l'électricien Gaillac (A. Préjean) est amoureux de la belle Suzanne. Lors d'une réunion syndicale, Suzanne commence à le voir sous un autre jour. Il est en effet un des leaders de la CIT, un syndicat puissant. Elle le suit lors d'un meeting qui dure toute la nuit. Ils terminent leur escapade par un plongeon dans la Seine, près de l'Ile aux Cygnes. Suite à la chute du cabinet, des élections sont annoncées. Gaillac devient député puis ministre...

Cette formidable comédie signée Jacques Feyder est certainement un des plus beaux films français de l'époque. Le scénario adapté de Flers & Croisset offre une vue humoristique des politiciens d'antant (encore que beaucoup de choses n'ont pas changé depuis! :uhuh: ). La vision de Feyder de la chambre des députés est tout à fait moderne: certains font leur courrier, d'autres dorment, les discours se suivent et se ressemblent de droite à gauche. Mais, c'est une scène dans la chambre des députés qui provoqua la foudre la censure à l'époque: un député s'endort et rêve que les danseuses de l'Opéra ont envahi l'hémicycle. Le film fut interdit pendant plusieurs mois, ce qui provoqua le départ de Feyder pour l'Amérique. Les acteurs principaux sont tous formidables. Une très jeune Gaby Morlay montre un charme et une exhubérance sans faille; le vieil aristocrate est parfaitement dessiné par Henry Roussell (qui était aussi metteur-en-scène) et pour finir, Albert Préjean est gouailleur et dynamique. De nombreuses scènes seraient à citer comme celle de l'inauguration où Préjean -fraîchement nommé ministre- presse le pas car il reçoit télégramme sur télégramme lui annonçant la chute du nouveau cabinet. L'accelération n'est pas sans rappeler René Clair. Suzanne et Gaillac se rendent à un meeting syndical qui vire doucement au petit bal pop', suit une promenade en voiture puis une flanerie en bord de Seine qui annonce le futur réalisme poétique de Carné-Prévert. La fin -que je ne dévoilerait pas- échappe aux conventions. Finalement, la comédie est douce-amère. Je n'oublie pas de mentionner les décors formidables de modernité de Meerson qui donnent au film un cachet tout spécial. Formidable. :D
Espèrons que la Cinémathèque fera l'effort de sortir ce petit chef-d'oeuvre en DVD.
Dernière modification par Ann Harding le 16 juil. 09, 16:22, modifié 2 fois.
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Message par bruce randylan »

Ann Harding a écrit :L'homme à l'Hispano (1926) de Julien Duvivier avec Huguette Duflos, Georges Galli et Chakatouny
Georges Dewalter (G. Galli) issu d'une riche famille a perdu toute sa fortune et a résolu de s'exiler au Sénégal. En route pour Bordeaux, il croise un de ses amis qui a acheté une luxueuse Hispano-Suiza pour sa maîtresse. Il lui demande de l'accompagné à Biarritz en se faisant passer pour le propriétaire de la voiture auprès de sa femme. A Biarritz, il rencontre Lady Oswill (H. Duflos) dont il tombe éperdument amoureux...
C'est probablement le film de Duvivier le plus ennuyeux que j'ai jamais vu! Adapté d'un roman à la mode de Pierre Fondraie, le film s'enlise dès le début et s'étire sur 125 longues minutes. Le rôle principal tenu par Huguette Duflos y est pour beaucoup. C'est une actrice sans charme, sans beauté et sans charisme. On a beaucoup de mal à croire que le jeune et sémillant Georges Galli puisse être amoureux d'elle et même se suicider pour elle. :? Le seul personnage qui surnage est Chakatouny, le mari de la dame qui observe avec un plaisir maléfique les amoureux car il sait que Georges est ruiné. A part de beaux extérieurs filmés à Biarritz, il n'y a pas grand'chose à sauver. Il y a quelques scènes avec des toiles peintes -hideuses!- et complètement râtées... On sent bien qu'il devait s'agir d'un travail de commande pour Duvivier... :|
Globalement d'accord avec tout ça à commencer par son casting partiellement raté et l'ennui plombant qui s'installe dangereusement, mais je ne serai pas aussi lapidaire.
j'ai trouvé la séquence d'introduction assez brillante dans son installation où l'on passe nerveusement de la voiture lancée à tout allure au train qui présente les 2 personnages principaux.
De même les 2 séquences "romantique" où Duvivier traduit l'émotion des personnages avec des surimpressions, des fondus ou des plans de natures sont très réussis visuellement et le montage là aussi parvient à créer un rythme qui donne vraiment l'impression d'entendre une musique.
Et puis bon, on trouve aussi régulièrement des plans parfaitement cadrés et photographiés.

