Fleur d'oseille (1967)
Dans la foulée de
La Grande Sauterelle, qui m'avait quelque peu déçu, Lautner donne à nouveau le premier rôle d'un de ses films à Mireille Darc. cette fois ci, je trouve le film bien plus réussi. D'abord parce que le scénario est mieux pensé, même s'il est probablement plus conventionnel, ensuite parce que l'actrice y est bien mieux utilisée. En insistant sur sa douceur, Lautner en fait un personnage éthéré, flottant dans le film comme si elle venait de tomber du jardin d'eden - ce qui justifie quelques scènes dénudées du meilleur aloi
- et devenant un personnage très chargé en émotion, entre son deuil, l'enfant qu'elle ne parvient pas a élevé, et ses rêves qui se sont envolés. Cette émotion, Lautner s'empresse bien évidement de ne pas la souligner, de ne pas insister là dessus et se réfugie dans le rire. Il a convoqué pour cela un Audiard au meilleur de sa forme, et un casting réjouissant, à commencer par Anouk Ferjac, pendant parfait de Mireille Darc, et suivi d'un défilé de tronches, en tête desquelles Paul Preboist, formidable de bizarrerie et André Pousse remarquable dans un de ses premiers rôles.
Ce qui me réjouit tout particulièrement chez Lautner, c'est son soucis de l'esthétique, qu'il n'oublie jamais au prétexte qu'il ne tourne que des comédies; on retrouve donc une admirable photographie, dirigée par son complice Maurice Fellous, dans des décors admirablement choisis, notamment dans toute la seconde partie, ressemblant à une version comique de Fort Alamo. C'est dans ce décor que l'on assistera au siège nocturne de la maison ou Mireille Darc et Anouk Ferjac son retirées par le gang de Pousse, sur une lumière rougeoyante et sur les quelques magnifiques notes du thème principal jouées à l'harmonica - par parenthèse, la B.O. est très simple mais très belle - la plus belle scène du film. Une nouvelle fois d'ailleurs, l'émotion y point juste ce qu'il faut, avant d'être cassée par une réplique magnifique.
Sans avoir l'air d'y toucher, et sans jamais insister, Lautner livre un film aussi drôle qu'émouvant. Sans philosopher, sans se "prendre la tête", on réfléchit tout de même à la destinée de cette femme, mère et veuve, et on est ému, avant de rire joyeusement!
Federico a écrit :
Oui, euh bon, disons que dans sa meilleure période (du moins pour les films que je connais), Lautner a su s'élever au rang des meilleurs réalisateurs du cinéma populaire et/ou de divertissement, ce qui n'est déjà en soi pas rien car la comédie est un art difficile. Pour ma part, je mettrai Oury juste un cran au-dessus parce qu'il a su mettre (même si c'était parfois naïf) un peu plus de réflexion et d'humanisme derrière la façade de la farce et tout en haut de l'échelle un Philippe de Broca pour sa poésie et son esprit BD.
Je suis moins touché par Oury ou De Broca. J'aime beaucoup ce qu'ils font, mais je place Lautner au dessus par l'attention qu'il porte à l’esthétique de ses films, par le sérieux de son travail lorsqu'il s'agit de faire rire, comme c'est le cas dans Fleur d'Oseille.
Puisqu'on en parle en ce moment, je trouve que le premier à avoir réellement repris le flambeau de cette attitude, c'est Michel Hazanivicius, j’espère que la suite de sa filmographie sera à la hauteur.
Une chose est sure en tout cas,
Fleur d'oseille conforte Lautner sur le modeste piédestal que j'aime à lui dresser.