Tout ça est loin de sauver ce film mais ça me sortait de temps en temps de ma torpeur somnolante. :mrgreen:

Bon, encore une séance où l'on se croisse indirectement, on va bien finir pas se rencontrer pour de vrai j'espère :)
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Music Man »

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VIOLETTES IMPERIALES de Henry Roussell –1923
Avec Raquel MELLER, André ROANNE, Suzanne BIANCHETTI

Une petite vendeuse de violettes devient la protégée de l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III.
Toujours fidèle et loyale, elle déjouera un complot fomenté par des conspirateurs qui veulent faire croire que l’impératrice a un amant pour faire vaciller le second Empire.

Comment ne pas être totalement séduit par l’esthétique de ce film et le talent du cinéaste Henry Roussell pour mener d’une main alerte ce récit romanesque, avec un talent égal aux romanciers populaires de la fin du 19ème siècle. Les images sont absolument splendides et le fait que la copie soit teintée tantôt de rouge, de jaune , de bleu selon qu’il s’agisse d’extérieurs, de scènes de pénombres apporte une touche de magie à l’ensemble.
Alors que tant de films des années 30 à 50 seront tournés dans des décors en carton pâte, ici tout est en décor naturel, des rues ensoleillées de Seville où se sauve Violetta au château de Compiègne où évolue la cour de l’empereur et les dames en crinolines : c’est ravissant. Vraiment, Henry Roussell a le génie de distraire constamment tout en soignant avec beaucoup de grâce et de goût la moindre scène.
Si la mollasson André Roanne, avec sa figure de Pierrot aux lèvres maquillées m’a paru vraiment fadasse l la fiévreuse interprétation de la belle Raquel Meller est très réussie : on a pas de mal à comprendre pourquoi elle devint du jour au lendemain la coqueluche de Paris.

Le réalisateur tournera 10 ans plus tard une version parlante du film avec la même Raquel Meller et des chansons en plus (la senora Meller étant également une chanteuse extrêmement populaire : la violetera), qui battra tous les records d’entrée. Le film figure d’aillaurs encore dans la liste des 50 plus gros succès de l’histoire du cinéma français : une performance remarquable quand on sait que cette liste est surtout composée de films américains, récents ou de Disney sortis en salle plusieurs fois.
http://shin.over-blog.org/article-17669372-6.html
Le film sera ensuite adapté sous forme d’opérette par Vincent Scotto , puis de film musical avec chansons de Francis Lopez et Luis Mariano (son film le plus regardable) : dans les deux cas, toujours des succès.

Raquel Meller chante la violetera de la version parlante de Violettes impérailes : une chanson toujours connue en Espagne
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Vraiment contente de lire ta chronique! J'ai aussi été très impressionnée par un autre film de Roussell, L'Ile Enchantée, dont j'avais parlé dans les pages précédentes. C'était réellement un très bon cinéaste et un bon scénariste. Et il était excellent acteur également. Sa prestation dans Les Nouveaux Messieurs en vieil aristocrate montre un humour quasi 'British'. :)
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Michel Strogoff (1926) de Viacheslav Tourjansky avec Ivan Mosjoukine, Nathalie Kovanko et Chakatouny
Image N. Kovanko & I. Mosjoukine

Le roman de Jules Verne est ici adapté par des russes qui lui donnent une patine et une authenticité absente des nombreuses autres version. Je dirais d'ailleurs que ce film est la meilleure version du roman que j'ai pu voir - et de loin ! Le film a été tourné en Lettonie dont les monuments et paysages rappellent leur grand voisin. Tous les russes immigrés de Paris se sont retrouvés là pour servir ce roman français avec des décors fantastiques de Lochakoff. Le film dure environ 2h50 et paraît infiniment plus court. Le film part comme un boulet de canon avec un montage rapide à faire pâlir Abel Gance (d'ailleurs les opérateurs du film sont ceux de Napoléon: L.H. Burel, Bourgassoff et Toporkoff). Hélas, la copie bien médiocre que j'ai vue ne permet pas de l'apprécier pleinement. Il y a une scène dans le film qui m'a rappelé la scène du cauchemar dans Le Brasier Ardent de Mosjoukine: la même folie expressioniste lorsque Strogoff délirant se voit la proie de sorcières qui tire son habit déchiré. je pense que l'interprète a dû avoir une influence décisive pour cette scène. Nathalie Kovanko (Mme Tourjansky à la ville) joue le rôle de Nadia avec talent. Les scènes de bataille et d'action sont tout à fait formidables. Tourjansky venait de travailler comme assistant réalisateur sur Napoléon, ceci explique probablement cela. Voilà un réalisateur très inégal; mais, il faut reconnaître que son Strogoff est remarquable. La copie que j'ai vue était accompagnée par une partition musicale absolument formidable de Amaury du Closel. Il porte littéralement le film à bout de bras avec un tapis sonore chromatique qui évoque autant Debussy que Tchaikovski. Il n'y a pas trace de 'couleur locale' artificielle dans sa partition qui donne au film un dynamisme foudroyant ainsi qu'une atmosphère quasi impressionniste. Formidable! :D
Dernière modification par Ann Harding le 16 juil. 09, 16:23, modifié 1 fois.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Travail (1919) de Henri Pouctal avec Léon Mathot et Huguette Duflos

Luc Froment (L. Mathot) un ingénieur idéaliste observe la vie misérable des ouvriers des acieries et décide de transformer leur vie en leur construisant des logements décents. Mais, ses changements ne seront pas du goût de ses concurrents qui feront tout leur possible pour lui barrer la route...

Cette adaptation d'un roman de Zola est une totale réussite par l'atmosphère et le foisonnement des personnages. Nous sommes plongés dans la France des ouvriers du XIXème siècle. Je n'ai vu, malheureusement, qu'une version réduite du film (2h30 au lieu de 8h); mais, malgré tout les personnages vivent et évoluent avec succès. La direction d'acteur est remarquable. Huguette Duflos, qui était si ennuyeuse dans L'Homme à l'Hispano, est ici excellente en Josine, une pauvre fille battue par son concubin alcoolique, Ragu (Camille Bert). Le tournage dans une acierie apporte un réalisme étonnant. Pouctal reste fidèle à l'esprit de Zola en décrivant la misère morale et sociale des ouvriers contrastée avec la richesse insolente des riches indolents. Parmi les nantis, on remarque Fernande (Claude Mérelle) qui est la maîtresse du propriétaire d'une acierie voisine. Son personnage est totalement noir. Pour conserver cette vie de privilège, elle ira jusqu'à se donner à l'ignoble Ragu pour le pousser au meurtre. Un film absolument remarquable. :D

La Xème Symphonie (1919) de Abel Gance avec Séverin-Mars, Emmy Lynn, Jean Toulout

Eve Dinant (E. Lynn) ne supporte plus la vie dépravée de son mari Fred Ryce (J. Toulout). Elle tue la soeur de Ryce qui la menaçait. Elle paye le silence de Ryce et divorce. Bien des années plus tard, remariée à un compositeur Enric Damor (Séverin-Mars), elle se retrouve face à face avec l'ignoble Ryce qui veut épouser sa belle-fille...

Nous sommes vraiment en plein mélodrame, pas flamboyant, mais extrêmement excessif ! Gance ne cherchait pas à manier les subtilités, mais, il recherche les personnages exacerbés. Toulout est ignoble à souhait. La scène de quasi viol avec Emmy Lynn semble avoir été inspirée par The Cheat (1915) de DeMille, jusque dans les éclairages. la musique est très importante dans le film et elle a ici été composée par Amaury du Closel. Il s'inspire largement de thèmes de Beethoven, Wagner et Strauss. Mais, bizarrement, il ne réussit pas à apporter cette unité stylistique que j'avais admirée dans sa partition pour Michel Strogoff. Un film très ambitieux que je ne trouve pas totalement réussi contrairement à La Roue.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Dbjerome »

Vous n'avez rien compris au travail fait sur l'image!!!! Pas un plan n'a été enlevé du montage original, les plans coupés par les cartons ont été recollés et ont retrouvé leurs longueurs d'origine, et certains plans ont été inversés de manière à pouvoir placer les sous-titres. La seule modification par rapport à la version originale qui durait 12 heures et qui n'a jamais été retrouvée (5 heures de cartons sur 12 heures) c'est le glissement de certaines fins d'épisodes de façon à avoir des épisodes de 26', seule condition pour obtenir le financement de cette énorme travail sur un film que vous n'auriez jamais pu voir autrement!!!! (Le projet étant aussi de retrouver une diffusion aussi populaire que le film original lors de sa diffusion: 800 copies tirées en 1922). Le véritable apport est la post-production numérique avec le travail de sonorisation et le sous-titrage dont les auteurs, héritiers directs de Henri Diamant-Berger et cinéastes eux-mêmes, revendiquent avec fierté la justesse et la beauté! Henri Diamant-Berger lui-même dans ses écrits, que vous méconnaissez bien sûr, souhaitait la disparition le plus rapidement possible des cartons qui cassaient le rythme des films. Je trouve vraiment triste que des gens comme vous, soit-disant amoureux du cinéma des origines, ayez des jugements aussi injustes et qui prouvent par dessus tout que vous n'avez pas attentivement regardé les documentaires qui accompagnent le film. Et comme disait un auteur de l'époque: "la critique est aux artistes ce que le mouchard est au soldat!"
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Re: Cinéma Muet Français

Message par cinephage »

Dbjerome a écrit :Vous n'avez rien compris au travail fait sur l'image!!!! Pas un plan n'a été enlevé du montage original, les plans coupés par les cartons ont été recollés et ont retrouvé leurs longueurs d'origine, et certains plans ont été inversés de manière à pouvoir placer les sous-titres. La seule modification par rapport à la version originale qui durait 12 heures et qui n'a jamais été retrouvée (5 heures de cartons sur 12 heures) c'est le glissement de certaines fins d'épisodes de façon à avoir des épisodes de 26', seule condition pour obtenir le financement de cette énorme travail sur un film que vous n'auriez jamais pu voir autrement!!!! (Le projet étant aussi de retrouver une diffusion aussi populaire que le film original lors de sa diffusion: 800 copies tirées en 1922). Le véritable apport est la post-production numérique avec le travail de sonorisation et le sous-titrage dont les auteurs, héritiers directs de Henri Diamant-Berger et cinéastes eux-mêmes, revendiquent avec fierté la justesse et la beauté! Henri Diamant-Berger lui-même dans ses écrits, que vous méconnaissez bien sûr, souhaitait la disparition le plus rapidement possible des cartons qui cassaient le rythme des films. Je trouve vraiment triste que des gens comme vous, soit-disant amoureux du cinéma des origines, ayez des jugements aussi injustes et qui prouvent par dessus tout que vous n'avez pas attentivement regardé les documentaires qui accompagnent le film. Et comme disait un auteur de l'époque: "la critique est aux artistes ce que le mouchard est au soldat!"
Je suppose que ce "cri du coeur" a jailli en réponse du post suivant :
allen john a écrit :
bruce randylan a écrit : TF1 avait aussi sortie l'intégral 3 mousquetaires de Henri Diamant-Berger dans un beau coffret 3 DVD aujourd'hui épuisé :cry:
Celui-ci, je l'ai, et je dois dire que j'ai fait exprès de l'oublier: un beau coffret, certes, mais c'est plein d'incohérences, à commencer par ce documentaire dans lequel Jérome Diamant-Berger explique pourquoi le film a été remonté: personne aujourd'hui n'a envie de voir du muet, alors il fallait transformer le film en film parlant. Sinon, lors du remontage, des plans ont été éliminés, en particulier des gros plans, devenus inutiles à cause du commentaire. Les plans-séquences ont été privilégiés, au détriment de séquences complexes, au prétexte qu'il s'agissait de cinéma des origines! Le pompon, pour moi, c'est la séquence durant laquelle le par ailleurs très talentueux chef-op Darius Khondji fait part de sa surprise à l'issue de la vision d'un extrait du film: il vient de voir une scène très bien éclairée, avec des lumières complexes, et une bonne définition, dans un film muet! On n'a jamais vu ça! Donc, contrairement à tout le reste du cinéma muet, Diamant-Berger était un génie. Et puis pourquoi faire un film en 14 épisodes avec un film en 12 épisodes? Por satisfaire les exigences des chaines partenaires? :evil: bon, j'arrête de râler, mais ce coffret est un gâchis permanent, pour un film certes sympathique, mais qui n'en vaut pas la peine.
Il conviendra de laisser Allen John répondre lui même à cette prise à partie.

Néanmoins, il me parait nécessaire de préciser quelques points à cet internaute furieux :

- Nous sommes sur un forum, où chacun échange avec d'autres ses impressions personnelles. Il n'y a pas ici de critique au sens professionnel du terme, mais des passionnés qui se donnent des avis hautement subjectifs, et revendiqués comme tels. Je veux croire que, par votre citation, vous n'alliez pas jusqu'à suggérer que nul n'a le droit d'émettre un avis concernant une oeuvre, sinon l'artiste lui-même (si tel n'était pas le cas, fuyez vite ce forum, où toutes sortes de gens font sans cesse usage de leur sens critique et le partagent avec autrui, les vils mouchards).

- Ceci étant posé, un internaute fait ici part du peu de satisfaction qu'a éveillé en lui le coffret en question. Certes, il n'a peut-être pas bien saisi certains des enjeux des documentaires contenus dans le-dit coffret. Néanmoins, avant d'exploser en reproches, on pourrait se dire que c'est aux documentaires d'être clairs, et non à l'amateur d'en saisir des enjeux manifestement non évidents (surtout s'il faut avoir lu les oeuvres complètes du cinéaste pour apprécier le documentaire à sa juste valeur). A tout le moins, ces documentaires sont donc porteurs d'une faiblesse pédagogique, que votre dernière intervention ne vient certainement pas compenser.

- Vous êtes en revanche bienvenu ici pour défendre les choix qui ont accompagné ce travail de restauration, à condition d'un minimum de cordialité dans les échanges. Sachant que les amateurs de muet ont tendance à fuir les restaurations trop "radicales", à préférer les cartons d'époque à une restauration sonore, une clarification de votre démarche me parait plus qu'appréciable, et je ne saurais trop vous inciter à profiter de ce droit de réponse pour nous informer plutôt que de nous faire des reproches.

- Enfin, si c'est en tant que responsable de la restauration, ou d'ayant-droit, ou toute autre situation vous liant d'une façon ou d'une autre à ce coffret, une présentation pourrait être une bonne idée, que nous sachions à quel titre vous exprimez l'avis ci-dessus.

Au plaisir de vous lire :wink:
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Cinéma Muet Français

Message par allen john »

Dbjerome a écrit :Vous n'avez rien compris au travail fait sur l'image!!!! Pas un plan n'a été enlevé du montage original, les plans coupés par les cartons ont été recollés et ont retrouvé leurs longueurs d'origine, et certains plans ont été inversés de manière à pouvoir placer les sous-titres. La seule modification par rapport à la version originale qui durait 12 heures et qui n'a jamais été retrouvée (5 heures de cartons sur 12 heures) c'est le glissement de certaines fins d'épisodes de façon à avoir des épisodes de 26', seule condition pour obtenir le financement de cette énorme travail sur un film que vous n'auriez jamais pu voir autrement!!!! (Le projet étant aussi de retrouver une diffusion aussi populaire que le film original lors de sa diffusion: 800 copies tirées en 1922). Le véritable apport est la post-production numérique avec le travail de sonorisation et le sous-titrage dont les auteurs, héritiers directs de Henri Diamant-Berger et cinéastes eux-mêmes, revendiquent avec fierté la justesse et la beauté! Henri Diamant-Berger lui-même dans ses écrits, que vous méconnaissez bien sûr, souhaitait la disparition le plus rapidement possible des cartons qui cassaient le rythme des films. Je trouve vraiment triste que des gens comme vous, soit-disant amoureux du cinéma des origines, ayez des jugements aussi injustes et qui prouvent par dessus tout que vous n'avez pas attentivement regardé les documentaires qui accompagnent le film. Et comme disait un auteur de l'époque: "la critique est aux artistes ce que le mouchard est au soldat!"
Bonjour!
Je n'ai, peut-être, rien compris au travail fait sur l'image. Comme l'a fort bien dit un autre des "forumeurs", c'est un avis personnel, avec le droit de me tromper.
Vous subodorez que je n'ai pas lu les souvenirs du cinéaste, eh bien c'est vrai. Mais s'il ne souhaitait pas qu'on respecte les intertitres de ses films, on n'est pas obligé de le suivre. je suis terriblement borné et conservateur: la preuve, je n'aime pas la colorisation des Enfants du Paradis(Avec la bénédiction de Carné) ou le remontage des films de Chaplin par Chaplin. Mais restons-en aux Trois Mousquetaires, que j'ai revus récemment pour un travail autour de l'image de Richelieu. Vous avez pris à coeur mes critiques, je vais donc reprendre les choses à leur commencement: tout est parti de mon avis négatif sur le documentaire. Tout commence lorsque l'un des protagonistes, Guillaume diamant-Berger, monteur, dit (A 4 mn et 15 secondes) ceci:
"C'est vrai que je ne m'attendais pas avec un film de 1921, donc un film qui avait presque 80 ans, (...) à tant de modernité, à autant de rythme et à autant de dynamisme dans l'image" . j'admets avoit tiqué et m'être dit (Là encore, j'ai le droit de me tromper y compris lorsque j'exprime une conviction profonde): bon, eh bien voilà quelqu'un qui ne connait pas le cinéma muet.

Ensuite, Jérome Diamant-Berger (Tout aussi enthousiaste du reste), parle je cite de "Ce désir de créer quelque chose de moderne. Bon, c'est vrai que le cinéma muet,(...) ça m'ennuie en tant que spectateur [ou] téléspectateur, ça m'ennuie assez profondément (...) on a donc décidé de trouver des idées nouvelles pour présenter ce film" L'idée principale des Diamant-Berger, ici, est de rendre hommage à l'illustre ancêtre, en actualisant la présentation du film. Mais si le choix fait correspond à quelque chose d'existant (Les sous-titres, on en consomme tous sur ce forum), je maintiens qu'il s'agit d'une trahison, tout comme l'étaient les sous-titres de Metropolis façon Moroder ou les insupportables (Selon moi, je pense qu'ils ont, hélas, leurs fans) commentaires de Chaplin sur La ruée vers l'or. Mais j'estime qu'on ne peut pas considérer comme respectueux le fait de dire: j'aime pas le muet, donc le film du grand-père, on va lui mettre des sous-titres comme ça cela sera moins ennuyeux.

Revenons au monteur, qui nous dit plus tard, à 26 minutes, ceci: "J'ai eu un travail à faire qui était un travail de fourmi (...) il y avait des images qui avaient de la moisissure(...), et il yen avait d'autre ou il y avait de la déformation(...) bref, j'ai enlevé toutes les images qui avaient des défauts." Ce n'est donc pas moi qui l'invente. Vous avez le droit de le faire, mais j'ai tout aussi le droit de dire que ca ne se fait pas. Petite anecdote: lorsque Renée Lichtig a restauré le film Casanova, de Alexandre Volkoff, elle l'a présenté à un Kevin Brownlow enthousiaste, qui a vu un éclair de couleur très bien placé dans une scène de fête, et a aussitot demandé à la restauratrice si c'était de son invention, ou si ca venait de Volkoff. Elle a répondu: "non, bien sur, c'est Volkoff's touch (Sic)... je ne me serais jamais permis." Voilà ce que je reproche à cette restauration. C'est Diamant-Berger's touch, oui, mais pas Henri. Je pourrais également vous citer votre dernier message: "les plans coupés par les cartons ont été recollés et ont retrouvé leurs longueurs d'origine". Dans un film muet, il est normal, attendu et souhaitable que les cartons, ou intertitres coupent les plans. C'est comme ça, tout comme les compositeurs savent fort bien que les bruitages et les dialogues vont intérférer avec leur partition dans les films actuels.

Sinon, le documentaire reste intéressant pour comprendre le parcours du combattant qu'est un travail de restauration. je l'ai peut-être mal regardé, mais je l'ai mal vu 6 fois. Si décidément je n'y ai rien compris, je le concède, c'est que je suis un cas désespéré. Vous dites vous-même que le remontage était nécessaire pour satisfaire les exigences des chaînes, ce n'était donc pas une spéculation malheureuse de ma part. Pour finir, et en ajoutant que je vous remercie d'avoir souhaité rendre le film au public, ce dont personne ne conteste la légitimité, je regrette de devoir insister: la critique, surtout comme peut l'être celle que nous pratiquons dans cet espace de liberté, est inévitable: vous êtes, le DVD le prouve assez, fier de cette restauration. Très bien. Pour ma part, j'estime que les choix que vous avez opérés n'étaient pas les bons. la façon dont vous présentez (Dans un documentaire qui est justement consacré à cette restauration) vos intentions me confirme dans mon idée négative. Je n'ai nullement l'intention de vous nuire, de vous être désagréable, ou de dénigrer inutilement un film dont je pense qu'il n'est en aucun cas un chef d'oeuvre. Vous avez donné au public une version personnelle d'un film, j'ai vu le film, j'ai donné ma vision des choses, et l'ai partagée avec d'autres forumeurs ...Voila comment nous fonctionnons: revenez donc sur ce forum quand vous voulez, vous y êtes le bienvenu.
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

La Cinémathèque Française vient de mettre en ligne une exposition virtuelle sur la Compagnie Albatros:
http://www.cinematheque.fr/expositions- ... albatros/#
Il y a des extraits videos en ligne, des photos et des biographies des principaux artistes de la compagnie dont Ivan Mosjoukine.
Si vous voulez en savoir plus sur les films de cette compagnie créée par des russes blancs, allez y faire un tour.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par allen john »

Ann Harding a écrit :La Cinémathèque Française vient de mettre en ligne une exposition virtuelle sur la Compagnie Albatros:
http://www.cinematheque.fr/expositions- ... albatros/#
Il y a des extraits videos en ligne, des photos et des biographies des principaux artistes de la compagnie dont Ivan Mosjoukine.
Si vous voulez en savoir plus sur les films de cette compagnie créée par des russes blancs, allez y faire un tour.
Merci pour le lien, Ann! il était temps que la CF fasse quelque chose avec ce fonds. Je vais y passer du temps... :D
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

J'ai eu la chance de voir plusieurs muets français récemment grâce aux collections numérisées du CNC disponibles à la BNF.

Le Miracle des Loups (1924) de Raymond Bernard avec Yvonne Sergyl, Romuald Joubé, Charles Dullin et Vanni-Marcoux
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En 1461, le roi Charles VII meurt et le dauphin Louis monte sur le trône. Louis XI (C. Dullin) doit affronter son puissant vassal Charles le Téméraire (Vanni-Marcoux). Jeanne Fouquet (Y. Sergyl), la filleule du roi, est amoureuse de Robert Cottereau (R. Joubé). Mais, il est un ami de Charles...

Cette superproduction française avait été présentée pour la première fois à l'Opéra de Paris en 1924. Il s'agit réellement d'un film épique avec des scènes de bataille monumentales: celle de Montlhéry et le siège de Beauvais. Raymond Bernard dispose de moyens importants avec une foule de figurants, une distribution de premier ordre et des lieux de tournage prestigieux : Carcassone. La copie restaurée récemment pour Gaumont (pour les détails, cliquez Ici) est superbe: teintée et bien plus belle que les photogrammes ci-dessus. Le film enchaîne les scènes intimistes: Jeanne et Robert Cottereau flirtant par-dessus un mur à des scènes historiques où Louis XI se moque de Charles en public, provoquant sa fureur. Et il y a bien sûr, les grandes scènes de bataille où nous suivons les fatassins avec une caméra tenue à la main et nous voyons les épées transpercer le flanc des soldats. La scène avec les loups est également terrifiante. Jeanne est protégé par une meute alors qu'elle tente d'échaper à l'affreux Sire de Châteauneuf (Gaston Modot). Le film se termine en apothéose avec le siège de Beauvais lors duquel la douce Jeanne devient une guerrière sous le nom de 'Jeanne Hachette'. Telle une Jeanne d'Arc, elle affronte les bourguignons avec violence. Voilà un spectacle somptueux, qui doit être encore plus impressionnant sur grand écran avec la musique originale composée par Henri Rabaud. La partition qu'il avait écrite pour Le Joueur d'Echecs de Raymond Bernard étant une oeuvre remarquable, on espère qu'un jour ce film sera disponible lui aussi en DVD avec la musique originale.

Les Gaîtés de l'Escadron (1913) de Maurice Tourneur

Il s'agit de la première version de la pièce de Georges Courteline réalisée par Maurice Tourneur. Il en tournera une autre -toute aussi drôle- en 1932. mais, celle-ci se révèle un petit bijou de drôlerie. Nous sommes seulement en 1913 et Tourneur fait déjà preuve d'une inventivité remarquable. Les pitreries des troufions de cet escadron sont soulignées par les clins d'oeil à la caméra. Mais sans aucun excès, cela rappelle les regards désabusés d'un Oliver Hardy (à l'époque, Laurel et Hardy ne se sont pas encore rencontres!). Les décors sont encore des toiles peintes, mais bien réalisées. Mais, l'humour de la réalisation n'a pas vieilli. L'arrivée d'une nouvelle recrue, issue du beau monde, crée des situations hilarantes. Les deux rigolos Laplote et Fricot ainsi que le dénommé Potiron s'en donnent à coeur joie. Le films se clôt sur un clin d'oeil -délicieux- aux spectateurs. Le général remarque un livre caché dans la ceinture d'un soldat. Il se révèle être 'Les Gaîtés de l'Escadron' de G. Courteline!!! :uhuh: Délicieux.
julien
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Re: Cinéma Muet Français

Message par julien »

Ann Harding a écrit :Voilà un spectacle somptueux, qui doit être encore plus impressionnant sur grand écran avec la musique originale composée par Henri Rabaud.
Mais dans la copie que tu as visionné, elle y était la Musique Originale de Rabaud ? J'ai pas bien compris. En tout cas c'est une bonne nouvelle que le film ait pu être restauré.
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

julien a écrit :
Ann Harding a écrit :Voilà un spectacle somptueux, qui doit être encore plus impressionnant sur grand écran avec la musique originale composée par Henri Rabaud.
Mais dans la copie que tu as visionné, elle y était la Musique Originale de Rabaud ? J'ai pas bien compris. En tout cas c'est une bonne nouvelle que le film ait pu être restauré.
Malheureusement non, c'était une copie muette. La musique de Rabaud n'a jamais été enregistrée.
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